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S'envelopper d'Agir

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01838726

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01838726

Submitted on 13 Jul 2018

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S’envelopper d’Agir

Maxime Mercier

To cite this version:

(2)

UNIVERSITÉ de BORDEAUX

Collège Sciences de la Santé

Institut de Formation en Psychomotricité

Mémoire en vue de l’obtention

du Diplôme d’État de Psychomotricien

S’envelopper d’Agir

Maxime Mercier

Né le 07/03/1991 à Clermont-Sur-Oise

Directrice de Mémoire : Anne-Marie Pietri

Juin 2018 

(3)

REMERCIEMENTS

Je tiens à remercier ma directrice de mémoire, Anne-Marie Pietri pour ses précieux conseils et pour le temps accordé à ce projet.

Merci à Anne-Marie Latour et à Céline Robert pour leurs indications.

Merci à mes maîtres de stage : Mickaël A., Marion E. et Ludivine V., ainsi qu’à l’ensemble de l’équipe du CAMSP pour leur accueil, leur confiance et pour la place qu’ils m’ont accordé au sein de l’institution.

Merci à Agnès Riom, à Chloé Subornat et à Betsy Bigey pour leur soutien. Merci à l’équipe administrative de l’IFP de Bordeaux.

(4)

TABLE DES MATIÈRES

I​ntroduction 5

1.1. ​CAMSP, un acronyme du secteur médico-social 5 1.2. ​Le début du parcours de soin au CAMSP 6 1.3. ​Orientation pour motif d’agitation 6

1.3.1. ​Premiers questionnements 6

1.3.2. ​Premières rencontres 7

1.3.3. ​Des pistes pour comprendre 8

PARTIE 1 - LE MOUVEMENT NORMAL ET SES ENJEUX 10

2.1. ​Le mouvement au début de la vie 10

2.1.1. ​Les mouvements foetaux 10

2.1.2. ​Les mouvements du nourrisson 11 2.1.3. ​L’organisation corporelle de fond 12

2.2. ​Affecter le mouvement 13

2.2.1. ​Mouvement & perception 14

2.2.2. ​Mouvement & relation 14

2.3. La construction psychocorporelle par le prisme de l’enveloppe psychique 16

2.3.1. ​L’enveloppement in utero 16

2.3.2. Le passage au milieu aérien 17 2.3.3. ​« Porte Moi »… Un impératif 17

2.3.4. ​Le holding de WINNICOTT 18

2.3.5. ​Les interactions dynamiques 20 2.3.6. ​Expérience prototypique du nourrissage 22 2.3.7. ​Le Moi-peau développé par ANZIEU 2​6 2.3.8. ​« Et si tu t’en allais ? » 26 2.3.9. ​« Et si je m’en allais ? » 27 2.4. ​« Hyperactivité normale » (Catherine POTEL) 28

PARTIE 2 - LE TROUBLE AU CENTRE DE L’ATTENTION 30

3.1. ​Plusieurs descriptions coexistent et se rencontrent 30 3.2. ​Définition actuelle de l’Hyperactivité 34

3.2.1. ​Selon la CFTMEA 34

3.2.2. ​Selon la CIM-10 35

3.2.3. ​Selon le DSM-V 35

3.2.3.1. ​Tendance actuelle 36

3.2.3.2. ​Les critiques de ce modèle 36 3.2.3.3. ​Méthylphénidate (MPH), Points de suspensions 37 3.2.3.4. ​Les avantages de cette classification 38

(5)

PARTIE 3 - LE PATIENT AU CENTRE DE LA PRATIQUE 43

4.1. ​Application des recommandations de bonnes pratiques par le médecin 43

4.1.1. ​Les outils d’évaluation 44

4.1.2. ​Cas particulier de la petite enfance 44 4.2. ​Orientation vers un psychomotricien 45 4.2.1. ​Définition du trouble psychomoteur 45 4.2.2. ​Observation de la modalité expressive du mouvement 46 4.2.3. ​La pratique du bilan psychomoteur 47 4.2.4. ​Le bilan psychomoteur de Rayan 48 4.2.4.1. ​Chronologie des rencontres 48 4.2.4.2. ​Premiers éléments d’anamnèse 49 4.2.4.3. ​Synthèse de l’anamnèse 51 4.2.4.4. ​Le temps de la rencontre 52

4.2.4.5. ​En conclusion 57

4.3. ​Au fondement de la pratique 58

4.3.1. ​Le dispositif thérapeutique 59

4.3.2. ​Le cadre psychique 60

4.3.3. ​Le jeu et l’agir 60

4.4. ​La prise en charge groupale 61

4.4.1. ​Les organisateurs spatio-temporels 61 4.4.2. ​Les organisateurs attracteurs et pare-excitants 62 4.5. ​L'atelier création de Giovan 62 4.5.1. ​Présentation - Anamnèse - Indication 62

4.5.2. ​Organisation du cadre 63

4.5.3. ​Médiateur 64

4.5.4. ​Observation formelle 64

4.5.5. ​Mise en sens 66

4.5.6. ​Devenir de la prise en charge 67

(6)

NOTICE

Dans la première partie de mon mémoire, j’évoque des théories en lien avec la relation entre le nourrisson et son entourage maternant. Le terme « mère » est beaucoup utilisé à cet endroit en tant que terme générique de l’entourage et de la ​fonction maternelle

​ .

Cette simplification de langage ne cherche pas à faire porter tous les enjeux à la seule mère, je ne minimise pas un instant l’importance des autres personnes assurant cette fonction auprès de l’enfant.

De même, le terme « père » devra être compris comme synonyme de la ​fonction paternelle et de l’entourage assurant cette fonction.

(7)

1.

INTRODUCTION

1.1.

CAMSP, UN ACRONYME DU SECTEUR MÉDICO-SOCIAL

Dans le cadre de ma troisième année de formation je suis en stage dans un Centre d’Action Médico-Social Précoce polyvalent (CAMSP).

C’est une structure dont les missions sont définies par l’Ann​exe XXXII bis au décret n°76-389 du 15 Avril 1976 complétant le décret n°56-284 du 9 mars 1956

. Ces missions concernent « le

dépistage, la cure ambulatoire et la rééducation des enfants du premier et deuxième âge qui présentent des déficits sensoriels, moteurs ou mentaux ».[5]

Les spécificités du CAMSP polyvalent sont donc le diagnostic précoce des déficits ou des troubles, et la présentation ou réduction de leurs conséquences invalidantes. Le CAMSP a également vocation à accompagner et soutenir les familles ainsi que l’inclusion sociale et/ou scolaire des enfants accueillis. Son activité principale est la prise en charge des retards de développement, handicaps, troubles psycho-relationnels des jeunes enfants de 0 à 6 ans.[32]

L’équipe pluridisciplinaire du CAMSP se compose d’une pédiatre coordinatrice, de psychologues, de psychomotriciens, d’une orthophoniste, d’une éducatrice jeunes enfants, d’une assistante sociale et d’une secrétaire médicale.

Lors de ce stage, j’assiste aux réunions de présentation des enfants, de synthèses de prises en charge, d’orientation ou de fin de parcours. Je participe à des séances de prises en charge individuelles ou de binômes d’enfants, ainsi qu’à une prise en charge groupale. Je contribue également à la passation et à la rédaction de bilans psychomoteurs.

(8)

1.2.

LE DÉBUT DU PARCOURS DE SOIN AU CAMSP

La file active des enfants qui sont orientés et reçus au CAMSP est importante, elle représente 214 enfants en 2016. Ces enfants sont majoritairement orientés par le milieu scolaire (24%), les médecins hospitaliers (15%) et viennent également à l’initiative de la famille (18%). 1

Les enfants reçus en consultation sont systématiquement présentés à l’ensemble de l’équipe pluridisciplinaire. En fonction des besoins des enfants, ou pour compléter l’observation clinique, leur orientation se fait vers l’équipe paramédicale pour réaliser un bilan. En 2016, par exemple, 107 enfants ont bénéficié d’un bilan pluridisciplinaire au CAMSP, soit la moitié d’entre eux.

Lors de ces réunions de présentation, j’observe la récurrence de l’orientation d’enfants vers le CAMSP pour motif « d’agitation », ce qui semble être un des motifs principaux conduisant à la consultation.

Les informations recueillies concernant les enfants dirigés vers le CAMSP sont réévaluées et complétées de manière systématique par l’assistante sociale, la pédiatre coordinatrice, et l’éducatrice jeunes enfants. Après la présentation à l’équipe pluridisciplinaire, selon la situation de l’enfant, un bilan psychomoteur, psychologique et orthophonique peut être prescrit.

Lorsqu’un questionnement persiste autour du contexte neurologique, biologique ou sensoriel d’un enfant, celui-ci est orienté vers des structures partenaires comme le service de génétique ou le service de neuropédiatrie, pour réaliser des examens complémentaires spécifiques.

1.3.

ORIENTATION POUR MOTIF D’AGITATION

1.3.1.

PREMIERS QUESTIONNEMENTS

L’agitation est un terme qui fait partie du langage courant, employé pour décrire des situations non définies par des critères de temps ou d’intensité : agitation ponctuelle ou durable, normale ou pathologique. C’est une première chose importante à rappeler car l’agitation d’un enfant peut être en rapport au développement normal, notamment pour des jeunes enfants de 0 à 6 ans. Lors du bilan psychomoteur, une attention est donc portée sur ce qui motive la

1​Les services qui orientent les enfants et leurs familles vers le CAMSP sont divers, les principaux sont : le secteur hospitalier, le secteur libéral, le secteur pédo-psychiatrique, les dispositifs petite enfance, les

(9)

demande. Comment est elle formulée et d’où vient elle ? Et ensuite, comment différencier une agitation normale d’une agitation pathologique ?

Il est toutefois possible que l’agitation en question soit telle que l’enfant se trouve dans une situation où elle devient handicapante. Quelle est alors la signification de cette agitation ? Nous alerte t-elle sur un contexte relationnel, organique ou environnemental particulier ? Est-il possible de cibler une étiologie stable à ce symptôme et ainsi l’étudier isolément de celui chez qui elle se manifeste ?

Au regard de certaines demandes de soin, je me rends compte que cette même demande peut être motivée autant par la détresse et la souffrance du patient que par celle de son entourage, parfois démuni. Dès lors, il est possible de se demander si l’agitation est un signe clinique qui existe pour lui-même ou s’il est adressé, a t-il une fonction limitée à l’état interne ou une vocation à interpeller l’autre ?

Les contextes sont multiples, ils peuvent être très dissemblables, voire être particuliers à chaque enfant. Comment l’agitation, qui apparaît comme une variable relative à chaque patient, peut-elle être prise en charge ? Le psychomotricien doit-il se centrer sur le trouble du patient et sa résolution ou doit-il se centrer sur le patient avec lequel le trouble s’envisage alors comme une adaptation à une impasse du développement psychomoteur de celui-ci ?

1.3.2.

PREMIÈRES RENCONTRES

Pendant les phases de bilan ou de prise en charge de ces enfants, je constate des

manifestations comportementales concrètes et communes à plusieurs d’entre eux. Elles

accompagnent l’agitation globale de l’enfant et se matérialisent le plus souvent par un évitement physique, sensoriel et/ou relationnel (par le regard notamment), un questionnement implicite ou explicite du cadre et de la manière de se positionner dans la relation, des chutes ou mises en scène d'effondrements, des difficultés émotionnelles à gérer les transitions, entre autres exemples.

Comment peut-on alors, à partir de ces manifestations comportementales et donc du cas particulier de chaque enfant, rejoindre un modèle théorique pour rendre interprétables ces comportements et pour pouvoir par la suite définir des objectifs de prise en charge ? Quels sont ces modèles théoriques auxquels se référer ?

(10)

1.3.3.

DES PISTES POUR COMPRENDRE

Pour répondre à ces questions, je retrace dans une première partie, le développement normal du mouvement de l’individu pour en mesurer les enjeux moteurs et affectifs et pour comprendre comment cette motricité est investie par le jeune enfant en développement ainsi que par ses parents.

Dans cette partie, je développe la construction conjointe du développement moteur/affectif et de l’enveloppe psychique, notion essentielle pour comprendre certains aspects de l’agitation des enfants qui viennent en consultation au CAMSP.

Je présente deux vignettes cliniques élaborées à partir de mon expérience de stage pour illustrer mon propos.

Ce premier parcours du développement du mouvement permet de mieux comprendre comment le mouvement peut être envisagé en pathologie.

Dans une deuxième partie, je m'intéresse à l’histoire des différentes notions et concepts développés pour associer la clinique médicale à la théorie.

Je décris également les classifications contemporaines qui répertorient et classifient les maladies, les troubles et les handicaps. Ces référentiels internationaux sont le ​Manuel Diagnostique et Statistique des Troubles Mentaux

(DSM-V) et la2 ​Classification Internationale des

Maladies (CIM-10) . En France, il existe aussi la3 ​Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l’Adolescent

​ (CFMTEA) . 4

Ce sont des outils qui permettent d’établir un diagnostic. Ils référencent l’agitation sous différents termes précis et l’associent à d’autres symptômes, chacun de manière spécifique.

2 Le DSM-5 est la cinquième édition du​Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (​Diagnostic and

Statistical Manual of Mental Disorders

​ ) publiée aux États-Unis le 18 mai 2013 et en France le 17 juin 2015. par

l'Association Américaine de Psychiatrie

​ (APA).

3

​La ​Classification Internationale des Maladies

​ , 10​e

révision (CIM-10) est une classification statistique non exclusivement médicale publiée par​ l'Organisation Mondiale de la Santé

​ (OMS).

4

La ​Classification Française des Troubles Mentaux de l'Enfant et de l’Adolescent

​ (CFTMEA) est une classification

(11)

Dans le cas des enfants de 0 à 6 ans, un diagnostic n’est pas envisagé car il apparaîtrait prématuré par rapport au développement de l’enfant. Toutefois, les enfants peuvent présenter des formes d’agitation précoce qui tendent à se rapprocher de ce que décrivent ces modèles qui servent également de référence à la recherche scientifique.

Je décris donc quels éléments nous sont apportés par la recherche dans les différents domaines : génétique, neurobiologie, neuropsychologie et psychodynamique.

L’étude du mouvement, de son rôle et de ses enjeux couplée à l’analyse des recherches scientifiques sur l’hyperactivité apportent un regard plus global sur le trouble.

Dans une troisième et dernière partie, je m’intéresse à la prise en charge du patient et à la manière dont elle se déroule en pratique. Je situe donc la place que prend le psychomotricien à la fois dans le diagnostic et dans la prise en charge.

Je décris le trouble d’une manière non dissociée du contexte et de l’histoire de vie du patient. Je raconte dans cette partie le bilan psychomoteur de Rayan et la manière dont le trouble s'intègre dans le développement psychomoteur de ce jeune patient en me servant de la grille de lecture développée dans la première partie qui concerne l’enveloppe psychique.

L’enveloppe est une notion qui peut également s’appliquer au cadre de l’institution et à la pratique de la psychomotricité. Je m’attache à ce point particulier pour raconter la prise en charge de Giovan au sein d’un groupe « Atelier création » où nous utilisons la pâte à modeler comme médiateur.

Cette dernière étude de cas me permettra de montrer comment cette hypothèse de fragilité dans la construction des enveloppes psychiques et de la fonction contenante peut alimenter la prise en charge et le dispositif de soin.

(12)

2.

LE MOUVEMENT NORMAL ET SES ENJEUX

2.1.

LE MOUVEMENT AU DÉBUT DE LA VIE

2.1.1.

LES MOUVEMENTS FOETAUX

Les premiers mouvements de la vie intra-utérine apparaissent vers le 3 ​èmemois de grossesse.

Ils se produisent dans le bain du liquide amniotique, lieu des premières expériences corporelles du foetus. Au niveau sensoriel, les flux de stimulation sont modifiés, filtrés, atténués par la présence de la paroi utérine. Le bain du liquide amniotique est un bain sensoriel, empli de sensations auditives, tactiles, visuelles enveloppantes.

Ces sensations deviennent accessibles au foetus par la maturation progressive de ses systèmes sensoriels qui se mettent en place selon un ordre chronologique particulier : le tact, la sensibilité vestibulaire, le goût, l’olfaction, l’audition et la vision. Ainsi, le tact qui se développe dès la 7 ème semaine est une composante essentielle de l’expérience précoce. Le contact avec le

liquide amniotique offrant au foetus un sentiment de contenance et de rassemblement.[20]

Le système vestibulaire (7ème - 9ème semaine de gestation) participe à ressentir ses propres

déplacements ainsi que ceux de la mère. Le goût et l’odorat se développent. Le nouveau né sera sensible à l’odeur de sa mère, ce qui aura un effet d’apaisement et qui participera à l’orientation de sa tête pour retrouver le mamelon de sa mère.

L’audition est fonctionnelle autour de la 24 ​ème​semaine. Le foetus est à ce moment plongé

dans le bain vibratoire de la vie intra-utérine. Il peut entendre la voix de ses parents. B. GOLSE et L. ALVAREZ précisent que dès la naissance, « le comportement moteur du bébé paraît modulé par la parole ».[20]

La vision, plus tardive, car fonctionnelle dès le 7 ème​mois de grossesse, prendra une place plus

importante à la naissance comme source de stimuli.

Le foetus fait ses premières expériences sensorielles et motrices.

Ses mouvements s’amplifient avec la maturation neurologique, jusqu’à ce que l’activité motrice soit suffisamment importante pour permettre les interactions foeto-maternelles. Ces échanges sont possibles à partir du 5 ​ème mois. L’activité motrice est mêlée aux mouvements

(13)

affectifs. La mère ressent la présence et le mouvement de son enfant. Elle peut lui répondre en posant sa main sur son ventre, en lui parlant et en l’imaginant.[37]

Le mouvement a une valeur relationnelle qui lui permet de produire ses effets au delà de la cavité utérine. La symbiose est physique et psychique. L’activité du foetus est reliée à l’activité de la mère. Le foetus se met-il en mouvement lorsque la mère bouge elle aussi ? S'immobilise t-il pour se protéger d’un surplus de mouvement ? Cela rassure t-il la mère de sentir son enfant bouger en elle ?

Le mouvement du foetus est à la fois expérimentation et à la fois partie prenante des interactions avec la mère.

Les expérimentations du foetus s’enrichissent peu à peu, il devient possible d’observer des mouvements de rassemblement comme une tentative d’attraper ses pieds ou de mettre son pouce à la bouche. Le foetus peut ainsi exprimer de premières particularités individuelles représentées par une expressivité motrice.

Par son mouvement, mais aussi par sa croissance, le foetus éprouve la contenance de la cavité utérine. Cet enveloppement offert par la cavité utérine devient de plus en plus serré jusqu’à ce que l’accouchement ait lieu.

2.1.2.

LES MOUVEMENTS DU NOURRISSON

Les mouvements du nourrisson sont encore immatures et saccadés. L’activité motrice est essentiellement basée sur l’activité réflexe permise par le fonctionnement cérébral sous corticospinal. Ces réflexes sont appelés « réflexes archaïques du nourrisson » et leur présence indiquent que le tronc cérébral est intact. « Les capacités motrices du nouveau-né fondent le socle des interactions parents-bébé ».[20]

Les mouvements réflexes sont involontaires et répondent à des stimulations sensorielles spécifiques, par exemple lorsque la mère est à l’origine d’une stimulation autour de la bouche avec son doigt, elle provoque l’orientation de la bouche dans la direction des caresses. La diminution de ces réflexes sera permise par la myélinisation des voies sous-corticales qui, lorsqu’elle atteint les voies cortico-spinales, permet l’intégration du contrôle volontaire du mouvement.

(14)

Le bébé arrive au monde avec des potentialités motrices. Si elles sont expérimentées et répétées elles deviendront des compétences. Plus une compétence est essentielle dans le développement, plus elle est puissamment « câblée » au point de vue neurologique. Les compétences neuro-sensorielles font partie de ces systèmes essentiels. Les compétences s’organisent d’abord en tout ou rien du point de vue qualitatif (chaud/froid, etc.).

La motricité réflexe participe à l’exercice des fonctions.

Certains réflexes moteurs sont essentiels pour la nutrition ou encore pour les liens d’attachement comme le réflexe de succion et de déglutition. Ces réflexes persisteront. Les autres disparaissent ou sont intégrés dans des mouvements plus complexes.

Cette première phase du développement psychomoteur « vue du côté moteur » est appelée phase « d’organisation de la charpente motrice » par J. De AJURIAGUERRA.[1]

2.1.3.

L’ORGANISATION CORPORELLE DE FOND

L’organisation corporelle de fond à cette période de la vie est également décrite par A. BULLINGER sous le terme de​sensorimotricité

​ . Il décrit la fonction tonique, qui se met en place ​in

utero

​ , comme celle qui relie toutes les modalités sensorielles entre elles. Ce premier liant est

qualifié de ​plate-forme sensori-tonique

​ , il sert de support aux fonctions instrumentales.[14]

Parmi toutes les modalités sensorielles, la modalité visuelle est duelle : il existe un système visuel périphérique (première modalité) qui est fonctionnel dès la naissance et en lien direct avec les fonctions toniques et posturales. La « fonction focale » (seconde modalité) est plus tardive (10 - 12 semaines) et plus en lien avec un projet moteur coordonné avec la fonction périphérique. Cette fonction périphérique est selon A. BULLINGER, « réinvestie à chaque acquisition majeure du développement postural », comme le contrôle de la tête, la station assise, etc.

Dans le développement postural, l’organisation neuromotrice archaïque s’élabore à partir de postures asymétriques qui peuvent se constater dans le réflexe de l’escrimeur par exemple, puis elle suit une organisation droite/gauche et haut/bas selon les lois de maturation neurologique

(15)

proximo-distale et céphalo-caudale. La motricité volontaire se développe conjointement à la myélinisation des axones suivant ces deux axes de maturation.

Le contrôle postural de l’enfant augmente jusqu’à l’étape du maintien de la tête qui est possible vers les 3 mois de l’enfant. Il s’accompagne d’une densification progressive de son tonus. Cette dynamique permet les premières coordinations droite et gauche ainsi que les coordinations oro-manuelles. Ce rassemblement se met en place entre le 3 ​ème et le 6èmemois. Le

second rassemblement selon le plan devant/derrière se met en place après les retournements, vers le 7 ème et le 8èmemois, lorsque l’enfant est capable de tenir son dos et la position assise.

Selon Anne-Marie LATOUR, ces deux types de coordinations participent à la création d’un sentiment ​de tout autour

​ .

J. PIAGET considère que les premières expériences corporelles créent les premiers éléments de pensée. Ainsi, vers 8 à 10 mois, l’enfant commence à acquérir des premières représentations sensorimotrices dans la relation avec ses parents.

C’est à partir de cette période que l’enfant commence à investir la station debout.

Cependant, l’organisation corporelle de fond ne peut pas être suffisante pour expliquer la manière dont la fonction motrice est investie par l’enfant. La dimension affective est à considérer également.

2.2.

AFFECTER LE MOUVEMENT

Pour Julian De AJURIAGUERRA « le déroulement de l’acte implique un fonctionnement

physiologique, mais l’acte n’est pas qu’une addition de contractions musculaires, il est aussi appétence et prise de contact, domination et destruction. L’action ne se présente jamais comme un acte désincarné »[16]

La maturation neurologique n’est pas suffisante pour expliquer le fonctionnement moteur. La motricité de l’enfant, comme nous l’avons vu, est investie affectivement par l’entourage dès la vie intra-utérine. Le mouvement possède cette double valeur tonique et émotionnelle originelle.

L’enfant intègre la fonction tonique et le mouvement comme la création d’un autre moyen de satisfaction que celui qui consiste à combler ses besoins vitaux. Ce plaisir, c’est celui du mouvement, du geste et de l’action. C’est l’expérience de plaisir et de déplaisir qui permet

(16)

d’instrumentaliser le corps, on parle d’érotisation. Dans ce processus, la fonction doit être affectée et elle est d’abord affectée par l’autre.

Comme le montre J. De AJURIAGUERRA, ce plaisir est à la fois lié au registre de l’exploration et de la découverte, ce qu’il nomme appétence et prise de contact, ainsi qu’au registre de la maîtrise de l’environnement.

2.2.1.

MOUVEMENT & PERCEPTION

Le mouvement, dans le développement de l’enfant, se construit comme une capacité exploratoire croissante. L’autre modalité d’exploration étant la perception (visuelle par exemple). Alain BERTHOZ, professeur au Collège de France et directeur du Laboratoire de physiologie de la perception et de l’action, dans son ouvrage ​le sens du mouvement (2008), détaille les recherches qui vont en ce sens.

Selon lui, l’activité perceptive prépare et fait bouger le corps, elle est simulation interne de l’action. Il ajoute aux autres sens, le « sens du mouvement » ou ​kinesthésie qui met à contribution plusieurs capteurs sensoriels, parmi eux les récepteurs visuels et vestibulaires dont nous parlions plus haut ainsi que les récepteurs musculaires et cutanés.[11]

Il souligne également que les mouvements d’orientation du regard sont liés au émotions, car l’expression du visage, puissant révélateur des émotions, est soutenue par le regard et la posture du corps. Le regard réceptionne le flux de sa cible en même temps qu’il se produit une tentative d’agir sur cette cible.

C’est ce qu’il se joue dans la relation aux parents notamment.

2.2.2.

MOUVEMENT & RELATION

D’après l’article de B. MEURIN, B. VANDERWALLE et B. BUSSCHAERT, issu d’une conférence donnée dans le cadre des journées annuelles de la SNUP (2005), reprenant la même thèse : « Si 5 le sentir

​ ​ ​ ​ est un ​se mouvoir, il est aussi un ​éprouver et un ​s’émouvoir​»​.[28]

(17)

En psychomotricité ce complexe s’appelle le ​dialogue tonico-émotionnel (AJURIAGUERRA). Le mouvement est le premier moyen de communication et d’expression. C’est donc le premier instrument du psychisme. Le bébé a des affects tranchés qui sont le plaisir et la détresse, ils se manifestent sous forme de tension corporelle ou de relâchement. Le sens de ces états n’est pas encore connu de l’enfant, c’est son environnement qui le lui restitue et lui permet de l’intégrer.

Le mouvement, dans la relation, permet des interactions sensori-toniques qui ont valeur d’expression. Le mouvement a donc valeur de signifiant et révèle des sensations perçues, il permet à l’enfant d’avoir une maîtrise sur son environnement, source de plaisir.

Ce plaisir se lie aux schèmes moteurs, il favorise la répétition indispensable à leur intégration. Ils s’élaborent et l’enfant en découvre de nouveaux. Cette dynamique circulaire entre production et intégration s’appelle ​les réactions circulaires

​ (PIAGET).

L’enrichissement du répertoire moteur permet à l’enfant de construire ses coordinations, de tonifier sa musculature et de développer des capacités exploratoires : libération des membres supérieurs, redressement, marche, avec un désir d’exploration mêlé à un plaisir moteur.

Selon Anne-Marie LATOUR, lorsque l’enfant construit son​espace de locomotion

(BULLINGER)

il s’apprête à explorer l’espace, le monde environnant. Sur le plan psychomoteur, il se produit un réaménagement des appuis corporels pour aller vers un auto-portage qui permet le redressement et le déplacement.

Ce mouvement réactive des enjeux psycho-affectifs importants : un désir d’individuation conjoint à des angoisses de séparation/disparition.

S’auto-porter c’est donc avoir intériorisé un portage secure

​ , ainsi que d’avoir construit une

(18)

2.3.

CONSTRUCTION PSYCHOCORPORELLE PAR LE PRISME DE

L’ENVELOPPE PSYCHIQUE

Nous avons remarqué dans la partie précédente que le développement affectif et le développement moteur sont indissociables. Je propose de retracer ces mêmes développements en prenant pour prisme la notion d’enveloppe psychique qui permettra d'appréhender l’agitation psychomotrice sous l’angle de la construction psychodynamique de l’individu en illustrant mon propos avec deux vignettes cliniques.

2.3.1.

L’ENVELOPPEMENT

​IN UTERO

L’enveloppe se construit tout au long du développement humain et prend pour point d’origine le premier enveloppement qui est celui procuré par l'utérus de la mère. Le foetus y est rassemblé, avec un axe courbe qui fait se joindre les deux extrémités, la partie postérieure en contact direct avec la paroi.

Le foetus est entouré et porté par le liquide amniotique dans une position d’enroulement avec le dos en contact à la paroi, laissant en chaque individu une trace mnésique d’état de bien-être associé à ces sensations.[16]

La matrice utérine est le premier contenant physique. Un contenant perméable car le placenta est un lieu d’échange métabolique, sensoriel et relationnel. Quand le bébé commence à vivre ses premières expériences motrices intra-utérines, un nouveau lien se crée avec les parents qui peuvent ressentir le bébé bouger. La rencontre va pouvoir se faire avec un bébé à la fois porté physiquement et psychiquement.

L’accouchement, dans un même mouvement, marque la fin irréversible de cet état de symbiose en même temps que la réunion du bébé réel que les parents redécouvrent et du bébé qu’ils s’étaient imaginé.

(19)

2.3.2.

PASSAGE AU MILIEU AÉRIEN

Esther BICK désigne le peau à peau pratiqué lors de l’accouchement comme un contact enveloppant proche de l’état antérieur. C’est le corps de la mère et sa chaleur qui constituent une enveloppe de suppléance. Elle joue un rôle dans l’apaisement des excitations et des angoisses localisées au niveau de la peau.

Ces angoisses sont liées à la projection dans le milieu aérien. Le caractère brutal de ce changement de milieu peut provoquer une angoisse de chute sans fin, de morcellement, de lâchage, tant que le bébé n'a pas le sens intime de limites de sa peau et de ses limites corporelles propres.

2.3.3.

« PORTE MOI »

… UN IMPÉRATIF

Le bébé naît immature, c’est-à-dire que sa survie à ce moment dépend du rôle de sa mère et des soins qu’elle lui apporte. Le nourrisson n’est pas encore capable d’identifier ses besoins, de lutter contre l’angoisse qu’ils créent et de les satisfaire, c’est le Moi qui assure cette fonction de conscience et de lutte contre l’angoisse. Les soins de la mère à son enfant suppléent donc au Moi inorganisé du nourrisson.[21]

Ces soins présupposent l’identification de la mère au nourrisson

. WINNICOTT considère que

cette capacité d’empathie se développe pendant la grossesse et persiste plusieurs semaines après l’accouchement. Il appelle cet état de sensibilité accrue ​préoccupation maternelle primaire

​ .

La mère semble « biologiquement conditionnée » à s’adapter aux besoins de son enfant. Ses soins conditionnent également le début de structuration du Moi qui repose sur la création d’un sentiment continu d’exister suffisant

​ . Elle joue une fonction de miroir de l’enfant. Cette fonction

de miroir s’exerce par le reflet des émotions de l’enfant avec lequel elle est en empathie. En regardant le visage de sa mère, le bébé pourra voir le sien.[21]

Elle sert de support au Moi de l’enfant.

Dans le dictionnaire Larousse, la définition de supporter est « soutenir quelque chose, lui servir d’appui, d’assise ». Une autre définition tirée de l’oeuvre de BUFFON, philosophe et

(20)

scientifique naturaliste français, est « porter, en étant dessous. Un seul pilier supporte toute la voûte ».[13]

On peut remarquer le parallèle, qu’il est possible de développer, entre « porter, en étant en dessous » et la définition du ​holding

​ de WINNICOTT qui désigne la manière dont on porte

physiquement le bébé. C’est le maintien physique de l’enfant par la mère. Il est également constitutif de la maturation du Moi de l’enfant.

2.3.4.

LE HOLDING DE WINNICOTT

Le holding joue un rôle essentiel dans la fonction de protection des expériences angoissantes ressenties depuis la naissance ou concernant le vécu physique du corps, notamment au sujet des angoisses de morcellement. L’intégration des sensations procurées par ce support d’arrière-fond constitué par la mère étaye un sentiment d’unité corporelle.

La situation d’Ayden illustre ce lien entre le holding, dépendant de l’accordage mutuel mère/enfant, et les manifestations de vécus d’angoisses archaïques.

Ayden est un jeune garçon de 3 ans et 2 mois qui vient nous rencontrer au CAMSP pour un bilan psychomoteur. La demande relayée par l’équipe fait mention de troubles du comportement et d'encoprésie secondaire. Lors de l’entretien la mère, elle, centre sa demande autour de « l’agitation » de son fils qu’elle « ne comprend pas ».

En effet, Ayden ne s’endort pas avant 2 heures du matin et entraîne sa mère dans des rituels pour s'endormir aussi longs qu’ils semblent inefficaces. Elle nous dit qu’elle a tout essayé. Par ailleurs, elle mentionne un épisode qu’elle qualifie d’hystérie totale à la piscine lorsqu’il est sorti de l’eau et qu’il a eu besoin de plusieurs heures pour s’apaiser.

La mère d’Ayden est confrontée à une situation où elle ne parvient pas à interpréter les difficultés de son enfant lorsqu’il est dans l’incapacité de s’apaiser par lui-même.

Lors du bilan, mes demandes sont très compliquées à accepter pour Ayden. Elles entraînent systématiquement des allers-retours de sa part vers un espace que nous avons co-construit : un escalier en modules alors investi en tant qu’espace refuge. À chaque demande, il se détourne et rejoint l’escalier bordé par les deux murs de l’angle de

(21)

la pièce et par moi-même, assurant sa sécurité. Il le monte et le descend à quatre pattes. Ensuite, Ayden peut revenir faire l’activité demandée.

C’est une danse où je propose et il décide, l’accordage semble s’établir quelque peu jusqu’au refus inconditionnel de poursuivre. Ayden s’effondre au sol, à plat ventre, face contre terre, sans tenue de tête. Ces éléments m'évoquent des angoisses archaïques de lâchage et de liquéfaction, sans tenue, au sol. La première fois, je le rejoins au sol et lui demande : « est-ce qu’on est tombé ou est-ce qu’on dort ? ». Au moment où je ferme les yeux pour illustrer le sommeil, Ayden crie très fort dans ma direction.

Lors de la seconde rencontre, Ayden se souvenait de la position de chaque élément de la pièce, nous les avons remis à la même place. La séance se déroule avec les mêmes allers-retours, puis il s’effondre au sol à maintes reprises, jusqu’à ne plus faire que ça. Je réagis en lui demandant s’il désire être relevé, c’est un « Oui ! » franc et direct.

Lorsqu’il est à nouveau debout, avant de revenir au sol, il est un camion de pompier dont il a entendu la sirène cyclique un peu plus tôt.

Ces observations m’amènent à penser qu’Ayden se retrouve confronté à des difficultés lorsqu’il doit quitter une enveloppe contenante, matérialisée par l’attention de sa mère avant d’aller dormir, ou par l’eau de la piscine.

Le changement d’activité lors du bilan produit aussi une insécurité, face à laquelle il met en place des retours vers un espace refuge contenant. De même, il ne supporte pas de ne pas être tenu par mon regard et lorsque je ferme les yeux, il émet un cri qui m’alerte.

Dans nos interactions, il demande à retrouver le même espace que la dernière fois, ce que j'interprète comme un besoin de permanence. Je suppose alors que ce qui l’inquiète lors des changements évoqués précédemment est ce défaut de construction d’une permanence solide et suffisamment ancrée en lui. Ayden a besoin de se sentir contenu et rassemblé pour retrouver de la sécurité. Il s’amuse dans des jeux relationnels ludiques qui mettent en scène des « porter ».

À la fin du bilan, je l’interroge sur sa demande personnelle. Il me dit qu’il souhaite revenir « pour jouer ! ». Jouer à ces jeux que nous quittons à l’instant ?

(22)

Ce dernier jeu de « porter » sous forme de cycles, alternant le relâchement total et la situation d’urgence du camion de pompier, conjoint à des angoisses liées à la permanence auxquelles Ayden répond par une recherche d’espaces contenants, me renvoie au concept de holding

​ de Winnicott.

Le holding « joue essentiellement une fonction de protection contre toutes les expériences souvent angoissantes qui sont ressenties dès la naissance, qu’elles soient de nature physiologiques, sensorielles ou qu’elles concernent le vécu psychique du corps ».[21]

Avec Ayden, j’ai pu constater que le jeu de « porter » le rassemble, jusque dans d’autres modalités sensorielles, le regard notamment.

Ce concept est indissociable de deux autres qui sont : le handling et l’​object presenting

. Ces

trois perspectives apportées par l’environnement permettent la maturation du Moi de l’enfant.

Le concept de ​handling (WINNICOTT) désigne les mobilisations corporelles que la mère imprime et plus précisément la manière dont il est traité, manipulé et soigné. Le handling vise à donner une consistance corporelle à l’enfant et participe à la constitution des enveloppes corporelles.

La mère accompagne son enfant dans ses découvertes, le soutient et nourrit ses expérimentations. WINNICOTT désigne le mode de présentation du monde environnant et de ses objets sous le terme object presenting

​ . L’accompagnement de son entourage dans

l’expérimentation lui permettra peu à peu de construire et d’élaborer sa pensée.

2.3.5.

LES INTERACTIONS DYNAMIQUES

L’accompagnement de l’enfant dans la vie quotidienne comprend l’activité de lire les besoins de l’enfant dans ce qu’il manifeste corporellement. Pour que cette compréhension mutuelle ait lieu, la mère va devoir être en empathie avec son enfant. Le rôle d’identification de la mère aux angoisses de son enfant sert à apporter les soins dont il a besoin mais sert également de contenant psychique. Ce rôle fait partie des compétences des parents. Nous avions aussi détaillé les compétences du bébé dans la première partie. C’est la rencontre de leurs compétences mutuelles qui fondent leurs interactions.

(23)

L’interaction est « le lieu de rencontre des enfants imaginaires et fantasmatiques des parents avec l’enfant réel ».[20] C’est aussi pour le bébé l'occasion de « tisser son humanité » et de se forger son expérience du sentiment de contenance, de continuité, de sécurité et d’exister par le partage relationnel.

Ces interactions sont biologiques, affectives, fantasmatiques et protosymboliques, c’est-à-dire comprenant l’interprétation des comportements du bébé comme ayant une valeur de communication. Ce qui fait de lui un « partenaire ayant un intérieur psychique » (GOLSE et ALVAREZ).

Ce rôle est décrit par Wilfred BION et nommé​capacité de rêverie de la mère

. Il imagine une

fonction ​alpha qui serait une fonction d’interprétation. La fonction ​alpha sert d’écran et appréhende, recueille, contient et transforme les données sensorielles et émotionnelles venant

du bébé. Les projections du bébé sont qualifiées d'éléments ​bêta et représentent un pôle

psychique de confusion.

La fonction de​détoxification de ses contenus d’angoisses et/ou d’agressivité est assurée par la capacité de rêverie.

À ce stade, le bébé n’a pas d’autres moyens de faire face que de projeter vers l’extérieur. En ce sens il est aussi acteur et créateur des soins qui lui sont donnés.

J. De AJURIAGUERRA pointe un état de fonctionnement particulier du tonus du bébé, à l’état éveillé, il est en permanence dans « un état d’alarme » tonique qui lui permet de réagir totalement à tout stimulus externe. Suzanne B. ROBERT-OUVRAY poursuit ce raisonnement en ajoutant qu’il se trouve pris ainsi continuellement dans une gaine tonique réactive qu’elle nomme​ l’enveloppe tonique

​ .[33]

L’enveloppe tonique a plusieurs fonctions. Dans un premier temps elle est une zone de projection de l’état intérieur et une zone de protection de l’environnement extérieur et a donc fonction de pare-excitation des stimulations internes et externes.[33] Cette fonction s’exprime par les états de contraction musculaire opposés : hypertonicité et hypotonicité.

C’est la lecture que la mère fait des états toniques et émotionnels de son enfant qui lui permet d’ajuster ses soins. Les réponses qu’elle donne à son enfant vont se constituer en des

(24)

images sensorielles et motrices, en des ​protos-représentations

​ . L’ensemble de ces

proto-représentations va constituer un sentiment d’enveloppe circulaire et crée ainsi une forme d’enveloppe maternante et contenante.

La fonction ​alpha sert à transformer ces stimuli en éléments de pensée. Cette fonction d’interprétation est d’abord assumée par l’entourage avant d’être intériorisée. Projeter son état intérieur constitue donc une capacité de communication et de compréhension mutuelle. La tonicité du bébé sert donc d’interface d’échange.

L’enveloppe tonique et l’enveloppe relationnelle se répondent.

Bernard GOLSE dit, dans​Du corps à la pensée

, que le bébé pour se développer mentalement

et psychiquement a besoin d'un double ancrage corporel et interactif. Pour que le bébé puisse apprivoiser son corps il a besoin que ses expériences corporelles et interactives soient mises en sens.[16]

2.3.6.

EXPÉRIENCE PROTOTYPIQUE DU NOURRISSAGE

Esther BICK qualifie la situation de nourrissage d’expérience prototypique de la sensation d’être contenu. En effet, dans cette situation « toute la sensorialité du bébé est rassemblée dans cet échange cutané où l’accroche du regard, les caresses, la tendresse et les paroles maternelles l’apaisent et l’enveloppent ».[16]

Le nourrissage est un moment privilégié où le bébé se perçoit d’abord comme créateur des soins qui lui sont donnés. Il est encore dans une période d’indifférenciation, Moi et non Moi indifférenciés. Le bébé a l’illusion de créer du ​bon

​ . La rythmicité des soins et notamment du

nourrissage étaye un sentiment d’enveloppe qui est conjoint à une illusion de permanence qu’ils viennent renforcer. Cette rythmicité est importante pour que se constitue un sentiment continu d’exister.

Geneviève HAAG relève 3 éléments constitutifs du sentiment d’être contenu. Ces 3 éléments sont réunis lors du nourrissage du bébé : le bain sonore, le contact-dos qui « assure chez le bébé, le sentiment basal de sécurité et d’intégrité » et l’interpénétration des regards.[16]

(25)

Dans le cadre de mon stage, j’ai rencontré une situation où une enfant manifeste des schèmes d’hyperextension très toniques lorsque survient un moment d’angoisse et de frustration. Cette enfant s’appelle Flora. Je propose de présenter nos séances pour essayer de comprendre s’il peut exister un lien entre ces schèmes et une tentative, ou une recherche de rassemblement, de contenance, notamment par un contact-dos « recréé » par ce recrutement tonique d’arrière-fond.

Flora est une jeune fille de 5 ans et 7 mois, elle est inscrite au CAMSP depuis février 2014. Elle a été adressée par la Protection Maternelle et Infantile (PMI) pour un retard global de développement dans le cadre d’une craniosténose bicoronale (type brachycéphalie par transmission du gène TCF12). 6

Elle a été opérée en 2013 mais conserve une morphologie faciale marquée, un retard global de développement et des conséquences visuelles qui se traduisent par une acuité visuelle binoculaire de 5/10. Flora porte des verres correcteurs.

Elle est placée en famille d’accueil. La situation familiale était devenue compliquée, dans une maison insalubre où les infiltrations d’eau provoquaient l'effondrement des murs et où les services sociaux ont retrouvé des rats morts. La relation avec la mère était également complexe. L’observation sociale relate une absence de jeu, « les jouets étaient donnés sans mots, ni regards ».

Lorsque je commence mon stage, je m'insère dans une relation thérapeutique qui dure depuis 3 ans. Actuellement, Flora est aussi suivie dans le cadre d’un « trouble du comportement à type d’agitation et d’instabilité psychomotrice » . 7

Les séances s’organisent progressivement en trois temps, un temps de conte, un

temps où nous construisons des cabanes et un temps où nous jouons à un jeu de

régulation tonique.

6Brachycéphalie : « La brachycéphalie est un défaut d’expansion frontale vers l’avant, prédominant à sa base, dans la région sus-orbitaire. Les arcades sourcilières sont reculées, la partie inférieure du front est reculée et aplatie. La partie haute du front tend à bomber vers l’avant en surplomb de la face, ou à s’élever exagérément. Il existe un bombement temporal bilatéral. Dans l’ensemble, le crâne est aplati et élargi. La brachycéphalie correspond à une atteinte bilatérale de la suture coronale ». ​Campus de Neurochirurgie, ressources internet, craniosténoses, 2009.

7​D’après les recommandations européennes, « le retard mental peut coexister avec un TDAH et n’exclut pas ce diagnostic », le clinicien dans cette démarche doit se référer au niveau développemental de l’enfant

(26)

En début de séance, Flora se dirige spontanément et de manière récurrente vers les livres de la salle. Elle en saisit plusieurs, sa sélection comprend toujours l’histoire des 3 petits cochons. C’est cette histoire qui est choisie et lue. C’est une version où les enfants quittent le père et où le loup est cuit dans la marmite, puis mangé. Le loup est découpé dans le papier et attaché au livre par une ficelle. Flora peut le faire glisser dans la cheminée et le plonger dans la marmite elle-même, action qu’elle répète beaucoup. Dès qu’elle aperçoit ce loup, elle émet de forts grognements (de loup).

Un autre jeu évoque cette histoire parmi les jeux que nous avons construits. C’est un jeu qu’elle initie par un cache-cache (seuls ses yeux ou son visage sont cachés) qui évolue en construction de cabane. Lorsque la cabane est faite, Flora cherche systématiquement un module en forme de pont sous lequel elle se glisse. Elle est alors allongée à plat ventre, le plus souvent avec un ballon de baudruche gonflé à la main, sous le pont qui lui procure un enveloppement serré au niveau des hanches. Elle s’y glisse par la tête. Dans cette situation son agitation disparaît. J’observe une baisse globale de son tonus qui se traduit aussi par des chuchotements qui contrastent avec la force habituelle de sa voix.

J’ai également retrouvé cet apaisement global lors d’une relaxation « la galette » où j’ai utilisé un rouleau en mousse pour passer sur ses membres supérieurs et inférieurs, comparés à une pâte, que j’ai enroulé sur elle-même avec mes mains comme on en recouvre les bords, dans un mouvement de pétrissage.

Nous jouons aussi à un jeu de régulation tonique dans lequel nous varions la vitesse de la marche en fonction du rythme auquel l’un d’entre nous tape sur un tambourin. Pour arrêter sa course, Flora doit être en contact avec le mur de la pièce.

Les fins de séances occasionnent beaucoup de colères avec des pleurs et des grognements semblables à ceux qu’elle produit pendant le conte des 3 petits cochons. Dans ces moments, elle se contracte brusquement dans des schèmes d’hyperextension globale, en projetant sa tête en arrière.

Enfin, au moment de sortir de la séance, Flora court aux toilettes pour observer le dessous des sèche-mains en disant « marche pas ! ».

(27)

Quel lien puis-je donc faire entre ces observations ? Flora recherche t-elle à se constituer une enveloppe qui lui ferait défaut ? Est-elle en recherche de contenance ?

Le conte met en scène des cabanes qui tiennent et qui ne tiennent pas, leur solidité et leur permanence est mise à l’épreuve. Ces cabanes peuvent avoir une fonction de figuration du corps. Dans ce cas, ce sont ces notions que nous revisitons lorsque nous jouons à les construire et à en éprouver la solidité. Peut-être que Flora éprouve le besoin de redoubler son enveloppe avec le module en pont pour se sentir tenue et contenue ? Le ballon de baudruche gonflé qu’elle retrouve en séance avec lequel elle fait cette activité est-il lui aussi figuration du corps, figuration de l’enveloppe ?

L’effet de la relaxation accompagnée d’images enveloppantes permet à Flora de ressentir et d’imaginer ses limites corporelles. Ainsi, elle peut s’apaiser, tolérer l’immobilité de son corps et le vivre sereinement. De la même manière, le jeu de régulation tonique par le rythme évoque le besoin d’un contact limitant qu’elle vient chercher contre le mur de la salle de psychomotricité.

La fin de séance réactive des angoisses liées à la séparation. La réponse d'hyperextension entretient une réponse contenante de notre part, car Flora paraît ne plus tenir compte du mouvement de sa tête. Nous allons la recueillir et la soutenir avec un contact dos contre nos bras. Sa réaction produit un double effet, la sensation d’un arrière-fond tonique contenant et le contact enveloppant de l’autre au niveau du dos.

Enfin, la transition entre le moment de la séance et le moment de partir est marqué par son intérêt pour le sèche-main qu’elle va rechercher. Elle se désole qu’il ne souffle pas de l’air chaud ce qui m’évoque une recherche de sensations agréables au niveau de la peau, d’une sensorialité chaude et enveloppante qui serait bienvenue après la séparation difficile.

(28)

2.3.7.

LE

​MOI-PEAU

DÉVELOPPÉ PAR ANZIEU

Selon ANZIEU, le ​Moi-peau serait une forme primaire et métaphorique du Moi, étayé par la sensorialité tactile. L’expérience primaire du peau à peau dans cette théorie est déterminante pour la construction d’une première peau psychique, « l’instauration du Moi-peau répond au besoin d’une enveloppe narcissique et assure à l’appareil psychique la certitude et la contenance d’un bien-être de base »[6]

Il précise que toute activité psychique s’étaie sur une fonction biologique, ainsi il « désigne [par Moi-peau] une figuration dont le Moi de l’enfant se sert au cours des phases précoces de son développement pour se représenter lui-même comme Moi contenant les contenus psychiques, à partir de son expérience de la surface de son corps ».[6]

Le Moi-peau a plusieurs fonctions qui sont détaillées dans son ouvrage. La première est la fonction de maintenance psychique comparable à celle du holding de WINNICOTT et, de manière plus précise, il parle d’intériorisation des mains de la mère.

La seconde fonction est la ​fonction contenante du Moi-peau qui s’exerce principalement par le handling maternel. La peau est décrite en tant que ​sensations-images à partir desquelles le psychisme émerge.

La troisième fonction est celle de​pare-excitation de la peau en tant que couche superficielle de l’épiderme, qui protège la couche sensible. Je me limiterai à évoquer uniquement ces trois fonctions qui me semblent les plus pertinentes pour ce mémoire.

2.3.8.

« ET SI TU T’EN ALLAIS ? »

Pour Melanie KLEIN, il pré-existe chez l’enfant des pulsions de vie et de mort. Dans les interactions avec sa mère et par un jeu de projection et d’introjection, le bébé produit un premier clivage défensif entre « bon » et « mauvais sein ». Ce clivage défensif est d'abord attaché à la mère en tant qu’objet partiel, le sein. Ce clivage lui permet de se défendre contre le conflit de ses pulsions.

(29)

Les termes « bon et mauvais » peuvent alors être compris comme marquant la satisfaction et la frustration du bébé (GOLSE). Le Moi du bébé va donc s’unifier autour des expériences satisfaisantes. La frustration se rapporte à l’anéantissement du Moi.

L’unification du Moi de l’enfant se fait dans un mouvement parallèle à la perception qu’il a de l’objet qui va progressivement devenir total. L’angoisse d’anéantissement laisse place à une angoisse de perte qui fonde la notion de​position dépressive

​ . Il ressent la séparation de la mère et

elle devient l’objet de ses gratifications et de ses frustrations.

Cette approche nous aide à comprendre celle de WINNICOTT.

Il soutient que ces moments où la mère est absente sont constitutifs car le bébé est pris dans une illusion de création des soins qui lui sont conférés, ce qu’il appelle ​une relation primaire à l’objet extérieur

​ ​ . Cette ​défaillance de la mère absente, ou qui laisse un délai dans les soins, le

désillusionne. C’est ce que WINNICOTT appelle le​ sevrage

​ .

Dans ces espaces de temps, l’enfant se soutient seul.

Cette désillusion a lieu car il vit une démarcation entre sa réalité intérieure et sa réalité extérieure, le bébé se vivait créateur de ses soins or la réalité extérieure n’est pas telle quelle. Il vit une expérience de frustration. Son omnipotence subjective se trouve confrontée à une réalité objective.

De l’espace se crée entre ces deux réalités et répond au temps d’attente dans les soins, le temps où il fait l’expérience de cette réalité intermédiaire. Cet « aire de compromis » se forme dans ce que WINNICOTT appelle​les phénomènes transitionnels

​ . À cette période, les objets sont

encore partiels et considérés comme des « objets autres que moi » qu’il appelle « premières possessions ».

Parallèlement aux processus d’intégrations que décrit WINNICOTT et notamment de ce dernier qui est l’établissement de la relation objectale et l‘utilisation de l’objet (GOLSE), se développe la capacité d’être seul. Cette capacité prend sa source en relation et en présence de la mère. Lorsqu’elle est acquise, elle est le signe que le Moi a mûri (vers 6 mois).

(30)

2.3.9.

« ET SI JE M’EN ALLAIS ? »

Le rôle du père ou la fonction paternelle est décrite comme une fonction de tiers séparateur dans la relation mère-enfant.

Il vient s’opposer au désir de fusion de la mère et de son enfant, en ce sens il a un rôle de protection des espaces, ainsi « le père est appelé à exercer une fonction intégratrice, de liaison, de contextualisation et de mise en sens du vécu à l’intérieur de la dyade ».[23]

L’enfant amorce un passage de l’objet partiel à l’objet total, et donc un passage du clivage à l’ambivalence ; c’est-à-dire que le bon et le mauvais se retrouvent dans le même objet. L'agressivité ressentie envers la mère devient l’origine d’un sentiment de culpabilité. Si la mère survit à cette agressivité, cela amènera l’enfant à faire la différence entre réel et imaginaire.

Cela signe le passage de la transitionnalité à une réelle différenciation.

L’enfant accède peu à peu à l’inter-subjectivité. C’est une période où se réalisent les premières acquisitions motrices vers la marche, ce qui nécessite de s’être construit un axe suffisamment solide et un sentiment de sécurité interne suffisant, des assises narcissiques suffisantes.

Selon F. JOLY dans son article ​la référence au maternel dans le champ des thérapeutiques psychomotrices,

​ la mère « doit devenir une structure encadrante, porteuse et internalisée ».

2.4.

«

HYPERACTIVITÉ NORMALE

» ​(Catherine POTEL)

L’activité de l’enfant est le jeu. Pour le jeune enfant c’est avant tout le jeu moteur. Le plaisir du jeu des parties du corps qu’il va explorer, expérimenter, faire entrer en relation. Le plaisir est très important pour que la fonction corporelle et motrice soit investie. L’activité de l’enfant est nécessaire à son développement moteur et intellectuel.

(31)

L’alternance de l’activité physique et du repos est également nécessaire, tant au niveau musculaire que psychique. Les temps d’ennui et ces moments de vide permettent à de petits moments de dépression d’advenir, et avec eux, une disponibilité à l’expérience, un nouvel essor de l’imaginaire, de nouvelles idées.

Les temps de repos sont des organisateurs. Ils inscrivent l’enfant dans une temporalité.

Même chez les enfants qui ont le tempérament le plus calme, il existe des moments

d’hyperactivité. « Parfois, cette hyperactivité momentanée peut surgir dans certaines situations particulières, un événement, une relation. Ce comportement hyperactif occasionnel est alors tout à fait réactionnel et normal ».[31]

(32)

En résumé,

Le tonus exprime une émotion et provoque un ébranlement qui est d’abord global chez le bébé. Il permet de lier les sensorialités entre elles et d’entrer en relation avec son entourage. La régulation du tonus, premier vecteur de la communication, est donc fondamentale pour les intégrations ultérieures. (A.-M. LATOUR)

C’est dans le tonus que s’enracine la rythmicité interne et externe avec les états de tensions et les soins, l’état de veille et de sommeil. Il est donc à la racine du sens du temps. (S.ROBERT-OUVRAY)

Le tonus permet l’ancrage du sentiment d’enveloppe, des traces mnésiques du sentiment d’être tenu et contenu. En ceci, il est aussi à la base de la notion de volume.

Le sentiment de tenue interne est essentiel au redressement et il se forme, s’intériorise, dans la relation avec les parents.

Le mouvement ne saurait donc être compris en dehors de sa valeur affective originelle et actuelle. Ses enjeux sont constitutifs de l’investissement qui en est fait qu’il soit normal ou pathologique.

(33)

3.

LE TROUBLE AU CENTRE DE L’ATTENTION

Les pathologies du mouvement peuvent être multiples, selon Léon KREISLER, psychanalyste et pédopsychiatre français, « les déviances motrices globales affectent le style général de l’expression motrice qui peut être insuffisante, excessive ou discordante ». Dans le cas de l’agitation, l’expression motrice est qualifiée d’excessive. Un versant pathologique qui inclut un surplus de mouvement.

Un versant pathologique du mouvement en positif.

3.1.

PLUSIEURS DESCRIPTIONS COEXISTENT ET SE RENCONTRENT

Les termes historiquement employés pour décrire ces manifestations comportementales donnent des indices sur les associations d’idées qui concernent les causes de l’agitation psychomotrice.

Edouard SEGUIN, auteur et pédagogue français, publie en 1846 son ​traitement moral,

hygiène et éducation des idiots

. Il fait le lien dans ce livre entre excès d’activité des enfants et

symptôme physiologique : une prédominance des systèmes sanguins et musculaires. L’enfant ferait prédominer ces deux systèmes par son activité.

Cette observation, évocatrice du lien entre les fonctions du tonus musculaire et l’activité accrue des enfants, est rapportée par B. WELNIARZ, pédopsychiatre français, dans son article ​de l’instabilité mentale au TDAH

​ .

D’après ce même article, la promulgation des lois FERRY en 1881 et 1882 qui rendent l’instruction primaire obligatoire pour les jeunes garçons et les jeunes filles de 6 à 13 ans, fondent le début du courant médico-pédagogique. L’activité motrice de ces enfants pose problème car, à l’école, le contrôle moteur et l’attention continue sont des pré-requis nécessaires aux apprentissages.[38]

Un tableau clinique stable est fixé en France par le médecin D.M. BOURNEVILLE en 1905 dans ​Les enfants anormaux au point de vue intellectuel et moral.

[38] Il répond aux premières

(34)

concomitante d’une instabilité mentale.[18] La symptomatologie hyperactive apparaît alors sous la désignation d’instabilité psychomotrice.

L’instabilité psychomotrice se manifeste dans les différents lieux de vie de l’enfant et particulièrement dans le milieu scolaire. Dans ces cas là, l’attention demandée à l’adulte augmente et peut le mettre en défaut de gestion du groupe.

Certaines recherches s'intéressent alors au devenir de ces enfants agités.

G. HEUYER, en 1914, associe, dans sa thèse de médecine ​Enfants anormaux et délinquants juvéniles

​ , les comportements pervers au tableau clinique en raison d’évolutions fréquentes vers

la délinquance. Certaines recherches scientifiques actuelles tendent d’ailleurs toujours à démontrer des corrélations avec les addictions, conduites à risques et la délinquance.

Le rapport à la norme de comportement attendu par la société est interrogé, comme le rapport de l’enfant à la norme attendue par l’école. L’agitation psychomotrice, en plus d’attirer l’attention sur elle même, s’associe parfois à un rapport transgressif au cadre.

Charles BOULANGER, un élève de D.M. BOURNEVILLE, décrit ces enfants comme poussés par une force inconnue « à des écarts de conduite dont ils ne peuvent donner la raison quand on les interroge ».

La transgression, comme l’agitation, n’a pas de motif apparent d’emblée.

Dans ce cas, peut-on plutôt parler « d’attaque du cadre » ou « d’appel au cadre » ? Est-ce une tentative de vérification de l'intégrité du cadre et de l’existence de réelles limites ? Par analogie corporelle, nous pourrions nous demander si cela correspond donc à une vérification de l’intégrité de ce qui contient le corps, de la limite corporelle ?

Le point de vue de D.M. BOURNEVILLE, qui expose une instabilité tant motrice que psychique, est renforcé dans ​L’Enfant turbulent

​ (1925) d’Henri WALLON et dans ​L’enfant et

l’adolescent instables

​ (1940) de J. ABRAMSON, psychologue travaillant dans la clinique de

Georges HEUYER à la Salpêtrière. Ces auteurs illustrent la position de l’école française qui insiste sur le double versant psychique et moteur de l’instabilité.[15]

(35)

Dans le travail d’Henri WALLON, on retrouve une description et une classification des formes

d’instabilité motrice.​[1] La description de ce syndrome comprend un point de vue

psychologique et pathogénique nourrit des études neurologiques sur l’encéphalite épidémique qui avait frappé l’Europe en 1919. Les enfants qui avaient survécu à la maladie présentaient des comportements hyperkinétiques. Cet événement, ainsi que les études anglaises et américaines, ont fondé le point de vue anglo-saxon où la cause neurologique des troubles paraît acquise. La dénomination « lésions cérébrales ​a minima

​ » apparaît.

Cette dénomination inclut cependant trop de tableaux cliniques différents (désordres moteurs, maladresse congénitale, etc.) et sera rejetée par le groupe d’études internationales d’Oxford en 1962 en faveur du « dysfonctionnement cérébral ​a minima

​ ».

J. ABRAMSON apporte une étude plus générale de la psychologie de l’enfant instable en montrant notamment la tendance de l’instable psychomoteur à agir « plutôt d’une manière intuitive et confuse » c’est-à-dire en court circuit des processus d'enchaînement, d’opposition et de confrontation. Il insiste ici sur la dysharmonie cognitive. Il met aussi en perspective une mémoire immédiate préservée avec une tendance forte à être « happé par tous les stimuli extérieurs et (à être) incapable d’inhiber son besoin d’éparpillement », ce qui montre une discontinuité cognitive.[1]

Ce que Jean BERGÈS, ancien chef de clinique et praticien hospitalier, complète plus tard, en présentant l’instabilité de manière encore plus globale, apparaissant dans d’autres modalités comme la voix parfois « changeante, contrefaite, imitant un bruit, une explosion » ou encore l’enveloppe cutanée « siège des heurts avec les objets, des contacts violents avec les personnes ». [8] Il décrit deux sortes d’instabilité :

- les états tensionnels : définis par rapport à un contexte de contention insupportable.

- les états de déhiscence : définis comme une « quête incessante des limites, des frontières, la place du corps agissant étant très problématique ou impossible à intégrer comme telle ».

Julian De AJURIAGUERRA, en 1971, tente d’isoler ce qu’il appelle deux formes extrêmes n’ayant pas la même signification étiologique, sa distinction est cependant différente :

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