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Diario, pour piano seul, de Heber Schuenemann : du déchiffrage de l'oeuvre à son interprétation : démarche et réflexions d'une pianiste

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Academic year: 2021

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Texte intégral

(1)

Diário, pour piano seul, de Heber Schuenemann.

Du déchiffrage de l’œuvre à son interprétation : démarche et réflexions

d’une pianiste

Thèse

Alla Dadaian

Doctorat sur mesure

en études pédagogiques et pratiques musicales instrumentales

Philosophiae doctor (Ph.D.)

Québec, Canada

© Alla Dadaian, 2016

(2)

Diário, pour piano seul, de Heber Schuenemann.

Du déchiffrage de l’œuvre à son interprétation : démarche et réflexions

d’une pianiste

Thèse

Alla Dadaian

Sous la direction de :

(3)

Résumé

Cette thèse porte sur la recherche-création ayant menée à l’apprentissage et l’exécution publique de Diário, œuvre pour piano du compositeur brésilien Heber Schuenemann (né en 1971). Dans ce cycle, qui comprend 23 courtes pièces, le compositeur explore la notion de « hasard », propre à la musique aléatoire. Il utilise également des techniques de composition s’apparentant au sérialisme et au minimalisme. Après avoir présenté les principales caractéristiques des courants musicaux propres à l’œuvre, la chercheuse-pianiste procède à une analyse de l’œuvre, décrivant la structure et les techniques de composition de chaque pièce. Par la suite, elle décrit sa propre démarche d’interprète – du déchiffrage de l’œuvre à sa prestation publique et à son enregistrement en studio – et elle commente son expérience à la lumière de la littérature pertinente. Sont abordées, notamment, les difficultés inhérentes au déchiffrage d’une œuvre atonale et les diverses étapes menant à l’identification de ses éléments structuraux; les difficultés relatives à la technique pianistique; l’importance du regroupement d’unités et de l’acquisition d’automatismes corporels; la définition de l’image artistique. Des pistes pédagogiques favorisant l’enseignement et l’apprentissage de l’œuvre sont également présentées.

(4)

iv Abstract

This thesis reports on a research-creation focused on learning and public performance of the cycle Diário, a piano work by Brazilian composer Heber Schuenemann (born in 1971). In this cycle, which includes 23 pieces, the composer explores the notion of chance, specific to the indeterminate (aleatory) music, and uses the compositional techniques comparable to the serialism and the minimalism. After presenting main features of musical styles of the cycle, the researcher-pianist proceeds to the analysis of the cycle, describing the structure and the technique of composition of each piece. Thereafter, the author describes her own approach of an interpreter, from the deciphering the work to its public performance and studio recording, commenting on her experience in the light of the relevant literature. In particular, the author examines the difficulties in deciphering an atonal work and various steps leading to the identification of its structural elements. In addition, the author focuses on the definition of the artistic image, the difficulties related to the piano technique, the combination of units, and the acquisition of automatisms. Educational means promoting the teaching and learning of the work are also presented.

(5)

Table des matières

Résumé ... iii

Abstract ... iv

Table des matières... v

Liste des exemples ... ix

Liste des tableaux ... xi

Liste des figures ... xii

Remerciements ... xiii

Avant-Propos ... xiv

Introduction ... 1

Chapitre 1. Le XXe siècle ... 3

1.1 Début du XXe siècle : atonalité ... 3

1.1.1 Sérialisme ... 4

1.1.2 Sérialisme intégral ... 6

1.1.3 Importance du sérialisme ... 7

1.2 Musique aléatoire ou indéterminée ... 8

1.2.1 Types de la musique aléatoire ... 10

1.2.2 Interprètes de la musique aléatoire ... 14

1.3 Minimalisme ... 15

1.4 Conclusion ... 16

Chapitre 2. Diário : analyse formelle et analyse des techniques de composition de l’œuvre ... 19

2.1 Introduction ... 19

2.2 Analyse formelle du Diário ... 22

2.2.1 Um dia de junho ... 22

2.2.1.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 22

2.2.1.2 Structure ... 24

2.2.1.3 Difficultés d’apprentissage ... 25

2.2.2 Outro dia de junho ... 26

2.2.2.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 26

2.2.2.2 Structure ... 27

2.2.2.3 Difficultés d’apprentissage ... 27

2.2.3 Mais um dia de junho ... 27

2.2.3.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 27

2.2.3.2 Structure ... 28

(6)

vi

2.2.4 A prova ... 29

2.2.4.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 29

2.2.4.2 Structure ... 31

2.2.4.3 Difficultés d’apprentissage ... 31

2.2.5 Jantar, festa, uma pousada e uma lareira ... 31

2.2.5.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 31

2.2.5.2 Structure ... 32

2.2.5.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 32

2.2.6 UAUH!!!! ... 33

2.2.6.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 33

2.2.6.2 Structure ... 35

2.2.6.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 35

2.2.7 Depois daqueles dias de junho ... 36

2.2.7.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 36

2.2.7.2 Structure ... 37

2.2.7.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 38

2.2.8 Abalada – a balada ... 39

2.2.8.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 39

2.2.8.2 Structure ... 41

2.2.8.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 41

2.2.9 ??? ... 41

2.2.9.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 41

2.2.9.2 Structure ... 43

2.2.9.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 43

2.2.10 … … …. ... 44

2.2.10.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 44

2.2.10.2 Structure ... 45

2.2.10.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 45

2.2.11 !!!!... 46

2.2.11.1 Technique de composition : ses éléments principaux ... 46

2.2.11.2 Structure ... 47

2.2.11.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 47

2.2.12 7 de julho ... 48

2.2.12.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 48

2.2.12.2 Structure ... 49

2.2.12.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 49

2.2.13 A festa de sempre livre e facada do CD ... 49

2.2.13.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 49

2.2.13.2 Structure ... 51

2.2.13.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 52

(7)

2.2.14.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 52

2.2.14.2 Structure ... 53

2.2.14.3 Difficultés d’apprentissage et d’exécution ... 54

2.2.15 Navegando pela internet ... 55

2.2.15.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 55

2.2.15.2 Structure ... 58

2.2.15.3 Difficultés d’apprentissage et d’exécution ... 58

2.2.16 ...Telefone x correio... ... 59

2.2.16.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 59

2.2.16.2 Structure ... 60

2.2.16.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 60

2.2.17 Um dia comum ... 61

2.2.17.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 61

2.2.17.2 Structure ... 63

2.2.17.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 64

2.2.18 O passeio ... 64

2.2.18.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 64

2.2.18.2 Structure ... 65

2.2.18.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 66

2.2.19 Filmes (2) ... 66

2.2.19.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 66

2.2.19.2 Structure ... 68

2.2.19.3 Difficultés d’apprentissage et d’exécution ... 68

2.2.20 Dia de descanso ... 68

2.2.20.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 68

2.2.20.2 Structure ... 69

2.2.20.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 70

2.2.21 Quebra-cabeça ... 70

2.2.21.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 70

2.2.21.2 Structure ... 73

2.2.21.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 74

2.2.22 Estamos sozinhos? ... 75

2.2.22.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 75

2.2.22.2 Structure ... 76

2.2.22.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution ... 76

2.2.23 Nos perdemos novamente ... 76

2.2.23.1 Technique de composition : ses principaux éléments ... 77

2.2.23.2 Structure ... 78

(8)

viii

Chapitre 3. Du déchiffrage de l’œuvre à son interprétation : réflexions sur ma

démarche ... 80 3.1 Image artistique ... 80 3.2 La lecture de la partition ... 81 3.3 Le déchiffrage ... 82 3.4 Le regroupement d’unités ... 85 3.5 L’analyse formelle ... 88 3.6 L’interprétation musicale ... 89 3.7 La prestation publique ... 90 3.8 Enregistrement en studio... 92

Chapitre 4. Démarche pédagogique : quelques pistes ... 93

Conclusion ... 98

Références ... 100

Annexes ... 104

Annexe no 1 ... 105

Programme du récital du 27 mars 2014 ... 105

Annexe no 2 ... 111

Heber Schuenemann : notes biographiques ... 111

Annexe no 3 ... 113

Enregistrement audiovisuel de la prestation de Diário lors du récital du 27 mars 2014. ... 113

Annexe no 4 ... 114

Niveau de difficulté des pièces (du plus facile au plus difficile) ... 114

Annexe no 5 ... 115

(9)

Liste des exemples

Exemple 1. Pièce Um dia de junho, mes. 1-4. ... 22

Exemple 2. Pièce Um dia de junho, mes. 6-14. ... 24

Exemple 3. Pièce Um dia de junho, mes. 15-20. ... 25

Exemple 4. Pièce Outro dia de junho, mes. 1. ... 26

Exemple 5. Pièce Outro dia de junho, mes. 1-5. ... 27

Exemple 6. Pièce Mais um dia de junho, mes. 1-6. ... 28

Exemple 7. Pièce Mais um dia de junho, mes. 7. ... 28

Exemple 8. Pièce A prova, mes. 1-3. ... 30

Exemple 9. Pièce UAUH!!!!, éléments 1 et 2. ... 33

Exemple 10. Pièce UAUH!!!!, élément 3, portée du haut... 34

Exemple 11. Pièce UAUH!!!!, élément 3, portée du bas. ... 34

Exemple 12. Pièce Depois daqueles dias de junho, mes. 1-4. ... 36

Exemple 13. Pièce Depois daqueles dias de junho, mes. 5-8. ... 38

Exemple 14. Pièce Depois daqueles dias de junho, mes. 9 -10. ... 38

Exemple 15. Pièce Abalada – a balada, mes. 1-2. ... 40

Exemple 16. Pièce Abalada – a balada, mes. 20-21. ... 40

Exemple 17. Pièce Abalada – a balada, mes. 2. ... 40

Exemple 18. Pièce ???, mes. 1... 42

Exemple 19. Pièce ???, mes. 2-3. ... 42

Exemple 20. Pièce ???, mes. 4... 42

Exemple 21. Pièce ???, mes. 5-7. ... 42

Exemple 22. Pièce ???, mes. 8-10. ... 43

Exemple 23. Pièce ..., mes. 1. ... 45

Exemple 24. Pièce ..., mes. 1-4. ... 45

Exemple 25. Pièce !!!!!, mes. 1. ... 46

Exemple 26. Pièce 7 de julho, mes. 1-3. ... 48

Exemple 27. Pièce A festa de sempre livre e facada do CD, mes. 1-4. ... 51

Exemple 28. Pièce A festa de sempre livre e facada do CD, mes. 10. ... 51

Exemple 29. Pièce 16 horas 48 minutos e 51 segundos, mes. 1. ... 53

Exemple 30. Pièce 16 horas 48 minutos e 51 segundos, mes. 2. ... 53

Exemple 31. Pièce Navegando pela internet, mes. 1-2. ... 56

Exemple 32. Pièce Navegando pela internet, mes. 8. ... 56

Exemple 33. Pièce Navegando pela internet, mes. 3-4, répétition deux fois de la série no 1. ... 57

Exemple 34. Pièce Navegando pela internet, mes. 5-6, répétition de la série no 1 incomplète. ... 57

(10)

x

Exemple 36. Pièce Navegando pela internet, mes. 9-10. ... 58

Exemple 37. Pièce Navegando pela internet, mes. 12. ... 58

Exemple 38. Pièce ...Telefone x correio..., mes. 1... 59

Exemple 39. Pièce ...Telefone x correio..., mes. 10. ... 60

Exemple 40. Pièce Um dia comum, mes. 1-4... 62

Exemple 41. Pièce Um dia comum, mes. 8-10. ... 62

Exemple 42. Pièce Um dia comum, mes. 1-3... 63

Exemple 43. Pièce Um dia comum, mes. 5-6... 63

Exemple 44. Pièce O passeio, mes. 1-2. ... 65

Exemple 45. Pièce O passeio, mes. 10. ... 65

Exemple 46. Pièce Filmes (2), mes. 1-2. ... 67

Exemple 47. Pièce Filmes (2), mes. 3-4. ... 67

Exemple 48. Pièce Filmes (2), mes. 5-6. ... 67

Exemple 49. Pièce Dia de descanso, mes. 1-10. ... 69

Exemple 50. Pièce Quebra-cabeça, élément 1, mes. 1. ... 71

Exemple 51. Pièce Quebra-cabeça, élément 2, mes. 2. ... 71

Exemple 52. Pièce Quebra-cabeça, élément 3, mes. 3. ... 72

Exemple 53. Pièce Quebra-cabeça, élément 4, mes. 7. ... 72

Exemple 54. Pièce Quebra-cabeça, élément 5, mes. 16. ... 72

Exemple 55. Pièce Quebra-cabeça, variante de l’élément 1, mes. 9. ... 72

Exemple 56. Pièce Quebra-cabeça, variante de l’élément 3, mes. 5. ... 73

Exemple 57. Pièce Quebra-cabeça, variante de l’élément 4, mes. 19. ... 73

Exemple 58. Pièce Estamos sozinhos. ... 76

Exemple 59. Pièce Nos perdemos novamente, mes. 1-2... 77

Exemple 60. Nos perdemos novamente, mes. 4-5. ... 77

Exemple 61. Pièce Nos perdemos novamente, mes. 10. ... 78

Exemple 62. Pièce Abalada – a balada, ostinato (mes. 1-2, portée du bas) et syncopes (mes. 2, portée du haut) ... 83

Exemple 63. Pièce Uma dia comum, mes. 1-2. ... 83

Exemple 64. Pièce A prova, mes. 1-2. ... 83

Exemple 65. Pièce A festa do sempre livre e a facada do CD, mes. 1-4. ... 84

Exemple 66. Pièce Estamos sozinhos? ... 85

Exemple 67. Pièce UAUH!!!! ... 86

Exemple 68. Pièce UAUH!!!!, portée du haut, premier extrait. ... 86

Exemple 69. Pièce UAUH!!!!, portée du bas, premier extrait. ... 87

Exemple 70. Pièce UAUH!!!!, deuxième formule et troisième formule. ... 88

Exemple 71. Extrait de la pièce Navegando pela internet, portée du haut, mes. 1-2. ... 95

Exemple 72. Extrait de la pièce Navegando pela internet, portée du bas, mes. 1. ... 96

(11)

Liste des tableaux Tableau 1. Pièce no 1………22 Tableau 2. Pièce no 2………26 Tableau 3. Pièce no 3………27 Tableau 4. Pièce no 4………29 Tableau 5. Pièce no 5………31 Tableau 6. Pièce no 6………33 Tableau 7. Pièce no 7…….………...36 Tableau 8. Pièce no 8………39 Tableau 9. Pièce no 9………41 Tableau 10. Pièce no 10……..…..………..…………..44 Tableau 11. Pièce no 11………..…………..46 Tableau 12. Pièce no 12………..………..………..…………..48 Tableau 13. Pièce no 13………..…………..49 Tableau 14. Pièce no 14…..………...……...……..…………..52 Tableau 15. Pièce no 15………..………..………..…………..55 Tableau 16. Pièce no 16..………..………...……….59 Tableau 17. Pièce no 17……...……… 61 Tableau 18. Pièce no 18…..……….……… 64 Tableau 19. Pièce no 19………..…….……….66 Tableau 20. Pièce no 20……..………..………... 68 Tableau 21. Pièce no 21…..……….……… 70 Tableau 22. Pièce no 22……..……….……… 75 Tableau 23. Pièce no 23………...……… 76

(12)

xii Liste des figures

(13)

Remerciements

Je tiens à remercier tout spécialement ma directrice de recherche, madame Louise Mathieu, pour son soutien indéfectible et la qualité de son encadrement prodigués tout au long de mes études doctorales. Je remercie également madame Josée Vaillancourt, membre de mon comité de thèse, et monsieur Maurice Laforest, mon professeur de piano, pour leurs judicieux conseils.

Je remercie monsieur Michel Ducharme, professeur, et madameMonique Lépinay, agente de gestion des études, qui m’ont aidée dans mon parcours.

Je remercie sincèrement monsieur Heber Schuenemann, compositeur, qui a suscité ma curiosité musicale et qui m’a accordée son aide précieuse au cours du projet.

Et enfin, je remercie monsieur Alciomar Oliveira, mon mari, qui m’a soutenue sans relâche tout le long de mes études doctorales.

(14)

xiv Avant-Propos

La présente thèse s’inscrit dans un projet doctoral en études pédagogiques et pratiques musicales instrumentales; elle est complémentaire à une série de cours et à deux récitals donnés dans le cadre de la réalisation d’un doctorat. Elle est spécifiquement liée à l’œuvre de Heber Schuenemann, intitulée Diário. Cette œuvre a été présentée lors du récital du 27 mars 2014 qui a porté sur divers courants de la musique du XXe siècle et qui s’est intéressé à deux facettes du métier de pianiste : l’interprétation d’œuvres pour piano seul et l’interprétation d’œuvres de musique de chambre. Le programme complet de ce récital est présenté à l’annexe 1.

Ce projet doctoral (récital et thèse) forme un ensemble cohérent présenté en vue de l’obtention du grade de Philosophiae doctor (Ph.D.).

(15)

Introduction

Notre oreille est habituée à certaines règles, elle est en général assez conservatrice et elle préfère ce qui lui est familier. La plupart des musiciens professionnels et des mélomanes amateurs ont un penchant pour la musique baroque, classique et romantique. Cela peut s’expliquer par le fait que l’enfant commence l’apprentissage de la musique avec du répertoire tiré de ces époques. Plus tard, le jeune musicien se concentre sur le même type de répertoire, car les programmes d’études musicales – particulièrement pour les pianistes – comprennent habituellement des œuvres de Jean-Sébastien Bach, de Wolfgang AmadeusMozart, de Ludwig van Beethoven, ainsi que des œuvres romantiques du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Ces œuvres musicales forment le goût des futurs musiciens; conséquemment, n’étant pas incluse dans leur formation, la musique appartenant à d’autres époques leur est souvent incomprise.

Mon tout premier contact avec la musique « nouvelle » a eu lieu en 2001, lors de ma participation comme pianiste à la Rencontre des compositeurs de l’Amérique Latine1, à Porto Alegre, au Brésil. J’avais alors complété ma formation musicale, et cette première expérience avec la musique de compositeurs contemporains a été pour moi surprenante, voire quelque peu déstabilisante. Je n’étais pas habituée à jouer ce type de musique, les pièces les plus contemporaines que j’avais jouées jusqu’alors étaient celles de Sergueï Prokofiev (1891-1953) et de Dmitri Chostakovitch (1906-1975)2.

Plus tard, de 2003 à 2005, outre les œuvres du répertoire traditionnel, j’ai interprété de nombreuses œuvres du XXe siècle lors de récitals de musique de chambre donnés dans le cadre mon emploi à l’Université de Brasilia. J’ai joué, notamment, des œuvres de Eugène Bozza (1905-1991), Claude Bolling (né en 1930), Edwin Burton (1913-1981), Jacques Castérède (1926-2014), Henri Dutilleux (1916-2013), Paul Hindemith (1895-1963), André Jolivet (1905-1974), Frank Martin (1890-1974), Bohuslav Martinu (1890-1959), Darius Milhaud (1892-1974), Pierre Sancan (1916-2008). Ces pièces étaient assez complexes techniquement et le temps dont je disposais pour les apprendre était assez limité. J’ai donc

1 En portugais : VII ENCOMPOR (Encontro de Compositores Latino-Americanos).

2 Dans l’introduction, dans le chapitre 3 et la conclusion de la présente thèse, l’auteur utilise le pronom

personnel « je » afin de souligner qu’il s’agit de son propre cheminement et de sa propre démarche personnelle.

(16)

2

dû trouver des stratégies d’apprentissage pouvant m’aider à préparer efficacement ces pièces.

En 2013, dans le cadre de mes études doctorales, afin d’enrichir mon répertoire, j’ai souhaité aborder des courants musicaux de la musique du XXe siècle avec lesquels je n’étais pas familière. Mon choix s’est porté sur Diário, œuvre pour piano du compositeur brésilien Heber Schuenemann3 (né en 1971). Dans ce cycle, qui comprend 23 courtes pièces, le compositeur explore la notion de « hasard », propre à la musique aléatoire. Il utilise également des techniques compositionnelles s’apparentant au sérialisme et au minimalisme.

La présente thèse porte sur la recherche-création ayant menée à l’apprentissage et l’exécution publique de Diário. Le premier chapitre traite de l’historique et des caractéristiques générales de la musique occidentale savante du XXe siècle, plus particulièrement, de l’apparition de l’atonalité, du sérialisme, de la musique aléatoire et du minimalisme. Le deuxième chapitre présente les techniques de composition, la structure et les principales difficultés d’apprentissage de chacune des pièces du cycle Diário. Le troisième chapitre décrit ma propre démarche d’apprentissage et d’exécution de l’œuvre. Et enfin, le quatrième chapitre aborde quelques composantes pédagogiques propres à l’apprentissage et l’enseignement de l’œuvre.

(17)

Chapitre 1. Le XXe siècle

1.1 Début du XXe siècle : atonalité

L’évolution rapide et dynamique de la musique au cours du XXe siècle est marquée par un événement important : l’apparition de l’atonalité. L’arrivée de ce nouveau système entraine de nouvelles techniques de composition.

Afin de mieux comprendre la notion d’atonalité, les caractéristiques fondamentales de la musique tonale seront tout d’abord énoncées. La musique tonale s’appuie sur le principe d’une hiérarchie entre les différents degrés de hauteurs, donnant à certains d’entre eux, et surtout à l’un, la tonique, le statut privilégié de notes attractives vers lesquelles tendent les autres degrés. Bryan Simms écrit : « The central elements of a tonality are a fundamental tone (which identifies the key), the major or minor having it as tonic, and triads and seventh chords built upon these scale tones4. » La musique tonale comprend deux modes, le mode majeur et le mode mineur (le mode mineur est la relative du mode majeur). Ces modes comportent des notes modales qui déterminent le mode et des notes tonales qui caractérisent le ton. La tonalité ou le ton de chaque morceau est défini à l’aide d’une échelle principale construite à partir d’une tonique de hauteur absolue. Plus spécifiquement, le système harmonique de la musique tonale se base sur des règles d’enchaînements et d’attractions entre les accords dissonants et les accords consonants, et entre les notes sensibles et les notes toniques, afin de créer des tensions et des détentes qui caractérisent entre autres la cadence classique.

La musique tonale prédomine en Europe Occidentale de l’époque baroque jusqu’au début du XXe siècle. À partir de la fin du XIXe siècle, les compositeurs ont néanmoins cherché de nouvelles techniques compositionnelles qui s’éloignent du cadre de la tonalité. Des compositeurs tels que Richard Strauss (1864-1949), Igor Stravinsky (1882-1971), Béla Bartók (1881-1945), Alexandre Scriabine (1872-1915), Claude Debussy (1862-1918) et

4 Bryan Simms, Music of the Twentieth Century : Style and structure, 2e éd. (New York : Schirmer Books,

(18)

4

Maurice Ravel (1875-1937) ont tout d’abord utilisé la polytonalité5, c’est-à-dire que leurs œuvres se caractérisent par l’utilisation simultanée de deux ou de plusieurs éléments musicaux appartenant à des tonalités différentes. À titre d’exemple, certaines œuvres composées entre 1908 et 1913 s’éloignent du cadre de la tonalité, notamment : Suggestion

diabolique no 4, op. 4 de Prokofiev, 5 Lieder, op. 3 et 5 Lieder, op. 4 de Webern, Pièces pour le piano, op. 11 de Schoenberg, Prométhée ou Le Poème du feu, op. 60 de Scriabine, Allegro Barbaro de Bartók, ballet Le Sacre du printemps de Stravinsky6.

L’utilisation de techniques compositionnelles novatrices au début du XXe siècle est liée à l’apparition de l’atonalité, qui désigne « toute musique qui n’est pas tonale », « toute musique qui n’est ni tonale ni sérielle » ou encore, « la musique post-tonale et pré-dodécaphonique de Berg, Webern et Schoenberg7. » Plus précisément, la musique atonale se distingue de la musique tonale par le fait que l’interdépendance de ses éléments musicaux n’est pas clairement définie : « […] one of the remarkable aspects of tonality is the high degree of interdependence between the various dimensions of a composition, such as pitch, rhythm, dynamics, timbre and form. In atonality the functional relations between these dimensions are not clearly defined8. »

1.1.1 Sérialisme

À cette époque, Arnold Schoenberg (1874-1951) suggère d’employer « un autre moyen de liaison formelle d’une force suffisante pour réduire les événements (musicaux) au même dénominateur9. » Afin de « trouver quelque chose qui rendît possible à nouveau la construction de grandes formes », Schoenberg arrive à « la composition avec douze

5 Juliette Garigues, « Vienne (école de) », dans Encyclopaedia Universalis,

<http://www.youscribe.com/catalogue/dictionnaires-encyclopedies-annuaires/savoirs/definition-et-synonyme-de-vienne-ecole-de-2267491>.

6 Yuri Kholopov, « Novie paradigmi musikalnoi estetiki XX veka » [Yuri Kholopov, « Les nouveaux

paradigmes de l’esthétique musicale du XXe siècle »], < http://www.kholopov.ru/prdgm.html >. 7 Lansky, Paul et al., « Atonality », dans Grove Music Online. Oxford Music Online,

<http://www.oxfordmusiconline.com.acces.bibl.ulaval.ca/subscriber/article/grove/music/47354>. Texte en anglais : « A term that may be used in three senses: first, to describe all music which is not tonal; second, to describe all music which is neither tonal nor serial; and third, to describe specifically the post-tonal and pre-12-note music of Berg, Webern and Schoenberg. »

8 Lansky, Paul et al., « Atonality », dans Grove Music Online. Oxford Music Online,

<http://www.oxfordmusiconline.com.acces.bibl.ulaval.ca/subscriber/article/grove/music/47354>.

9René Leibowitz, Introduction à la musique de douze sons : les Variations pour l’orchestre op.31 d’Arnold Schoenberg (Paris : L'Arche, 1974), 26.

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sons10. » Il utilise cette technique compositionnelle dans les œuvres suivantes : la 5e pièce (Valse) des Fünf Klavierstücke, op. 23 (1920-23)11; Serenade, op. 24 (1920-23)12; Suite, op. 25 pour piano (1921-23)13, et particulièrement dans les Variationen für Orchester, op. 31 (1926-28)14 et dans l’opéra Von Heute auf Morgen, op. 32 (1928-29)15. La série dodécaphonique a également été utilisée par d’autres compositeurs, représentants de la Deuxième École de Vienne16 et disciples de Schoenberg, Alban Berg (1885-1935) et Anton Webern (1883-1945). Luigi Dallapiccola (1904-1975) et Ernst Krenek (1900-1991) utilisent également la série dodécaphonique.

La série de douze sons, aussi appelée série dodécaphonique, se définit comme « l’énoncé dans un ordre quelconque des douze sons de l’échelle chromatique tempérée, chaque son étant énoncé et chacun ne l’étant qu’une fois […]17. » Afin d’éviter la prédominance d’un son sur les autres, chacun des sons de la série possède des droits égaux aux autres et ne se présente qu’une fois jusqu’à ce que la série soit terminée, créant ainsi un « perpétuel déroulement des douze sons […]18. » Selon Bryan Simms, la méthode dodécaphonique diffère de l’atonalité par son ordre de succession invariable des intervalles, soit dans la forme originale, ou dans la forme renversée ou récurrente19.

La série dodécaphonique peut être présentée sous quatre formes, soit : la forme originale; la forme récurrente (présentation des notes de la série de la dernière note à la première); la forme renversée (la direction des intervalles de la série est inversée, créant ainsi un mouvement contraire); et la forme récurrente renversée (présentation des notes de la série

10 Leibowitz, Introduction à la musique de douze sons, 27.

11 Arnold Schonberg, Fünf Klavierstücke, op. 23 (Wilhelm Hansen). 12Arnold Schoenberg, Serenade, op. 24 (Wilhelm Hansen).

13 Arnold Schoenberg, Suite, op. 25 (Universal Edition).

14 Arnold Schoenberg, Variationen für Orchester op. 31 (Universal Edition). 15 Arnold Schoenberg, Von Heute auf Morgen (Wien : Universal Edition , 1974).

16 L’expression Deuxième École de Vienne a été longtemps utilisée pour faire uniquement référence à

Schoenberg et à ses deux principaux élèves Webern et Berg. Marc-André Roberge, « Guide des difficultés de rédaction en musique », <http://www.mus.ulaval.ca/roberge/gdrm/02-ecole.htm >.

17 Dictionnaire de la musique, nouv. éd., sous la direction de Marc Vignal (Paris : Larousse, 1999), article « Sérielle (musique) », 787.

18 Leibowitz, Introduction à la musique de douze sons, 31.

19 Simms, Music of the Twentieth Century, 65. Texte en anglais : « The twelve-tone method differs most

strikingly from atonal composition by its principle order. The row establishes an unvarying succession of intervals, which is repeatedly presented, either directly, in inversion, or in retrograde. »

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6

de la dernière note à la première, en inversant la direction des intervalles pour créer un mouvement contraire)20. « Chacune de ces quatre formes de la série étant en outre transposable sur les onze autres degrés de l’échelle chromatique », forme ainsi 48 formes possibles21. À titre d’exemple, la forme récurrente renversée est utilisée dans les Fünf

Klavierstücke, no 1 op. 23 de Schoenberg : les trois notes initiales la-2, sol=2, si-2 de la première mesure sont suivies par les notes la=2, do=3, si=2 à la troisième mesure22.

Par ailleurs, Leibowitz considère que l’utilisation de la série dodécaphonique donne à la notion de contrepoint « sa pleine signification23 ». Plus précisément, Leibowitz indique que :

[…] la musique « atonale » ne fait aucune distinction a priori entre des intervalles verticaux permis ou défendus (une seule exception : l’octave – ou l’unisson sont prohibés […]). De là, il ressort que la pensée du compositeur peut enfin s’exercer de façon entièrement linéaire (horizontale), puisqu’aucune restriction verticale ne peut avoir de prise sur lui. Pas de dissonances défendues, pas de formules harmoniques fixes (telles les finales du contrepoint modal, telles les degrés harmoniques du contrepoint tonal); c'est dire que le compositeur peut donner libre cours à l’invention de ses voix qui acquièrent ainsi à la fois une totale liberté individuelle et la faculté de se superposer les unes aux autres24.

1.1.2 Sérialisme intégral

Après la Deuxième Guerre mondiale, selon Bryan Simms, l’influence du compositeur français Olivier Messiaen (1908-1992), notamment de son Mode de valeurs et d’intensités (1949)25, est cruciale pour le développement du sérialisme26. Bien que cette œuvre n’ait pas de structure sérielle dans le sens de Schoenberg, puisqu'elle n’est pas construite sur une

20 Les termes anglais, utilisés par G. Perle, sont : prime, inversion, retrograde et retrograde-inversion. 21 Dictionnaire de la musique, article « Sérielle (musique) », 787.

22George Perle, Serial Composition and Atonality : An Introduction to the music of Schoenberg, Berg and Webern , 6e éd. [ revue], ( Berkeley, California : University of California Press, 1991), 10.

23 Leibowitz, Introduction à la musique de douze sons, 64-5. Le contrepoint se définit comme la conduite

simultanée de lignes mélodiques indépendantes.

24 Leibowitz, Introduction à la musique de douze sons, 67.

25 Olivier Messiaen, Quatre Études de rythme. 2. Mode de valeurs et d'intensité (Paris : Durand).

26 Bryan Simms, Music of the Twentieth Century : Style and structure (New York, London : Schirmer Books,

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séquence de douze tons27, elle est fondée sur une série de valeurs de vingt-quatre durées, sur une série dynamique de sept intensités, allant du ppp au fff, et sur une série de douze attaques. La nouvelle génération de compositeurs, comme Luigi Nono (1924-1990), Pierre Boulez (1925-2016) et Karlheinz Stockhausen (1928-2007), utilise les principes dodécaphoniques et les étend à d’autres paramètres : la durée, le timbre et l’intensité. Cette technique a pris le nom de sérialisme intégral. Dans son Livre pour quatuor (1949), Boulez applique un traitement sériel autonome à tous les paramètres musicaux, dans le but de créer des séries parallèles de hauteurs, de durées, de timbres, d’attaques et de dynamiques. Boulez est d’ailleurs le premier compositeur en Europe qui tente d’organiser simultanément tous les éléments de l’espace sonore, avec son œuvre Polyphonie X (1951). Il reconnait toutefois que son œuvre est un échec partiel, dû à « sa trop grande rigidité qui aboutit à des résultats aussi imprévus que malheureux sur le plan sonore28 ». L’année suivante, Boulez compose son premier livre des Structures pour deux pianos (1952)29 et emprunte la série initiale du Mode de valeurs et d’intensités pour piano de Messiaen30. Aux États-Unis, Milton Babbitt (1916-2011) utilise la technique du sérialisme intégral dans ses Three

Compositions for Piano (1947).

1.1.3 Importance du sérialisme

Après le début des années 1950, l’utilisation du sérialisme intégral est peu fréquente et celui-ci prend fin en 195531, car les compositeurs prennent de plus en plus de liberté relativement à son application. Des articles écrits à cette époque par Boulez et par Xenakis indiquent la fin du sérialisme intégral32, notamment à cause de la perte d’intérêt pour cette technique compositionnelle :

Il faut bien, en effet, reconnaître que la variation continue de l’ordonnance de tous les possibles de chaque paramètre dans la musique sérielle s’annulait

27 Original en anglais : « Messiaen’s Mode de valeurs is not serial music at all in the Schoenbergian sense, as

the work is not based on a single twelve-note series ». Reginald S. Brindle, The New Music: The Avant-garde

since 1945, 2e éd., (Oxford, New York : Oxford University Press, 1987), 23. 28 Dictionnaire de la musique, article « Sérielle (musique) », 788.

29 Pierre Boulez, Structures pour deux pianos, premier livre (Universal Edition). 30 Brindle, The New Music, 26.

31 Dictionnaire de la musique, article « Sérielle (musique) », 787.

32 Article de Boulez intitulé « Recherches maintenant », paru dans la revue Nouvelle N.R.F, no 24 (1954) et

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8

même au niveau global du résultat sonore, entraînant rapidement par sa monotonie une perte de l’intérêt33.

En somme, « presque tous les grands créateurs nés entre 1920 et 1930 ont eu leur période sérielle34 ». Boulez note d’ailleurs l’importance de cette technique compositionnelle dans la musique du XXe siècle : « après la découverte des Viennois, tout compositeur est inutile en dehors des recherches sérielles35 ». Enfin, il faut souligner que certains éléments du sérialisme ont non seulement été réutilisés par la suite dans d’autres styles musicaux tels que la musique électroacoustique36, mais ont aussi contribué au développement de la musique aléatoire et du minimalisme : « In providing the first systematic alternative to tonality, serialism granted contemp[orary] music a freedom without which many 20-th cent[ury] developpements, from aleatory to minimalism, would be unimaginable37 . »

1.2 Musique aléatoire ou indéterminée

La musique aléatoire ou indéterminée est apparue dans la deuxième moitié du XXe siècle. Parmi les principaux représentants de cette musique, caractérisée par l’utilisation du hasard comme technique de composition, sont les Américains John Cage (1912-1992), Morton Feldman (1926-1987), Christian Wolff (né en 1934) et les Européens Pierre Boulez, Kalheinz Stockhausen, Luciano Berio (1925-2003), Witold Lutoslavsky (1913-1994) et Iannis Xenakis (1922-2001). Les deux principaux termes utilisés pour désigner ce courant musical, soit la musique indéterminée et la musique aléatoire, ont été introduits respectivement, en Amérique, par John Cage et, en Europe, par Pierre Boulez.

Sur l’influence du livre Yi Jing : Livre des Changements38, le compositeur John Cage développe la méthode de chance operations39, une conception d’indéterminisme. Sa

33 Dictionnaire de la musique, article « Sérielle (musique) », 788. 34 Ibid., 788.

35 Ibid., 788.

36 The Oxford Dictionary of Music, 6e éd., sous la direction de Michael Kennedy (Oxford, United Kingdom :

Oxford University Press, 2012), article « Serialism, Serial Technique, Serial Music », 773. Tel qu’indiqué, « […] wider aspects of serial practice, in particular the independent organization of musical parameters, have endured, especially in elec[tronic] music. »

37 Ibid., 773.

38 Chinese oracle book the I Ching, or Book of Changes.

39 Italique ajouté. « Chance operation », Constructive Generative Systems,

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passion pour l’indéterminisme s’explique par son intérêt pour la philosophie du bouddhisme.

Cage’s adoption of chance and random procedures, his use of the I Ching as a means of making compositional decisions, his pre-indeterminacy method of “letting sounds be themselves”, were as much the logical outcome of his earlier methods as they were evidence of his deepening attachment to the Zen philosophy of non-involvement40.

Cage commence à utiliser cette méthode dans les années 1950, dans ses compositions telles la Music of Changes pour piano (1951)41, le Concerto for Prepared Piano and Chamber

Orchestra (1950-51)42 et les Sixteen Dances (1950-51)43.

À la même époque, en Europe, le terme aléatoire est apparu dans la littérature musicologique après la publication de l’article « Alea » (1957)44 du compositeur français, futur fondateur de l'IRCAM45 (1977), Pierre Boulez. Dans cet article, le compositeur réfléchit au nouveau courant et parle des quelques aspects de présence du hasard dans les œuvres musicales :

La forme la plus élémentaire de la transmutation du hasard se situerait dans l’adoption d’une philosophie teintée d’orientalisme qui masquerait une faiblesse fondamentale dans la technique de composition; ce serait un recours contre l’asphyxie de l’invention, recours à un poison plus subtil qui détruit tout embryon d’artisanat; […] je qualifierais donc cette expérience de hasard par inadvertance46.

Rapidement, le terme alea est devenu universel dans le Vieux Monde. La forte présence du sérialisme a probablement engendré la limitation de l’aléatoire en Europe, comparativement à ce qui s’est produit chez les compositeurs américains. Quoiqu’il en soit, cette définition de la musique aléatoire du Dictionnaire de la musique détermine bien l’ensemble de ses caractéristiques :

40 Michael Nyman,Experimental Music : Cage and beyond, 2e éd., (Cambridge, New York : Cambridge

University Press, 1999), 51.

41 John Cage, Music of Changes (New York : Edition Peters, 1961).

42 John Cage, Concerto for Prepared Piano and Chamber Orchestra (New York : Henmar Press, 1960). 43 John Cage, Sixteen Dances (Edition Peters).

44 Pierre Boulez, « Alea », paru dans la Nouvelle Révue Francaise, no 59 (1957) : 839-857.

45 IRCAM – Institut de recherche et coordination acoustique/musique, fondé en 1977. Son fondateur et

premier directeur était Pierre Boulez. « Qui sommes-nous? », IRCAM, < http://www.ircam.fr/ircam.html >.

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10

La musique aléatoire est une musique présentant un certain degré d’indétermination pouvant affecter soit sa structure globale, soit un ou plusieurs de ses paramètres, sinon tous, une musique où les techniques des jeux de hasard sont considérées comme un processus compositionnel, une musique bâtie sur la logique mathématique de la loi des grands nombres, de la théorie des probabilités, etc.47.

1.2.1 Types de la musique aléatoire

Pour sa part, Paul Griffits classe les types de la technique aléatoire. Des types différents peuvent être combinés dans la même œuvre. L’indétermination peut avoir un rapport avec la technique de composition autant qu'avec les moyens d’interprétation.

Three types of aleatory technique may be distinguished, although a given composition may exhibit more than one of them, separately or in combination: (I) the use of random procedures in the generation of fixed composition […]; (II) the allowance of choice, to the performer(s) among formal options stipulated by the composer […]; and (III) the method of notation which reduce the composer’s control over the sounds in a composition […]48.

Le premier type correspondrait aux random procedures (chance operations), qu'on trouve dans la Music of Changes de John Cage.

The title Music of Changes is variously meaningful, the first, of course, being reference to the Chinese oracle book the I Ching, or Book of Changes. […] For this work, Cage employed I Ching -derived chance operations to create charts for the various parameters, i.e. tempi, dynamics, sounds and silences, durations, and superimpositions. With these charts, he was able to create a composition with a very conventional manner of notation, with staves and bars, where everything is notated in full detail. The piano is played not only by using the keys, but also by plucking the strings with fingernails, slamming the keyboard lid, playing cymbal beaters on the strings, striking the keyboard lid, etc. Use of the pedals is also notated in full detail. The notation is proportional, where 1 inch equals a quarter note. The rhythmic structure is 3, 5, 6 3/4, 6 3/4, 5, 3 1/8, and is expressed in changing tempi, including the use of accelerandi and ritards. This work may be seen as the first step of Cage's voyage into the world of chance composition49.

47Dictionnaire de la musique, nouv. éd., sous la direction de Marc Vignal (Paris : Larousse, 1999), article « Aléatoire (musique) », 13.

48 Paul Griffits, « Aleatory », dans The New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2d éd., sous la

direction de Stanley Sadie et John Tyrrell (London : Macmillan Publishers, 2001), 1 : 341.

49 « Music of Changes », John Cage : Database of works, < http://johncage.org/pp/John-Cage-Work-Detail.cfm?work_ID=134>.

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Nous trouvons un autre exemple de l’utilisation des chance operations dans les œuvres du compositeur d’origine grec, Iannis Xenakis, notamment ST/4 pour quatuor à cordes (1956-62)50 et Pithopracta (1955-56)51 pour orchestre à cordes, trombones, xylophone et

wood-block, dans lesquelles le compositeur utilise la méthode stochastique, sorte d’« indéterminisme guidé » qu'il a développé.

Nom [stochastique] donné par le compositeur Yannis Xenakis à une nouvelle conception de la composition musicale qu'il a mise au point à partir de 1954, et essentiellement fondée sur le principe d'une définition globale des états sonores successifs dont est faite la musique, en utilisant le calcul des probabilités pour calculer dans le détail les particules sonores et le passage d'un état à un autre, états et passages dont on a déterminé les moyennes, la tendance générale : du discontinu au continu, du désordre à l'ordre, etc. D'où le nom de stochastique, du grec stochastikos, « qui tend bien vers un but », adjectif dérivé de stochos, « but »52.

Les deuxième et troisième types se rapportent au rôle d’interprète. Le degré de liberté donné à l’interprète peut varier, allant du choix des dynamiques jusqu’à l’improvisation. En 1958, pendant sa lecture sur l’indéterminisme à Darmstadt, Cage parle des rôles de l’interprète qu’il compare à un peintre qui doit colorer un dessin donné. Comme l’écrit Simms : « The performer, he said, might be comparable to a painter who is asked to color a given sketch53. » Écrites à Darmstadt, le Klavierstück XI de Stockhausen (1956)54 et la 3e Sonate de Boulez (1955 -1957)55 sont deux œuvres importantes dans l’histoire de la musique et peuvent servir d'exemples.

Le Klavierstück XI de Stockhausen constitue avec la Troisième Sonate pour piano de Boulez l'une des deux premières « œuvres ouvertes » de l'histoire de la musique occidentale. La partition consiste en une unique feuille de papier de très grand format sur laquelle sont inscrites dix-neuf séquences musicales différentes que le pianiste a le droit d'enchaîner dans n'importe quel ordre. La combinatoire mise en jeu implique que chacune des dix-neuf séquences pourra être jouée dans chacun des six tempi, des six niveaux

50 Iannis Xenakis, ST/4 (Boosey & Hawkes). 51 Iannis Xenakis, Pithopracta (Boosey & Hawkes). 52 «Musique stochastique », dans Encyclopédie Larousse,

<http://www.larousse.fr/encyclopedie/musdico/stochastique/170216 >.

53 Simms, Music of the Twentieth Century, 348.

54 Karlheinz Stockhausen, Klavierstück XI (London : Universal Edition, 1970). 55 Pierre Boulez, Troisième Sonate (London : Universal Edition, 1961).

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12

d'intensité et des six modes d'attaque différents distingués par le compositeur. […] Le

Klavierstück XI de Stockhausen appartient au domaine de ce que le compositeur appelle

lui-même la « forme multivalente » (vieildeutige Form), c'est-à-dire à tout un ensemble d'œuvres composées selon des lois de probabilité dirigée. Toutefois, chacune des séquences demeure entièrement écrite de façon linéaire et traditionnelle en ce qui concerne les hauteurs sonores et les valeurs rythmiques. Ce qui est mobile, dans cette œuvre, ce sont donc l'ordre de succession, la vitesse de déroulement, l'articulation et le relief sonore des différentes séquences, mais non la nature même de leurs trajectoires mélodiques, de leurs agrégations verticales ou de leurs figures rythmiques56.

Dans la 3e Sonate, cinq fragments (Antiphonie, Trop, Constellation, Strophe et Séquence)

peuvent être arrangés en huit groupes. Toutefois, selon le choix de l’interprète, ils peuvent suivre un ordre de manière à ce que la Constellation soit toujours au centre et à la condition que les parties Strophe - Séquence et Antiphonie -Trop soient inextricables.

Dans sa 3e Sonate, Boulez […] offre à l’interprète une possibilité de choix

portant sur l’ordre des formants (à l’exception de Constellation, pivot central), l’ordre de certaines structures, l’élimination volontaire d’autres : un choix de parcours différents, tous néanmoins écrits, prévus, c’est-à-dire assumés par le compositeur57.

On trouve un autre exemple dans la création du compositeur Earle Brown (1926-2002). Inspiré par les œuvres de structures mobiles de Alexander Calder58 et les peintures de Jackson Pollock59, Brown crée des compositions avec une forme ouverte60, comme dans

Available Forms I pour ensemble de chambre (1961)61. La partition d'orchestre se compose de six pages indépendantes où les fragments sont combinés selon le choix du chef d’orchestre. Ce dernier commence l’œuvre avec n’importe quel fragment de l'une des

56 Francis Bayer, « Karlheinz Stockhausen », IRCAM, <http://brahms.ircam.fr/works/work/12123/>. 57 Dictionnaire de la musique, « Aléatoire (musique) », 14.

58 Alexander Calder (1898-1976) – sculpteur américain, connu pour ses sculptures mobiles.

Lynne Warren, « Alexander Calder », dans Encyclopaedia Britannica, <http://www.britannica.com/EBchecked/topic/89245/Alexander-Calder>.

59 Jackson Pollok (1912-1956) – peintre américain, représentant du style expressionniste. « Jackson Pollock

and his paintings », Jackson Pollock : Biography, paintings, and quotes,<http://www.jackson-pollock.org/>.

60 Italique ajouté.

61 On peut consulter la partition de cette œuvre sur le site :

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pages, se déplace dans n'importe quelle direction, répétant ou sautant des sections, et construit sa propre séquence des événements sonores. Le morceau peut prendre alors toutes les formes possibles.

Les divers types d’écriture mènent à l’utilisation d'une notation particulière, dans certains cas, la notation graphique, là où la notation traditionnelle n’est pas capable de répondre aux nécessités.

Graphic notation communicates pitches, durations, dynamics, textures, or other musical elements by symbols that usually are visually analogous to the sounds they represent. These symbols will often be mixed with standard notational elements. Graphic notation is inherently imprecise, conveying only the outline of a preconceived musical image62.

L’exemple de l’utilisation des deux types de notation (graphique et traditionnelle) dans la même œuvre se trouve dans le Zyklus pour solo de percussion de Stockhausen (1959)63. Parfois la notation graphique ressemble à une œuvre d’art. Comme l’écrivait Bryan Simms, le Concert for Piano and Orchestra (1957-58) de Cage « consiste en un répertoire vaste et fantastique de notations graphiques64. » L’œuvre Fontana Mix (1958)65 de Cage,

entièrement écrite en notation graphique, ressemble à une belle peinture.

Nous retrouvons un autre cas de notation particulière – le verbal text – notamment, dans

Piano Piece for David Tudor no. 3 (1960) du compositeur La Monte Young.

Like graphics of this latter sort, verbal texts can be used to give the performer a very large degree of freedom in determining both form and content. The text may be a straightforward instruction for action - often a far from conventionally musical action, as in Young’s Composition 1960 no. 5, whose principal requirement is “Turn a butterfly (or any number of butterflies) loose in the performance area”. Other text scores are more inscrutable; Young’s Piano

Piece for David Tudor no. 3, for example, consists of the text: “most of them

were very old grasshoppers”. More usually, text have been used to give a more or less clearly stated basis for ensemble improvisation; notable examples

62 Simms, Music of the Twentieth Century, 348. 63 Karlheinz Stockhausen, Zyklus (Universal Edition).

64 Original en anglais : « Cage’Concert for Piano and Orchestra (1957-58), for example, consist of a large

and fantastic repertory of graphic notations. » Simms, Music of the Twentieth Century, 348.

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include Rzewski’s Love Songs (1968) and Stockhausen‘s Aus den sieben Tagen (1968)66.

Compte tenu de l’existence de formes variables dans la musique aléatoire, on se rend compte que plusieurs générateurs de forme – soit des idées qui unifient l’œuvre entière – sont possibles; ce sont, notamment, les séquences de numéros chez J. Cage (dans la Music

of Changes), ou la série dans les œuvres de P. Boulez.

1.2.2 Interprètes de la musique aléatoire

La singularité de chaque œuvre aléatoire entraîne des conséquences significatives pour sa réalisation. Ce n’était pas par accident que les présentations des compositions expérimentales, à cette époque, ont été réalisées par un groupe de musiciens tels Tudor, Rzewsky, Tilbury, Cage, Cardew, Skempton, Feldman, the Sonic Arts Union and the Scratch Orchestra. Ils étaient des musiciens « pour qui la musique expérimentale était plus qu'un simple “ genre de musique ” qui doit être exécuté; c’était plutôt une créativité permanente, une façon de percevoir le monde67. » Tous étaient compositeurs; seulement Tilbury et, dans le début de sa carrière, Tudor, n’étaient qu’interprètes. Cela fait sens puisque les compositeurs pouvaient exercer un contrôle sur l’interprétation et, conséquemment, réaliser leurs idées et éviter les malentendus.

Jusqu’aux années 1960-1965, on observe le développement du mouvement aléatoire musical. Parmi les œuvres de cette période, il y a les Sequenzas (1958-2002), Circles (1960)68 et Epiphanies (1959-62)69 de Luciano Berio; les œuvres Movil I pour deux pianos (1957)70, Movil II pour quatre mains (1959-1967)71 de Luis De Pablo (né en 1930); et

66 Paul Griffits, « Aleatory », dans The New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2e éd., sous la

direction de Stanley Sadie et John Tyrrell, 1 : 341-346 (London : Macmillan Publishers, 2001), 344.

67 Original en anglais : « […] experimental music has developed its own breed of performers […], to whom

the experimental music is more than just “a kind of music” to be performed; rather, a permanent creativity, a way of perceiving the world. Significantly only Tilbury and (in the earlier part of his carrier) Tudor in this list are strictly performers only […] ». Nyman,Experimental Music, 22.

68 Luciano Berio, Circles (London : Universal Edition). 69 Luciano Berio, Epiphanies (London : Universal Edition). 70 Luis de Pablo, Movil I (Tonos).

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également, Votre Faust (1961-68)72, dédié à Pierre Boulez, Mobile pour deux pianos (1957-58)73 de Henri Pousseur (1929-2009) et Zyklus (1959) de Karlheinz Stockhausen.

Plus tard, l’aléatoire devient moins important dans le monde musical. Boulez retourne à l’écriture des compositions non aléatoires. Cage continue de composer en utilisant le hasard, toutefois, il reprend l’utilisation de la notation traditionnelle dans le Cheap

Imitation pour piano (1969)74 et dans plusieurs autres compositions. Bien que la musique liée au facteur du hasard perde son influence, elle a encore ses partisans de nos jours.

1.3 Minimalisme

Le minimalisme est apparu aux États-Unis, dans les années 1960-70, en réaction à la complexité de la musique sérielle et de la musique indéterminée, « alors que les débats esthétiques tournaient autour de la remise en question du sérialisme et s’orientaient en faveur de la primauté de la perception75. » Keith Potter écrit que le minimalisme est « largement considéré comme le principal antidote au modernisme, représenté à la fois par le sérialisme total de Boulez et de Stockhausen et l'indétermination de Cage76. » Le terme

minimalisme vient des arts visuels et souligne la simplicité du matériel associée à l’art

minimaliste. Dans ce contexte, on observe également un intérêt grandissant pour des musiques originaires d’Afrique et d’Inde.

Influencé par la musique non occidentale, le minimalisme est rythmiquement simple; il utilise le système tonal, et sa structure compositionnelle est claire. Il est caractérisé par l’utilisation de moyens assez limités. Ces derniers peuvent comprendre la répétition de

72 Henri Pousseur, Votre Faust (Universal Edition). 73 Henri Pousseur, Mobile (Milan : Suvini Zerboni). 74 John Cage, Cheap Imitation (New York : Peters).

75 Dictionnaire de la musique, article « Minimalisme », 559.

76 Texte en anglais : « Although in the 1960s and 70s minimalist music was closely associated with

minimalist art, itself in certain respects crucially modernist, it subsequently came to be widely seen as the major antidote to Modernism, as represented by both the total serialism of Boulez and Stockhausen and the indeterminacy of Cage. Such minimalism owes more to non-Western music, jazz and rock than to 20th-century Modernism or any other Western art music, at least that since the Baroque period. » Keith Potter, « Minimalism », dans The New Grove Dictionary of Music and Musicians, 2eéd., sous la direction de Stanley

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16

courts motifs musicaux ou le maintien de simples notes de cordes pour de très longues durées.

Les célèbres représentants de ce style sont les Américains Philip Glass (né en 1937), dont les œuvres connaissent un grand succès commercial dans les années 1980-90, Terry Riley (né en 1935), Steve Reich (né en 1936) et La Monte Young (né en 1935). En Europe, dans les années 90, Henryk Górecki (1933-2010), Arvo Pärt (né en 1935) et John Tavener (1944-2013) travaillent dans un style semblable.

Reich et Glass ont eu une influence importante sur un large éventail de genres musicaux : musiques de concert, rock et formes hybrides du post-modernisme. Leur style est devenu la caractéristique majeure de la musique de la fin du XXe siècle. Dans leur travail plus récent, tout en continuant à composer leur musique avec l'ingrédient essentiel de la répétition, ou du son soutenu, ces compositeurs, et d’autres dont notamment Pauline Oliveros (née en 1932) et Phill Niblock (né en 1933), ont donné une plus grande importance à la mélodie, à la variété des timbres et à l'attrait sonore pur. Ces nouvelles dimensions ont rendu leur musique plus riche et plus profonde.

1.4 Conclusion

Comme nous avons pu le constater, le paysage musical du XXe siècle a été façonné par des techniques compositionnelles novatrices, voire révolutionnaires. Kholopov77 considère que l’arrivée du XXe siècle est marquée par un changement de paradigme esthétique qui affecte notre conception de la valeur et de la beauté musicales. Selon lui, la perception de la musique, l’expérience émotionnelle qu’elle suscite (positive ou négative) et la valeur qu’on lui accorde reposent sur des critères d’ordre et de beauté émanant d’un système musical spécifique : la musique tonale, ayant prévalu jusqu’au début du XXe siècle, avait formé le goût musical; et la musique atonale, combinant les sons de façon inouïe jusqu’alors, provoqua une onde de choc chez de nombreux auditeurs habitués au système tonal. Outre l’abandon du système tonal, Kholopov considère que de nombreux compositeurs du XXe

77 Yuri Kholopov (1932-2003) – musicologue russe bien connu, professeur du Conservatoire Tchaïkovski de

Moscou de 1960 à 2003. « Kholopov Yuri », Moskovskaja Konservatoria, <http://www.mosconsv.ru/ru/person.aspx?id=8818>.

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siècle rejettent la structure formelle de la « chanson » qui fonde les formes caractéristiques de l’époque classique et romantique telles que le rondeau, la sonate, le scherzo et l’adagio, et cherchent à créer, pour chaque œuvre nouvelle, une forme nouvelle, inusitée, comme on peut le voir dans la musique aléatoire. Là encore, l’auditeur habitué aux structures formelles, aux harmonies tonales et aux rythmes traditionnels ne s’y retrouve pas. Le pianiste Glenn Gould relate d’ailleurs une expérience personnelle qu’il a vécue à Toronto pendant un concert consacré à la première présentation d’une œuvre musicale : « […] the new work was shown with the same intolerance as its elder brother [concerto] – the only work in our concert season to be so honored. Clearly, the herd is breeding78. » Il mentionne également que le Pierrot lunaire (1912) de Schoenberg79 et Le Sacre du printemps (1911-1913) de Stravinsky80 n’ont pas été très bien accueillis non plus81. Il n’est donc pas étonnant que la musique du XXe siècle qui a donné naissance à divers courants musicaux dont notamment le dodécaphonisme et la musique aléatoire – courants aux antipodes des canons de beauté de la musique tonale – ait parfois suscité de fortes réactions dans le public.

L’atonalité et l’aléatoire qui firent révolution dans le monde musical au XXe siècle ont ouvert la voie à des styles aussi radicaux que la musique électroacoustique et la musique concrète. Paradoxalement, le XXe siècle donne naissance au minimalisme dont la simplicité de moyens apparaît comme la négation de la complexité propre à la musique sérielle et à la musique aléatoire.

De nos jours, bien que nous ne soyons pas en mesure de constater la prédominance d’un style en particulier, nous observons la coexistence de nombreux styles variés et divergents

78 Glenn Gould, The Glenn Gould Reader (London: Faber and Faber, 1987), 248. Il relate également une

expérience pendant un concert où il joue un œuvre sérielle de Schoenberg à Florence : “I had just concluded a performance of the Schoenberg [‘s] Suite, Op. 25, which, although it was at the time thirty-five years old, had not been admitted to the vocabulary of the Florentines. I arose from the instrument to be greeted by a most disagreeable chant from the upper balcony, which was at once contradicted by feverish encouragements from the lower levels.” Ibid., 248.

79 Arnold Schoenberg, Pierrot lunaire, op. 21 (Universal Edition).

80 La création du Sacre du printemps a eu lieu le 29 mai 1913, au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, par l'orchestre des Ballets Russes de Serge Diaghilev sous la direction de Pierre Monteux. Chorégraphie : Vaslav Nijinsky, décors et costumes : Nicolas Roerich. Pierre Boulez, « Igor Stravinsky : Le Sacre du printemps »,

Base de documentation sur la musique contemporaine, <http://brahms.ircam.fr/works/work/12218/>.

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18

qui portent les traces des techniques sérialiste, aléatoire et minimaliste. L’œuvre Diário du compositeur contemporain Schuenemann que nous analyserons ci-après en est un exemple.

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Chapitre 2. Diário : analyse formelle et analyse des techniques de composition de l’œuvre

2.1 Introduction

Diário, un cycle de pièces pour piano seul, a été composé par Schuenemann en 1996 et

revu par celui-ci en 200182. Même s’il s’agit d’un cycle, les pièces peuvent être présentées de façon individuelle, indépendamment l’une de l’autre. Quelques pièces du cycle ont d’ailleurs été présentées pour la première fois en 1997, à la salle Cecilia Meireles de Rio de Janeiro, lors de la Biennale de musique brésilienne contemporaine.

Au cours de l’entrevue qu’il nous a accordée, Schuenemann raconte que l’idée d'écrire ce cycle lui est venue au moment où il a acquis un disque compact des œuvres pour piano du compositeur Earle Brown (1926-2002). Plus précisément, c’est le cycle de pièces pour piano seul, intitulé Summer Suite (1995)83, qui lui a donné l’idée de créer une œuvre similaire.

Schuenemann a abordé l’écriture de Diário comme un exercice de composition. Il considère d’ailleurs cette œuvre comme un « laboratoire de travail ». Chaque pièce est datée et possède un nom qui, selon le compositeur, ne reflète qu’une impression passagère du moment présent.

L’ensemble du cycle est atonal, mais celui-ci est noté à l’aide de la notation musicale traditionnelle. Bien que l’on constate la présence de techniques de composition s’apparentant au sérialisme et au minimalisme, l'exploration du hasard, propre à la musique aléatoire, y est dominante. Comme c’est le cas dans Music of Changes (Cage), le hasard n’a été utilisé que dans la composition de l’œuvre et n’implique aucunement l’interprète, comme cela est souvent le cas dans les œuvres dites de musique aléatoire. Ainsi, dans

82 La partition complète de l’œuvre est présentée à l’annexe 5. Sa reproduction dans la présente thèse a été

approuvée par le compositeur Heber Schuenemann.

83 Summer Suite’95 comprend 13 courtes pièces. Sa première présentation, en 1996 (Darmstadt, Allemagne) a

été réalisée par le pianiste David Arden. « Summer Suite », Earl Brown Composer, <http://www.earle-brown.org/works/view/46>.

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Diário, l’interprète ne collabore pas à la « composition » de l’œuvre; il interprète celle-ci

déjà écrite dans sa finalité.

Outre les pièces de type aléatoire, le cycle comporte des pièces s’appuyant sur les techniques compositionnelles propres à la musique sérielle. Toutefois, malgré l’influence du sérialisme, la série utilisée ici n’est pas celle de Schoenberg dans son sens strict.

Le cycle comporte également quelques pièces se servant des techniques de composition minimalistes. Celles-ci s’inscrivent cependant dans l’atonalité, contrairement aux œuvres qui ont concouru à l’émergence de la musique minimaliste, qui utilisent plutôt le système tonal.

La plupart des pièces du cycle ont été composées directement avec le logiciel Finale. Les autres ont été composées à l'aide du piano, d'une manière empirique. Schuenemann décrit ainsi les étapes de son processus de travail. D’abord, indépendamment de la technique utilisée, il planifie la forme du morceau en fixant la quantité de mesures dans son fichier. Par la suite, dans le cas des pièces aléatoires, il utilise la barre d’outils Simple Entry, qui sert à disposer manuellement les notes sur la portée, afin de déterminer les figures rythmiques et les hauteurs (voir figure 1).

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Figure 1. Barre d’outils Simple Entry

Pour ce faire, le compositeur sélectionne aléatoirement l’une des figures de notes, la glisse et la lâche sur la portée rapidement, de manière à obtenir une hauteur au hasard. Puis, une fois qu’il a complété l’ensemble des opérations, il se réserve le droit d’apporter quelques changements au résultat ainsi obtenu afin de rendre la pièce réalisable sur le plan de la technique pianistique.

Somme toute, l’influence de courants esthétiques divergents et la présence de techniques compositionnelles variées donne à l’œuvre un style éclectique non dénué d’originalité. Dans la section qui suit, nous analysons, individuellement, chacune des pièces du cycle

Diário. Tout d’abord, nous présentons, sous forme de tableau, les points suivants : le titre

de la pièce et la date à laquelle elle fut composée; la traduction française du titre; le caractère de la pièce (les indicateurs de mouvement et d’expression); la métrique (les chiffres indicateurs); et le nombre total de mesures que comporte la pièce. Par la suite, nous décrivons la technique compositionnelle et ses principaux éléments. Ensuite, nous abordons la structure de la pièce. Enfin, nous présentons les principales difficultés d’apprentissage et d’exécution de la pièce.

Figure

Figure 1. Barre d’outils Simple Entry
Tableau 1. Pièce no 1
Tableau 2. Pièce no 2
Tableau 3. Pièce no 3
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