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L'adaptation des sociétés à un environnement extrême. Eleveurs de rennes de Sibérie et éleveurs de dromadaires du Sahara

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Academic year: 2021

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Cahier des thèmes transversaux ArScAn

I

1 9 9 8 / 1 9 9 9

Thème

Environnement

s

Responsables

Stéphanie Thiébault

(UMR ArScAn - Protohistoire e u r o p é e n n e )

Sander Van der Leeuw

(2)

E nvironnem ent Sociétés, Espaces

L’a d a p ta tio n

à

un

environnement

Éleveurs

de

rennes

de

Sibérie

e t

élev

Catherine Baroin (UMR ArScAn - Afrique)

& Claudine Karlin (UMR ArScAn - Ethnologie préhistorique)

Ceci est in ex p o sé à quatre mains : l'ethnologue vivant dans un milieu d 'a rc h é o lo g u e s et les préhistoriennes a y an t toujours eu envie d e regarder du c ô té des ethnologues. La prem ière travaillant depuis d e longues a n n é es d an s l'extrêm e chaud du S ahara chez les gens du ch a m e a u , la s e c o n d e c o m m e n ça n t à travailler dans l'extrêm e froid d e la Sibérie ch ez les gens du renne (program m e soutenu par l'IFRTP av ec la collaboration des Affaires étrangères e t du CNRS). Le résultat d e c e t exposé com m un : des c o n v e rg e n c e s e t d e s différences. En tout cas, la satisfaction d 'u n e réflexion commune, pour l'occasion, qui s'organise sur les axes suivants : la situation g é o g rap h iq u e et le milieu naturel, les ressources et l'exploitation du milieu, le m o d e d'organisation des groupes sociaux qui en d éco u le, le moins polluant des m odes d e vie, la relation hom m e — animal.

Situation géographique

La Sibérie

Eh c e qui c o n c e rn e la Sibérie, nous avons, a v e c Francine David (UMR ArScAn — Ethnologie préhistorique), travaillé a v e c deux g roupes culturels différents e t dans trois contextes géographiques. Le Taïmyr e st o c c u p é par les Dolganes qui constituent un groupe relativement récent, m élange d e plusieurs cultures. S'ils n'ont pas d e s traditions fortem ent affichées, ils ont conservé un nom adism e traditionnel e t des familles d e chasseurs éleveurs circulent a v e c leur tro u p e a u d e rennes. Au Kamtchatka, les Koriaks sont au contraire une culture a n c ie n n e qui a g a rd é ses traditions, alors q u e ses modes d e vie ont c h a n g é puisque les familles sont séd entarisées tandis que, seuls, des pasteurs nom adisent a v e c les troupeaux d e rennes.

Les variations du p a y s a g e traduisent un positionnement différent sur ia latitude. La toundra plate, autour d e 70° d e latitude, repose sur le permafrost. L'été, p e n d a n t quatre à cinq mois, x d é g e l d e surface ne p e rm e t qu'une fragile végétation d 'h e rb a c é e s e t d e lichens, au mieux buissonnante, m êlée d 'e a u stagnante. L'hiver, p endant se p t à huit mois, x é p a is tapis d e neige e ffa c e le végétal et il n'y a plus d 'e a u liquide. L 'a b s e n c e d e reliefs importants conduit à une uniformité des conditions climatiques. La toundra forestière, autour d e 68° d e latitude, connaît des hivers aussi longs, mais le dégel est suffisant pour perm ettre à certains arbres d e s'implanter. Par ailleurs, les variations d e relief donnent des secteurs plus abrités q u e d'autres. Enfin, vers 60° d e latitude, au milieu d e plateaux e t m o n tag n es d e type toundra, des couloirs forestiers à v é g é ta tio n plus te m p é ré e perm ettent, le long d e s fleuves, une variété text des h e rb a c é e s q u e des ligneux.

Le désert saharien e t ses m arges

Les en q u ê te s ont porté sur les Toubou ou Téda-D aza, éleveurs d e drom adaires (abusivem ent a p p e lé s « c h a m e a u x »), d e petit bétail e t d e bovins dans l'est du Sahara e t sur ses m arges sahéliennes. Voisins orientaux d e s Touaregs qui o c c u p e n t x environnement naturel com parable, les Toubou o c c u p e n t environ un quart du Sahara, centré sur la moitié nord du Tchad. Les Téda, situés les plus au nord, sont a v a n t tout d e s éleveurs d e drom adaires, tandis q u e les Daza, au sud, élèvent aussi des bovins. Téda e t Daza sont

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a p p a re n té s e t parlent deux dialectes d'une m êm e langue. Très schém atiquem ent, ils o cc u p en t trois types d e milieux :

- Le désert au nord e s t le plus vaste, mais le moins riche en ressources : les éleveurs d e drom adaires le parco u ren t à la rec h e rch e du p âtu rag e rare mais d'excellente qualité q u 'a p p o rte n t d'o ccasio n n elles a v e rse s.

- Les quelques oasis p lan té es d e palmiers dattiers, qui croissent g râ c e à la proximité d e la n a p p e phréatique : il s'agit en particulier des vastes oasis du Borkou (région d e Faya-Largeau), où vivent à d e m e u re quelques familles qui cultivent des jardins irrigués, tandis q u e la récolte des d a tte s en juillet août p ro v o q u e l'arrivée massive des propriétaires d e palmiers.

- La zone sahélienne a u sud, où se regroupent les effectifs humains et animaux les plus importants. C 'est là en effet q u e la végétation naturelle est la plus a b o n d a n te : les pluies, ap p o rtées p a r la rem ontée vers le nord du front intertropical en é té (juin à septem bre), sont aléatoires. Elles sont insuffisantes pour cultiver, certes, mais elles perm ettent le renouveau annuel d'un p âtu ra g e d e gram inées peu d e n se e t rapidem ent sec, brouté tout au long d e l'an n ée ; tandis q u e quelques arbres disséminés, épineux pour la plupart, fournissent une o m b re parcim onieuse et a p p o rte n t un com plém ent d e fourrage arboré. Les Toubou s'y trouvent, par endroits, en co n c u rre n ce a v e c divers groupes a ra b e s et peuls ; et la compétition des troupeaux et des hom m es pour d e s ressources limitées prend parfois d es dimensions conflictuelles, d 'a u ta n t que ces groupes sont puissam m ent armés à la suite d e la longue guerre civile q u 'a connue le Tchad.

Ressources offertes et exploitation

Alors qu'il est d e tradition d e mettre une frontière entre chasseurs-cueilleurs e t éleveurs agriculteurs, les populations des régions extrêm es intègrent les deux. En Sibérie, le sa u v ag e est dominant, et le d o m estiq u e s'inscrit d a n s les contraintes du sa u v ag e e t s'y a d a p te . C et équilibre est une sorte d'assurance contre une fragilité d e l'approvisionnem ent qui m e n a c e c h a q u e instant. Au Sahara, p ar contre, la faune sau v ag e a é té si abusivem ent chassée — p e n d a n t e t après la colonisation, en particulier— qu'elle ne joue plus qu'un rôle d e se c o n d plan.

La Sibérie

Le VÉGÉTAL

Dans le Nord sibérien, les p a y sag e s sont, du fait d e la prédation, « a m é n a g é s » par l'hom m e ; ils ne sont jam ais « créés ». En toundra rase ou forestière, la fragilité d e la végétation n'autorise que l'exploitation du milieu naturel par cueillette/ram assage ou exploitation pastorale par un tro u p e a u mobile ; elle exclut tout travail agricole. Dans les couloirs tem pérés, outre la cueillette largem ent pratiquée, une agriculture em bryonnaire a c c o m p a g n e la sédentarisation, limitée à d e petits e s p a c e s où l'on fart pousser p om m e d e terre e t choux.

Les Dolganes, en toundra rase, n'exploitent q u e faiblem ent le végétal à fins alimentaires. Seule se pratique, à l'autom ne, la cueillette des baies, nourriture v é g é ta le laissée aux enfants e t aux femmes. Si, au Kamtchatka, la cueillette reste le d o m a in e des femmes, l'agriculture est une activité p a rta g é e qui renforce la p rése n c e du v é g é ta l dans l'alimentation, a v e c des valeurs différenciées entre sau v ag e e t dom estique, et entre e s p è c e s c o n so m m é es.

À l'inverse d e l'utilisation à fins alimentaires, l'utilisation à fins techniques e st très importante. Les m atériaux vég étau x , surtout ligneux, sont largem ent utilisés. Si l'approvisionnement ne p o se pas d e problèm e, en toundra forestière ou taïga, en toundra rase, c'est une d e n ré e précieuse q u e l'on v a chercher en expédition, e t q u e l'on transporte d e h alte en halte en consom m ant a v e c économ ie, en particulier le bois d e chauffe. On choisit d e préférence le bois mort et, à la belle saison, on utilise le bois d e flo ttag e — deux prélèvem ents qui co rresp o n d en t à une gestion d e la végétation ligneuse, pour une prédation minimum.

Lesa nim auxautresq uelerenne

Dans tous les cas, l'exploitation d e la faune migrante est plus valorisée que celle d e la fau n e sédentaire. Par ailleurs, en toundra rase, les conditions environnementales excluent toute dom estication autre q u e celle du renne, e t e n c o re , n'est c e qu'une dom estication relative où l'hom m e n e se pose pas en maître d e la relation animal/environnement. Dans les vallées du Kamtchatka, on trouve un embryon d 'é le v a g e bovin e t une présence d e chevaux.

La p ê c h e est une activité importante d'un point d e vue économ ique c a r le poisson se vend mieux q u e le renne. Pratiquée pour la consom m ation familiale, elle équilibre la consom m ation c a rn é e pour les D olganes,

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Environnement, Sociétés, Espaces

perm ettant d e réduire le prélèvem ent sur les troupeaux p en d a n t l'été. Elle est essentielle chez les Koriaks, dans la mesure où le tro u p eau est plus ou moins accessible. C 'est une activité d 'a u ta n t moins valorisée q u e le renne est proche ; a v e c pourtant une valeur ajoutée pour les migrants, co m m e les saumons qui font partie du bestiaire artistique. Toutes les e s p è c e s disponibles, à valeur nutritive ou gustative différentes, ne sont p a s exploitées au m êm e m o m e n t; et aucune n'est p ê c h é e durant toute la saison. Pour assurer les protéines d e l'hiver, le poisson est sé c h é , gelé, fumé ou salé.

Le la g o p è d e est le seul oiseau sédentaire ch assé au fusil ou au collet. 1 s'agit d'une acquisition d e com plém ent. Les oiseaux migrateurs — oies e t c a n ard s — sont, quant à eux, recherchés ; c 'e st une c h a s s e valorisée, d 'a u ta n t que l'arrivée des vols signe la fin d e l'hiver.

Les mammifères sau v ag es, autres q u e le renne ou l'élan, sont essentiellement chassés pour la fourrure. La cap tu re se fait au p iè g e ou au fusil. Un territoire à pièges, qui associe p ièges à masse, construction fixe e t p ièges métalliques mobiles, est mis en exploitation l'hiver par un chasseur qui en est l'unique exploitant. C eci relève toujours d'un souci d e gestion des ressources : le chasseur doit pouvoir subvenir à ses besoins, sans m ettre en d a n g e r l'équilibre naturel.

S auvage ou dom estique, le renne est le partenaire essentiel des gens du Nord ; l'équilibre alimentaire se fait autour d e lui ; il est source d e m atière première e t assure la nécessaire mobilité.

Le renne

Le renne, R angifer tarandus, est présent dans to u te la Sibérie. Q uelques troupeaux sau v ag es circulent encore, qui connaissent des fluctuations d e volume. Le troupeau migrant parcourt plus d e mille kilomètres p a r petites é tap es, selon m m êm e parcours, sans q u e soient exclus des changem ents d'itinéraire. Le m ouvem ent migratoire est d é c le n c h é par des facteurs climatiques identifiables par les hom mes. C 'e st une migration à rythme d e m arc h e différent selon les m om ents d e la migration ou selon qu'elle est d e s c e n d a n te ou montante, à la fois en raison des événem ents d e la reproduction, d e l'é ta t du troupeau e t d e l'a c c è s à la nourriture. Le troupeau se constitue différemment selon les moments d e l'année, en fonction des é v é n em e n ts qui m arquent la reproduction. Certains animaux se sédentarisent en route. Toutes ces facteurs influent, bien évidem m ent, sur les m o d es d e chasse.

Qu'il soit sa u v ag e ou dom estique, le renne se nourrit d 'h e rb e s e t d e lichens, d e buissons e t d'arbustes nains, d e baies e t d e cham pignons. Pendant l'été, I va faire sa graisse. Durant l'hiver, il vivra sur c e tte graisse, s e nourrissant d e la végétation qu'il peut atteindre en creusant du sabot la c o u c h e d e neige, fri c e qui c o n c e rn e l'animal dom estique, l'hom m e influe l'été en poussant son troupeau vers des endroits favorables à végétation riche, l'hiver en recherchant un couvert d e neige le moins épais possible e t non g elé.

Les troupeaux d e rennes dom estiques doivent êtres mobiles pour exploiter sans l'épuiser le milieu v é g é ta l. L'orientation e t l'am plitude des mouvements, d é p e n d a n t du volume du tro u p eau et d e la niche é c o lo g iq u e à exploiter, sont organisées selon in compromis entre les besoins des animaux et ceux des hom m es. La gestion des pay sag es c o n d u it à un système d e rotation des p âturages d 'u n e a n n é e sur l'autre, pour laisser au lichen le tem ps d e se reconstituer. Gestion aussi selon les besoins du tro u p eau qui varient en fonction d e s m om ents d e l'an n ée e t qui peuvent être alimentaires, trouver l'hiver des zones où la neige n'est p a s trop épaisse, ou d e confort, lieu des mises bas. Ces troupeaux connaissent les m êm es fluctuations d e composition q u e le tro u p e a u sauvage, a c c o m p a g n é e s ou dirigées par les pasteurs.

La relation hom m e/anim al est, dans l'ensemble, une relation distanciée. L'homme est présent d a n s l'environnement, mais l'animal se débrouille seul, sans a p p o rt alimentaire au tre q u e le sel. C ette distanciation n 'e m p ê c h e pas, d e la p a rt d es pasteurs, une connaissance individuelle des anim aux du troupeau.

La fragilité d e c e tte dom estication est sensible d an s l'attention q u e les pasteurs apportent à maintenir une distance entre tro u p eau sa u v a g e et troupeau dom estique. Il n'est pas rare en effet q u e des anim aux sau v ag es entraînent a v e c eux des animaux dom estiques, parfois en nom bre. Lorsque des fem elles dom estiques saillies par d e s mâles sauvages ont é té récupérées, les éleveurs ont des avis p a rta g és. S'ils pen sen t q u e rennes s a u v a g e s et dom estiques relèvent d'une origine com m une, ils considèrent q u e c e t a p p o rt d e sang s a u v a g e revitalise leur troupeau. Au contraire s'ils estiment qu'il s'agit d e deux e s p è c e s différentes, c e qui paraît le fait d'une majorité, ils affirment q u e le s a u v a g e finit toujours par revenir au sauvage, e t qu'il n e faut p a s rompre les équilibres institués.

L 'élevage du renne est l'activité principale car s'il a p p e lle la mobilité, I assure c e tte mobilité en toute saison, m onte ou traction. D représente 80% d e l'alimentation qui est do n c essentiellement c arn ée (le lait est utilisé d e fa ç o n extrêm em ent variée selon les groupes) ; la p e a u , m êm e d étrô n ée p ar les textiles, reste le m atériau essentiel du vestimentaire, en particulier pour la tenue d e travail des pasteurs et elle est le seul m atériau auquel les n om ades sibériens font confiance lorsqu'ils circulent l'hiver en toundra. La p e a u est le constituant essentiel d e la literie et, en couverture, elle est le com plém ent du ligneux pour l'habitation mobile. Sans poils.

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E nvironnem ent Sociétés, Espaces

elle est utilisée d a n s la fabrication d 'élém ents techniques, sellerie ou lassos. Sans oublier les tendons utilisés dans la couture. Les bois, quant à eu x servent à faire des pièces d e h arnachem ent ou d e s m anches.

Le d é se rt saharien e t ses m arges

C o m m e en Sibérie, la vie des hom mes au Sahara e t au Sahel est conditionnée par la présen ce d e ressources naturelles essentielles pour les animaux : il s'agit ici non seulement du p â tu ra g e, mais aussi d e l'eau.

L 'eau

L 'eau est quasi inexistante au désert, en dehors d e quelques rares puits sur le trajet des c a ra v a n es. C e p e n d a n t la n a p p e phréatique est, par endroits, proche d e la surface du sol, c e qui perm et à quelques palmiers d 'y plonger leurs racines. Tel est en particulier le c a s au Borkou, où elle autorise la poussée d e palmiers dattiers plantés par les hommes, e t l'irrigation d e quelques jardins. Ces derniers sont protégés d e s vents chauds, secs e t violents du d ésert par des palissades en feuilles d e palmier, e t bénéficient d e l'ombre p ro cu ré e p a r les dattiers. Sans c e tte protection contre le soleil et le vent, et sans c e tte irrigation, aucun légum e ou c é ré a le n e pourrait pousser au Borkou : le sp e cta cle verdoyant d e ces jardins est entièrem ent le fruit d e l'intervention humaine. Les palmiers eux-mêmes, irrigués ou non, sont plantés e t fé c o n d é s par les quelques paysans qui restent sur p la c e tout au long d e l'année.

En dehors d e c e s oasis et de quelques rares puts, l'eau n'est présente au désert q u 'à titre exceptionnel. Mais une pluie suffit, ici e t là, à faire pousser un p â tu ra g e d'excellente qualté, très rech erch é par les drom adaires. Tout l'art du pasteur consiste d onc à conduire ses animaux sur c e s pâturages propices, c e qui implique bien sûr un m o d e d e vie constam m ent mobile.

L'eau e st plus a b o n d a n te au Sahel : les puits sont plus nombreux, e t les pluies é g a le m e n t bien qu'elles se con cen tren t sur la période d e l'hivernage (au mieux de juin à septem bre). Les puits perm ettent l'a b re u v a g e régulier du bétail (bovins et camelins), tandis q u e les pluies, bien q u e peu régulières, provoquent c h a q u e a n n é e le ren o u v eau du pâturage, e t m êm e p a r endroits la p rése n c e d e mares tem poraires qui suppriment, pour q u elq u es semaines, la harassante co rv é e de l'ab re u v a g e : hommes e t troupeaux se concentrent autour d e c e s m ares e t s'y abreuvent, jusqu'à leur assèchem ent.

S ELS MINÉRAUX

Outre l'eau e t l'herbe, les animaux ont besoin de sels minéraux pour suppléer leur alimentation. Les éleveurs veillent d o n c régulièrement à leur procurer du natron (c a rb o n a te d e sodium), qu'ils ram assent à l'état naturel dans certains bas-fonds ou ach èten f au marché. La nécessité d e c e t a p p o rt en natron est donc un motif supplém entaire d e d é p la c e m e n ts pour les pasteurs.

L 'exploitation dumiueus u p p o se lam obiu té

Les besoins du cheptel obligent d o n c les éleveurs saharo-sahéliens à une mobilité constante. L'amplitude e t la périodicité des d é p la c e m e n ts varient à la fois en fonction du ty p e d e bétail, et d e la répartition d a n s le tem ps et l'e s p a c e d e ces deux ressources naturelles indispensables q u e sont le p â tu ra g e e t l'eau. Certains font d e la grande transhum ance, d'autres des migrations saisonnières plus ou moins longues. Les tro u p e a u x d e bovins se d é p la c e n t sur d e plus courtes distances e t nécessitent un a b re u v a g e quotidien en p é rio d e très c h a u d e (avril mai), moindre quand i fait froid. L 'abreuvage par co n tre est moins fréquent pour les cam elins. Les pâturages du Sahel ne suffisent pas à ce s derniers, qui sont conduits vers le nord en hiver, afin d e bénéficier des « p â tu ra g es salés », plus riches en minéraux, du désert. C 'est là aussi que les cham elles sont saillies e t qu'elles m etten t bas, un an plus tard.

Desr e s s o u r c e s mineures : c h asseetcueillette

Si le souci m ajeur des hom mes est d e répondre aux besoins d e leurs troupeaux, c e s derniers en retour sont la ressource essentielle des pasteurs. La faune sauvage, com m e nous l'avons signalé plus haut, est presq u e résiduelle. Les antilopes ont é té abo n d am m en t ch assées dans le passé, y compris p ar les Toubou dont les artisans forgerons, les Aza, organisaient d e grandes chasses au filet qui perm ettaient d 'a b a ttre d e s troupeaux entiers. Tel n'est plus le c a s d e nos jours. La chasse peut dem eurer une activité ludique, pratiquée surtout pour d e petites esp èces p a r les enfants, elle n'est jamais la garantie d'un a p p o rt alimentaire si gnificatif. Quant à la cueillette, les hommes la considèrent com m e une activité indigne, e t seuls les enfants, voire les fem m es, s'y a d o n n e n t (cueillette d e quelques baies ou fruits, com m e les jujubes, ou d e g o m m e notamment). Dans le p assé, les graminées sa u v a g e s étaien t récoltées en période d e disette, mais c e tte pratique est a b a n d o n n é e aujourd'hui. La c h a sse et la cueillette sont d o n c devenues des activités économ iques d 'im p o rta n c e négligeable. C 'est le bétail qui assure la subsistance des hommes.

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Environnement, Sociétés, Espaces

L 'exploitation alimentairedubétail _

Mais contrairem ent aux rennes d e Sibérie, élevés surtout pour la viande, b a s e d e l'alimentation d e s hommes du g rand nord, en zone saharo-sahélienne les anim aux sont élevés avant tout pour ie lait et le croît. Les troupeaux so n t essentiellement com posés d e femelles (vaches e t chamelles), à l'exception d e quelques mâles g a rd é s pour la reproduction, le b â t ou la monte. Les vaches e t les cham elles sont traites pour la consom m ation familiale, a v e c c e t a v a n ta g e que leurs laits ne p rése n ten t p a s les m êm es qualités nutritives, e t ne sont p a s a b o n d a n ts aux m êm es périodes d e l'année.

Quant à la consom m ation d e viande, elle est très occasionnelle. On ne tue un gros animal q u e dans d e s circonstances exceptionnelles, telles qu'un mariage ou un d é c è s. C 'est le petit bétail, dont on d éd aig n e le lait, qui tient lieu d e stock d e viande sur pied. On tue un bo u c ou un m outon pour une naissance ou la circoncision d 'u n fils, pour une g rande fête musulmane ou pour honorer un hôte d e p a s s a g e .

Outre le lait q u e l'on boit frais ou caillé, la b a se d e l'alimentation des éleveurs est le mil. I est a c h e té sur les m archés a v e c le produit d e la vente d'animaux, surtout les mâles puisque les fem elles sont gard ées en priorité. La vie des éleveurs saharo-sahéliens est d o n c au total assez rude, e t leur alimentation sobre mais équilibrée, sauf en période d e soudure quand les pluies tardent à revenir, ou s'il y a une année d e sécheresse. Le seul luxe qu'ils s'autorisent est d e boire du thé, très fort e t très sucré. C e stimulant, a c h e té com m e le sucre sur les marchés, est si prisé que les Toubou, durs à la fatigue e t sa ch a n t se nourrir d e peu, préfèrent bien souvent se priver d e mil plutôt que d e thé, en période d e pénurie.

L 'exploitationtechniquedubétailetdumiueu

C om m e chez les éleveurs d e rennes, la culture matérielle des pasteurs toubou tire parti av an t tout d e s ressources d e s troupeaux et d e l'environnement. L'armature d e la ten te est faite d e g aulettes v é g é ta le s recouvertes d e nattes en feuille d e palmier doum. Le cuir en tre dans la fabrication d e quelques objets usuels : outres en p e a u d e chèvre, cuir des sacs d e voyage, p e a u d e v a c h e pour renforcer la protection contre le soleil sur le toit d e s tentes, tapis d e cuir em porté par c h a q u e voyageur, sans c o m p te r la corne d e v a c h e scellée d 'u n bouchon d e vannerie, où c h a q u e fem m e conserve le beurre parfum é qui sert à sa toilette.

D é p e n d a n c e ou in d é p e n d a n c e

Les m odalités d'exploitation du milieu naturel arctique induisent une certaine a u ta rc ie des groupes humains, le renne assurant une partie fondam entale d e c e tte in d é p e n d a n c e . Sans lui, la vie n'est p a s possible : to u te diminution d e son utilisation doit être c o m p e n s é e par un a p p o rt extérieur, c e qui rend les groupes d é p e n d a n ts des réseaux d e com m unication e t d e s valeurs d 'é c h a n g e s q u e c e s réseaux imposent. L 'indépendance, pour être importante, n'est pas totale et, depuis longtemps, il existe d e s é c h a n g e s av ec les groupes voisins pour acquérirthé. farine, sucre, sel, pâtes, ainsi q u e ta b a c e t alcool, vêtem ents. Autrefois, c e s é c h an g e s fonctionnaient entre groupes à systèmes d e valeurs similaires. Lors d e la collectivisation, en é c h a n g e d e s matières animales qu'ils produisaient, par é le v a g e ou par chasse, les au to c h to n es obtenaient régulièrement c e s denrées. Aujourd'hui, la mondialisation qui les fait se tourner vers l'O ccident, e t la crise qui déstructure les réseaux d 'é c h a n g e s et d e com m erce, conduisent à a b a n d o n n e r les g e n s du Nord à leur isolement.

La situation est bien différente pour les éleveurs saharo-sahéliens. Contrairem ent aux éleveurs d e rennes d e Sibérie, il e st clair q u e leur économ ie est largem ent tournée vers l'extérieur e t n'a rien d 'a u ta rc iq u e : la v e n te d e bétail e st indispensable pour procurer à ces pasteurs d e s élém ents clés d e leur alimentation : mil, thé e t sucre, sans c o m p te r le sel e t quelques condiments. De tout temps, ils ont entretenu d e s liens indispensables av ec les sédentaires établis aux m arges du désert, e t l'é p o q u e où ils se vêtaient d e p e a u x d e bêtes e st depuis bien longtem ps révolue : c 'e s t g râ c e à la vente d e bétail qu'ils a c h è te n t leurs v êtem en ts d e coton e t quelques récipients culinaires.

Fluidité d e l’organisation des groupes

L 'élev ag e joue un rôle important dans l'organisation du groupe, aussi bien d a n s le c a s des pasteurs sibériens q u e ch ez les Toubou.

La Sibérie

Lamobilité

La mobilité est essentielle, im posée par l'environnement e t servie par le renne. La fréquence d e s m ouvem ents co m m e la distance parcourue sont d 'a b o rd liées aux besoins du troupeau. L'hiver les haltes

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Environnement, Sociétés, Espaces

sont plus longues e t les distances plus courtes : exploitation minimum d 'u n e végétation sous la neige par un animal qui vit en partie sur ses propres réserves. L'été les haltes sont plus courtes et les distances plus longues pour une exploitation la plus extensive possible d 'u n e végétation libre d 'a c c è s . L'habitat est a d a p té à c e tte mobilité, qu'il soit entièrem ent d ém ontable e t transporté d'u n e halte à l'autre, partiellement dém onté, ou transportable en l'état. Quel qu'il soit, il s 'a d a p te aussi aux fortes différences d e tem pérature saisonnières.

Lesterritoires : souplessedesm o d esd'o c c u p a t io n

Les territoires d 'é le v a g e , d e chasse ou d e p ê c h e ont d e s dimensions liées à une notion d e production. Ils supposent, entre autres, d 'ê tre assez vastes pour q u e le chem inem ent des troupeaux puisse varier.

Le nomadisme des Dolganes n'est pas un circuit immuable. 1 y a un point fixe : le lieu d e d é p ô t des baloks

(habitation à arm ature d e bois parallélépipédique, te n d u e d e p e a u x d e renne et m ontée sur patins) d'hiver à plancher ou des c a rc a sse s d 'é té sans plancher. La route du tro u p eau sau vage m arque une zone d'attraction vers laquelle tend le chem inem ent, co m m e le territoire des pièges maintenu à proximité p endant tout l'hiver. Ajoutons un dernier pôle : pouvoir rejoindre le lieu où se déroule la fê te du renne qui m arque la fin d e l'hiver. Pour le reste, le choix se fait p ar évaluation constante d e la situation.

L 'accès aux différents e s p a c e s du territoire varie selon le ty p e d'exploitation recherché. Un territoire d 'é le v a g e appartient à une famille. L 'e sp a c e où sont posés les pièges est investi par un seul chasseur qui viendra les relever entre novem bre e t février. L 'e sp a ce traversé p ar la migration au printemps e t à l'autom ne est accessible à tout chasseur qui peut y aller seul ou a v e c d e s m em bres d e sa famille ou d e son clan, chasse collective qui est l'occasion d'entretenir les rapports sociaux à travers une circulation des services et d es biens en matières anim ales.

S OUPLESSE DE LA COMPOSITION DES GROUPES

Hors les sovkhozes, le troupeau est propriété collective d e l'unité familiale dans la m esure où c h a q u e individu peut avoir d es rennes à sa m arque. La dimension du g ro u p e est en adéq u atio n a v e c le nom bre d e bêtes, tant pour des raisons alimentaires q u e techniques. Dans un co n tex te d e croissance, la famille était élargie parallèlem ent aux possibilités du troupeau. Aujourd'hui, la famille d o lg an e vit en unité nucléaire restreinte sur une centaine d e bêtes, seuil en dessous duquel un tro u p eau ne peut pas se maintenir. Pour assurer son équilibre, une cellule familiale n o m a d e est liée à d e la famille sédentarisée ou nom adisant ailleurs, e t des relations d e clans se traduisent par un très fort réseau d 'é c h a n g e .

L'hiver, le renne est paisible, à la recherche d e nourriture e t économ isant son énergie. La cellule familiale vit seule a v e c son tro u p eau facile à garder, q u e la fem m e peut surveiller quand l'homm e part chasser. L'environnement n'offre a u c u n e ressource autre q u e le renne e t la niche écologique ne perm et pas une exploitation cy n ég étiq u e importante, d'où la solitude du chasseur, sauf pour les animaux migrants dont la chasse peut susciter des regroupem ents masculins.

Dès q u e les beaux jours arrivent, les rennes deviennent agités. Les hom m es regroupent leurs troupeaux pour en faciliter la surveillance, regroupant aussi leurs habitats. C es regroupem ents concernent des élém ents d 'une m êm e famille ou d 'u n m êm e clan.

Le désert saharien e t ses m arges

Lamobilité

De m êm e q u e l'éle v ag e du renne en Sibérie, l'é le v a g e en zone saharo-sahélienne contraint les éleveurs à la mobilité, pour la recherche d e s p âtu rag es. Les éleveurs ré p è te n t c h a q u e a n n é e plus ou moins les m êm es parcours, a v e c des variantes liées à la pluviosité. Le p â tu ra g e est en principe a c cessib le à tous, mais il y a des habitudes e t les nouveaux venus risquent d 'ê tre mal accueillis, surtout si les troupeaux sont trop nombreux en un lieu donné. Les puits sont la propriété d e ceux qui les creusent e t les entretiennent, e t d e leurs familles : ces personnes ont un droit d e priorité sur l'usage du puits, mais non l'exclusivité. Tout autre pasteur peut aussi venir y abreuver son troupeau, en a tte n d an t parfois d e longues heures que l'a c c è s a u puits ait é té libéré par ses « propriétaires ».

Lesterritoires : souplessedesm o d e sd'o c c u p a t io n

Les e sp ac e s parcourus par les éleveurs sont, au moins en théorie, la propriété d e clans patrilinéaires dont les m em bres pourtant sont disséminés e t peuvent ê tre établis très loin d e là, sur d e s territoires a p p a rten a n t à d'autres. C ette grande souplesse e s t a c c e p t é e p ar tous ; elle est d'ailleurs indispensable à la survie dans ces régions où la pluviosité est si aléatoire. Les droits sur les territoires ne concernent d o n c pas les

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Environnement, Sociétés, Espaces

pâturages, mais si un étranger au clan entreprend d 'y couper les arbres, il pourra avoir maille à partir a v e c l'un des m em bres du clan propriétaire s'il se fait surprendre.

La mobilité physique d e s éleveurs e t d e leurs troupeaux, que nécessite la précarité du milieu qu'ils exploitent, a une c o n s é q u e n c e directe sur l'habitat : la tente d e n a tte et tout son mobilier peuvent être transportés par un seul ch a m e a u . Le mobilier est très sommaire : il se limite à un Sf d e gaulettes v égétales assem blées par d e s lanières d e cuir, à q uelques sacs d e voyage, un trépied e t un canari pour cuire le mil, un service à thé, une cantine métallique, une « p e a u d e bo u c » ou un canari pour l'eau. La form e e t la dimension d e la te n te varient selon la saison : elle est c o u rb e q u a n d soufflent les vents précurseurs d e s pluies, petite quand il pleut car on ch erch e à économ iser les nattes qui sont a b îm ées par l'eau, elle p rend la forme d'un p ara llé lép ip è d e rectangle en hiver c a r c e tte forme, dit-on, est celle qui protège le mieux du froid.

Lesstructures : so u plesse de l'o r g a n is a t io n

L'unité d'exploitation est le troupeau, dont la taille ne saurait être trop importante pour ne pas nuire à sa mobilité. Par conséquent, les unités sociales sont elles aussi d e taille limitée. Le groupe social d e b a s e est la famille restreinte, c o m p o s é e d 'u n couple e t d e ses enfants. Ces familles s'associent dans des c am p em en ts, généralem ent d e p etite taille, dont la composition est très variable. Des frères par exem ple peuvent choisir d e vivre proches les uns d e s autres, mais ils sont libres d e se séparer q u a n d ils le veulent. Les nécessités d e l'éle v ag e ou d e la vie sociale peuvent entraîner l'éclatem ent tem poraire d e la famille : tel est le c a s notam m ent q u a n d les cham elles vont au désert, tandis que les v ach es restent sur place. Alors le père d e famille, ou bien le fils aîné s'il e s t assez â g é , part a v e c les chamelles tandis q u e la fem m e reste à sa tente a v e c les v ach es e t les jeunes enfants.

Le moins polluant d es genres de vie

Le b a g a g e des n o m ad e s sibériens est réduit à l'essentiel c a r tout poids supplém entaire suppose un effort supplém entaire d e traction. Cela n'exclut p a s un « superflu », d e v e n u essentiel par la valeur attribuée : chez les n o m ad es d e Sibérie les tasses en porcelaine sont le symbole d'u n e hospitalité fondam entale. Mais ce la signifie qu'ils jettent très p e u d e choses, tandis q u e la rareté des m atières premières réduit les d é c h e ts d e fabrication. Habitat d 'é té ou d'hiver, à m êm e le sol ou sur plancher, nous avons bien affaire au moins polluant des genres d e vie. C a m p e m e n t d 'é té ou c a m p e m e n t d'hiver, rien ne s'a n c re dans la terre. Les traces d e l'habitation sont très légères e t les ab a n d o n s sont exceptionnels. Le résultat en est une m arque au sol très fugitive.

Le c a ra c tè re très som m aire d e la culture matérielle est aussi une caractéristique com m une à tous les éleveurs d e la zone saharo-sahélienne. On peut, ici aussi, parler, dans cette partie d e l'Afrique, d'un m ode d e vie très peu polluant. Après leur d é p a rt d'un lieu d e c a m p e m e n t, les éleveurs toubou ne laisseront com m e tra c e d e leur p a s sa g e q u e les c e n d re s du foyer, et une concentration d e déjections animales d e sséch ées. C e seraient là, pour les arc h é o lo g u e s du futur, d e bien maigres élém ents pour imaginer quel pouvait être le m o d e d e vie d e c e s populations.

La relation « hom m e/anim al »

Toute la culture d e s éleveurs d e s régions arctiques est fondée sur le renne, tant les savoirs techniques, q u e l'économ ie e t le symbolique. Le lien privilégié entre l'homme e t le renne se manifeste à deux niveaux. Au plan individuel, p a r une relation symbiotique entre l'hom m e et l'animal : l'hom m e nourri e t vêtu par le renne s'approprie les attributs d e l'animal. Au niveau du groupe, I y a parallélisme entre le groupe humain et son troupeau : le clan se définit, entre autres, par des é c h a n g e s d e service liés au renne e t un troupeau qui v a bien est l'im age d 'u n g roupe qui va bien. C e parallélisme est si fort qu'un groupe sédentarisé peut entretenir un troupeau qui n e lui rap p o rte é conom iquem ent plus grand chose, uniquem ent p a rc e q u e la disparition du troupeau signifierait l'é c la te m e n t symbolique du g ro u p e qui s'identifie à lui. Mais aussi étroite q u e soit la m arge d e m anœ uvre d e s hom mes, elle est c e p e n d a n t suffisante pour q u e s'expriment des différences entre groupes. Ces cultures, qui ont à nos yeux une large majorité d e points communs, affichent e t revendiquent leurs différences, m êm e d an s c e qu'ils ont d e plus p artag é, leur lien a v e c le renne.

On n 'a pas chez les Toubou d e « symbolique du c h a m e a u » ou de « symbolique du bovin » co m p a rab le à la « symbolique du renne », ou à la très forte i dentification des pasteurs peuls ou nuer a v e c leurs bovins, pour ne citer q u e ces exem ples très classiques. Mais les animaux n'en o c c u p e n t pas moins une p la c e primordiale dan s la vie sociale, qui s'exprim e essentiellement au travers d e droits sur le bétail. Les droits d e propriété sur les animaux sont très éla b o rés ch ez les Toubou, c h a q u e individu exerçant des droits différents sur divers ty p es d'anim aux, e t c h a q u e animal pouvant appartenir simultanément à plusieurs propriétaires, qui ont sur lui d e s droits différents. Naturellement, le statut social d'un individu est directem ent lié à la nature des droits qu'il

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Environnem ent Sociétés, Espaces

e x e rc e sur le bétail, e t les relations sociales passent a v an t tout par des dons et contre dons d e bétail. D ans c e tte tram e d 'é c h a n g e s incessants, le m ariage joue un rôle essentiel dans la mesure où S est l'occasion d e très nom breux dons e t contre dons d e bétail non seulem ent avant, mais aussi bien longtem ps après le m ariage. La nature d e ces droits e t d e ce s éch an g es m arque une différence essentielle entre les Toubou e t les autres pasteurs d e la zone saharo-sahélienne, dont la culture matérielle est par ailleurs assez c o m p a ra b le . Conclusion

Dans le Nord sibérien, l'hom m e o c c u p e un territoire qu'aucun progrès humain ne sait maîtriser et le tribut p a y é par le g ro u p e humain à l'occupation d e cet environnement est une forte mortalité. Conscient d e sa fragilité, il se sent à égalité a v e c les autres occupants d e c e m êm e territoire, p e rc e v a n t fortem ent l'in te rd é p e n d a n c e des e s p è c e s . Tout son système sym bolique est fondé sur c e tte notion: les différentes e s p è c e s sont organisées à l'im age du groupe humain e t leurs relations sont codifiées pour qu'il n'y art p a s surexploitation d e l'une au détrim ent des autres. Le non-respect d e ces co d es entraîne obligatoirem ent punition.

En z o n e saharo-sahélienne ég alem en t, la relation entre l'hom m e e t son environnement p ro c è d e d 'u n d é lic at équilibre. Mais c e t équilibre, b e a u c o u p plus semble-t-il qu'en Sibérie, est aujourd'hui m e n a c é . Les g ran d es séch eresses qui se sont a b a ttu e s périodiquem ent sur le Sahel, surtout à partir des a n n é e s soixante-dix, ont entraîné des pertes d e bétail considérables. On s'est interrogé sur la c a u se d e ce s désastres. Le d e s sè c h e m e n t progressif du climat lui-même est indubitable si l'on considère que le lac Tchad n'est plus actuellem ent, sur la m ajeure partie d e sa surface, qu'une vaste éten d u e sans eau. On a aussi incriminé le co m p o rtem e n t des éleveurs qui cherchent toujours à accroître la taille d e leurs troupeaux, en dépit d e l'insuffisance des p â tu ra g e s. On y a vu une contradiction entre une logique collective, celle des pâturages, e t une logique individuelle, celle d e l'éleveur. Mais d'autres sécheresses s'étaient produites avant, sans entraîner les m êm es dram es : les pasteurs alors pouvaient aisém ent se replier vers le sud, dans la zone cultivée. C e repli est d e v e n u plus difficile d e nos jours, en raison d e l'intensification du p euplem ent d e c e tte z o n e sédentaire. Pourtant, c 'e st là actuellem ent q u e les pasteurs du Nord ont te n d a n c e à s'implanter d e plus en plus, voire d e se sédentariser, en nouant a v e c les cultivateurs des liens nouveaux e t en profitant d e la proximité des agglom érations pour écouler les produits d e leurs troupeaux.

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