• Aucun résultat trouvé

Identités allemandes à Québec : les stratégies identitaires dans le processus d'affirmation sociale d'une communauté

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "Identités allemandes à Québec : les stratégies identitaires dans le processus d'affirmation sociale d'une communauté"

Copied!
200
0
0

Texte intégral

(1)

Identités allemandes à Québec : Les stratégies identitaires dans le

processus d’affirmation sociale d’une communauté

Mémoire

Sébastien Binette

Maîtrise en anthropologie

Maître ès arts (M.A.)

Québec, Canada

(2)

III

Résumé

Le maintien d’éléments de la culture primaire chez un migrant, c’est-à-dire de la culture acquise dans sa région ou dans son pays d’origine, est un élément important qui, à l’aide de certaines stratégies, favorise la stabilité ainsi que la cohérence identitaire tout au long du processus de migration. M’intéressant au cas de migrants allemands de première génération qui ont choisi Québec comme ville d’accueil, j’utilise principalement les concepts de lieux d’affirmation identitaire ainsi que les stratégies qui y sont associées, pour comprendre comment leur identité primaire se développe, évolue et se transforme tout au long du processus de migration et d’intégration. La recherche que j’ai effectuée sur le terrain a initialement pris la forme d’observation participante, ce qui m’a permis de recruter 17 participants que j’ai rencontrés et interviewés lors d’entrevues semi-dirigées. L’analyse dévoile l’importance de la langue comme vecteur identitaire primaire, mais également celle de la culture et des traditions inhérentes à la région du participant. En plus des caractéristiques identitaires qui apparaissent être plus influencées par la région d’origine du migrant que par son pays en lui-même, il semble que l’identité allemande soit également tributaire de la relation, principalement au niveau de l’histoire, que ce dernier possède face à l’Allemagne avant et pendant la migration. Au final, il apparait que l’identité des migrants allemands de première génération de la ville de Québec évolue autour de la création d’un « chez-soi » (Heimat), construit à partir d’éléments rattachés à la langue, à la culture ainsi qu’aux traditions issues de leur région d’origine et qui seraient porteurs de sens au niveau individuel.

Mots clés : Allemand, culture, identité, immigration, intégration, langue, minorité invisible, stratégies identitaires.

(3)

IV

Abstract

The retention of components from a migrant’s primary culture (the culture acquired in his or her native region or land) is an important consideration because of the large impact it has on the migration process. With the help of certain strategies, this cultural retention fosters stability and identity consistency in migrants. While focusing my study on first-generation German migrants who chose Québec City as their new home, I primarily use the concept of identity affirmation related to locale, in addition to associated strategies. This concept allows an understanding of how identities within this population of migrants develop, evolve, and change throughout the migration and integration process. My field research initially consisted in the observation of participants: through the execution of semi-supervised interviews, I had the opportunity to recruit and meet with 17 participants. An analysis of these interviews reveals the importance of language, but also the culture and inherent traditions of native regions, as primary agents of identity. Characteristics of a migrant’s identity appear to be influenced more by his or her native region, rather than the country as a whole. Furthermore, it is apparent that a migrant’s German identity is dependent on his or her relationship with Germany (especially as regards historical events) before and during the time of migration. Finally, this research manifests that the identity of first-generation German migrants in Québec City evolves around the creation of a Heimat (homeland). This last is constructed using elements from the migrants’ language, culture, and regional traditions, which convey special meaning at the individual level.

Keywords: German, culture, identity, immigration, integration, language, invisible minorities, identity strategies.

(4)

V

Zusammenfassung

Zur Begünstigung des Migrationsprozesses ist die Aufrechterhaltung von Elementen der Primärkultur, d.h. der Kultur, die jemand in seinem Herkunftsland oder seiner Herkunftsregion erworben hat, entscheidend. Gewisse Strategien – die im Fortgang dieser Arbeit näher bestimmt werden – helfen einem Migranten, Stabilität und Identitätskohärenz auszubilden. Die folgende Arbeit beschäftigt sich mit der Geschichte deutscher Migranten erster Generation, die sich für Quebec als Zielort entschieden haben. Die Analyse ihres Integrationsprozesses ist Oberthema der Arbeit. Zur Untersuchung der Thematik verwende ich vor allem das Konzept des „Ortes der Identitätsbestimmung“ sowie die damit verbundenen Strategien, um zu verstehen, wie sich die Identitäten dieser speziellen Population im Laufe des Migrationsprozesses gebildet, weiterentwickelt und verändert haben. Die Forschung, die ich auf diesem Gebiet gemacht habe, bestand zunächst aus einer teilnehmenden Beobachtung. Diese bot zudem Gelegenheit, um 17 Teilnehmer zu rekrutieren, welche ich anschließend in Form von halbstrukturierten Interviews befragt habe. Die Analyse offenbart die Wichtigkeit von Sprache als primären Identitätsvektor, aber auch die Bedeutung von Kultur und Traditionen der Herkunftsregion. Es zeigt sich, dass die Identitätsmerkmale des einzelnen Migranten stärker von der regionalen Herkunft, als durch das Heimatland selbst, beeinflusst sind. Zudem wird deutlich, dass die deutsche Identität des Migranten abhängig ist von der Beziehung, die dieser vor und während des Migrationsprozesses – vor allem in historischer Perspektive – zu Deutschland hat. Letztendlich scheint sich die Identitätsbildung von deutschen Migranten erster Generation in Quebec anhand der Ausbildung einer „Heimat“ zu vollziehen, welche auf den Elementen Sprache, Kultur und Traditionen fußt. Hierbei spielen vor allem jene Traditionen eine Rolle, die speziell in der Heimatregion existieren und auf individueller Ebene identitätsformend sind.

Schlüsselwörter: Deutsch, Kultur, Identität, Immigration, Integration, Sprache, unsichtbare Minderheit, Identitätsstrategien.

(5)

VI

Table des matières

Résumé ...III Abstract ... IV Zusammenfassung ... V Table des matières ... VI Table des Figures ... IX Table des tableaux ... IX Liste des abréviations ... X Remerciements ... XI Préface ... XII

Introduction ...1

Plan du mémoire ...3

Chapitre 1 : Cadre théorique de la recherche ...5

1.1 : Problématique ...5

1.2 : Référents conceptuels ...7

1.2.1 : L’identité individuelle et sociale ...7

1.2.2 : L’identité culturelle ... 10

1.2.3 : L’identité collective ... 11

1.2.4 : Les stratégies identitaires ... 12

1.2.5 : L’ethnicité ... 13

1.2.6 : Le groupe ethnique ... 14

1.2.7 : Les lieux d’affirmation identitaire ... 16

1.3 : Objectifs de recherche ... 17

1.4 : Synthèse du cadre théorique ... 17

Chapitre 2 : Cadre contextuel ... 19

2.1 : Introduction ... 19

2.2 : L’identité allemande à travers son histoire récente ... 19

2.2.1 : Prélude de l’éveil d’une nation, une Allemagne imparfaitement unifiée ... 20

2.2.2 : Guillaume II, la Weltpolitik et le pangermanisme ... 21

2.2.3 : L’échec national de Weimar ... 22

2.2.3 : L’éveil d’un nationalisme allemand exacerbé ... 23

2.2.4 : Une Allemagne profondément séparée... 24

(6)

VII

2.2.6 : Le double défi de l’identité allemande contemporaine ... 25

2.3 : Les Allemands du Canada et du Québec ... 26

2.4 : L’implantation des Allemands au Québec de 1648 à aujourd’hui ... 26

2.4.1 : Portrait statistique et organisation spatiale des Allemands du Québec de 2001 à 2011 ... 30

2.5 : Les Allemands de l’Ouest canadien ... 33

2.6 : La culture et l’identité germano-québécoise aujourd’hui ... 37

2.7: Le contexte particulier de la ville de Québec ... 38

2.8 : Association et activités allemandes de la ville de Québec ... 40

2.8.1 : La Communauté allemande de Québec ... 41

2.8.2 : Le Cercle Goethe ... 45

2.8.3 : L’École allemande de Québec ... 49

2.9 : Conclusion ... 52

Chapitre 3 : Méthodologie de la recherche et présentation de l’échantillon ... 53

3.1 : Méthodologie de la recherche ... 53

3.1.1 : Les techniques d’enquête et de collecte des données ... 54

3.1.2 : La construction de l’échantillon ... 56

3.1.3 : L’analyse des données ... 58

3.1.4 : Les difficultés et les limites de la collecte des données ... 63

3.2 : Présentation de l’échantillon des participants ... 67

3.2.1 : Caractéristiques des répondants ... 68

3.2.2 : Raisons de la migration ... 69

3.2.3 : Difficultés rencontrées lors du processus migratoire ... 70

3.2.4 : Langues adoptées à la maison, au travail et avec le cercle social... 73

3.2.5 : Socialisation et composition du cercle social principal ... 74

3.2.6 : Sacrifices consentis lors de la migration ... 76

Chapitre 4 : Identité et lieux d’affirmations identitaires ... 79

4.1 : Le mythe d’une identité universelle allemande ... 79

4.1.1 : Des identités très différentes selon les régions et les séparations historiques de la RDA / RFA ... 80

4.1.2 : L’identité allemande, plus personnelle que collective ... 82

4.1.3 : Identité allemande cachée ou affichée, entre culpabilité historique et fierté nationale ... 85

(7)

VIII

4.2.1 : La langue allemande, véhicule culturel et identitaire ... 88

4.2.2 : La culture allemande et le spectre de « l’heure zéro » ... 90

4.2.3 : La culture allemande et québécoise, une combinaison viable ? ... 93

4.3 : Présentation des différents lieux d’affirmation identitaire ainsi que des stratégies utilisées par les Allemands de la ville de Québec... 95

4.3.1 : Quels sont les lieux d’affirmation identitaire ? ... 95

4.3.2 : Quelles sont les stratégies identitaires utilisées ? ... 97

4.4 : Conclusion ... 99

Chapitre 5 : L’élaboration d’une identité allemande et ses référents ... 101

5.1 : Introduction ... 101

5.2 : Comment les Allemands de la ville de Québec vivent-ils leur identité au quotidien? .... 102

5.2.1 : L’identité allemande à travers les vagues migratoires à Québec ... 104

5.2.2 : Les dynamiques interculturelles des Allemands de la ville de Québec ... 107

5.2.3 : Les stratégies et finalités identitaires ... 113

5.3 : Des lieux d’affirmation identitaire souvent mal définis et spontanés... 118

5.3.1 : Langue, Culture, Tradition ... 119

5.3.2 : Les associations allemandes de la ville de Québec, toujours importantes, mais en perte de popularité ... 120

5.4 : En quoi consiste l’identité allemande des migrants de première génération de la ville de Québec? ... 127

5.4.1 : La langue, le chant et la transmission patrimoniale ... 128

5.4.2 : Les célébrations de Noël : le dénominateur commun de l’identité allemande? ... 130

5.4.3 : L’identité allemande, une identité au « Je » et une quête de la Heimat ... 132

5.4.4 : Lieux d’affirmation identitaire ou lieux anthropologiques? ... 135

5.5 : Résultat et retour sur les objectifs de recherches ... 138

Conclusion : Une nouvelle identité allemande? ... 141

Bibliographie ... 149

Annexe 1: Programmation des activités du Cercle Goethe de 2013 ... 157

Annexe 2: Portrait statistique et organisation spatiale des Allemands du Québec 2001, 2006, 2011 ... 160

Annexe 3 : Plaque commémorative du 25ème anniversaire de la coopération Québec-Bavière ... 167

Annexe 4 : Programmation du Marché de Noël Allemande de 2015 ... 168

Annexe 5 : Le Marché de Noël Allemand de Québec ... 171

Annexe 6 : Émile Beaudoin, vétéran de la Marine royale canadienne et fondateur du Cercle Goethe ... 175

(8)

IX

Annexe 7: Programme du 25ème anniversaire du Cercle Goethe ... 176

Annexe 8 : Questionnaire présenté aux 17 participants... 178

Annexe 9 : Land d’origine des participants ... 181

Annexe 10 : Évolution territoriale de l’Allemagne ... 182

Le Saint-Empire-Romain-Germanique du Xe siècle ... 182

Le Saint-Empire au 12e-13e siècle ... 183

Le Saint-Empire au 16e siècle ... 184

L’unité allemande (1815-1871) ... 185

L’Allemagne du XXe siècle ... 186

Annexe 11 : Différence entre les régions et les Länder de l’Allemagne contemporaine ... 188

Carte des régions de l’Allemagne ... 188

Carte des Länder de l’Allemagne contemporaine ... 189

Table des Figures

Figure 1: Nombre de visites sur le site du Marché de Noël allemand de Québec ...44

Figure 2: Nombre d'inscription à l'École allemande de Québec de 2007 à 2016 ...51

Figure 3 : Le continuum entre la collecte et l’analyse des données ...60

Figure 4 : La saturation des données ...67

Figure 5 : Classification de l’évolution de l’identité allemande des répondants selon les stratégies identitaires utilisées ...103

Table des tableaux

Tableau 1 : Les stratégies d’acculturation selon Berry et Sam ... 108

(9)

X

Liste des abréviations

CAQ : Communauté Allemand de Québec

CERUL : Comités d’éthique de la recherche avec des êtres humains de l’Université Laval DSQ : Deutsche Sprachschulen Quebec (Écoles Allemandes du Québec)

EMN : Enquête nationale auprès des ménages NCSM : Navire canadien de Sa Majesté

OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique Nord RDA : République démocratique allemande

RFA : République fédérale d’Allemagne

(10)

XI

Remerciements

Je tiens d’abord à remercier les membres de la communauté allemande de la ville de Québec sans qui ce mémoire aurait été impossible. Plus particulièrement, j’aimerais remercier la directrice du Cercle Goethe, Mme Inge Kretschmer, ainsi que celle de la Communauté allemande de Québec, Mme Olivia Lexhaller, de m’avoir permis d’utiliser leur liste de contacts pour effectuer mon recrutement. Je souhaite également témoigner toute ma gratitude à l’ensemble des répondants qui m’ont offert de leur temps pour répondre à mes nombreuses questions. Vous avez réellement été la pierre angulaire de l’ensemble du travail qui a été fait dans cette recherche.

Un merci particulier à mon directeur de recherche, Martin Hébert, qui m’a accompagné tout au long de la maîtrise. Merci d’avoir accepté de me diriger, et cela, même si j’étais issu du programme de sociologie. Votre aide ainsi que vos conseils ont été précieux pour moi et votre encadrement m’a aidé dans l’achèvement de cette recherche.

Je tiens également à souligner ainsi qu’à remercier la participation de Mme Jacquelyn Campbell et Mme Mara Okulla qui ont traduit les résumés de ce mémoire en anglais et en allemand.

À ma famille et à mes amis, merci de m’avoir soutenu dans cette démarche qui, il faut le dire, n’a pas été sans accrocs. Vos encouragements ont été très précieux tout au long de ce projet. Finalement, je tiens à remercier spécialement mon épouse Daphné qui a été mon phare à travers l’isolement des études graduées. L’achèvement de ce mémoire aurait été impossible sans tes encouragements et ton soutien.

Danke an alle, die mich bei diesem Projekt unterstützt haben. Ihre Hilfe hat den Abschluss dieser Arbeit erst möglich gemacht.

(11)

XII

Préface

Mon intérêt pour le peuple allemand remonte à très loin. Passionné d’histoire, je me suis vite intéressé à cette fédération qui, pourtant si jeune, possède une histoire si riche et ancienne. Ayant étudié en sociologie, je me suis particulièrement attaché aux auteurs germaniques tels que N. Elias, J. Habermas, N. Luhmann, G. Simmel sans oublier, évidemment, K. Marx et F. Engels. Leurs ouvrages m’ont façonné tout au long de mes études de premier cycle tout en continuant de développer mon attrait pour la culture allemande. Ayant voyagé plusieurs fois dans ce pays et ayant visité plusieurs de ses régions telles que la Westphalie, le Wurtemberg, la Bavière et la Franconie, le Brandebourg ainsi que Berlin, la question de l’identité allemande m’a toujours fasciné. Ces voyages m’ont permis de prendre conscience que ce peuple semblait être divisé en une multitude d’identités bien distinctes. Ce questionnement concernant l’identité allemande m’a cependant amené sur une voie bien différente de ce que je prévoyais après avoir visité le Marché de Noël allemand de Québec pour la première fois en 2012. Prenant conscience que la communauté allemande de la province ne se réduisait pas seulement à Montréal, j’ai entrepris des recherches concernant les Allemands du Québec et plus particulièrement ceux de la Capitale-Nationale. Les riches découvertes que j’ai faites, particulièrement à travers les œuvres de Manuel Meune, l’un des principaux spécialistes de l’immigration germanophone au Canada et au Québec, m’a poussé à rencontrer et à me joindre à certaines associations allemandes de Québec telles le Cercle Goethe ou encore l’École allemande de Québec. Les riches rencontres que j’ai faites lors des différentes activités proposées par ces associations ont permis ce présent mémoire. Voyons, dès maintenant, le parcours et le discours de cette communauté méconnue du Québec.

(12)

1

Introduction

Comme mentionné, mes interrogations concernant l’identité allemande proviennent principalement de mes intérêts personnels et, de ce fait, d’un désir de connaitre comment se transforme l’identité chez les migrants allemands de première génération qui choisissent la ville de Québec comme nouveau foyer. Étant en contact avec des personnes d’origine germanique depuis près d’une décennie, j’ai été sensibilisé à la réalité que pouvaient vivre ces nouveaux arrivants. Il est certain que le lieu de provenance, principalement l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse alémanique ou encore le Liechtenstein, la couleur de leur peau et les raisons qui les ont poussés à migrer au Canada, font en sorte que, dans beaucoup de cas, ces migrants ne font pas face aux mêmes obstacles que ceux pouvant être rencontrés par certaines minorités visibles. Cependant, le fait d’appartenir à une minorité invisible n’empêche aucunement ces individus de ressentir certaines difficultés lors du processus de migration, pas plus que de voir leur identité se transformer au gré des années passées dans la Belle Province.

Il ne faut pas se leurrer, la question de l’identité allemande à travers son histoire est épineuse. Le crépuscule du Saint-Empire romain germanique ainsi que les guerres napoléoniennes du début du XIXe siècle ont fait apparaitre plusieurs grandes questions pour le peuple allemand, dont celle de la démocratie libérale, l’équilibre européen, mais, plus important encore, celle de leur identité (Mertes 2000 : 800). Après un siècle plutôt tumultueux pour ce pays et après une réunification tant attendue, la question de l’identité reste toujours d’actualité1. En effet, si cette réunification n’a pas réglé les problèmes

antérieurs de conscience nationale, de fierté ainsi que d’identité nationale inhérents à la honte et la culpabilité du peuple allemand découlant des atrocités commises par le IIIe Reich, le début des années 2000 semble changer la donne (Treibel 1994 : 57 & Petersen 2009 : 46). Ces sentiments plutôt négatifs à l’égard de l’identité et de l’appartenance nationale semblent trouver l’un de leurs points de rupture à travers le Mondial de Football

1« La réunification des deux Allemagne n'a pas fait disparaître les sentiments ambivalents que suscite la

nation allemande. Bien plus, il semble que l'Allemagne réunifiée se trouve dans une situation assez problématique : « L'Allemagne est froide, étrangère ». (Treibel 1994 : 57)

(13)

2

de 20062. Cet évènement apparait donc comme étant une cassure entre la lourdeur du passé allemand et le désir de développer un sentiment national qui est désigné comme étant « normal »3. À cet effet, le Mondial de football de 2006 a transformé le débat habituel concernant l’identité allemande en entrouvrant la possibilité d’une compatibilité entre une identité nationale ou un patriotisme et le fait d’être Allemand4.

En tenant compte des transformations identitaires qui ont lieu en Allemagne en ce moment, se peut-il que ces transformations touchent également les communautés allemandes expatriées ou est-ce un phénomène exclusivement européen? Si oui, quelles formes peuvent prendre ces transformations identitaires chez la diaspora de la ville de Québec? Comment se forme et se transforme l’identité de ces migrants ou, encore, quels sont les lieux où celle-ci s’affirme? Ces questionnements qui orientent mon mémoire proviennent grandement de mon intérêt pour les Allemands, mais également d’un désir de mieux connaitre le parcours identitaire d’un migrant germanique de première génération qui décide de s’installer dans la capitale nationale. D’un point de vue historique, les Allemands du Canada et du Québec ont été relativement bien documentés. Cette documentation substantielle provient en grande partie du fait que les Allemands sont présents en Amérique du Nord depuis plus de 300 ans (Bibliothèque et Archive Canada). L’importance des migrants allemands pour l’histoire du Canada est indéniable, si bien que le mois d’octobre a été déclaré « mois du patrimoine allemand » par le Parlement fédéral

2 « […], si on considère la République fédérale et la manière dont a évolué ce que les Allemands pensent de leur pays, on constate un surprenant changement. Tout porte à croire que les Allemands commencent aujourd’hui à se sentir fiers d’être Allemands. Pour un observateur étranger, ce renouveau identitaire a été particulièrement frappant lors du Mondial de football de 2006. Or les Allemands ont été eux-mêmes les premiers surpris de voir la gaieté avec laquelle leurs compatriotes agitaient le drapeau noir-rouge-or, et avec quelle festive évidence, dans les stades, ils chantaient l’hymne national – à pleine voix et si distinctement que les millions de téléspectateurs du monde entier auraient pu l’entonner avec eux, mais sans que jamais ne se mêle le moindre soupçon d’agressivité ou d’arrogance à leur joyeuse exubérance » (Petersen 2009 : 46). 3 « Notre hypothèse est en effet que l’interprétation majoritairement favorable donnée à l’expression populaire de l’appartenance à la nation allemande a constitué une rupture avec la tradition des débats identitaires et mémoriels, dans un pays pour lequel Auschwitz a longtemps été considéré comme le mythe fondateur, et dans lequel le passé paraissait interdire le développement d’un sentiment national « normal ». (Tilman 2010 : 120-121)

4 « Cette vague patriotique, dont l’ampleur permet de penser qu’elle était portée par une majorité de la population, contrastait très nettement avec les habituels débats allemands sur l’identité nationale, dans un pays où le simple fait de se demander si une telle identité existe et s’il était possible de manifester son patriotisme a longtemps constitué un élément clé de ladite identité » (Tilman 2010 : 120).

(14)

3

(motions M-71 et M-73)5. Si l’histoire allemande au Canada est bien documentée, très peu d’études se sont penchées sur les aspects de la vie socioculturelle de cette communauté. Cet énoncé est d’autant plus vrai en ce qui concerne le Québec et plus particulièrement sa capitale (Meune 2008 : 10). Ce présent mémoire a donc pour but de rendre compte de l’éventail des lieux d’affirmation identitaire des Allemands de première génération de la ville de Québec ainsi que de la transformation et de l’évolution de celle-ci à travers la migration.

Plan du mémoire

Le premier chapitre sert de « tremplin théorique » à ce mémoire en présentant l’ensemble des référents conceptuels qui sont utilisés. Ces référents prennent la forme des différentes catégories que peut revêtir l’identité en tant que telle, mais également des stratégies identitaires et de l’ethnicité. Suite à l’exploration théorique des référents qui ont été utilisés, je vais présenter mon objectif de recherche ainsi que ses trois axes secondaires.

Le second chapitre sert de cadre contextuel à ma recherche. Il se dégage de ce chapitre trois grandes parties qui ont pour finalité de comprendre, dans un premier temps, l’histoire contemporaine de ce jeune pays, mais également de bien saisir les grandes périodes d’implantation de ce groupe ethnique sur le territoire national et provincial. Finalement, la troisième partie de ce chapitre est principalement dédiée aux associations et activités allemandes de la ville de Québec afin de démontrer pourquoi la capitale nationale me semblait être le terrain idéal pour entreprendre des recherches concernant l’identité allemande.

Le troisième chapitre est dédié à la méthodologie de la recherche, mais également à la présentation de mon échantillon de participants. Dans un premier temps, je vais

5 « Texte de la motion

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait reconnaître les contributions que les Canadiens d'origine allemande ont apportées à la société canadienne, la richesse de la langue et de la culture allemandes ainsi que l'importance de sensibiliser la population et de faire honneur au patrimoine allemand pour les générations à venir, et que la Région de Waterloo est le siège de l’Oktoberfest le plus grand en dehors de l’Allemagne, en déclarant chaque année le mois d’octobre comme étant le Mois du patrimoine allemand, et les neuf jours commençant le vendredi précédant le jour de l’Action de grâce, chaque année, Oktoberfest. Dernière activité

(15)

4

introduire et expliquer le contexte dans lequel j’ai effectué les recherches de terrain. Dans un second temps, je vais exposer les techniques d’enquête qui ont été utilisées. Parallèlement aux techniques d’enquête, je vais présenter comment j’ai construit mon échantillon de participants et quelles ont été les méthodes utilisées pour effectuer la collecte des données. Je vais ensuite dévoiler les méthodes d’analyses des données ainsi que les limites inhérentes à cette recherche. Je vais terminer ce troisième chapitre en présentant mon échantillon de participants.

Le quatrième chapitre aborde l’expérience, telle que vécue par les participants à cette recherche, en ce qui concerne plusieurs sujets liés à la migration. L’expérience qui y est décrite est celle qui est vécue par les Allemands de première génération que j’ai rencontrés et interviewés. Je laisse donc la parole aux répondants afin qu’ils puissent présenter leur vision de ce qu’est leur identité et comment celle-ci s’articule à travers leur langue maternelle ainsi que leur culture primaire. Il sera également question de l’éventail des lieux d’affirmation identitaire. La dernière partie de ce chapitre concerne les stratégies identitaires qui sont utilisées afin de maintenir une identité positive. Dans tous les cas, le fait de laisser les répondants s’exprimer sur ces précédents sujets permet de dresser un portrait assez général de l’expérience que peut vivre un Allemand qui décide d’adopter la ville de Québec comme son nouveau « chez-soi ».

Le cinquième chapitre se consacre à l’élaboration d’une définition englobante de l’identité allemande de mes répondants. Pour se faire, je vais explorer le quotidien des Allemands que j’ai rencontrés et plus particulièrement quelle était leur relation face à leur identité primaire, ainsi que les finalités identitaires qui ont été utilisées lorsqu’ils ont immigré au Québec. Il sera également question de la transformation et de l’évolution de la langue, de la culture ainsi que des traditions de mes répondants dans la création ou le maintien des lieux d’affirmation identitaire. Finalement, je vais aborder les éléments que j’ose qualifier de dénominateurs communs de l’identité primaire des Allemands. Ces éléments me serviront à l’élaboration d’une définition de ce que peut être l’identité allemande des migrants de première génération de la ville de Québec tout en circonscrivant les lieux d’affirmation identitaire ainsi que le rôle qu’ils peuvent avoir sur cette identité.

(16)

5

Chapitre 1 : Cadre théorique de la recherche

Dans ce premier chapitre, je présenterai la problématique ainsi que la méthodologie de cette recherche. Je vais débuter en introduisant quelques concepts qui faciliteront la compréhension du groupe à l’étude, soit les Allemands de première génération de la ville de Québec. Malgré l’importance de ce groupe ethnique au pays, très peu de recherche les concerne. Ce fait est encore plus probant au Québec. Suite à la problématique, je vais introduire les concepts théoriques qui sont utilisés tout au long de ce mémoire. Ces concepts comprennent les identités sociales, culturelles et collectives, les stratégies identitaires, l’ethnicité ainsi que le groupe ethnique. Ensuite, l’objectif de recherche principal ainsi que ses trois axes secondaires seront présentés. Finalement, je vais terminer ce premier chapitre par une synthèse du cadre théorique afin de bien asseoir les référents conceptuels qui ont été précédemment introduits.

1.1 : Problématique

Les Allemands du Québec et du Canada, comme tout groupe d’immigrants, n’échappent pas aux inéluctables changements que produit la migration. Bien qu’ils aient été le troisième groupe ethnique en importance au Canada jusqu’à la fin des années 1980, tout juste après les Canadiens d’origine anglaise et française, très peu d’études ont été produites au pays et encore moins au Québec concernant l’évolution de la vie socioculturelle des Allemands (Meune 2008 : 10). Lorsqu’ils existent, ces écrits ne sont que quelques articles ou fascicules publiés par les instances officielles québécoises des années 1980-1990 et qui avaient pour but l’étude des minorités ethniques qui composaient la société. L’Université de Montréal possède néanmoins Le Centre canadien d’études allemandes et européennes ainsi que des programmes de premier et deuxième cycles en études allemandes. En dehors de la recherche universitaire, la métropole possède également l’un des deux seuls journaux de langue allemande au Canada, le Das Echo6. Au contraire

6 Fondé en en 1978, il était appelé à l’origine Das Echo des Deutschen Hauses für die deutsch-kanadische Gemeinschaft. Son tirage s’étend encore aujourd’hui d’un océan à l’autre en plus des États-Unis ainsi qu’outre-mer. Il est le journal de langue allemande le plus répandu au Canada. Le journal couvre l’actualité des pays germaniques, principalement l’Allemagne, l’Autriche et la Suisse, autant d’un point de vue politique et économique que les faits divers ou les sports. En plus de l’actualité du vieux continent, Le Das Echo couvre les activités dans les sociétés germanophones du Canada. (Das Echo)

(17)

6

du Québec, les provinces du centre et de l’ouest du Canada possèdent une littérature plus vaste concernant les Allemands. Ce fait peut être expliqué par leur plus grande population allemande ainsi que par les écrits d’historiens germano-canadiens renommés tels que Friedhelm Lach et Karin Gürttler. L’université de Waterloo en Ontario et celle de Winnipeg au Manitoba possèdent par ailleurs un centre et une chaire de recherche sur les études allemandes, respectivement le Centre for German Studies et la Chair in German-Canadian Studies. Ce fossé de connaissances ne signifie pas que les Québécois n’ont pas fait preuve d’intérêt pour les Allemands. Il y a, depuis quelques années, un engouement particulier pour les mercenaires germaniques qui, venus se battre aux côtés des troupes françaises en Nouvelle-France ou des troupes anglaises lors de la Guerre d’Indépendance américaine, s’y sont par la suite installés, devenant ainsi les ancêtres de plusieurs Québécois. Au-delà des considérations généalogiques, un auteur a aussi fait l’étude particulièrement complète de la communauté allemande du Québec à travers l’histoire et pose même la difficile question de l’existence d’une identité germano-québécoise. Il s’agit de Manuel Meune, professeur adjoint en études allemandes au Département de littératures et langues modernes à l’Université de Montréal. Auteur bien connu des études allemandes de la métropole québécoise, l’un de ses principaux ouvrages, Les Allemands du Québec – Parcours et discours d’une communauté méconnue, a servi de principale référence contextuelle tout au long de ce mémoire.

Outre le fait qu’il n’existe qu’une faible littérature concernant les Allemands au Québec, un autre point a particulièrement attiré mon attention. Les Allemands de la province, ces « Québécois exemplaires7 » comme les nomme Meune, semblent bien intégrés. Il n’en reste pas moins qu’une partie d’entre eux demeure très investie dans la valorisation de la culture allemande, notamment par le biais de plusieurs activités culturelles. Ces activités, qui ont pour mot d’ordre la diffusion de la langue et de la culture allemande, remportent un succès assez important chez les Québécois. En effet, quelques activités des communautés de la métropole et de la capitale nationale peuvent se vanter d’attirer les foules comme le Bazar de Noël de la Société allemande de Montréal ou la tente

7 « Les Allemands du Québec, longtemps intégrés à la minorité anglophone, ont accepté globalement les nouvelles règles du jeu politique et linguistique – ne serait-ce qu’en ne partant pas après 1976 ou en réservant l’expression de leur mécontentement à la sphère privée. Ils sont devenus en cela des Québécois exemplaires après avoir été des Canadiens modèles » (Meune 2003 : 287).

(18)

7

Bitburger du Festibière de Québec par exemple. Mais, à l’exception des deux dernières visites du groupe de musique métal industriel berlinois Rammstein au festival d’été de Québec en 2010 et en 2016, une seule autre activité allemande au Québec peut se targuer d’attirer plusieurs dizaines de milliers de visiteurs et c’est le Marché de Noël allemand de Québec. Cette présence d’activités où la langue et la culture de Goethe sont mises de l’avant et son attrait chez les Québécois m’a amené à réfléchir et à me demander pourquoi semblait-il si important pour les membres des communautés allemandes qui organisent les activités de diffuser ainsi leur culture, leur langue, leur folklore, leur musique, leur littérature, etc. Est-ce que ce serait pour faire resplendir la grande Allemagne à l’étranger ou le but serait-il plus personnel et aurait comme finalité de garder leur identité ?

1.2 : Référents conceptuels

1.2.1 : L’identité individuelle et sociale

L’identité est, depuis quelques décennies, un concept qui a tendance à être un peu passe-partout dans plusieurs disciplines des sciences humaines et sociales (Dorais 2004 : 4). Pour essayer d’éviter cette erreur et d’entrer dans l’une des multiples déclinaisons de l’identité – sociale, politique, culturelle, ethnique, nationale, socioculturelle, ethnoculturelle, sociolinguistique, ethnonationale, etc. – je vais m’en tenir aux identités les plus fréquemment utilisées par certains auteurs contemporains et, par la même occasion, les plus utiles pour ce mémoire. Ces identités sont culturelles et collectives. Cependant, avant d’être désignée ainsi, l’identité est fondamentalement individuelle et sociale.

Elle est premièrement un phénomène individuel par ses qualités de prégnance et d’omniprésence où « chaque individu possède sa propre conscience identitaire qui le rend différent de tous les autres [;] cela signifie que l’identité est d’abord appréhendée comme phénomène individuel (Dorais 2004 : 2). L’identité individuelle peut donc se définir comme la manière dont l’individu construit son rapport personnel avec l’environnement. Selon L-J. Dorais, l’identité individuelle est donc un rapport, elle est relationnelle et elle est construite à l’aide de son environnement. Elle est, en premier lieu, un rapport parce que l’identité n’existe et ne peut exister qu’avec le rapport à l’autre : « Les gens commencent à s’identifier dès qu’ils se rendent compte du fait qu’ils ne sont pas seuls au monde, que le milieu où ils évoluent comprend d’autres personnes et d’autres éléments dont ils ont besoin

(19)

8

pour opérer de façons productives » (Dorais 2004 : 2). Elle est également relationnelle puisqu’elle est construite et qu’elle peut aisément changer selon les circonstances auxquelles l’individu est confronté ainsi que son rapport au monde. Le processus identitaire est linéaire et se modifie tout au long de l’existence de l’individu. Ce processus évolutif touche tous les aspects de l’identité individuelle. De ce fait, certains caractères sont plus permanents alors que d’autres sont plus sujets au changement : « La construction identitaire reflète l’histoire personnelle de chacun [,] cette histoire comprend plusieurs éléments différents : l’interaction de la personne avec ses parents, l’apprentissage des rôles liés à son sexe, l’éducation reçue dans son milieu, etc. » (Dorais 2004 : 3). L’histoire personnelle de chaque individu est fortement influencée par une culture puisqu’elle prend obligatoirement place à l’intérieur de celle-ci : « […] l’histoire personnelle se déroule toujours à l’intérieur d’une culture spécifique, c’est-à-dire d’un ensemble complexe et parfois contradictoire de représentations et de pratiques définissant un certain type de rapport au monde, de compréhension de l’univers au sein duquel on vit » (Dorais 2004 : 3). L’identité individuelle est finalement construite à l’aide des relations qu’un individu possède avec son environnement. L’environnement possède ici un sens très large, car il ne réfère pas seulement au milieu naturel dans lequel l’individu évolue, mais également tous autres éléments signifiants de l’entourage de ce dernier. Ces éléments signifiants sont : « […] les gens d'abord, mais aussi les paroles (énoncées dans une langue spécifique qui leur donne un sens et une forme particuliers ou, en contexte diglossique, résultant du choix entre deux langues ou plus) et les actes de ces gens, ainsi que les idées et les représentations (les images porteuses de sens) transmises par ces paroles et ces actes, de même que les produits matériels qui découlent de l'activité humaine » (Dorais 2004 : 3). Ainsi la nature relationnelle et construite de l’identité fait en sorte qu’elle est un processus dynamique en constante évolution. L’identité individuelle d’une personne ne sera donc pas la même à travers l’espace et le temps puisque les rapports, les relations et l’environnement sont, eux aussi, en constante évolution. Il en va de même pour les migrants allemands qui se sont installés à Québec puisque leurs repères identitaires sont transformés.

En plus d’être fondamentalement individuelle, l’identité est également sociale. Selon D. Cuche « l’identité sociale d’un individu se caractérise par l’ensemble de ses appartenances dans le système social : appartenance à une classe sexuelle, à une classe

(20)

9

d’âge, à une classe sociale, à une nation, etc. » (Cuche 2001 : 84). Mais plus encore que de revendiquer une appartenance nationale, ethnique, communautaire, etc., l’identité sociale sert à affirmer sa position dans la société (Dortier 2013 : 170). Cette position est donnée par une multitude d’identifiants qui réfèrent à des codes sociaux plus ou moins affirmés : « Cette position nous est donnée par notre âge (enfant, adolescent ou adulte), notre place dans la famille (époux, épouse ou grands-parents), une profession (médecin ou garagiste), une identité sexuée (homme ou femme) et des engagements personnels (sportif, militant, syndicaliste…) » (Dortier 2013 : 170). Ainsi, l’identité sociale permet aux individus de se repérer eux-mêmes dans le système social et de se faire repérer par les autres. H. Tajfel (1981) identifie trois principes de base qui animent l’identité sociale. Premièrement, l’individu cherche à atteindre ou à maintenir une identité sociale positive. Deuxièmement, l’identité sociale positive repose sur la comparaison favorable entre l’endogroupe, positivement différencié, et les exogroupes pertinents. Troisièmement, si l’identité sociale de l’individu est insatisfaisante, il essayera de quitter le groupe pour un autre qu’il jugera plus satisfaisant ou encore, il essayera de transformer ce premier pour qu’il redevienne positivement différencié. (Licata 2007 : 25) Le groupe, quant à lui et en ce qui a trait à l’identité sociale, doit posséder une importance subjective afin que l’individu puisse s’y identifier en plus d’être facilement différenciable des autres groupes. L’identité sociale attribuable au groupe permet l’inclusion et l’exclusion, l’identification ou non des individus qui le composent. L’identité sociale sert donc de « modalités de catégorisation de la distinction nous/eux, fondée sur la différence culturelle » (Cuche 2001 : 84). À ce sujet, il serait légitime de supposer que les Allemands qui ont quitté leur pays dans de mauvaises circonstances, c’est-à-dire une situation familiale difficile, une oppression sociale ou politique en Allemagne de l’Est et autres situations similaires, sont beaucoup moins enclins à participer à des activités ou à faire partie d’une association allemande, car ils veulent s’en dissocier, ou du moins y être associés le moins possible. Les bases de l’identité sociale de Tajfel, spécialement celle de l’identité positive, ne seront donc pas satisfaites par les associations allemandes. D’un autre côté, les Allemands qui ont quitté l’Allemagne pour venir s’installer à Québec dans de bonnes dispositions, c’est à dire où l’Allemagne ne leur rappelle pas de mauvais souvenirs, sont donc plus enclins à fréquenter

(21)

10

et à participer aux associations allemandes puisqu’ils maintiennent une identité sociale positive.

1.2.2 : L’identité culturelle

Dorais définit l’identité culturelle comme étant « […] le processus grâce auquel un groupe d’individus partageant une manière particulièrement commune de comprendre l’univers, d’agir sur lui et de communiquer ses idées et ses modèles d’action, prend conscience du fait que d’autres individus et d’autres groupes pensent, agissent et (ou) communiquent de façon plus ou moins différente de la sienne (Dorais 2004 : 5). L’individu intériorise les modèles culturels qui caractérisent l’un des groupes auquel il appartient afin de s’y identifier. Ici, le terme groupe est au pluriel puisque l’identité, telles des poupées russes emboîtées les unes dans les autres pour former un tout, possède un caractère multidimensionnel et dynamique (Simon 1999 : 82 dans Cuche 2001 : 93). L’identité et, qui plus est, l’identité culturelle est multidimensionnelle et dynamique. Elle va donc se transformer à travers l’espace et le temps. Par exemple, les identifiants culturels d’un individu ne seront pas nécessairement les mêmes selon l’endroit où il se trouve ou le moment de son existence. L’identité culturelle apparaît lorsqu’un individu appartenant à une culture donnée entre en relation ou en interaction avec des personnes dont la culture est différente. Il y a donc, ici, un rapport de similarité et d’altérité et c’est ce rapport qui permet à l’individu de distinguer ses semblables qui appartiennent à son groupe des autres qui sont extérieurs à celui-ci. L’individu peut faire la différence entre ce qui est interne et externe à son groupe puisqu’il est porteur de la culture de son groupe et, par ce fait même, du mode de vie et de la vision du monde de ce dernier (Dorais 2004 : 5). Plusieurs stratégies sont également disponibles afin d’aider la cohésion du groupe, sa différenciation des autres, sa définition, etc. Ces stratégies que l’on qualifie d’identitaires seront présentées ultérieurement. L’identité culturelle ainsi que ses stratégies sont extrêmement importantes pour ce mémoire puisque le but est de délimiter les caractéristiques fondamentales de l’identité allemande. La littérature ainsi que mes observations sur le terrain montrent que les activités des communautés allemandes de la ville de Québec ne sont pas seulement réservées aux Allemands, mais bien à tous ceux qui veulent y participer. Particulièrement composées de germanophones (Allemands, Autrichiens, Suisses, etc.), mais également de

(22)

11

quelques Québécois, Français et autres francophones, les activités rassemblent tous ceux qui veulent partager la culture allemande et interagir dans la langue de Goethe. On peut supposer que le rapport de similarité qui lie ce groupe apparait donc basé sur le partage de la culture germanique ainsi que de sa langue et il ne semble pas y avoir de rapports d’altérité basée sur l’appartenance ethnique en raison de la grande hétérogénéité de ses participants. 1.2.3 : L’identité collective

Pour les fins de la présente recherche, la définition d’identité collective que j’ai retenue est celle qui la considère comme « [l’aptitude] d’une collectivité à se reconnaître comme groupe » (Segrestin 2001 : 118). Comme il sera démontré dans le chapitre deux, les Allemands du Canada et du Québec se sont historiquement regroupés en associations pour faciliter leur intégration, mais également afin de continuer de parler leur langue maternelle et de partager des éléments de leur culture primaire. Plus important encore, ces associations avaient pour but de transmettre leur héritage germanique aux jeunes générations nées au Canada. Le Québec n’échappe pas à ce modèle et possède encore plusieurs associations comme la Deutsche Gesellschaft zu Montreal, la Communauté allemande de Québec (CAQ) ou encore les Écoles Allemandes du Québec (Deutsche Sprachschulen Quebec ou DSQ) et le Cercle Goethe pour n’en nommer que quelques-unes. L’identité collective diffère selon qu’elle est construite face à ce qui est extérieur ou intérieur au groupe en question : « Vis-à-vis de l’extérieur du groupe, la construction d’une identité collective implique un mouvement de différenciation, à partir duquel s’affirme l’autonomie collective [et vis-à-vis de] l’intérieur, elle provoque, au contraire, un effet de fusion qui gomme la multiplicité des appartenances » (Segrestin 2001 : 118). Quelle que soit la perspective, l’identité se construit à l’aide de référents disponibles. Ce recours aux référents disponibles donne lieu à des stratégies identitaires qui ont pour but de faire reconnaître la singularité ou la conformité du groupe. (Benamouzig 2001 : 117) Ce rapport à la différence des identités collectives ne renvoie pas nécessairement à une opposition de la part d’un groupe à un autre, mais peut être au contraire « […] des vecteurs d’ouvertures sur l’extérieur et de reconnaissance des groupes entre eux » (Benamouzig 2001 : 118). Qui plus est, l’aspect de l’action collective et du rapport identitaire à un groupe donné est très souvent plus important et même plus nécessaire que les finalités clairement poursuivies par

(23)

12

ce groupe. En d’autres mots, il est souvent plus important pour un individu d’appartenir à un groupe dans lequel il se reconnaît que de participer activement aux activités ou encore à la reproduction des buts de ce dernier. Cette affirmation trouve son sens à l’intérieur même de la communauté allemande de Québec et plus particulièrement à l’intérieur du Cercle Goethe ou l’accent est souvent mis sur l’aspect de la socialisation en allemand entre Allemands plutôt que sur les finalités plus explicites de la fondation qui sont : le rayonnement de la culture allemande. Les différents thèmes proposés en 2013 (annexe 1) montrent bien que cette organisation ne se réunit pas seulement autour d’activités directement liées à la culture allemande, comme le démontrent les conférences du 15 février et du 15 mars ayant pour titre Wasser- und Abwasserversorgung in der Stadt Québec gestern und heute – und was ist mit morgen? (L’alimentation en eau et le traitement des eaux usées dans la ville de Québec hier et aujourd’hui et qu’arrivera-t-il demain ?) et “Bernsteine“ – die Tränen der Götter – (l’ambre – larmes des dieux). Toutes les activités sont par contre en langue allemande, ce qui semble en accord avec la dernière affirmation où le rapport identitaire (être Allemand et se rencontrer pour socialiser en allemand) semble plus important que les finalités de l’activité proposée par le Cercle Goethe.

1.2.4 : Les stratégies identitaires

Au sens propre, la stratégie « implique un projet délibéré engageant [l’individu ou le groupe] sur le long terme [en supposant] à la fois un but fixé et un plan d’action » (Dortier 2013 : 340). Cette proposition suggère que l’individu possède une certaine liberté d’action sur sa propre définition : « Quant à la notion de stratégie identitaire, elle postule indiscutablement que les acteurs sont capables d’agir sur leur propre définition de soi » (Taboada-Léonetti 1990 : 49 dans Gutnik 2002 : 120). Les stratégies identitaires révèlent donc les finalités poursuivies par les individus lorsqu’ils questionnent leur structure identitaire actuelle ou encore lorsqu’ils tentent de faire accepter ou reconnaître une certaine structure : « [l’individu] peut développer des stratégies qui vont avoir des finalités différentes : permettre sa reconnaissance sociale ou celle de son groupe ; lui permettre de s’identifier à un groupe social spécifique ou, à l’inverse, de pouvoir s’en dégager; permettre une valorisation, parce qu’elle a des intérêts économiques ou politiques, ou des bénéfices psychologiques » (Marti 2008 : 58). J. Kastersztein (1990) évoque une stratégie identitaire

(24)

13

qui semble particulièrement pertinente pour le présent mémoire, il s’agit de la stratégie de visibilité sociale. Cette stratégie est principalement associée à des contextes où la différence ainsi que la singularité d’un groupe sont menacées. Dans ce cas, des stratégies visant à se dissocier de la masse ou des normes socialement prescrites peuvent être utilisées : « [Ces stratégies] de revalorisation de la singularité [ont] pour objectif, […] de conserver les liens et la culture d’origine […] » (Marti 2008 : 58). Ces stratégies sont la différenciation, la visibilité sociale et la singularisation. La stratégie de la visibilité sociale est particulièrement intéressante dans le cadre de la présente recherche, car elle est souvent associée aux minorités invisibles et vise à obtenir la pleine reconnaissance de son existence distincte : « Leur stratégie, pour ceux qui en possèdent les moyens, sera de faire reconnaître leur valeur afin de « compter pour quelque chose » et d’être pris en compte, de cette manière « un objectif commun est réalisé : celui d’être identifié, écouté et individualisé » (Kastersztein 1990 : 38). Ces efforts pour accroître la visibilité visent donc la reconnaissance sociale des différences d’un groupe. Le fait d’assumer ses différences culturelles et de les faire reconnaître socialement, par exemple par la tenue d’évènements publics, peut aboutir à la valorisation de ce groupe et même à son acceptation : « La différence assumée, les individus pourront, par le jeu de la reconnaissance sociale et des rapports de forces conjoncturels, la faire valoriser et même accepter » (Kastersztein 1990 : 38). Le contraire est également vrai et un groupe minoritaire qui opterait pour une hyper visibilité pourrait être rejeté par le groupe dominant. Dans ces cas-ci, la stratégie identitaire est utilisée comme un moyen de s’approprier différentes images, représentations ou symboles afin de revendiquer une certaine autonomie (Barth cité dans Dortier 2013 : 170). 1.2.5 : L’ethnicité

Bien que les frontières ethniques soient de plus en plus difficiles à cerner suite aux mouvements migratoires toujours plus importants, F. Barth définit les distinctions entre catégorisations ethniques comme étant issues de processus sociaux d’incorporation et d’exclusion ayant pour but de maintenir des catégories, indépendamment du parcours ou de l’histoire individuels : « […] les distinctions de catégories ethniques ne dépendent pas d’une absence de mobilité, de contact ou d’information, mais impliquent des processus sociaux d’exclusion et d’incorporation par lesquels des catégories discrètes se

(25)

14

maintiennent, malgré des changements dans la participation et l’appartenance au cours des histoires individuelles » (Barth 2008 : 204). L’identité ethnique réfère tout d’abord au fait que chaque individu s’attribue une identité qu’il a lui-même décidé d’endosser. Le maintien de l’identité ethnique dépend donc, pour Barth, moins du caractère traditionnellement historique que du maintien de frontières entre les membres du groupe et les non-membres : « […] on découvre que des relations sociales stables, persistantes et souvent d’une importance sociale vitale perdurent de part et d’autre de telles frontières [(membres versus non-membres)] et sont fréquemment fondées précisément sur ces statuts ethniques dichotomisés » (Barth 2008 : 204-205). Seuls les traits socialement pertinents jouent un certain rôle dans le processus de catégorisation et non l’ensemble des « différences manifestes objectives », car ce sont les individus qui utilisent des identités ethniques pour se catégoriser et ainsi catégoriser les autres à des fins d’interactions : « Quels que soient les écarts manifestes de comportement entre les membres du groupe, cela ne fait aucune différence – s’ils disent qu’ils sont des A, en contraste avec une autre catégorie B du même ordre, cela signifie qu’ils entendent être traités comme des A et voir leur conduite interprétée et jugée en tant que A et non en tant que B ; en d’autres termes, ils déclarent leur allégeance à la culture partagée par les A » (Barth 2008 : 212).

1.2.6 : Le groupe ethnique

La définition choisie pour désigner le groupe ethnique provient d’A.D. Smith et désigne « un groupe social dont les membres partagent un sentiment d’origine commune, revendiquent une histoire et un destin communs et distinctifs, possèdent une ou plusieurs caractéristiques distinctives, et ressentent un sens d’originalité et de solidarité collectives » (Smith 1992 cité dans Poutignat, Streiff-Fenart 2008 : 91). Le groupe ethnique possède un rôle capital dans cette recherche, car la littérature concernant les associations allemandes du Québec et du Canada insiste sur le fait que celles-ci ont joué et jouent encore un rôle d’intégration, de socialisation et de transmission qui se fonde principalement sur la langue et la culture allemandes. Les germanophones participants aux activités des associations allemandes partagent donc plusieurs caractéristiques similaires qui unissent le groupe comme le lieu ou la région d’origine, la langue, la famille, etc. Ainsi, comme mentionné précédemment, les distinctions revendiquées par les membres du groupe ethnique existent

(26)

15

plus à l’état de l’imaginaire collectif qu’à l’intérieur de frontières physiques bien définies : « les mécanismes des frontières ethniques existent dans la tête des sujets plutôt que comme des lignes sur une carte ou comme des règles dans un manuel » (Armstrong 1982 cité dans Poutignat, Streiff-Fenart 2008 : 91). Bien qu’elles ne soient pas toujours tangibles, les frontières qui définissent les groupes ethniques sont tout de même bien réelles. De plus, la survie du groupe ne dépend pas forcément de sa culture, car « un groupe ethnique peut modifier et changer sa culture sans perdre son identité » (Francis 1947 cité dans Poutignat, Streiff-Fenart 2008 : 170). Un groupe peut donc adopter les traits d’un autre groupe comme la langue, la religion ou le mode de vie et continuer à se percevoir comme distinct. Le fait d’adopter des traits culturels autres que ceux du groupe ethnique peut même contribuer à redéfinir l’identité du groupe sur de nouvelles bases ou encore donner une nouvelle dimension à ce dernier. Les Allemands de la ville de Québec peuvent donc adopter les traits de culture se voulant propre aux Canadiens ou encore aux Québécois tout en restant profondément, « ethniquement », des Allemands au sens où Barth entend le groupe ethnique. À plus forte raison, le fait d’adopter des traits de culture des autres groupes peut même parfois être un moyen de changement culturel interne ou encore un moyen de changer « […] la nature exacte de la frontière elle-même » (Poutignat, Streiff-Fenart 2008 : 171).

Le pilier à la base du groupe ethnique reste la différence culturelle face à un autre groupe et sa continuité dans le temps et l’espace. Ces différences se situent surtout dans ce que Barth nomme les « inventaires de traits » et sont fondamentalement de nature culturelle : « […] Étant donné l’accent mis sur cet aspect « support de culture », on ne peut classer des individus et des groupes locaux comme membre d’un groupe ethnique que s’ils manifestent clairement les traits distinctifs de cette culture » (Barth 2006 : 208). D’un autre côté, et comme il a précédemment été mentionné, le groupe ethnique n’est pas une entité culturelle fixe. Il peut et il va adapter sa propre culture selon l’endroit où il se trouve. Cette adaptation régionale va se produire face à la diversité des groupes en présence et peut ainsi faire ressortir les différences ou encore diversifier les traits culturels du groupe à l’aide d’emprunts : « De la même façon, nous devons nous attendre à ce qu’un groupe ethnique donné, vivant sur un vaste territoire avec des conditions écologiques variées, fasse montre de certaines diversités régionales dans le comportement institutionnalisé manifeste, qui ne

(27)

16

sont pas le reflet de différences d’orientations culturelles » (Barth 2006 : 209). Ainsi, tous les exemples discutés dans la mise en contexte concernent, en principe, un même groupe ethnique : les Allemands. Seulement, bien qu’issues du même groupe ethnique, les comparaisons entre les différents groupes, qui seront explorés dans le cadre contextuel, démontrent que ces derniers possèdent des traits culturels bien particuliers selon l’espace qu’ils occupent, et selon l’histoire de leur présence en terre d’accueil.

1.2.7 : Les lieux d’affirmation identitaire

Les lieux peuvent se définir comme identitaires, relationnels ou encore historiques. En tant que tel, ce que je nomme comme étant des lieux d’affirmation identitaire prend la forme de lieux ou de l’espace anthropologique tel que proposé par M. Augé, c’est-à-dire « […] comme espace « existentiel » [,] lieu d’une expérience de relation au monde d’un théâtre essentiellement situé « en rapport avec le milieu » » (Augé 1992: 3). En d’autres mots, le lieu anthropologique est celui où l’individu peut s’identifier, que ce soit au niveau historique, culturel, symbolique, langagier, etc., où il peut établir des relations durables et où il peut se rattacher à certaines caractéristiques collectives, habituellement historiques, culturelles et linguistiques. Le lieu anthropologique est ainsi un espace, physique ou non, qui se veut porteur de sens et de symboles pour un individu ou un groupe. Un exemple qui pourrait bien définir ce qu’est un lieu anthropologique physique et non physique fort pour les Allemands serait le jour de l’unité allemande (Tag der Deutschen Einheit) célébré chaque année le 3 octobre. À Berlin en particulier, le lieu anthropologique physique pourrait être la porte de Brandebourg puisqu’elle est l’un des symboles de l’unité allemande8. Le lieu non physique prendrait la forme, quant à lui, de la signification que

possède la réunification pour les Allemands, tant au niveau individuel que collectif. Ce que je définis donc par lieux d’affirmation identitaire serait en grande partie lié à ce que J.-P. Colleyn et J.-P. Dozon déclarent comme étant des espaces « […] où l’activité symbolique fabrique des identités relatives, c’est-à-dire en relation organique aussi bien avec d’autres espaces et d’autres identités qu’avec leur propre passé » (Colleyn, Dozon 2008 : 28). Ces lieux prennent une place importante dans ce mémoire puisque, comme il sera démontré

8 « Après la chute du Mur de Berlin en novembre 1989, quand l’Allemagne fut réunifiée, la porte de Brandebourg retrouva son statut de symbole de l’unité du nouveau Berlin » (Berlin. de – Le site officiel de Berlin 2015).

(28)

17

dans les prochains chapitres, l’identification à l’histoire récente du pays reste, encore aujourd’hui, problématique pour certains (Mertes 2000, Petersen 2009, Tilman 2010, Treibel 1994). Il sera ainsi intéressant de découvrir comment s’articule la création et l’entretien des lieux d’affirmation identitaire chez les Allemands de première génération de la ville de Québec et si l’aspect historique n’y est pas ou peu présent.

1.3 : Objectifs de recherche

Suite à l’énonciation de la problématique ainsi que du cadre théorique, voici l’objectif de recherche principal qui a orienté mon mémoire et qui a dicté ma collecte de données : Quels sont les lieux d’affirmation identitaire des Allemands de première génération de la ville de Québec et comment ces lieux influencent-ils l’affirmation de leur identité ?

Dans l’intention d’approfondir la question de recherche et ainsi y répondre, j’ai formulé trois objectifs secondaires. (1) Le premier objectif de recherche est d’élaborer une définition empirique de l’identité allemande à l’aide de ce qui est proposé par les répondants. (2) Le second objectif est d’étudier l’éventail des lieux d’affirmation identitaire chez les Allemands de la ville de Québec. (3) Enfin, le troisième objectif consiste en la liaison des deux premiers, de manière à comprendre le rôle que possèdent les lieux d’affirmation identitaire sur les définitions qu’ont les Allemands de leur propre identité et ainsi répondre à ma question de recherche.

1.4 : Synthèse du cadre théorique

Les éléments que j’ai présentés tout au long de ce cadre théorique, spécialement en ce qui a trait aux différentes formes que peut prendre l’identité, à ses stratégies ainsi qu’à l’ethnicité et au groupe ethnique permettent la transition entre le modèle théorique et mes objectifs de recherche. L’identité, sous les formes qui ont précédemment été explorées, ce phénomène universel, dynamique, relationnel, construit et transformé par son environnement, me servira de base afin de comprendre comment se forme et comment évolue le processus d’identification de mes répondants. Il sera question des transformations de l’identité sociale, culturelle et collective des Allemands de première génération de la ville de Québec puisque la littérature, présentée dans le second chapitre de ce mémoire,

(29)

18

démontre que les Allemands du Canada se sont historiquement regroupés en associations pour plusieurs raisons, mais principalement celle de la conservation de la culture et de la langue. La culture et la langue allemande sont donc considérées comme la pierre d’angle de leurs affirmations identitaires. Parallèlement à la notion d’identité, certaines stratégies semblent être utilisées par les Allemands, comme celle de la visibilité sociale, afin de conserver des liens plus étroits avec la culture et la langue d’origine. Comme il sera démontré dans l’analyse, ces stratégies peuvent également être plus discrètes comme la transmission de la langue à leurs enfants. Les concepts d’ethnicité et de groupes ethniques sont également d’une très grande importance pour ce mémoire puisqu’ils distinguent les sujets à l’étude. Les propositions faites précédemment insistent sur le fait que les Allemands, comme groupe ethnique particulier - c’est-à-dire comme un groupe d’individus partageant une histoire socioculturelle, une langue, des traditions, etc. qui les lient les uns aux autres - peuvent adopter ou changer des référents culturels sans perdre leur identité. Le fait d’adopter des traits culturels autres, dans un mariage binational entre un Allemand et une Québécoise par exemple, ne met pas nécessairement en péril l’identité de ce premier, mais, au contraire, peut être un moyen de la redécouvrir. Le fait de bien délimiter les composantes ainsi que les frontières du groupe ethnique me permet également de cerner les lieux d’affirmations identitaires.

(30)

19

Chapitre 2 : Cadre contextuel

2.1 : Introduction

Ce second chapitre a pour but de présenter le contexte de l’implantation des Allemands au Québec et au Canada afin de mieux comprendre la situation particulière que présente la ville de Québec qui, après Montréal, est la ville comprenant la plus grande densité d’Allemands de la province. Ce chapitre sert également d’introduction à la complexité que revêt historiquement l’identité allemande. Dans un premier temps, je vais présenter ce que l’on pourrait qualifier de l’éveil de l’identité allemande qui est l’un des facteurs les plus importants de son unification de 1871. En comprenant bien les enjeux identitaires qu’a connus l’Allemagne, de ses balbutiements en tant que puissance centrale européenne à sa réunification en 1991 tout en passant par les moments les plus tragiques de son existence récente, il sera plus facile de comprendre les défis identitaires que peuvent avoir les Allemands de première génération de Québec. Dans un second temps, un large panorama de la migration allemande à travers l’histoire de la province et du pays sera exposé. La période parcourue débute au commencement de la Nouvelle-France et se termine à la période actuelle tout en explorant les différentes vagues de migrations allemandes. Par la suite, le contexte particulier de la ville de Québec en ce qui a trait à la migration et à l’établissent des Allemands sera exploré. Ce contexte particulier peut se décliner en trois facteurs, soit la concentration de groupes culturels allemands avec les activités qui y sont organisées, la coopération privilégiée entre la ville de Québec et la Bavière, et finalement la proximité des groupes allemands des milieux francophones. Pour terminer ce chapitre, je présenterai les différentes associations et activités allemandes de la ville de Québec. Ces activités sont le Marché de Noël allemand, le Cercle Goethe ainsi que l’École allemande.

2.2 : L’identité allemande à travers son histoire récente

Il est important, à mon sens, de bien comprendre l’histoire de l’Allemagne pour saisir toute la complexité que peut revêtir son identité. Il y eut certainement persistance d’un désir d’unification à travers l’histoire récente de ce pays. Ce désir d’unification n’avait pas seulement des visées territoriales, mais également culturelles, linguistiques et

Références

Documents relatifs

Enfin, l'ajout en 1986, d'un cours obligatoire en archivis- tique à la premiére année de maîtrise, fut la base d'une expérimentation des pos- siblitiés

Certes, la protection juridique de cette information peut être assurée par certains mécanismes tels que le vol d’information ou la concurrence déloyale (pour l’essentiel), mais

Confronter l’action aux choix possibles dans le contexte d’écriture suppose de saisir ce que les élèves comprennent dans l’action que l’enseignante leur propose (écrire à

Si des réductions de bruit d’intensité ont été également reportés pour des lasers Brillouin dans la littérature, nous avons pu démontrer que la réduction

In this way, the entire protection procedure, including link failure detection and protection trigger, which are all performed via the optical remote control pulses Ctrl R ,

Score distribution as a tool to reveal group dynamics in student projects.. Claire Lassudrie, Marie-Pierre Adam, Matthieu Arzel, Antoine Beugnard, Jean-Philippe Coupez, François

De plus, dans le cadre des biopsies pleurales initialement diagnostiquées comme « proliférations mésothéliales réactionnelles atypiques », la perte de BAP1 était à

In order to investigate the effect of the service shear load at the time of strengthening a thick slab using bonded transverse reinforcing bars, an experimental study has