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Chapitre 2. Diário : analyse formelle et analyse des techniques de composition de

2.2 Analyse formelle du Diário

2.2.23 Nos perdemos novamente

Tableau 23. Pièce no 23

Titre et date Traduction

Indication de caractère (traduction) Métrique Nombre de mesures Nos perdemos novamente (28 de julho)

Nous nous sommes perdus à nouveau (le

28 juillet)

Com humor (Avec

humeur), N =70

5/4 10

Cette pièce contraste avec la précédente, ce qui apporte à l’interprète un peu de détente après Estamos sozinhos, une pièce très tendue.

2.2.23.1 Technique de composition : ses principaux éléments

Le compositeur utilise dans la première mesure (portée du haut) une citation du thème de la Music for Marcel Duchamp89 pour piano préparé de John Cage (1947)90. Nous pouvons observer celle-ci dans l’exemple 59.

Exemple 59. Pièce Nos perdemos novamente, mes. 1-2.

Dans les deux premières mesures, nous retrouvons une mélodie qui semble interrompue. Dans les mesures suivantes, le compositeur essaie de faire en sorte que la mélodie soit toujours reconnaissable. Dans l’exemple 60, nous observons une variation du thème.

Exemple 60. Nos perdemos novamente, mes. 4-5.

Courte et remplie de silences, la pièce termine le cycle en laissant une impression quelque peu indéfinie (l’exemple 61).

89 Cette pièce présente une sorte d'hommage à Marcel Duchamp. À titre d’information, Sophie Stévance

mentionne que c’est Marcel Duchamp qui, dans une composition musicale, utilise le hasard pour la toute première fois, en 1913. Sophie Stévance, « Les opérations musicales mentales de Duchamp : De la “ musique en creux ” », Images Re-vues, no 7 (2009), <http://imagesrevues.revues.org/375)>.

90 John Cage, Music for Marcel Duchamp, for prepared piano (New York : Peters). La sonorité du piano

préparé, l’instrument pour lequel cette pièce a été composée, diverge significativement de la sonorité du piano conventionnel.

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Exemple 61. Pièce Nos perdemos novamente, mes. 10.

2.2.23.2 Structure

Le morceau présente, en soi, une unique phrase.

2.2.23.3 Difficultés d’apprentissage ou d’exécution

Dans cette pièce, il faut faire « chanter » le piano, de façon legato.

En guise de conclusion à ce chapitre, le tableau 24 présente une liste des principaux éléments des techniques de composition utilisées dans le cycle :

Tableau 24. Éléments des techniques de composition utilisées

Noms des œuvres Éléments

aléatoires

Éléments sériels

Éléments

minimalistes Autres éléments

1. Um dia de junho x

2. Outro dia de junho x Séquence répétitive de cinq notes

3. Mais um dia de junho x Clusters

4. A prova x

5. Jantar, festa, pousada e

uma lareira... x

6. UAUH!!!! x Chromatisme

7. Depois daqueles dias de

junho x x

Valeurs identiques (blanche)

8. Abalada – a balada x Ostinato

9. ??? x

10. ... x

11. !!!! x Accords

12. 7 de julho x x Hauteurs fixes

13. A festa do sempre livre e

facada do CD x Ostinato

14. 16 horas 48 minutos 51

segundos x Hauteurs fixes

15. Navegando pela internet x

16. ....Telefone x Correio ... x Inversion des accords

17. Um dia comum x

Ostinato, portée du bas;

série de 12 notes, portée du haut

18. O passeio x Ostinato, portée du bas

19. Filmes (2) x 20. Dia de descanso x

21. Quebra-cabeça x Forme aléatoire

22. Estamos sozinhos? x x Hauteur fixe; accents sérialisés

23. Nos perdemos novamente Déconstruction d’un thème de John Cage

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Chapitre 3. Du déchiffrage de l’œuvre à son interprétation : réflexions sur ma démarche

À la lumière de ma propre démarche et d’écrits pertinents, je présente, ci-après, les diverses étapes d’apprentissage de l’œuvre Diário en vue de son interprétation publique.

3.1 Image artistique

Dans le cadre de l’apprentissage pianistique d’une œuvre musicale, et ce, indépendamment de l’époque à laquelle l’œuvre a été créée, plusieurs auteurs soulignent l’importance de bien comprendre l’esprit de l’œuvre. Camp, notamment, rappelle les propos de Henrich Neuhaus qui fut le professeur de nombreux pianistes de renom; ce dernier considère que la première étape d’apprentissage est de bien saisir le sens profond de l’œuvre, son caractère artistique : « Heinrich Neuhaus, the teacher of several renowned pianists including Svyatoslav Richter and Emil Gilels, suggests that the art of piano playing should begin with understanding of the content or artistic image of music [:]91. »

Tout comme Neuhaus, Henriques considère que l’expression du caractère profond d’une pièce musicale – qui constitue le but ultime visé par l’interprète – est également le premier aspect sur lequel il doit se pencher lors de l’apprentissage de celle-ci.

The starting point for learning a musical piece should be simultaneously the ultimate goal: the expression of the “character” that translates its inner aesthetic meaning. Here, the term “character” is used subjectively and comprehensively: it can refer to any psychological, emotional or philosophical experience. Before any other parameter, this is the first that has to be identified92.

Pour sa part, G. Kochevitsky, qui s’est intéressé à la démarche de F. Liszt (1811-1886), constate qu’une représentation claire de l’esprit d’une composition est primordiale puisqu’elle guidera le musicien sur le plan technique. Il écrit :

Liszt stressed the importance of grasping the spirit of a composition. Only the strength of musical imagination can guide one in his search for technical skill and show him the right direction: the body will find the necessary movements

91 Max W. Camp, Developing Piano Performance : A Teaching philosophy (Chapel Hill : Hinshaw Music,

1981), 21.

92 Miguel Henriques, The (Well) Informed Piano : Artistry and knowledge (Lanham : University Press of

for realizing the musical idea. Technique not only serves the artistic goal but is itself generated by the tonal image93.

Pour ce qui me concerne, j’ai constaté que, lors de l’apprentissage de chacune des pièces du cycle Diário, le caractère de la pièce était présent en filigrane tout au long de ma démarche. Cherchant d’abord à m’appuyer sur les indications du compositeur, j’ai réalisé que la définition du caractère d’une pièce est étroitement liée avec les étapes relatives à la lecture de la partition, l’analyse de l’œuvre et la maitrise de la technique pianistique. L’expression physique du caractère d’une œuvre découle d’un long processus comportant l’ensemble de ces étapes. Selon Kochevitsky, l’interprète doit d’abord se familiariser avec plusieurs éléments de l’œuvre :

Before playing a composition he has to become familiar with its form, harmonic and polyphonic structure, metrical-rhythmic relationships, melodic design, phrasing, articulation, quality of desired sonority and dynamic shading94.

Apprivoiser l’ensemble de ces éléments ne peut se faire sans une lecture rigoureuse de la partition.

3.2 La lecture de la partition

La lecture de la partition comprend d’abord le déchiffrage des signes (hauteurs sonores, figures rythmiques, articulation, nuances) et l’identification des divers éléments structuraux (motifs, séries, accords, phrases, sections) qui mèneront à l’analyse formelle de l’œuvre. Selon le compositeur et professeur Alexander Goldenweiser (1875-1961), la lecture peut prendre assez de temps : « True, an ability to read what is there in the text does not come immediately95. » Cette étape peut même être celle qui exigera la plus grande part du temps dédié à l’apprentissage de l’œuvre; ceci est particulièrement vrai pour une œuvre de musique atonale, comme c’est le cas pour Diário.

93 George Kochevitsky, The Art of Piano Playing : A Scientific approach (Evanston, III : Summi - Birchard,

1967), 7.

94 Ibid., 50.

95 Christopher J. Barnes, « Alexander Goldenweiser : Advice from a pianist and teacher », dans The Russian Piano School: Russian pianists and Moscow Conservatoire professors on the art of the piano, traduit du

82 3.3 Le déchiffrage

Les pièces de ce cycle sont difficiles à déchiffrer. Contrairement aux œuvres du répertoire pianistique dit « traditionnel », l’interprète ne peut recourir, à proprement parler, à la « lecture à première vue »; l’absence de formules connues, emmagasinées en mémoire rend cette dernière très ardue, quasi impossible.

En effet, en travaillant le cycle Diário, je me suis aperçue que je ne pouvais pas faire appel à mes expériences auditives habituelles. Comme c’est le cas pour de nombreux musiciens, la formation musicale que j’ai reçue m’a préparée à jouer plus spécifiquement les œuvres pianistiques des époques précédant celle de l’atonalité. Diário était pour moi une musique aux sonorités inouïes. Ne pouvant pas m’appuyer sur mes connaissances du langage tonal et sur mes habitudes motrices, notamment pour ce qui concerne les gammes, les arpèges et les progressions harmoniques, j’ai rencontré une série d’obstacles lors de l’apprentissage de Diário.

Dans son livre consacré à l’enseignement de la musique contemporaine96, Ellen Thompson parle d’ailleurs de l’insuffisance de la préparation technique des élèves habitués au répertoire des siècles passés – préparation s’appuyant, entre autres, sur les études de Carl Czerny et de Johann Baptiste Cramer – et de la nécessité de développer des techniques appropriées au répertoire contemporain qui utilise notamment les séquences de quartes, les sauts, de nombreuses altérations et des rythmes complexes faisant usage de syncopes, de métriques asymétriques et alternées, de la polyrythmie et de l’ostinato. Nous retrouvons ces caractéristiques dans de nombreuses pièces du cycle Diário. Voici, à titre d’exemple, quatre extraits de l’œuvre où nous constatons l’usage de nombreuses altérations, de sauts et d’éléments rythmiques variés dont la syncope, l’ostinato, la polyrythmie et la polymétrie.

Dans le premier extrait, tiré de la pièce Abalada – a balada, nous retrouvons un rythme syncopé à la main droite et un ostinato à la main gauche, tel qu’illustré à exemple 62.

96 Ellen Thompson, Teaching and Understanding Contemporary Piano Music (San Diego, California: Kjos

Exemple 62. Pièce Abalada – a balada, ostinato (mes. 1-2, portée du bas) et syncopes (mes. 2, portée du haut)

Dans le deuxième extrait, tiré de la pièce Um dia comum, Schuenemann utilise la polymétrie : une métrique à 5/4 sur la portée du haut et une métrique à 6/4 sur la portée du bas (voir l’exemple 62).

Exemple 63. Pièce Uma dia comum, mes. 1-2.

Dans le troisième extrait, tiré de la pièce A prova, nous observons de nombreux sauts (voir l’exemple 64) :

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Dans le quatrième extrait, tiré de la pièce A festa do sempre livre e a facada do CD, nous retrouvons l’usage de l’ostinato à la main droite (celui-ci est répété tout au long de la pièce) et de nombreux sauts à la main gauche.

Exemple 65. Pièce A festa do sempre livre e a facada do CD, mes. 1-4.

Par ailleurs, comme nous pouvons le constater dans les quatre extraits présentés ci-dessus, les signes d’altération sont nombreux. En fait, ils sont présents dans toutes les pièces du cycle, ce dernier s’inscrivant dans le champ atonal. La présence de toutes ces altérations a rendu difficile le déchiffrage de l’œuvre.

Un autre aspect qui s’est avéré particulièrement laborieux à l’étape du déchiffrage fut l’analyse des figures de rythme et de silence. Comme en fait foi l’exemple 66, certaines pièces comportent une quantité considérable de figures de silence, ce qui a demandé des calculs mathématiques pour ce qui est de leur rapport aux figures rythmiques, à l’unité de temps et à la métrique.

Exemple 66. Pièce Estamos sozinhos?

3.4 Le regroupement d’unités

Une fois le déchiffrage des figures de note, de rythme et de silence terminé, j’ai procédé à l’identification de motifs ou d’éléments pouvant générer des regroupements sur lesquels j’ai pu m’appuyer pour la suite de mon travail. Kochevitsky décrit bien ce processus :

In reading music the pianist should not read single notes but should unite these notes in comprehensible successions: arpeggio or scale patterns of any kind, any kind of sequence, harmonic complex, and the like. In order to be able to play with speed, we have to organize our thinking in such a way that it will flow rapidly and unhampered97.

En effet, pour réaliser à l’instrument la grande quantité d’informations que nous livre la partition, et rendre justice à l’œuvre, l’interprète ne peut penser à chaque signe, note ou son individuellement, il doit plutôt chercher à comprendre ce qui unit un son à un autre et déterminer la fonction respective de chacun des sons dans l’ensemble. C’est ce qui l’amène à former des unités de sons qui, à leur tour, pourront être regroupées en succession d’unités plus grandes, jusqu’à former un ensemble cohérent.

Lors de l’apprentissage de Diário, cette étape de regroupement d’unités significatives (motifs, séquences, phrases, sections) s’est réalisée directement à l’instrument, ce qui m’a permis « d’incorporer » l’œuvre, c’est-à-dire « de me la mettre dans les doigts » progressivement, de façon cohérente. J’ai travaillé tous les constituants (incluant les nuances et l’articulation) de chaque élément et motif simultanément, en déterminant dès le début le doigté et le jeu de pédales; d’abord mains séparées, ensuite mains ensemble, augmentant graduellement le tempo d’exécution. Cette façon de faire a favorisé la mémorisation des diverses séquences et a contribué à diminuer le temps d’apprentissage. Cela m’a également permis d’identifier les problèmes techniques reliés aux divers

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regroupements. Grâce à des répétitions quotidiennes qui ont mené à l’acquisition de solides automatismes moteurs, j’ai pu maitriser l’ensemble des difficultés. S’intéressant à la technique pianistique, Kochevitsky note l’importance de procéder par regroupement pour vaincre les problèmes techniques rencontrés. Il rappelle que Liszt avait identifié un certain nombre de formules de base qui, une fois maitrisées, permettraient de contrer les difficultés techniques rencontrées dans le répertoire pianistique :

Analyzing technique, he reduced all difficulties in piano music to a certain number of basic formulas. A pianist who mastered these formulas would be equipped, after making some adjustments, to play everything written for the instrument98.

Voici, dans ce qui suit, un exemple du procédé de regroupement tel que je l’ai mis en application dans la pièce UAUH!!!!

Voyons le début de cette pièce dans l’exemple 67 :

Exemple 67. Pièce UAUH!!!!

Pour l’apprendre plus efficacement, j’ai divisé la pièce en petits motifs comme celui qui est exposé dans l’exemple 68.

Exemple 68. Pièce UAUH!!!!, portée du haut, premier extrait.

Nous pouvons voir une partie de la gamme chromatique de huit notes (do=4- sol=4), puis un intervalle de neuvième majeure (sol=4 -fa=3), suivi par une seconde augmentée (fa=3 - sol+3) dans la direction contraire. J’ai choisi le doigté traditionnel sur la gamme chromatique

do=4- sol=4 (1-3-1-3-1-2-3), puis j’ai utilisé le doigté 5 sur le sol=4 pour que, sur les prochaines notes fa=3 - sol+3, je puisse utiliser les doigtés 1-2. Par la suite, j’ai joué le motif plusieurs fois, en variant le tempo d’exécution, jusqu’à ce qu’il devienne facile à jouer, créant ainsi un automatisme corporel.

L’exemple suivant est l’extrait de la main gauche qui doit être joué simultanément avec l’extrait de la main droite qui a été présenté ci-dessus.

Exemple 69. Pièce UAUH!!!!, portée du bas, premier extrait.

Tout comme dans la main droite, la partie de la main gauche est constituée de motifs chromatiques. Les quatre premières notes font partie d’une gamme chromatique, elles sont disposées dans la direction contraire à celle de la main droite. Toutes les notes ayant la durée de triples croches, sont jouées pp. La quatrième triple croche (sol+2) est accentuée et marqué par la nuance de fff. Par la suite, le huitième de soupir sert à prendre une « respiration » rapide et à réaliser un petit saut (septième majeure) sol+2 - la=1. À partir de

la=1, le mouvement des deux mains devient parallèle. J’ai choisi les doigtés 1-3-1-3 sur la gamme si=2 - sol+2, ensuite les doigtés 5-3-2-1-3-1 sur la gamme la=1 - ré=2.

Pour mieux me familiariser avec la sonorité dissonante produite par le jeu des deux mains, je me suis exercée à entendre tous les intervalles entre eux. Ainsi, le premier intervalle est une seconde mineure si= - do=, disposée comme une neuvième. Il est suivi par une tierce mineure la+ - do+, puis par une quarte juste. Par la suite, j’ai travaillé la formule suivante et

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ainsi de suite. L’exemple 70 présente les formules subséquentes (main droite et main gauche) :

Exemple 70. Pièce UAUH!!!!, deuxième formule et troisième formule.

Après avoir travaillé les extraits de façon séparée, je suis passée à l’étape suivante, qui consiste à les unir, en m’appuyant sur quelques points de repère. Au fur et à mesure de l’apprentissage, certaines actions deviennent automatisées. Ainsi, je ne pense plus à toutes les notes et à tous les intervalles qui sont écrits, mais je me concentre plutôt sur quelques points de repères plus importants. Cette façon de procéder facilite grandement l’apprentissage.

Comme je l’ai déjà mentionné, contrairement à la musique tonale, dans la musique atonale, il n’y pas de progressions harmoniques qui soutiennent le discours musical et structurent la pièce. De plus, dans UAUH!!!!, notamment, il n’y a même pas de métrique définie par le compositeur. Les nuances et les articulations jouent pourtant un rôle significatif. Par exemple, les notes sol= et sol+ jouent le rôle important, étant toujours marqués par f ou fff, selon leur registre. Dans Diário le choix des extraits ou motifs est propre à chaque pièce, et ils sont toujours constitués des intervalles mélodiques et harmoniques présents.

3.5 L’analyse formelle

Après avoir identifié diverses cellules musicales (unités, fragments, motifs), j’ai cherché à mieux comprendre leur rôle respectif dans l’ensemble de chaque pièce en procédant à une analyse formelle de cette dernière. Je me suis alors intéressée à sa structure musicale : l’organisation des idées musicales, leur déroulement dans la trame temporelle, leur exposition, leur répétition, leur imitation, leur récurrence, leur fragmentation, leur

succession, leur opposition, leur développement en séquences significatives (phrases, sections). Prenant en compte l’atonalité, cette étape d’analyse m’a demandé une attention soutenue. Ici encore, le travail à l’instrument s’est avéré essentiel, puisqu’il m’a permis de m’apprivoiser aux sonorités nouvelles – caractérisées par de nombreux intervalles et accords dissonants (seconde, triton, septième, cluster), ainsi que par des textures sonores denses et chargées, présentes tout au long du cycle. La perception auditive des diverses unités et l’analyse de leur rapport respectif, m’ont aidé à construire une vision d’ensemble de chaque pièce. À l’instar de Newman, je considère qu’une bonne compréhension des éléments constitutifs de l’architecture sonore est indispensable à l’interprète. Pour rendre justice à l’œuvre, l’interprète ne peut faire fi d’une analyse approfondie de sa structure formelle : « An understanding of form is an important means of arriving at a concept of the whole in performance, which is, strangely, one of the most neglected and yet one of the most vital aspects of interpretation99. »

3.6 L’interprétation musicale

Les premières étapes d’apprentissage complétées (déchiffrage, regroupement d’unités, analyse formelle), je me suis concentrée sur l’interprétation musicale proprement dite, focalisant plus spécifiquement sur ma manière de jouer, afin de rendre significative et vivante la matière sonore produite. Ce travail a exigé plusieurs heures de répétition. Au fur et à mesure que je réussissais à résoudre les difficultés techniques, je cherchais à définir le tempo, ce qui n’est pas toujours évident. Selon le pianiste et pédagogue Grigorii Ginzburg (1904-1961), le choix du tempo dépend de l'interprète :

The tempo of a piece is decided by the performer, based on the composer’s markings of allegro, andante, presto, et cetera. However these are all fairly flexible notions, and to make them more precise composers sometimes add metronome markings. But even the latter should be taken as a very approximate guide, and not as an absolute requirement100. […] The tempo of a performance is in fact a highly individual matter. The tempo cannot be ‘ordered’ in advance – the performer has to discover it101.

99 William S. Newman, The Pianist's Problems: A Modern approach to efficient practice and musicianly performance, 4e éd. (New York : Da Capo Press, 1986), 141.

100 Christopher J. Barnes, « Grigorii Ginzburg : Notes on mastery of the piano », dans The Russian Piano School: Russian pianists and Moscow Conservatoire professors on the art of the piano, traduit du russe et

révisé par Christopher Barnes (London : Kahn & Averill, 2007), 84.

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Tout en tenant compte du tempo indiqué par le compositeur sur la partition, l’interprète doit considérer à la fois ses capacités et l’image artistique qu’il veut exprimer. Prenons l’exemple du tempo indiqué par le compositeur pour la pièce A festa do sempre livre e a

facada do CD qui est N =105. En travaillant sur cette pièce, j’ai constaté qu’il est presqu’impossible de réaliser tout ce qui est écrit sur la partition à ce tempo. J’ai donc choisi un tempo un peu moins rapide, tout en faisant ressortir le caractère « frénétique » de

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