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Les dynamiques des PME en Turquie : structuration et
développement régional étudiés à partir de la
confédération TUSKON
Yafes Uyarci
To cite this version:
Yafes Uyarci. Les dynamiques des PME en Turquie : structuration et développement régional étudiés à partir de la confédération TUSKON. Economies et finances. Université de Strasbourg, 2014. Français. �NNT : 2014STRAG014�. �tel-01884412�
1
UNIVERSITÉ DE STRASBOURG
ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
Laboratoire dynamiques européennes
THÈSE
présentée par :Yafes UYARCI
soutenue le : 27 juin 2014
pour obtenir le grade de :
Docteur de l’université de Strasbourg
Discipline/ Spécialité: Sociologie
Les dynamiques des PME en Turquie :
structuration et développement régional
étudiés à partir de la confédération
TUSKON
THÈSE dirigée par :
M. Stéphane de Tapia Directeur de Recherche, université de Strasbourg
RAPPORTEURS :
M. Marcel BAZIN Professeur de géographie, Université de Reims
M. Gérard GROC HDR, Chercheur associé à L’IREMAM, Université Aix-Marseille
AUTRES MEMBRES DU JURY :
Didier FRANCFORT Professeur d’histoire contemporaine, Université Nancy 2
Ragıp EGE Professeur d’économie, Université de Strasbourg
3
UNIVERSITÉ DE STRASBOURG
ÉCOLE DOCTORALE DES SCIENCES HUMAINES ET SOCIALES
Laboratoire dynamiques européennes
THÈSE
présentée par :Yafes UYARCI
soutenue le : 27 juin 2014
pour obtenir le grade de :
Docteur de l’université de Strasbourg
Discipline/ Spécialité: Sociologie
Les dynamiques des PME en Turquie :
structuration et développement régional
étudiés à partir de la confédération
TUSKON
THÈSE dirigée par :
M. Stéphane de Tapia Directeur de Recherche, université de Strasbourg
RAPPORTEURS :
M. Marcel BAZIN Professeur de géographie, Université de Reims
M. Gérard GROC HDR, Chercheur associé à L’IREMAM, Université Aix-Marseille
AUTRES MEMBRES DU JURY :
Didier FRANCFORT Professeur d’histoire contemporaine, Université Nancy 2
Ragıp EGE Professeur d’économie, Université de Strasbourg
5
REMERCIEMENTS
Je voudrai tout d’abord remercier mon directeur de thèse Stéphane de Tapia, pour toute l’aide qu’il m’a apporté et pour sa grande disponibilité. Malgré les nombreuses difficultés, il a gardé confiance en moi et je lui en suis reconnaissant. Je remercie les membres du jury d’avoir accepté de participer à ma soutenance. Je tiens à remercier mes parents, mon épouse, mes enfants pour leur soutien, leur patience et leur appui très précieux.
I
TABLE DES MATIERES
TABLE DES MATIERES ... I
INDEX TABLEAUX ... 1
ACRONYMES ... 3
GLOSSAIRE ... 5
INTRODUCTION ... 7
PARTIE 1 : Essai de définition et structuration de la PME en Turquie
CHAPITRE 1 : La notion d’entreprise ... 27L’entreprise, qui est-elle ? ... 27
L’entreprise des extremums : au minimum de la (re)connaissance ... 30
Prémices du changement : vers un regard plus objectif sur l’entreprise... 35
L’entreprise aux antipodes de l’exclusion ... 38
Formes d’entreprises existantes ... 41
CHAPITRE 2 : La PME : généralités ... 47
De l’archaïsme vers le contemporain ... 49
La PME comme champ, outil ou objet d’analyse ... 55
Identité de la PME ... 56
PME entre diversité et spécificité ... 60
Locale ou globale : le nouveau dilemme de la PME ... 62
Vers un recentrage de la PME ... 63
CHAPITRE 3 : Spécificité et diversité qualitatives et quantitatives de la PME ... 67
L’approche quantitative... 72
La complexité de l’effet-taille : prémices de la recherche en PME ... 73
II
CHAPITRE 4 : Les différentes perceptions de la PME dans le monde ... 87
Définition de l’Union Européenne ... 89
Définition de la PME en Italie ... 96
Définition de la PME en Angleterre ... 96
Définition de la PME en France ... 98
Définition de la PME en Allemagne ... 98
Définition de la PME aux États-Unis ... 99
Définition de la PME au Japon ... 101
CHAPITRE 5 : Turquie : un essai de définition ... 105
Définitions de la PME en Turquie ... 106
La Normalisation de la définition ... 113
La place de la PME dans l’économie et ses spécificités ... 116
Les Zones Industrielles Organises (Organize Sanayi Bölgeleri - OSB) ... 124
Les Petites cités industrielles (Küçük Sanayi Siteleri - KSS) ... 126
Les Zones industrielles (Endustri Bölgeleri – EB) ... 129
Les Zone de développement de la technologie (Teknoloji gelişturme Bölgeleri – TGB) ... 130
Les centres de développement de la Technologie (Teknoloji geliştirme Merkezleri - TEKMER) ... 134
La politique de la PME en Turquie et les organismes concernés ... 136
La KOSGEB : Direction administrative du développement et du soutien des Petites et Moyennes Entreprises (Küçük ve Orta ölçekli işletmeleri Geliştirme ve Destekleme idaresi Başkanlığı) ... 138
Financement et soutiens de la PME en Turquie ... 141
La KOSGEB : un pont vers l’Europe pour les PME turques ... 144
Autres organismes d’aides à la PME ... 153
III
PARTIE 2 : Sociohistorique de la PME en Turquie et émergence d’une
nouvelle classe sociale anatolienne
CHAPITRE 1: de l'Empire à la République: la sociohistorique de la Petite et
Moyenne structure (économique) en Turquie ... 166
Quelques notions sur l’Ahi teşkilatı ... 171
Le rôle de l’Ahi: la socialisation artisanale sous contrôle ... 173
Mutation de l’organisation Ahi : le Lonca ... 175
Effets néfastes de ce mode de gestion sur la petite entreprise et l’apparition d’entrepreneur ... 176
Le déclin du système ... 179
Disparition de la petite industrie ottomane face au soulèvement interne et aux pressions externes ... 180
L'économie ottomane suite à la révolution industrielle ... 183
L'accord commercial de 1838 et ses conséquences ... 184
CHAPITRE 2 : la PME au cœur du débat d’industrialisation de la nouvelle jeune République turque ... 191
Héritage industriel, économique et social ... 191
La création d’une classe d’entrepreneur par le biais de la petite entreprise ... 196
Un développement limité de la PME et de la classe d’entrepreneur désirée ... 200
Le Congrès économique d’Izmir (17 février au 04 mars 1923) : (re)naissance/(re)connaissance de la petite et moyenne entreprise en Turquie ... 201
L’État comme acteur économique dans l’industrialisation ... 210
Situation de la Petite entreprise ... 214
CHAPITRE 3 : l’échec du privé et de la petite entreprise face au grand défi d’industrialisation de la Turquie ... 216
Basculement et raisons de l’étatisme : la petite entreprise et l’artisan peu à peu négligés ... 218
Les premiers plans de développement : qu’elle place pour la petite et moyenne entreprise ? ... 222
Les réformes durant cette période ... 226
Les efforts visant à rassurer le secteur privé et les petites et moyennes entreprises ... 228
IV
CHAPITRE 4 : La Petite et Moyenne Structure durant la période libérale et face à la
crise ... 235
L’industrie turque face aux changements politico-économiques observés ... 236
L’émergence de la Petite et Moyenne Entreprise malgré tout ... 241
L’origine de la Planification quinquennale ... 250
L’Organisation de la Planification d’État d’hier à aujourd’hui ... 252
Le premier plan quinquennal (1963-1967) : genèse de la recherche sur la PME en Turquie ... 257
Emergence de la PME dans l’espace socio-économique ... 260
La PME trouve sa place dans l’espace public : Le troisième plan quinquennal (1973-1977) ... 263
CHAPITRE 5 : la PME anatolienne, au centre de la politique Özalienne ... 267
Turgut Özal : sa perception de la petite entreprise et des entrepreneurs ... 268
Le nouveau visage de la Turquie ... 272
Orientation de sa politique économique vers la PME et le secteur privé ... 275
Le sixième plan quinquennal et KOSGEB ... 280
CHAPITRE 6 : La PME au cœur du développement socio-économique ... 287
La PME comme outil dynamique de développement ... 288
V
PARTIE 3 : TUSKON, résultat d’un long processus de socialisation de la
PME et de ses acteurs
CHAPITRE 1 : les mouvements religieux et l’esprit entrepreneurial ... 301
La dualité islam/modernité : enclave à la modernisation ? ... 302
Les groupes religieux, début de la contre-élite des croyants musulmans face aux réformes kémalistes répressives ... 307
Des réformes pour effacer le passé musulman de la nouvelle Nation turque et la volonté de créer une classe d’entrepreneur nationale ... 309
L’apparition d’une nouvelle dynamique de pensée : la cemaat ou communauté moderne ... 312
Fondation et intégration dans l’espace social, économique et politique ... 319
Visibilité médiatique et son apport pour cette classe sociale montante ... 322
L’exode rural et l’interpénétration des valeurs islamiques de la périphérie vers le centre ... 323
Contribution de Turgut Özal dans l’émancipation des PME ... 329
Necmettin Erbakan, la conception politique de l’islamisation en Turquie ... 331
La création de la MÜSIAD et son adaptation entre 1990 et 2000 ... 335
CHAPITRE 2 : L’initiateur du renouveau entrepreneuriale : Said Nursi ... 339
Son analyse du problème ... 345
Les deux typologies d’actions dynamisant l’esprit entrepreneurial chez le musulman proposées par Nursi ... 346
CHAPITRE 3 : Fethullah Gülen ou la mise en pratique des préceptes de Said Nursi : l’apparition de la notion de Beruf ? ... 350
Sa philosophie de pensée la religiosité ... 354
Le mouvement Hizmet, une base sociale pour la dynamique des PME en Turquie ... 359
Interpénétration de la foi et la modernité ... 366
Sa vision symétrique du Sıratım mustakim (la voie du juste de milieu) ... 371
Son approche socio-économique est-elle calviniste ? ... 373
VI
CHAPITRE 4 : (re)dynamisation des PME autour des idées de Gülen et par la
socialisation de ses patrons ... 381
Incitation à l’union des forces de la part de Gülen ... 385
Contribution des entrepreneurs aux projets sociaux ... 386
Structuration viscérale et affirmation de la nouvelle élite pieuse/moderne ... 390
Développement socio-économique des PME et de son patron pieux par la recherche de la Grâce divine ... 394
L’association İŞHAD, prémices de l’organisation patronale autour du mouvement Hizmet : un modèle pour la structuration de la PME ... 398
Activité commerciale sur fond de projet social : s’enrichir pour la réalisation des projets socio-éducatifs et la recherche de la Grâce divine ... 403
CHAPITRE 5 : Création de TUSKON : nouveau porte-étendard des PME et la responsabilité sociale : structuration et développement de la confédération ... 410
L’activisme économique et social de TUSKON ... 422
Le monde comme « air de jeu » ... 432
CHAPITRE 6 : Ambitions et objectif de TUSKON : faire des membres des joueurs internationaux sur la scène économique: exemple du continent africain ... 436
Un appui stratégique fondamental de l’outil socio-éducatif à l’économie : le rôle des écoles turques dans la quête de nouveaux marchés des PME anatoliennes ... 448
Faire de la Turquie un acteur majeur sur le continent africain ... 453
Les PCTA/PCTM : l’ouverture de la PME turque sur le monde ... 454
Exemple de partenariats ... 472
CHAPITRE 7 : analyse de l’association BUGİAD à Bursa ... 480
BUGİAD : TUSKON à Bursa ... 483
Structuration de l’association ... 492
Caractéristiques des membres de l’association et l’émergence dans l’espace public .... 495
Activités de BUGİAD et socialisation des membres ... 504
CONCLUSION ... 521
BIBLIOGRAPHIE ... 529
1
Index Tableaux
Tableau 1.1.1 : Les idées sur l’entreprise
Tableau 1.1.2 : Différentes formes de l’entreprise Tableau 1.1.3 : Typologie sur continuum
Tableau 1.4.1 : place de la P.M.E dans certains pays Tableau 1.4.2 : définition européenne de la PME Tableau 1.4.3 : catégories d’entreprises
Tableau 1.4.4 : Définition juridique européenne de la PME Tableau 1.4.5 : définition de la PME italienne
Tableau 1.4.6 : définition de la PME en Angleterre
Tableau 1.4.7 : définition de la PME en Angleterre par secteur Tableau 1.4.8 : définition de la PME en France
Tableau 1.4.9 : définition de la PME en Allemagne Tableau 1.4.10 : Définition de la PME aux États-Unis
Tableau 1.4.11 : Définition de la PME au Japon en fonction de l’investissement Tableau 1.4.12 : Les différentes phases de recherche sur la PME
Tableau 1.5.1 : Définitions de la PME en Turquie dans les différents organismes Tableau 1.5.2 : Définition turque et européenne de la PME
Tableau 1.5.3 : Répartition de la PME dans les secteurs en Turquie Tableau 1.5.4 : Contribution de la PME à l’économie turque
Tableau 1.5.5 : Part de la PME dans l’emploi et la valeur ajoutée dans certains PD et PVD Tableau 1.5.6 : Rapport entre les plans quinquennaux et la création des KSS
Tableau 1.5.7 : Répartition des KSS par région
Tableau 1.5.8 : Le rapport entre le nombre de KSS et le potentiel d’emploi
Tableau 1.5.9 : Inventaire des Endüstri Bölgeleri (Zones Industrielles) en Turquie Tableau 1.5.10 : Types d’aides proposées par la KOSGEB
Tableau 1.5.11 : Services proposés par les laboratoires de la KOSGEB Tableau 1.5.12 : Soutiens financiers proposés par la KOSGEB
Tableau 1.5.13 : Programme d’aide à la R&D proposé par la KOSGEB Tableau 1.5.14 : Programmes d’aides selon critères
Tableau 1.5.15 : Liste des sites internet de banque dédiés à la PME
Tableau 1.5.16 : Type de crédit et nombre de PME qui en bénéficie à Bursa Tableau 1.5.17 : Exemples d’aides proposés par certains organismes
Tableau 2.1.1 : Les conditions néfastes pour l’artisanat suite à la signature de 1838 Tableau 2.1.2 : Situation de l’industrie au début du 20ième siècle
Tableau 2.2.1 : Nombre d’entreprise ayant bénéficié de la tesvik-i sanayi kanunu Tableau 2.2.2 : revendication et proposition des différentes couches sociales – Congrès économique d’Izmir
2 Tableau 2.3.1 : La participation active de la Sümerbank dans les différents secteurs
Tableau 2.3.2 : Bilan des exportations et importations entre 1939 et 1946 Tableau 2.3.3 : Répartition de l’investissement public/privé par secteur Tableau 2.3.4 : Les entreprises privées selon l’année de création et le secteur
Tableau 2.3.5 : Les entreprises ayant bénéficiées de la T.Ş.K. (Teşvik-i Sanayi Kanunu) Tableau 2.3.6 : Commerce en Turquie entre 1923 et 1947
Tableau 2.3.7 : Evolution des indicateurs économiques entre 1923 et 1948 Tableau 2.4.1 : Niveau d’études du personnel du DPT
Tableau 2.6.1 : Le nombre de page des plans quinquennaux Tableau 3.1.1 : réforme mise en place par Atatürk
Tableau 3.4.1 : Comparaison des types d’entrepreneurs
Tableau 3.5.1 : Nombre d’association composant les fédérations Tableau 3.5.2 : quelques exemples d’activités de TUSKON
Tableau 3.5.3 : Les ponts du commerce et le sommet commerciaux Tableau 3.6.1 : nombre d’entreprises participantes : Europe
Tableau 3.6.2 : Le rapport Monde/Europe
Tableau 3.6.3 : nombre d’entreprises participantes : Afrique Tableau 3.6.4 : Le rapport Monde/Afrique
Tableau 3.6.5 : nombre d’entreprises participantes : Asie/Orient Tableau 3.6.6 : Le rapport Monde/Afrique
Tableau 3.6.7 : nombre d’entreprises participantes : Amérique Tableau 3.6.8 : Le rapport Monde/Amérique
Tableau 3.6.9 : nombre d’entreprises participantes : Pacifique Tableau 3.6.10 : Le rapport Monde/Amérique
Tableau 3.7.1 : Secteurs économiques majeurs de la ville de Bursa
Tableau 3.7.2 : Année de fondation de l’entreprise et génération qui la dirige Tableau 3.7.3 : Nombre de salarié
Tableau 3.7.4 : Profil du patron d’entreprise (par rapport à l’année 2013) Tableau 3.7.5 : Constitution du capital de l’entreprise
Tableau 3.7.6 : Raisons qui ont poussé à fonder une entreprise Tableau 3.7.7 : Facteurs influençant le patron dans la vie quotidienne
Tableau 3.7.8 : Nombre d’abonnement à des revues ou journaux spécialisées Tableau 3.7.9 : Facteur(s) à l’origine de l’esprit entrepreneurial
Tableau 3.7.10 : Choix de l’entrepreneur pour la carrière de ses enfants Tableau 3.7.11 : Fonction de l’entrepreneur selon les interrogés
3
ACRONYMES
AKP (Adalet ve Kalkınma Partisi) : Parti de la Justice et du Développement ANAP (Anavatan Partisi): Parti de la mère Patrie
AP (Adalet Partisi) : parti de la Justice
ASO (Ankara Sanayi Odası) : Chambre de l’industrie d’Ankara ATO (Ankara Ticaret Odası) : Chambre de commerce d’Ankara CHP (Cumhuriyet Halk Partisi) : Républicain du Peuple
CGP (Cumhuriyetçi Güven Partisi) :
DAP (Doğu Anadolu Projesi) : projet de l’Anatolie de l’Est DİE (Devlet İstatistik Enstitüsü) :
DOKAP (Doğu Karadeniz Projesi) : projet de la région de la Mer Noire orientale DP (Demokrat Partisi) : Parti démocrate
DPT (Devlet Planlama Teşkilatı) : L’Organisme de Planification de l’État EBSO (Ege Bölgesi Sanayi Odası) : Chambre de l’industrie de la région égéenne GAP (Güney Doğu Anadolu Projesi) : projet de l’Anatolie du Sud-Est
HP (Halkçı Partisi) : Parti populiste
HÜP (Hürriyet Partisi) : Parti de la Liberté
İGEME (İhracatı Geliştirme Etüd Merkezi - Centre d’étude de développement de
l’exportation
İKV (İktisadi Kalkınma Vakfı) : Fondation du développement économique İTO (Istanbul Ticaret Odası) : Chambre de commerce d’Istanbul
İTÜ (İstanbul Teknik Üniversitesi) : Université Technique d’Istanbul KALDER (Türkiye Kalite Derneği): Association de la Qualité de Turquie
KOBİ (Küçük ve Orta Büyüklükteki İşletmeler) : Petite et Moyenne Entreprise (PME) KOP (Konya Ovası Projesi) : Projet de la plaine de Konya
KOSGEB (Küçük ve Orta ölçekli işletmeleri Geliştirme ve Destekleme idaresi Başkanlığı) :
Direction administrative du développement et du soutien des Petites et Moyennes Entreprises
KSS (Küçük Sanayi Sitesi) : Cité des petites industries
KÜSGEM (Küçük Sanayi Geliştirme Merkezi) : Centre de développement de la petite
4
KÜSGET (Küçük Sanayi Geliştirme Teşkilatı) : Organisation du développement de la petite
industrie
MDP (Milliyetçi Demokrasi Partisi) : Parti de démocratie nationaliste MGK (Milli Güvenlik Konseyi) : Conseil de Sécurité Nationale Millet Partisi (MP) : Parti de la Nation
MPM (Milli Prodüktivite Merkezi): Centre de Productivité Nationale
MÜSİAD (Müstakil Sanayici ve Iş Adamları Derneği) : Association des industriels et des
hommes d’affaires indépendants.
MSP (Milli Selamet Partisi) : Parti du Salut National
ODTÜ (Orta Doğu Teknik Üniversitesi) : Université Technique du Moyen-Orient ONU : Organisation des Nations Unies
OSTİM (Orta Doğu Sanayi ve Ticaret Merkezi) : centre industriel et commercial du
Moyen-Orient
RP (Refah Partisi) : Parti de la prospérité
SDP (Sosyal Demokrat Partisi : Parti socio-démocrate TBP (Türkiye Birlik Partisi) : Parti d’Union de Turquie
TESK (Türkiye Esnaf ve Sanatkarları Kofederasyonu) : Confédération des commerçants et
artisans de Turquie
TOBB : (Türkiye Odalar ve Borsalar Birliği – Union des Chambre et des Bourses de Turquie TOSYÖV (Türkiye Küçük ve Orta ölçekli işletmeler, serbest meslek mensupları ve
Yöneticileri Vakfı): Fondation des dirigeants et membres des petites et moyennes entreprises et des professions libérales
TÜGİAD (Türkiye Genç İşadamları Derneği) : Association des Jeunes Entrepreneurs de
Turquie
TÜİK (Türkiye Ístatistik kurumu) : Institut des Statistiques de Turquie TSE (Türk Standartları Enstitüsü) : Institut des standards turcs
TUSKON (Türkiye Sanayiciler ve iş adamları Konfederasyonu): Confédération des
industriels et hommes d’affaires de Turquie
TÜSİAD (Türkiye Sanayiciler ve Iş adamları Derneği) : Association des industriels et des
hommes d’affaires de Turquie
5
GLOSSAIRE
Ahi teşkilatı : Une loge (guilde) des Ahis crée par Ahi Evren au 13ième siècle en Anatolie.
Asar : Dîme
Cemaat : Forme moderne des tarîqat, avec plus ou moins de variantes selon les courants de
pensée
Duyun-u umumiye : Dette générale ottomane
Gayrimuslim : Les minorités, signifiant non musulman
Gecekondu : Traduit par « monté la nuit », sorte de bidonville installé tout autour des grandes
villes.
Gedik : Forme de concession attribuée aux guildes İslah-i Sanayi : Amélioration de l’industrie
İttihad ve Terakki fırkası (ou cemiyeti) : Comité de l’Union et Progrès, parti politique
nationaliste, résultat de la fusion en 1907 de la société ottomane de liberté, le comité de Salonique (mettre une définition en bas de page) et des Jön Türkler, les Jeunes Turcs, mouvement nationaliste révolutionnaire et occidentaliste opéré en Turquie à la fin de l’Empire.
Lonca : Guilde
Meşrutiyet : Constitution Millet : La nation
Misak-i iktisadi : Pacte économique conclut lors du Congrès Économique d’İzmir en 1923. Müsadere : Confiscation (de biens)
Nufus mübadelesi : Échange de population Tarîqat : Ordre religieux (groupe religieux)
melamilik (melamet) Tarîqatı : Enseignant le fait de cacher son côté spirituel profond par la
mise en avant des côtés faibles de l’individu, de ses défauts
Tasavvuf : Philosophie du mysticisme Vakıf : Fondation
7
INTRODUCTION
Atatürk avait un rêve : voir une Turquie forte, indépendante, laïque, trouvant sa place au côté des puissances mondiales, dont l’acteur principal serait un groupe d’entrepreneurs national. Dès la proclamation de la République turque, il affiche son envie de créer une Turquie moderne calquée sur le modèle occidental, démarquée de son passé ottoman et musulman. Pour réaliser ce projet, il souhaite s’appuyer sur une classe entrepreneuriale nationale, aujourd’hui intégré dans l’élite kémaliste laïque, regroupant des grands patrons de holdings (Koç, Sabancı, Eczacıbaşı, etc.). Mais paradoxalement, presque cent ans après sa volonté, l’émergence de groupe comme TUSKON (Türkiye iş adamları ve Sanayiciler Konfederasyonu – Confédération des hommes d’affaires et industriels de Turquie) est sans doute le signe prépondérant de son aboutissement. Car TUSKON semble bien représenter la classe patronale anatolienne, les PME et ses patrons, une classe qui ne trouvait pas sa place dans le projet d’Atatürk, faute au modèle occidental et aux nombreuses réformes de modernisation constituant la base du projet de celui-ci. Mais ces réformes de modernisation sont insuffisantes pour supprimer l’aspect majoritairement « musulman » de la société. A partir de là, l’islam en Turquie, prend une forme tout à fait différente pour s’affirmer dans l’espace public.
Ce n’est donc pas l’élite kémaliste qui réalise son rêve, mais bel et bien des patrons anatoliens pieux, conservateurs et pratiquants. Face à l’ancrage historique des grands groupes, c’est la PME qui semble répondre aux attentes du Père de la Nation. Des patrons de PME, animés par une foi profonde, une religiosité moderne, se traduisant par un éthos, une éthique comportementale dans l’espace public, qui semble être le principe régulateur de l’action collective1 des associations patronales membres de TUSKON.
Dans son ouvrage « Islam et capitalisme », Rodinson pose le dilemme entre d’un côté la volonté des nations souhaitant l’industrialisation et de l’autre, l’abandon des valeurs identitaires et religieuses pour y parvenir2. La Turquie actuelle semble répondre par la cohabitation de ces deux alternatives. En effet, les grands patrons laïcs stambouliotes et
1
Obrecht, Jean-Jacques, Les entreprises à taille humaine face à la demande éthique, Revue d’Économie
Industrielle, vol. 67, PME-PMI et économie industrielle, 1994, p. 59-60.
2
8 smyrniotes au style de vie européen ne composent plus à eux seuls le « moteur de l’économie ». Désormais, cette dynamique prend essence chez les « Tigres Anatoliens », une nouvelle classe entrepreneuriale, issus de la mouvance provinciales conservatrice3, composé en majorité de patrons de PME, dont l’activisme apparaît sous forme d’action rationnelle4. Ici, la notion de « Tigres Anatoliens » fait référence aux PME dynamiques émergentes asiatiques (Chine, Japon, Corée). Pour Bazin et de Tapia, c’est tout simplement
la revanche de l’Anatolie sur Istanbul, de la Turquie asiatique sur la Turquie européenne, le développement de régions laissées de côté par les capitales, Istanbul et Ankara. Cette revanche n’est pas qu’économique, elle est aussi sociale et politique […] Elle est la prise en compte des patrons musulmans, regroupés autour de MÜSIAD et TUSKON. Socialement et politiquement conservateurs, ils sont issus des petites villes et campagnes, […] montrent sans complexes ni retenues de leur attachement à la morale islamique5.
Cette émergence dans l’espace économique montre à quel point la PME joue un rôle central dans la société contemporaine, venant même à normaliser les « rapports sociaux » sous trois niveaux (identitaire, culturel et celui de la transformation), lui permettant ainsi de changer de statut, passant d’établissement banal à un statut d’institution6.
Ces « Tigres » sont à l’origine de la mutation sociale et économique en Anatolie (Denizli, Kayseri, Yozgat, Gaziantep, etc.), par la combinaison de valeurs à priori antinomique : celle d’une existence spirituelle profonde et un appétit pour la modernité et l’enrichissement7. La transformation de cette géographie est assez surprenante, compte tenu de son aspect quasi totalement rural il y a encore quelques décennie. Aujourd’hui, des zones industrielles, des niches de PME fleurissent à travers tout le territoire et constituent des espaces d’expression pour cette nouvelle classe de patrons conservateurs, leurs permettant, par la même occasion, un passage vers une société moderne. Selon Yankaya, cette transformation sociale pousse cette nouvelle classe vers une mode de vie et de consommations nouvelles8.
3
Pierini, Marc, Où va la Turquie ? Carnets d’un observateur européen, Actes Sud, Paris, 2013, p. 82.
4
Akarçay, Erkan, Türkiye’de islam ahlakı ve kapitalizmin ruhu (olabilir mi ?) (Peut-il y avoir) un esprit du capitalisme et de l’éthique de l’islam en Turquie ?, 6ième Congrès National de la Sociologie, Sosyoloji Derneği
(Association de Sociologie), Aydın, octobre 2009, p. 197.
5
Bazin Marcel, Tapia Stéphane (de), La Turquie, géographie d’une puissance émergente, Armand Colin, Paris, 2012, p. 140.
6
Layafe, Claudette, Sociologie des organisations, Armand Colin, Paris, 2010, p. 86-88.
7
Altınay, Mehmet Hakan, Les calvinistes islamiques, changements et conservatisme en Anatolie centrale, ESI (European Stability initiative), Berlin-Brussels-Istanbul, 2005, www.esiweb.org, p. 29.
8
Yankaya, Dilek, Un conflit patronal et ses enjeux culturels : la bourgeoisie laïque versus la bourgeoisie islamique en Turquie, Iris, Observatoire de la Turquie et de son environnement géopolitique, Paris, mai 2012, (www.iris-france.org), p. 1.
9 Nous observons chez ces acteurs une parfaite harmonie entre l’esprit d’entreprendre contemporain et une piété intense. Feillard l’explique par le fait que l’individu dans l’espace économique se doit de respecter le cadre éthique défini par le Coran pour atteindre la Grâce divine, s’avérant être une finalité pour ces patrons9.
Même si, jusqu’à peu, la religion semblait destinée uniquement à des espaces spécifiques comme le précise Duriez10, les mouvements religieux ne sont pas étrangers à ce renouveau au sein de la société turque, notamment le mouvement Hizmet, appelée aussi mouvement Gülen, en référence à Fethullah Gülen, son initiateur. Gülen (qui se situe sur la ligne de Said Nursi), un savant religieux du 20ième siècle, est connu pour sa philosophie religieuse particulière, mêlant à la fois le spirituel et le moderne, en phase avec la raison et la science. Gülen diffuse un message où la religiosité n’est pas en conflit avec les principes de la République11. Il semble être un nouvel imaginaire « entrepreneurial » pour ces individus de la périphérie. Son discours incite le croyant à une pratique de la religion dont l’idée principale réside sur l’effort et l’action. D’ailleurs « Hizmet », signifie service, que Haenni décrit comme l’action positive d’un individu envers la société dérivant de sa foi12.
Exemple de l’évolution des sociabilités religieuses turques13, le mouvement semble être un acteur majeur de la société civile, particulièrement face à la globalisation en manque d’éthique14. Donc en Turquie, malgré la volonté de l’élite kémaliste, la religion n’a pas cédé. Au contraire, elle a toujours gardé sa place, que ce soit clandestinement au début des années vingt ou avec le soutien des politiques (Menderes, Özal ou encore Kenan Evren, chef d’État-major devenu Président de la République après le coup d’État de 1980, qui instaure les cours religieux obligatoires). L’islam paraît être présent dans de nombreux espaces sociétaux, grâce aux mouvements15, on peut évoquer un renouveau des identités religieuses revendiquées dans l’espace public […] la religion met en scène des acteurs aux stratégies multidimensionnelles,
9
Feillard, Gwenaël, Insuffler l’esprit du capitalisme à l’Umma : la formation d’une « éthique islamique du travail » en Indonésie, Revue Critique Internationale, n°25, 2004/4, p. 115.
10
Ion Jacques (dir), Bréchon Pierre, Duriez Bruno, Religion et action dans l’espace public, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 11-14.
11
Zarcone, Thierry, La Turquie, de l’Empire ottoman à la République d’Atatürk, Gallimard, collection Découverte, Paris, 2005, p. 120.
12
Haenni, Patrick, L’islam de marché, l’autre révolution conservatrice, Seuil, la République des idées, Paris, 2005, p. 85.
13
Manço, Ural, Sécularisation de l’islam en Turquie, Revue Nouvelle, Bruxelles, janvier 2009, p. 84.
14
Öztürk, İbrahim, Yeni küreselleşmenin » felsefesine doğru : STK’lar ve Gülen hareketi, (Vers la philosophie d’une nouvelle globalisation : les ONG et le mouvement Gülen), Journal Zaman, 10/05/ 2009, en ligne www.zaman.com.tr, consulté le 03/03/2013.
15
Bréchon cite l’exemple de l’espace public des médias. Avec le mouvement, nous allons voir que la religion est présente dans tout l’espace public séculier de la Turquie : les médias, l’éducation, l’économie, etc. Cf. Ion Jacques (dir), Bréchon Pierre, Duriez Bruno, Religion et action dans l’espace public, L’Harmattan, Paris, 2000, p. 288.
10 s’avérant capables de composer entre ce qui relève du croire, institutionnel ou subjectif et ce qui est non strictement religieux16. La PME apparaît alors comme un espace d’expression et de revendication de cette identité.
L’article « Anatolian Tigers drive Turkey’s silent revolution » expose l’influence des écrits de Nursi17 sur ces acteurs et l’apport de Gülen dans la formation de l’esprit des « Tigres » d’Anatolie. Ce dernier a apporté une direction clairement contemporaine à la classe moyenne anatolienne. Le message de Gülen, fait d’inclusion, d’engagement interreligieux, d’esprit d’entreprise, d’éducation et de solidarité, a eu une influence décisive dans l’orientation des impulsions entrepreneuriales des Tigres anatoliens […]18.
Encore très peu traité, cet aspect donne à notre étude de la PME une dimension pluridisciplinaire où se mêlent l’économie, la sociologie, l’histoire, la politique et la religion, tout cela, dans un espace public séculier, donc les acteurs principaux des dix dernières années sont l’AKP, le mouvement Hizmet et les Patrons de PME anatoliens19. L’islam semble se manifester non pas comme une simple religion, mais plutôt comme un repère global définissant les rapports sociaux20.
Partant sur ce principe, Gülen façonne et définit à nouveau la relation Individu/Créateur, une relation basée sur l’action, pour que l’individu prenne conscience du rôle que Dieu lui a assigné. Alors, cette nouvelle perception paraît transformer l’esprit entrepreneurial chez les patrons de PME et, dorénavant l’acte de piété n’est plus un acte personnel et reclus mais un engagement actif et l’accomplissement des tâches professionnelles21.
16
Ibid, p. 11-15.
17
Il fut le penseur musulman du monde islamique le plus important de l'époque républicaine. Nursi était un moderniste musulman dont les écrits élaborent un rapprochement entre les idées de démocratie constitutionnelle, de liberté individuelle et de foi religieuse. Pendant la Première Guerre mondiale, Nursi combattit contre l'invasion étrangère et pour l'indépendance. Il dénonça l'autoritarisme islamique moderne et, en même temps, le retard et le séparatisme économiques et politiques. Ses idées de conscience musulmane moderne insistaient sur le besoin que la croyance religieuse joue un rôle important dans la vie publique. Il refusa qu'on empêchât le grand public d'accéder à la connaissance, qu'elle soit religieuse ou scientifique, et il parvint à maîtriser le développement scientifique et technologique. Bien qu'il ne fût impliqué dans aucune rébellion, les tribunaux de l'indépendance des premières années de la République le condamnèrent à l'exil en Anatolie Occidentale en raison de ses activités religieuses. Cf. Çetin, Muhammed, Hizmet, Questions & réponses sur le mouvement Gülen, éd. du Nil, Clifton, 2013, 196 p. 11.
18
Pierini, Marc, Où va la Turquie ? Carnets d’un observateur européen, Actes Sud, Paris, 2013, p. 83.
19
Toutefois, les évènements de Gezi park en 2013 et l’affaire de corruption de décembre 2013, touchant plusieurs ministres et leurs proches ont exposé clairement l’opposition du mouvement et de l’AKP sur certains sujets sociétaux. Cf. Toğuşlu, Erkan, Comment expliquer les tensions autour de l’islam en Turquie ?, La Croix, 10/01/2014, en ligne, www.la-croix.com, consulté le 20/01/2014.
20
Césari, Jocelyne, Musulmans français et intégration socio-politique, in Ion Jacques (dir.), Bréchon Pierre, Duriez Bruno, Religion et action dans l’espace public, L’Harmattan, Paris, p. 60.
21
11
Objet de recherche et problématique
Etudier la PME en Turquie implique l’intégration à la recherche de nombreux facteurs indispensables à la compréhension de celle-ci. La Turquie est un pays ancré dans des paradoxes continus depuis toute l’histoire de sa jeune République, majoritairement musulman dont ses fondements reposent sur les principes de laïcité et de modernité importés d’Occident. Cette combinaison d’acteurs place la PME au centre de cette dynamique mutualisé, ce qui justifie l’intérêt de cette recherche, qui apporte de nombreuses réponses sur la dynamique de l’entreprise et de la société civile en Turquie. Compte tenu des différentes composantes nécessaires pour comprendre la PME en Turquie, nous avons choisi de diviser notre recherche en trois parties pour obtenir une « perspective éclatée »22 de sa structuration et de son processus de développement.
La première partie, répartie en 5 chapitres, est consacrée à la définition sociologique de la PME, ainsi qu’à sa structuration en Turquie. Dans le premier chapitre, nous tentons de décrire l’évolution de cette entité socio-économique qu’est l’entreprise, tout en définissant l’entreprise d’une manière générale. L’entreprise se cherche une identité, tantôt décrite comme un lieu clos, inanimé, presque inintéressante, elle réussit, dans les années soixante-dix à exister, à devenir spécifique. L’apparition de la notion de « petite entreprise » en est une preuve assez claire. Dorénavant, les chercheurs la considèrent comme « objet » de recherche. L’intérêt est de savoir si la structuration de la PME passe par l’interférence avec des mouvements sociaux, comme TUSKON.
S’ensuit le débat de la définition et de la délimitation de la notion de PME, sujet traité dans un
second chapitre. De ce fait, les chercheurs tentent de généraliser une définition de la PME
malgré les multiples caractéristiques existantes, variant selon la région, le pays, et même la ville. Nous tentons aussi d’exposer les différentes étapes de son intégration dans le domaine de la recherche. Définie comme archaïque, la PME trouve le moyen d’être décrite comme « contemporaine » suite à sa capacité de réaction face notamment aux crises sociales et économiques. Aussi, nous montrons comment la PME passe du statut de « champ d’analyse » à « objet d’analyse », en passant par « outil d’analyse ». Nous exposons aussi des réponses concernant le débat de savoir si la PME est une « grande entreprise miniature » ou bien une structure bel et bien spécifique tout en traitant les notions de localité et de globalité.
22
La vue en éclaté est une notion utilisée dans l’ingénierie pour décrire une vue détaillée de chaque pièce d’un ensemble. Elle est destinée à mieux cerner le fonctionnement dans sa généralité.
12 Les descriptions qualitatives et quantitatives de la PME sont exposées dans le troisième
chapitre où l’on expose dans un premier temps, ses différents aspects qualitatifs, à savoir tous
les aspects non chiffrables, tels que la qualité du personnel de direction, la relation patron-salarié, l’intégration étroite sur le marché locale, le rôle du dirigeant dans l’entreprise, etc. du fait de l’utilisation systématique de critères quantitatifs pour la définition de la PME, pour des raisons de simplicité, il nous semblait nécessaire d’énumérer les plus récurrents, sans quoi, il est impossible de délimiter juridiquement, socialement, et économiquement la PME. Aussi, dans ce chapitre, nous exposons l’importance de l’effet taille sur les perceptions de la PME. De ce fait, les chercheurs optent pour un couplage de critères quantitatifs-qualitatifs, pour décrire au mieux la PME, tout en mettant les frontières appropriées.
Le chapitre quatre, expose les multiples définitions existantes dans le monde de la PME,
sachant qu’elle représente en moyenne plus de 95% des entreprises. Il nous est paru intéressant de traiter la définition européenne et son évolution, car c’est elle qui est prise pour base en Turquie pour réformer la définition turque de la PME. Nous nous apercevons que malgré une définition européenne existante, chaque pays, même des membres de l’UE, utilise d’autres critères pour adapter celle-ci à la réalité du terrain. En Europe, la PME est définie selon quatre critères : l’effectif, le chiffre d’affaires, le bilan total et l’autonomie de l’entreprise. Ces quatre critères permettent d’imposer des frontières entre la micro, la petite, la moyenne et la grande entreprise en Europe23. Le cinquième et dernier chapitre de cette partie met l’accent sur la PME en Turquie. Nous remarquons que dans les rapports d’État dédié à la stratégie de développement, la PME est placée au centre de tous les intérêts. Atatürk avait un rêve : celui de couronner la victoire militaire par la victoire économique. Dans le rapport stratégique dédié à la PME de 2011-2013, c’est une phrase d’Atatürk qui expose l’importance donnée à cette entité socio-économique. Il faut savoir que celle-ci représente 99% des entreprises et 78% de l’emploi en Turquie24. Ces rapports viennent confirmer le gain d’intérêts de la PME ces dernières décennies. Les prémices de la recherche dans ce domaine remontent aux années 60. Jusqu’à ces dernières années, chaque organisme définissait la PME selon des critères fixés et choisis. Mais dans le cadre de son adhésion à l’Union européenne, la Turquie décide de réformer la définition de la PME en Turquie, en se basant sur la recommandation de 2003. La PME est mise en relation directe par les autorités avec la croissance économique du pays. Le pays compte 3 222 133 PME ce qui représente
23
http://ec.europa.eu/, site de la Commission européenne, consultée le 14/10/2013.
24
KOSGEB, KOBİ stratejisi ve eylem planı 2011-2013 (stratégie de la PME et plan d’action 2011-2013), éd. KOSGEB, ministère de l’Économie et du Commerce, Ankara, 2011, p. 5-7
13 99,9 % des entreprises. Mais toute fois un problème se pose quant à la répartition inégalitaire des PME sur le territoire, ce qui met à mal le développement de certaines régions par rapport à d’autre. Pour y remédier, les gouvernements successifs, décident dès 1962 d’installer des Organize Sanayi Bölgesi (OSB - zone industrielle organisée). C’est à Bursa, ville où nous avons effectué nos recherches de terrain, qu’est installée la première OSB. L’objectif est simple : éviter et réduire les migrations de populations, réduire l’écart de développement socio-économique entre les régions. Ces OSB jouent un rôle prépondérant dans l’émergence des PME en Turquie, notamment par le biais d’aides matérielles et financières attribuées pour les entreprises s’installant dans ces zones définies. Depuis, plus de 147 OSB ont vu le jour, dont 77 de 2002 à nos jours. Dans ce chapitre, nous exposons aussi l’importance des Küçük Sanayi Siteleri (KSS), dont la spécificité est de regrouper des petits producteurs et de mettre à disposition tous les services nécessaires pour le bon fonctionnement de leur structure économiques (banque, restaurant, mosquée, etc). L’intérêt est de regrouper les petites entreprises éparpillées un peu partout en ville, tout en proposant des locaux modernes et dans les normes. Souvent regroupées par branches de métiers, ces entreprises découvrent dans ces lieux l’importance de la synergie et la dynamique de groupe25. Aujourd’hui, la Turquie compte 438 KSS, représentant 92 138 entreprises, ce qui signifie 461 000 salariés (en moyenne 5 salariés par entreprises). C’est en Anatolie centrale que l’on retrouve le plus de KSS, en tout 91, contre 89 en région de la mer Noire, 65 pour la région de Marmara, 67 pour la région Egéenne, 48 pour la région méditerranéenne, 47 pour l’Anatolie de l’est et 31 pour le sud-est du pays26. Les Zones industrielles visent à attirer les investissements étrangers et les zones de développement de la Technologie servent de point d’ancrage au développement technologique en partenariat avec le monde de la recherche. Enfin, dans ce chapitre, nous décrivons le rôle de la KOSGEB dans la structuration et le développement de la PME. Pour cela, lors de notre étude de terrain en 2010, nous avons eu l’opportunité de rencontrer les responsables de la KOSGEB Bursa, qui nous ont fourni des explications détaillées sur le fonctionnement de leur structure, ainsi ils nous ont exposé des chiffres que nous ne pouvions trouver ailleurs. Nous exposons les différentes possibilités d’aides mises à la disposition des PME par la KOSGEB ainsi que d’autres organismes.
Dans notre deuxième partie, nous analyserons l’intégration de la PME au sein de l’espace public, tout au long du processus de développement de l’État républicain. L’objectif est de
25
Küçük, Orhan, Girişimcilik ve küçük işletme yönetimi (L’entrepreneuriat et la gestion de la petite entreprise), éd. Seçkin, 3ième édition, Ankara, 2007, p. 101.
26
14 définir un profil sociologique de la PME en analysant d’abord, dans un premier chapitre l’évolution historique de la petite structure de la fin de l’Empire ottoman à la proclamation de la République laïque. 1838 marque un tournant dans l’histoire de la Turquie et de la petite entreprise. Il s’agit de définir les avantages pour les entrepreneurs étrangers souhaitant intégrer le marché ottoman. Il s’agit sans doute, comme nous tentons de le démontrer, de la chute de l’industrie ottomane et de la mise à l’écart de l’entreprise turque musulmane au profit des minorités présentes au sein de l’Empire, qui ont su faire des partenariats avec les occidentaux. Il s’agit là d’exposer clairement les conséquences sur l’esprit entrepreneurial et sur la petite et moyenne structure économique. Nous utilisons la notion de « structure » pour définir l’entreprise de petite et moyenne taille, car la notion de PME n’existe pas encore à cette époque. Suite à cette offensive étrangère, l’État tente de relever son industrie en soutenant la petite industrie. Nous exposons les méthodes et les tentatives.
Le chapitre deux expose le chantier auquel doit faire face Atatürk. Un héritage ottoman
important, avec sa culture, sa religion et une volonté de modernisation à l’occidentale et surtout, basée sur des principes de laïcité. Ici, sont exposés les projets définis par Atatürk pour créer une classe d’entrepreneurs turcs musulmans par le biais de la petite entreprise. Les grandes structures sont pour la plupart dirigées par les minorités non musulmanes. Suite à cette volonté nous exposons la manière de laquelle le premier Congrès Économique d’Izmir (1923) s’est déroulé, qui donnera entre autres, comme résultat, une première tentative de définition de la petite entreprise.
Un troisième chapitre met en exergue le basculement de la politique économique de la jeune
République suite, passant d’un soutien à l’initiative privé vers un système étatique plus fermé. Cela s’explique par la fascination qu’a Atatürk vis-à-vis de l’occident, qui est un modèle de modernité pour lui. Nous exposons les raisons poussant la petite entreprise et l’artisanat au second plan et l’impact de l’étatisme, qui devient une règle d’or de la République. L’État essaie de combler le déficit du secteur privé par la mise en place d’un plan de développement et l’imposition de certaines restrictions pour les minorités non musulmanes. Nous détaillons ces conséquences sur le secteur privé, plus particulièrement sur la petite et moyenne structure.
Le chapitre quatre traite de l’arrivé du Parti démocrate, du début du multipartisme, ainsi que
des conséquences de la libéralisation apportés par une politique plus souple vis-à-vis du secteur privé. Aussi, nous tenterons de comprendre comment cette politique sera la base de l’intégration dans l’espace public des patrons de petites entreprises, des entrepreneurs conservateurs et pieux. Nous tentons de démontrer que l’espace économique devient un espace d’intégration, d’affirmation pour cette nouvelle bourgeoisie. La création du DPT
15 (Devlet Planlama Teşkilatı), l’Organisme de Planification de l’État (OPE) et des plans de développements quinquennaux sont une avancée majeure pour l’initiative privée. Ceci nous pousse à étudier l’impact sur les petites et moyennes entreprises et son intégration dans l’espace public. Le cinquième chapitre tente de traiter la période de 1960 à 1980, en exposant le processus de création de l’OPE et les conséquences des trois premiers plans quinquennaux et leurs contributions aux développements de la PME. Si un personnage doit symboliser à lui seul l’intégration de cette nouvelle bourgeoisie pieuse, Turgut Özal peut être cité. Dans un sixième chapitre, nous analyserons sa perception de la PME et de l’esprit entrepreneurial. Aussi, nous exposons la façon de laquelle il s’inspire de la politique d’Atatürk pour en faire toute une symbolique pour l’expansion d’une classe d’entrepreneurs conservateurs. La liberté sera son point d’ancrage pour justifier sa politique dynamique et sa contribution dans la combinaison des valeurs séculières et religieuses dans l’espace public. Avec son arrivée, il est intéressant d’observer la mutation des plans de développements quinquennaux, qui se tournent en grande partie sur le soutien de l’artisanat et la petite industrie.
Dans la troisième partie, nous tentons de démontrer que tous ces efforts vont être indispensables dans l’apparition d’une nouvelle classe d’entrepreneur. MÜSIAD n’est pas la seule résultante de cette politique : au sein des « Tigres d’Anatolie », une autre frange de l’entrepreneuriat conservateur fait surface, inspirée par les préceptes de Fethullah Gülen et du mouvement Hizmet, appelé aussi mouvement Gülen, regroupé majoritairement autour de TUSKON.
Dans le chapitre un, nous analyserons la mutation de l’esprit entrepreneuriale sous l’influence de la religion, à savoir si celle-ci est un obstacle pour la dynamique de l’entreprise, notamment le mysticisme très répandu au sein de l’Empire ottoman. Aussi nous tentons de faire l’approche de l’évolution des communautés religieuses, de leurs adaptations face à l’élite kémaliste et le développement de l’esprit d’entreprendre chez les Turcs musulmans. La Naqshbandiya (une confrérie crée par Muhammed Bahauddin Şah-ı Nakşibend (1318-1389), donne naissance à quatre mouvements religieux principaux, mais aussi à un mouvement politique initié par Erbakan et des communautés nurcu et fethullahcı. Dans ce chapitre, nous exposons le regard de chacun de ses grands courants religieux contemporains. Il nous a paru nécessaire d’utiliser une grille de lecture wébérienne et la notion de Beruf pour comprendre l’évolution de l’esprit entrepreneurial chez les croyants musulmans en Turquie.
16 La manière paradoxale dont Atatürk essaye de créer une classe d’entrepreneurs turcs musulmans, tout en effaçant de l’espace public toutes traces de connotation religieuse. Nous exposons les différentes réformes effectuées, que nous supposons être une enclave pour la petite entreprise anatolienne. Sous une forme clandestine ou reconnue, au fil du temps, les communautés religieuses semblent s’adapter et se créer de nouvel espace d’expression, dont l’espace économique. Certains leader religieux, comme Said Nursi et plus tard, Fethullah Gülen, iront même mettre en question le rôle de la madrassa (séminaire où l’on enseigne la religion) et sa structure unitaire où les sciences modernes ne sont pas prises en compte. Il sera intéressant aussi de faire le rapprochement entre l’adaptation dans le domaine social et économique des textes religieux par ces leaders, qui a été complètement négligé ces dernières décennies. A partir des années soixante-dix, cette action sociétale des communautés prend forme avec l’apparition d’un premier parti conservateur islamique, avec comme chef de file, Necmettin Erbakan, symbole de la politique islamique en Turquie. Nous traitons succinctement ce sujet pour ne pas négliger les mutations sociales suite à cette orientation politique de certains groupes religieux. Comme premier fruit de cet engagement politique est née la MÜSIAD (Müstakil Sanayici ve İş Adamları Derneği), l’association des industriels et des hommes d’affaires indépendants. Nous évoquons ce cas pour une étude comparative entre MÜSIAD et TUSKON.
Dans le deuxième chapitre, nous traitons plus particulièrement le cas de la communauté Nur, initié par Said Nursi dont les préceptes nous semblent très intéressants d’un point de vue sociologique dans l’évolution de la religiosité et la libéralisation de l’esprit entrepreneurial. Il porte un regard différent sur les règles comportementales des musulmans dans l’espace social. Said Nursi semble être un des déclencheurs dans le changement de l’esprit entrepreneurial chez les patrons de PME. Il les incite à trouver et obtenir la Grâce de Dieu par le travail et l’action, il donne l’impression d’insuffler l’esprit du capitalisme sur des valeurs islamiques. Il allie la foi et la raison et tente de prouver que la religion ne s’oppose pas à la modernité. Pour exposer son regard à ce sujet, nous exposons les deux typologies d’actions qu’il décrit.
Dans la logique du précédent chapitre, nous traitons, dans un troisième chapitre, la mise en pratique de la pensée de Said Nursi par Fethullah Gülen, dont la pensée est à l’origine d’un des plus importants mouvements sociétaux, le mouvement Hizmet, appelée aussi mouvement Gülen. Pour cela, nous utilisons le concept de leader de Weber pour essayer de décrire Gülen. Aussi, pour comprendre la dynamique de l’action instaurée chez les disciples du mouvement et chez les entrepreneurs, nous utilisons le concept wébérien de « l’éthique religieuse de l’action » dans la société. Ceci nous aidera à comprendre comment le patron fait référence à
17 sa foi pour dynamiser son entreprise. Cette grille de lecture wébérienne nous permettra aussi de comparer les ascètes puritains chez les protestants et les entrepreneurs membres de TUSKON et de faire le parallèle entre la pensée de Gülen et celle de Weber. Cette grille de lecture nous servira aussi pour analyser cette nouvelle dynamique dont la base semble être la religiosité des acteurs. Nous tentons aussi de discerner comment Gülen se positionne par rapport à l’économie et l’entreprise, comment il positionne le message religieux pour dynamiser la PME anatolienne. De ce fait, l’objectif est de montrer combien son approche est différente de celle des autres leaders religieux, notamment de la philosophie du mysticisme classique et d’autres mouvements contemporains.
Le quatrième chapitre met l’accent sur le rapport de Gülen et l’entrepreneuriat. Il nous semble que l’engagement socio-religieux de l’entrepreneur à travers les projets sociaux du mouvement, se répercute sur la dynamique de sa PME. Nous tentons de savoir si cet engagement se traduit par l’apparition d’une conscience bipolaire (spirituelle/moderne). Aussi, la piété du patron semble interpénétrer l’espace public avec son engagement et apparaît comme à l’origine de la dynamique de la PME. Cette dynamique se traduit par la création d’association locale, à travers tout le territoire. Nous traitons l’exemple de l’association İgHAD, une des premières associations créée par les entrepreneurs proches du mouvement Hizmet. Ici, l’objectif est de savoir si cette initiative a été un modèle pour les régions anatoliennes et d’analyser l’approche socio-économique de l’entrepreneur en prenant comme référent sa piété et son engagement dans le mouvement. L’entrepreneur, à travers l’activité de sa PME, semble chercher la Grâce divine. Il souhaite aussi s’affirmer et se faire une place dans l’espace public.
Un cinquième chapitre expose la structuration de la Confédération TUSKON. Nous tentons d’exposer la sociohistoire de la formation de ce groupe « social » dans le monde des affaires. Aussi, TUSKON permet aux PME anatoliennes de devenir une puissance émergente, nous analyserons sa stratégie appliquée au développement de ses membres.
Le chapitre six complète le précédent en exposant l’exemple africain. Avec TUSKON, la PME turque s’est ouvert de nombreux marchés à travers le monde, notamment celui de l’Afrique. Nous analyserons les raisons et la proportion prise par ce mouvement entrepreneurial. Cet activisme se traduit par l’organisation de rencontres économiques appelées les « Ponts du Commerce ». Nous établirons un bilan des dernières rencontres, tout en exposant des exemples concrets à travers les enquêtes effectuées.
18 Enfin, le septième chapitre présente le résultat de nos entretiens et enquêtes auprès des PME membres de l’association BUGIAD à Bursa. Nous tentons de tracer le profil sociologique du patron et de sa PME, tout en montrant comment cette dynamique socioreligieuse se transforme en une dynamique entrepreneuriale chez les membres. Nous procédons aussi à un tracé sociohistorique de l’association et sa stratégie pour pérenniser son existence, notamment chez les enfants de membres.
Problématique
Aujourd’hui, s’il est possible de trouver une PME turque au Brésil, au Niger, au Soudan, en Indonésie, en Algérie ou en Europe à la recherche de nouveaux marchés27, TUSKON n’y est pas étranger. Chez ces acteurs, il semble y avoir une mutation du comportement économique en valeur éthique, en « sens de la vie », qui se traduit aussi par l’émergence d’une toute nouvelle « éthique sociale »,
cette recherche du bien, grâce au maximum d’efficacité économique, cette qualification éthique de l’activité économique entraînent des «bénéfices » psychologiques considérables qui expliquent en partie la réussite de la transformation et l’adhésion des individus ou plutôt, l’activité économique qui jusqu’alors ne produisait que des biens matériels, va en outre donner maintenant des satisfactions psychiques28.
De ce fait, l’importance de notre recherche réside dans la définition de la dynamique de la PME à travers les membres de TUSKON et BUGİAD, dont la source semble être une motivation profonde de réussite économique dans le cadre d’une recherche spirituelle approfondie par leurs actions entrepreneuriales.
Nous étudions ce groupe pour savoir s’il est à l’origine d’une telle transformation et à quel degré la religiosité et la piété du patron contribuent à l’émergence de cet éthos au sein de la PME membre de BUGİAD. Il sera utile d’utiliser une grille de lecture wébérienne pour définir justement cet éthos que la religion produit, c'est-à-dire des systèmes de disposition qui impriment une orientation à l'action. Elles se révèlent capables de façonner les relations
27
Vicky, Alain, La Turquie à l’assaut de l’Afrique, mai 2011, Le Monde Diplomatique, en ligne, www.monde-diplomatique.fr, consulté le 17/06/2011.
28
Ellul, Jacques, Max Weber, l’éthique protestante et l’esprit du capitalisme, Cahier Jacques Ellul, La
19 sociales, dans la mesure où elles forment un ordre de vie (Lebensordnung) qui informe la conduite de vie de l'individu (Lebensführung)29.
Le cas de la Turquie présente donc un exemple concret de cette dynamique de PME, se traduisant tout d’abord par une affirmation identitaire/religieuse face à l’élite kémaliste, puis, d’une transposition de cet activisme religieux en dynamique d’entreprise. Il donne ainsi une opinion de ce que la PME peut inclure30.
Souvent citées comme symbole de cette nouvelle classe d’entrepreneur, les familles Boydak (İstikbal à Kayseri) et Ülker ne sont pas les seules ; des milliers de PME illustrent parfaitement ce renouveau et revendiquent sa présence au sein des Tigres d’Anatolie, comme nous avons pu le constater à Bursa lors de nos entretiens avec les membres de TUSKON. D’ailleurs, selon Karakaş, l’acteur principal qui se trouve à la base même du développement social et économique de cette dernière décennie en Turquie est TUSKON31.
Crée en 2005, TUSKON tire sa force de ses 50 000 entreprises membres, majoritairement des PME anatoliennes, réunies autour de plus de 200 associations régionales32, partageant toutes la même éthique sociale dont la base repose sur l’aspect de piété du patron de PME en adéquation avec la réussite économique. Avec MÜSİAD, TUSKON représente les « Tigres anatoliens », en référence à l’émergence de ce groupe social conservateur, en phase avec la Turquie moderne appelée la « nouvelle bourgeoisie » pour leur attachement à l’islam dans l’espace public et de son ancrage dans leur action quotidienne33.
Rappelons ici que, selon Weber, la religion produit un ethos, une spécificité commune qui donne une direction à l’action, modélise les rapports sociaux, tout en formant un « ordre de vie », décrivant l’orientation de l’individu34. L’idée est de savoir comment la pratique religieuse du patron joue un rôle dans la structuration et la dynamisation de la PME au sein de la société moderne. En Turquie, l’interpénétration de ces deux sphères, la religion et l’économique apporte une dynamique nouvelle, contrairement à d’autres pays, où les deux
29
Fleury, Laurent, Max Weber, PUF, collection que sais-je, Paris, 2001, p. 31-32.
30
Maigre traite le cas de MÜSİAD dans une perspective similaire, tout en axant sa recherche sur le business islamique et la politique, sujet que nous ne traitons pas dans notre thèse. Cf. Maigre, Marie-Elisabeth, l’émergence d’un « éthique musulmane » dans le monde des affaires turc : réflexions autour de l’évolution du MÜSIAD et des communautés religieuses, Religioscope, Études et analyses, n°7, mai 2005, 25 p.
31
Karakaş, Eser, TUSKON’a dostça bir hatırlatma (Un rappel amical pour TUSKON), Journal Star, en ligne, www.stargazete.com, consulté le 12/11/2011.
32
www.tuskon.org, consulté le 04/01/2013.
33
Yankaya, Dilek, La consolidation de la nouvelle bourgeoisie islamique en Turquie : la circulation des nouvelles élites économiques dans les champs du pouvoir, Congrès AFSP, Strasbourg, 2011, p. 1.
34
20 entités peuvent être décrites comme potentiellement contradictoires35. L’islam, selon Göle, devient un mouvement ; on peut parler de l’agir religieux36.
Même si des divergences existent dans leur philosophie d’action et de positionnement dans l’espace public, ces associations patronales se font porte-parole des PME anatoliennes. Nous tentons de mettre en exergue leur approche distincte du rapport à la religion afin de comprendre pourquoi le patron de PME choisit d’adhérer à telle ou telle organisation patronale. Notre recherche ne porte pas sur l’étude sociologique de ces organisations mais plutôt sur l’entité qui les compose, à savoir la PME. Il est donc, avant tout, nécessaire de souligner que la PME est « une institution à part entière ». Selon Thuderoz, elle intervient sur un marché, qui la sanctionne, elle crée des richesses, sécrète un profit, et son caractère de système à la fois technique et social, sa capacité à produire des jeux d’acteurs, des règles et des valeurs, et à les diffuser dans le corps social font d’elle « une institution à part entière »37. Il distingue plusieurs définitions de l’entreprise : pour les sociologues, l’entreprise possède mille visages. C’est un système de règles, le lieu d’action collective, où s’institutionnalisent le conflit industriel et la négociation collective […] là où s’agence une combinaison productive entre les facteurs du travail et du capital, pour les économistes, un lieu de mémoire, pour l’historien, là où se définissent des stratégies, en fonction d’opportunités ou de contraintes de marché, disent les sciences de gestion, et un espace ritualisé pour l’ethnologue38.
De ce fait, la finalité de notre recherche consiste à comprendre comment la PME se structure en Turquie, plus particulièrement au sein de la confédération TUSKON, un mouvement d’hommes d’affaires réputé pour son ouverture sociale et son expansion fulgurante dans l’espace public et le champ économique national, c’est-à-dire comment sa dynamique se trouve influencée par cette organisation patronale dont les membres sont majoritairement des patrons de PME anatoliens, conservateurs et engagés dans le soutien des projets socio-éducatifs du mouvement Hizmet, dans un espace public séculier. L’hypothèse générale qui constitue le fil conducteur de cette recherche et que par sa participation aux projets socio-éducatifs du mouvement, le patron de PME adopte une certaine philosophie religieuse qui se traduit par une certaine forme de piété, se transposant dans la structure « PME » sous une
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Brémond d’Ars, Nicolas, La conscience éthique restaurée des entrepreneurs et dirigeants chrétiens, Social
Compass, vol. 59, n°2, 2012, p. 160.
36
Göle, Nilüfer, Interpénétrations, l’Islam et l’Europe, Galaade, Paris, 2005, p. 25.
37
Thuderoz, Christian, Sociologie des entreprises, La Découverte, Paris, 2005, p.4.
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