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Comment traiter les "soldats d'Hitler"? : la détention des prisonniers de guerre allemands au Canada, aux États-Unis et en Grande-Bretagne (1939-1945) : divergences et enjeux dans les relations interalliées

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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Comment traiter les "soldats d'Hitler"? La détention des

prisonniers de guerre allemands au Canada, aux

États-Unis et en Grande-Bretagne (1939-1945) - Divergences

et enjeux dans les relations interalliées

Thèse

Jean-Michel Turcotte

Doctorat en histoire

Philosophiæ doctor (Ph. D.)

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Comment traiter les « soldats d’Hitler » ?

La détention des prisonniers de guerre allemands au Canada, aux

États-Unis et en Grande-Bretagne (1939-1945). Divergences et

enjeux dans les relations interalliées

Thèse

Jean-Michel Turcotte

Sous la direction de :

Talbot Charles Imlay, directeur de recherche

Fabian Lemmes, codirecteur de recherche

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Résumé

Cette thèse de doctorat explore la captivité des prisonniers de guerre allemands entre les mains des trois principaux Alliés de l’Ouest durant la Seconde Guerre mondiale. Plus précisément, ce travail porte sur les relations établies entre les autorités canadiennes, britanniques et américaines au sujet du traitement de quelque 600 000 « soldats d’Hitler » détenus sur leur territoire respectif entre 1940 et 1945. Une telle approche permet de porter un regard à la fois international et transnational sur la captivité de guerre. Les rapports entretenus entre les Alliés de l’Atlantique Nord au sujet des militaires ennemis témoignent de la dynamique politique présente au sein de cette Alliance. Bien que chaque État appliquait ses propres mesures de détention et entretenait des liens diplomatiques avec les organisations neutres responsables des prisonniers, en particulier le Comité international de la Croix-Rouge, ainsi qu’avec la Suisse, la prise en charge de ces soldats ennemis faisait l’objet d’une grande collaboration interalliée, tout en provoquant d’importantes divergences entre les trois puissances détentrices.

Contrairement à l’historiographie existante qui analyse la détention de guerre dans un cadre national, cette thèse montre que les Alliés ont plutôt pensé et élaboré la captivité comme un phénomène transnational. Ils correspondaient les uns avec les autres, contribuaient à leurs politiques respectives, participaient à des projets interalliés, établissaient des politiques communes, se réunissaient périodiquement pour mieux coordonner leurs actions et échanger sur leurs problèmes liés à la détention de guerre, aux solutions apportées, ainsi que pour partager leurs positions concernant la Convention de Genève de 1929, la mise au travail des détenus, le programme de dénazification et le rapatriement des captifs à partir de la fin de l’année 1945. La captivité des soldats allemands est donc le résultat d’une influence mutuelle entre les trois Alliés de l’Atlantique Nord, issu des expériences de chaque puissance détentrice.

Suivant cette approche, cette étude indique que le Canada, souvent considéré comme une puissance secondaire dans l’historiographie, occupait un rôle déterminant dans le traitement des prisonniers allemands. De par leur expérience comme puissance détentrice avec plus de 35 000 prisonniers sur leur territoire, les autorités canadiennes s’efforçaient de respecter le droit

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international et partageaient largement leur expertise de geôlier avec leurs Alliés. Cette recherche avance que l’expérience des autorités canadiennes a contribué aux politiques américaines et britanniques. Ce point vient nuancer l’argument voulant que les Canadiens aient joué seulement un rôle de « spectateur » au sein des Alliés sur la question de la détention de guerre.

De plus, ce travail montre que la prise en charge de soldats allemands a favorisé un rapprochement entre Ottawa et Washington. Cette collaboration nord-américaine s’opérait par des échanges croissants d’informations stratégiques sur les captifs, des projets communs pour la sécurité de la détention et la rééducation des soldats, ainsi que des visites de leurs installations respectives. Ce processus de transferts s’inscrivait à la fois dans une volonté de coopération interalliée face aux problèmes soulevés par la détention des prisonniers de guerre allemands et aussi dans une perspective de sécurité nord-américaine. En ce sens, chaque État a porté attention au déroulement de la captivité opérée par son voisin : procédures mises en place, problèmes rencontrés, solutions apportées et observations rapportées sur les camps et les détenus, tout en poursuivant les projets conjoints. Dans ce contexte, la Grande-Bretagne qui entretenait des liens étroits avec le Canada depuis 1940 et participait aux échanges avec les États-Unis a perdu progressivement de son influence sur les politiques de captivité canado-américaines.

Finalement, cette recherche examine les relations canado-britanniques concernant cette captivité de guerre. Encore peu étudiés par les historiens, les rapports entretenus entre Ottawa et Londres au sujet du traitement des captifs ennemis révèlent la dynamique politique présente entre les deux alliés du Commonwealth. L’étude des relations intra-Commonwealth qui entourent la question des prisonniers allemands permet de faire ressortir l’approche « impériale » mise de l’avant par Londres pour favoriser la collaboration avec le dominion, de même que les contraintes qu’elles imposaient au gouvernement canadien. Ce faisant, elle montre que la position imposée par le War Office à Londres quant à son autorité sur la détention au Canada a été fortement critiquée par les autorités canadiennes. Ces dernières ont même refusé certaines politiques britanniques en justifiant la souveraineté nationale du Canada. Le nationalisme était donc un concept phare dans la politique extérieure canadienne, ainsi que l’application de la captivité de guerre entre 1940 et 1945.

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Abstract

This doctoral thesis explores the captivity of German prisoners of war in the hands of the three main Western Allies during the Second World War. More specifically, this work focuses on the relationships between the Canadian, British and American authorities regarding the treatment of some 600,000 “Hitler soldiers” held on their respective territories between 1940 and 1945. Such approach allows an international and transnational regard on war captivity. The relationship between the North Atlantic Allies according to captured enemy militaries indicates the political dynamics within the Alliance. Although each State applied its own detention measures and maintained its own diplomatic relation with the neutral organizations responsible for prisoners, in particular the International Committee of the Red Cross, as well as with Switzerland, the handling of these enemy soldiers was the object of a large inter-allied collaboration, while provoking important disagreement between the three holding powers.

Contrary to the existing historiography, which often analyzes war detention in a national context, this thesis shows that the Allies established and developed war captivity as a transnational phenomenon. They corresponded with each other, contributed to their respective policies, participated in inter-allied projects, established common policies, met periodically for a better coordination of their actions and discussed their problems related to the detention of war, the solutions provided, and finally to share their positions on the Geneva Convention of 1929, the labour program, the denazification attempts and the repatriation of the captives by the end of 1945. The captivity of the German soldiers is thus the result of a mutual influence between the three North Atlantic Allies, resulting from the experiences of each Detaining Power.

Following this approach, this study indicates that Canada, often considered a secondary power in historiography, played a determining role in the treatment of German prisoners. Through their experience as a detaining power with more than 35,000 prisoners on their territory, Canadian authorities strove to respect international law and widely shared their jailer expertise with their Allies. This research suggests that Canadian authorities’ experience had contributed to US and British policies. This point challenge the argument that Canadians played only a “spectator” role

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within the Allies on the issue of war detention. In fact, different inter-allied projects concerning POWs, such as intelligence knowledge and political warfare were first tested in Canada and constructed in response to the Canadians experience. Historians have often explored the Anglo-American special relationship during World War II. My research includes Canada in this North Atlantic triangle relationship. Canadian authorities were pivotal in shaping and implementing POW-handling policies, which revises the historiographical assumptions about the special relationship as a bilateral Anglo–American affair.

In addition, this work shows that the handling of German soldiers favoured a close relation between Ottawa and Washington. This North American collaboration was carried out by exchanges of strategic information on captives, joint projects for the security of detention and the denzaficiation of soldiers, as well as visits of their respective facilities. This transfer process was a part of the allied cooperation concerning the detention of German prisoners of war and also in the perspective of the North American security. In fact, each State had carefully examined the conduct of the captivity operated by its neighbour: established procedures, problems encountered, solutions brought and observations reported on camps and prisoners, while pursuing common projects. In this context, Great Britain, which had closely knit with Canada since 1940 and was involved in negotiations with the United States, has gradually lost its influence over Canada-US captivity policies.

Finally, this research examines Canada-UK relations regarding this war captivity. Still few studied by historians, the relationship between Ottawa and London about the treatment of enemy captives reveals the political wartime dynamics between the two Commonwealth allies. The study of intra-Commonwealth relations surrounding the issue of German prisoners highlights London’s imperial approach, which fostered collaboration with the Dominion, as well as the constraints they imposed to the Canadian government. In doing so, it shows that the position promoted by the War Office in London concerning its authority over detention in Canada has been strongly criticized by the Canadian authorities. Ottawa even rejected British policies by justifying the national sovereignty of Canada. To sum up, the nationalism was a key concept on External and international Canadian position as well as captivy policies between 1940 and 1945.

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Table des matières

Résumé ... III Abstract ... V Table des matières ... VII Liste des abréviations ... X Liste des annexes ... XI Remerciements ... XII

Introduction: Des soldats vaincus, désarmés et faits prisonniers ... 1

0.1 Une problématique liée à la captivité de guerre ... 1

0.2 Approche méthodologique ... 3

0.3 Questionnements et sources ... 7

0.4 Une brève histoire de la détention de guerre ... 10

0.5 Prisonniers de guerre, histoire des Alliés et The North Atlantic Triangle ... 20

0.6 Captivité de guerre, droit international et humanitarisme ... 30

0.7 Plan de la thèse : une analyse chronologique ... 37

Chapitre 1. 1939 — 1940 : Le calme avant la tempête. Une détention de guerre à la fois lente et précipitée en Grande-Bretagne et au Canada ... 39

1.1 Introduction ... 39

1.2 Les premiers mois de la guerre en Grande-Bretagne, septembre 1939 — juin 1940 ... 40

1.3 De l’autre côté de l’Atlantique : la situation au Canada, septembre 1939 — juin 1940 ... 47

1.4 Se préparer à accueillir les « soldats d’Hitler », juillet – septembre 1940 ... 52

1.5 La détention des prisonniers de guerre allemands en 1940 ... 60

1.6 L’influence américaine sur la détention de guerre en Amérique du Nord ... 65

1.7 La détention de guerre soulève des problèmes entre Ottawa et Londres ... 72

1.8 Conclusion: la détention de guerre à l’Ouest prend forme ... 81

Chapitre 2. 1941 : Assurer un contrôle sur la captivité. Consolidation de la politique impériale . 86 2.1 Introduction ... 86

2.2 Des divergences à clarifier rapidement, janvier — avril 1941 ... 87

2.3 Des difficultés surviennent dans la détention de guerre à l’hiver 1941 ... 92

2.4 Un véritable effort d’harmonisation de la captivité, avril — août 1941 ... 101

2.5 Contrôler l’information sur la captivité et observer la mentalité du prisonnier ... 109

2.6 Intensification de la détention à l’Ouest, novembre — décembre 1941 ... 116

2.7 Bilan : La captivité de guerre se complexifie entre Londres et Ottawa ... 125

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Chapitre 3. 1942 : Changement de régime et durcissement de la captivité à l’Ouest ... 132

3.1 Introduction ... 132

3.2 Disposer des futurs prisonniers ... 133

3.3 Une captivité qui alimente les contentieux entre Ottawa et Londres ... 139

3.4 Affirmer la souveraineté du Canada ... 143

3.5 Une collaboration croissante avec les États-Unis ... 147

3.6 Les États-Unis participent à la captivité ... 152

3.7 Des évènements qui posent problème selon les Canadiens ... 156

3.8 Une fracture dans les relations canado-britanniques ... 159

3.9 Les conséquences immédiates de la Shackling Crisis ... 167

3.10 Les opérations de détention vont de l’avant ... 173

3.11 Conclusion : la captivité des militaires allemands devient un enjeu complexe ... 178

Chapitre 4 : 1943 : S’entraider face au problème des prisonniers ennemis et accentuer la collaboration interalliée ... 183

4.1 Introduction ... 183

4.2 Mettre fin à la Shackling Crisis ... 184

4.3 Une crise qui continue d’avoir des impacts sur les relations interalliées ... 188

4.4 Revoir l'IPOWC ... 192

4.5 Confirmer le Joint Principle ... 197

4.6 La position canadienne soulève des critiques ... 201

4.7 Inviter Washington à participer à la captivité ... 206

4.8 Diviser la responsabilité des prisonniers entre Washington et Londres ... 212

4.9 Poursuivre la collaboration entre Londres et Washington ... 218

4.10 La place du Canada dans les négociations anglo-américaines ... 222

4.11 Conclusion. Une année charnière dans la captivité de guerre ... 227

Chapitre 5. La détention de guerre en 1943, un portrait nord-américain ... 231

5.1 Introduction ... 231

5.2 Prendre en charge l’Afrikakorps ... 232

5.3 Travailler de concert avec son voisin ... 236

5.4 La détention de guerre prend de l’expansion en Amérique ... 241

5.5 Faire travailler les prisonniers allemands ... 246

5.6 Du côté du Commonwealth ... 251

5.7 Réagir face au nazisme et comprendre le prisonnier allemand ... 255

5.8 Un sujet qui intéresse aussi Washington ... 260

5.9 La réalité dans les camps de prisonniers ... 264

5.10 Conclusion : des problématiques communes qui font surface ... 270

Chapitre 6. 1944 : La captivité de guerre en pleine expansion ... 274

6.1 Introduction ... 274

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6.3 La libération de la France et les prisonniers allemands ... 280

6.4 Les relations américano-britanniques se poursuivent ... 287

6.5 Le Canada parmi les Alliés ... 291

6.6 Améliorer la coopération canado-américaine ... 295

6.7 Poursuivre la réflexion sur la nature du prisonnier allemand ... 301

6.8 Gérer la captivité sur le sol américain ... 309

6.9 Une détention de guerre stable au Canada ... 316

6.10 Des changements importants en Grande-Bretagne ... 322

6.11 Conclusion : Une détention qui évolue rapidement en 1944 ... 326

Chapitre 7 : 1945-1947 : Fin du conflit et fin de sentence ... 331

7.1 Introduction ... 331

7.2 Confirmer la position du Canada. Les relations canado-britanniques, janvier— mai 1945 ... 332

7.3 Revoir l’entente américano-britannique ... 338

7.4 Se préparer pour le Jour de la Victoire en Europe ... 344

7.5 L’Allemagne est finalement vaincue ... 350

7.6 Il faut dénazifier les militaires allemands ... 352

7.7 Les Alliés, les prisonniers allemands et l’après-guerre ... 362

7.8 Conclusion : Le prisonnier allemand au centre d’une dynamique internationale ... 371

8. Conclusion: Les prisonniers allemands comme enjeu international ... 375

8.1 Des leçons à retenir : Tracer « l’histoire » de la captivité ... 375

8.2 La captivité des prisonniers allemands et les Alliés de l’Atlantique Nord ... 381

8.3 La détention des prisonniers allemands dans un monde interconnecté ... 389

Bibliographie ... 397

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Liste des abréviations

ACICR : Archives du Comité international de la Croix-Rouge (Genève) AFS : Archives Fédérales suisses (Berne)

ASF : Army Service Forces (Washington) BA-MA : Bundesarchiv Militärarchiv (Fribourg) BAC : Bilbiothèque et Archives Canada (Ottawa)

CAC : Combined Administrative Committee (Washington) CCS : Combined Chiefs of Staff (Washington)

CICR / ICRC : Comité international de la Croix-Rouge / International Committee of the Red

Cross

CO : Colonial Office (Londres)

COE : Conseil Œcuménique des Églises (Genève)

DEA : Department of External Affairs / Département des Affaires étrangère (Ottawa) DOI : Direction de l’Internement / Direction of Internment (Ottawa)

DPW : Directorate of Prisoners of War (Londres) FBI : Federal Bureau of Investigation (Washington) FO : Foreign Office (Londres)

GRC / RCMP : Gendarmerie royale du Canada / Royal Canadian Mounted Police (Ottawa) HD(S)E : Home Defence (Security) Executive (Londres)

HO : Home Office (Londres)

IPOWC : Intergovernmental Prisoners of War Committee / Imperial Prisoners of War

Committee (Londres)

JCS : Joint Chiefs of Staff (Washington) JSP : Joint Staff Planners (Washington)

NARA : National Archives and Records Administration (College Park) NSDAP : Parti National-Socialiste des Travailleurs Allemands (Nazi) OKW : Oberkommando der Wehrmacht

OPMG : Office of Provost Marshal General (Washington) PA-AA : Politisch Archiv des Auswärtigen Amts (Berlin) PJWDC : Permanent Joint War Defence Committee POW : Prisoner of War

POWIB : Prisoners of War Information Bureau (Un bureau pour chaque puissance détentrice) PWE : Political Warfare Executive (Londres)

SHAEF : Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force TNA : The National Archives (Londres)

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YMCA : Young Men’s Christian Association (en référence au War Prisoners’ Aid) Liste des annexes

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Remerciements

La production de cette thèse de doctorat fut pour moi un défi de longue haleine, motivé par une grande curiosité intellectuelle et un appétit insatiable pour la science historique, mais aussi parsemé de nombreuses difficultés. De Québec à Stralsund en passant par Leipzig, Berlin, Washington, Fribourg, Nijni Novgorod, Giessen, Rostock et Bochum, les cinq années du doctorat m’auront fait prendre conscience que plusieurs vérités que l’on croit acquises sont souvent matière à interprétation. De plus, la thèse m’a appris la rigueur et les efforts nécessaires pour réussir un travail scientifique d’envergure. Le métier fascinant d’historien repose sur la discipline, la patience et les perpétuels questionnements critiques. Sur une note plus personnelle, cette période m’a prouvé sans détour l’imprévisibilité de la vie, et surtout, m’a amené à repousser mes limites et à donner le meilleur de moi-même. L’ensemble de ce processus d’apprentissage aura fait de moi, du moins je l’espère, une meilleure personne.

Bien qu’étant le fruit d’un travail plutôt solitaire, la réussite de ce projet n’aurait pas été possible sans l’aide de plusieurs personnes, dont il m’importe ici de mentionner. Tout d’abord, je souligne les organismes et les institutions suivants pour leur généreux soutien financier : le Fonds de recherche Société et Culture du Québec, l’Université Laval, l’Université de la Ruhr, le German Historical Institute à Washington et la Fondation de la famille Choquette. Ensuite, je tiens à remercier chaleureusement plusieurs personnes : Isabelle Charbonneau, Martin Helmchen et Tiia Sahrakorpi pour leur accueil lors de mes séjours de recherche à Ottawa, Berlin et Londres ; Alan Malpass, Tomasz Friedel, Maryliz Racine et Simon Dagenais, des collègues avec qui j’ai eu le plaisir d’échanger au cours des dernières années ; Marilyne Brisebois et Damien Huntzinger, deux personnes proches que je tiens en très grande estime et dont je suis éternellement redevable pour leur aide ; François-Jean Lafrance, mon vieil ami de toujours et finalement, ma famille, autant au Québec qu’en Russie pour leur soutien.

Par ailleurs, je souhaite exprimer ma profonde reconnaissance à mes deux directeurs de recherche pour avoir cru en moi, pour m’avoir continuellement soutenu et pour avoir toujours été à l’écoute

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de mes nombreuses questions et appréhensions. Fabian Lemmes qui m’a chaudement accueilli en Allemagne : Vielen Dank für deine Unterstützung, deine Hilfe und deine Verständnis. Es war mir ein grosses Vergnügen mit dir zusammenzuarbeiten und ich hoffe, dass wir diese Kooperation fortsetzen können. Talbot Imlay, avec qui la collaboration remonte à mes études de maîtrise : merci de m’avoir continuellement poussé et encouragé à persévérer durant toutes ces années, merci pour ton calme, ton tempérament positif et constructif, et enfin, ton pragmatisme. Travailler avec ces deux historiens aura été plus qu’inspirant pour ma perspective par rapport à la science historique (et au monde académique). Tous deux font partie, à mon avis, d’une génération de chercheurs ouverts sur le monde et attentifs aux nouvelles approches historiques, pour qui j’ai une très grande admiration.

En dernier point, et sans doute le plus important à mes yeux, je dois ma gratitude à cette personne qui partage ma vie depuis plus de quatre ans et qui m’a toujours soutenue au quotidien autant lors de mes succès que durant les moments de déceptions et de découragements. Celle qui est de loin ma cheersleader numéro un et qui m’inspire continuellement par sa simplicité et sa patience. À toi Lisa, je te dédie cette humble thèse : Благодарю тебя за все! Спасибо за то, что ты есть в моей жизни. Спасибо, что принимаешь меня со всеми достоинствами и недостатками. Я люблю тебя.

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Introduction: Des soldats vaincus, désarmés et faits prisonniers

[…] then we went and [General von Arnim] gave up to the British and were taken prisoner by the British Eight Army. They turned us over later to the American First Army who transported us to Casablanca, at the west coast of North Africa […]

We were glad that we would go to the United States and did not have to stay in North Africa. Some German POW were shipped to Egypt, some were

shipped to England and some were shipped to Canada.

Walter Speidel, 28 mars 1985.1

0.1 Une problématique liée à la captivité de guerre

Cet extrait tiré du témoignage de Walter Speidel est en lien avec son expérience de soldat au sein de l’armée allemande en Afrique du Nord en 1943 et par la suite comme prisonnier de guerre aux États-Unis. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, c’est plus de six millions de soldats allemands qui, à l’instar de Walter Speidel, sont détenus par l’un des trois alliés occidentaux, soit la Grande-Bretagne et le Canada dès 1940 et les États-Unis à partir de 19432. Répartis dans plusieurs centaines de camps sur le territoire de chaque puissance détentrice et en Europe, le prisonnier de guerre allemand devient, au cours du conflit, un enjeu de négociations et de mésententes entre ces trois alliés, mais aussi un objet de collaboration et d’échanges. D’une part, parce que chaque État « geôlier » met sur pied ses propres politiques de détention selon son interprétation de la Convention de Genève. Celles-ci sont établies en fonction à la fois des intérêts nationaux et internationaux définis par l’État en question et de ses relations entretenues avec la Suisse, puissance protectrice pour les Alliés et pour l’Allemagne, avec les organisations transnationales venant en aide aux détenus (notamment le Comité international de la Croix-Rouge [CICR] et le Young Men’s Christian Association [YMCA]), ainsi qu’avec le gouvernement du Troisième Reich. D’autre part, de manière aussi significative, cette thèse avance que ces trois Alliés de l’Ouest construisent leur régime de détention en fonction des

1 Walter Kempowski–Biographiearchiv, Die Akademie des Künste, Berlin, Vol. 1538, Hillam’s War Projet, Interviewed by Bert Speidel, 28.03.1985.

2 Rüdiger Overmans, « Die Rheinwiesenlager 1945 » dans Hans-Erich Volkmann (dir.), Ende des Dritten Reiches — Ende des Zweiten Weltkriegs. Eine perspektivische Rückschau, Munich, Piper, 1995, p. 277–278.

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politiques et des mesures appliquées par les autres membres de l’Alliance, de même que les rapports entretenus entre ceux-ci dans le cadre de la coopération interalliée. La mise en place des politiques de détention à l’endroit des soldats allemands par les Alliés de l’Ouest est donc issue d’un processus complexe d’échanges, d’influences et d’intérêts qui s’entrecroisent entre les acteurs impliqués.

Globalement, on compte un peu plus de cinq millions de prisonniers allemands en Europe en juin 1945. De plus, 35 000 se retrouvent au Canada, 375 000 aux États-Unis et 300 000 en Grande-Bretagne pendant le conflit3. C’est précisément cette catégorie de prisonniers qui occupe ce présent travail de recherche. De par leur nombre, leur statut de « soldat d’Hitler », le respect de la Convention de Genève dont le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis (ainsi que l’Allemagne) sont signataires et les transferts de prisonniers entre ces trois pays, la prise en charge de ces « nazis » devient rapidement un enjeu interallié en 1940, et ce jusqu’à la fin du conflit4. Déjà en 1944, les deux journalistes américains James H. Powers et Henry C. Cassidy soulevaient dans leurs deux éditoriaux What to Do with German Prisoners? les enjeux sérieux présentés par la détention des soldats allemands par les Alliés, notamment la rééducation, la mise au travail et le respect du droit international5 Cette thèse poursuit ce même questionnement en examinant le développement et l’évolution des rapports entre les trois alliés de l’Atlantique du Nord concernant la captivité des soldats allemands sur leur territoire respectif et en évaluant l’interaction et l’influence des composantes nationales, internationales et transnationales sur l’élaboration et l’application des politiques de captivité par chaque pays. Ainsi, la dynamique politique présente entre ces trois cobelligérants forme le cœur de l’analyse.

La thèse s’intéresse donc à un ensemble de mesures mises sur pied par chacun des trois États ciblés et parfois communes entre ceux-ci. Suivant cette approche, il apparait que la prise en

3 Renate Held, Kriegsgefangenschaft in Grossbritannien. Deustche Soldaten des Zweiten Weltkriegs in britischem Gewahrsam, Munich, Oldenbourg, 2008, p. 241. Robert C. Doyle, The Enemy in our Hands. America’s treatment of Prisoners of War from the Revolution to the War on Terror, Lexington, University Press of Kentucky, 2010, p. 179. Et Martin F. Auger, Prisonniers de guerre et internés allemands dans le sud du Québec, 1940–1946, Outremont, Athéna, 2005, p. 43–46.

4 Bob Moore, « The Treatment of Prisoners of War in the Western European Theatre of War, 1939–1945 » dans Sybille Scheipers (dir.), Prisoners in War, Oxford, Oxford University Press, 2010, p. 111–125.

5 Henry C. Cassidy, « What to do with German Prisoners? The Russian Solution. » et James H. Powers, « What to do with German Prisoners? The American Muddle. » The Atlantic Monthly, vol. 174, n° 5 (Novembre 1944), p. 43–50.

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charge de ces combattants ennemis se déploie dans une perspective internationale. En ce sens, même si chaque belligérant demeure responsable sur son territoire, plusieurs problématiques soulevées par les captifs allemands ne se limitent pas aux frontières d’un seul État. Contrairement à l’historiographie existante, la détention de guerre n’est plus perçue ici comme un phénomène lié strictement à une puissance détentrice, mais bien à un ensemble de geôliers qui échangent et partagent leur expertise sur la détention, exerçant ainsi une influence sur la construction du régime de captivité. De par un regard sur les relations interalliées et la comparaison des lieux de détention, ce travail de recherche propose un nouveau regard sur ce phénomène s’opérant entre 1939 et 1945, spécialement en Amérique du Nord, permettant ainsi une définition « interalliée » de cette captivité et une compréhension plus complète de celle-ci.

0.2 Approche méthodologique

L’approche privilégiée dans l’analyse de la détention des prisonniers de guerre allemands est à la fois comparative, internationaliste et, dans une certaine mesure, transnationale. D’abord, le volet comparatif de la problématique provient de l’étude des politiques de détention mises en place par chaque pays sur son propre territoire, c’est-à-dire la gestion et l’administration de la captivité. Par ailleurs, la problématique tient compte du contexte international dans lequel s’inscrit la coopération politico-militaire entre les pays alliés. Cette alliance va favoriser la mise sur pied de réseaux et d’instances au travers desquels vont s’articuler les négociations et les échanges interalliés. Finalement, la démarche contient aussi un angle transnational. Premièrement, en raison de la présence de la Suisse comme puissance protectrice à la fois pour l’Allemagne, le Canada, la Grande-Bretagne et les États-Unis, ainsi que des organismes non gouvernementaux (ONG) impliqués dans la détention de guerre. Ces acteurs agissent comme intermédiaires entre les belligérants en termes de négociations concernant l’application de la Convention de Genève de 1929 et servent de références pour évaluer le traitement des prisonniers de guerre. Deuxièmement, considérant l’influence de chaque pays sur la construction des politiques de détention, les transferts de prisonniers entre les geôliers, les projets interalliés liés à ces détenus, et surtout la circulation d’information, de renseignements et de connaissances sur la captivité au sein des Alliés, la détention de guerre est perçue ici davantage comme un objet transnational entre les puissances détentrices.

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En fait, la captivité des prisonniers allemands, comme sujet d’étude historique, se prête particulièrement bien à une analyse croisant les approches transnationale, internationale et comparative, dans la mesure où ce phénomène se déploie simultanément dans plusieurs États à la fois, mais se décline différemment dans chacun des lieux où l’on en garde aujourd’hui la trace. En somme, on propose d’analyser les relations interalliées durant la Seconde Guerre mondiale par l’entremise des polémiques, des problèmes, de la coopération et de la gestion entourant leurs rapports aux soldats allemands capturés. La thèse entend démontrer qu’au fil du conflit, les Alliés opèrent et pensent leur régime de captivité comme un phénomène international et surtout, interallié. C’est-à-dire qu’ils correspondent les uns avec les autres, contribuent à leurs politiques respectives, négocient et participent à des projets communs, se réunissent périodiquement en comités interalliés et organisent des réunions, des rencontres internationales et même des visites d’observations pour mieux coordonner leurs actions. Au cours de ces rencontres, ils s’échangent des milliers d’informations liées à la détention concernant les prisonniers, mais aussi les problèmes rencontrés dans les camps, les solutions apportées et la position de chaque geôlier sur différents aspects communs.

Si le rôle joué par les principales structures interalliées, telles que l’Imperial Prisoners of War Committee, le Joint War Committee, le Combined Chief of Staff et le Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force dans les négociations interalliées sur la captivité a déjà été signalé par plusieurs historienss’étant intéressés aux relations internationales et à la détention de guerre6, il demeure plusieurs mécanismes et réseaux encore inexplorés. Ceux-ci témoignent d’un processus important de transfert d’expertises et d’échange de renseignements au sein des Alliés, mais aussi d’une dynamique de collaboration. En complément aux travaux d’Arieh Kochavi et de Neville Wylie sur les relations entre les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Allemagne au sujet des prisonniers de guerre, cette thèse entend démontrer que les puissances détentrices, entre 1940 et 1945 développent la détention de guerre, du moins plusieurs aspects de celle-ci, comme un processus transnational. Une telle approche permet une compréhension plus large de ce phénomène en axant l’analyse sur les connexions entre les acteurs en place.

6 Principalement: Neville Wylie, Barbed Wire Diplomacy. Britain, Germany and the Politics of Prisoners of War 1939–1945, Oxford, Oxford University Press, 2010. Arieh Kochavi, Confronting Captivity: Britain and the United States and their POWs in Nazi Germany, Raleigh, University of North Carolina Press, 2005. Martha Mcneill Smart, «“We Have Improvised”: The Anglo-American Alliance and Axis Prisoners of War in World War II », Mémoire de maîtrise, The University of Georgia, 2012.

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De plus, la méthodologie proposée permet de repérer les convergences et les divergences entre les différents territoires de captivité et les différentes puissances détentrices. L’étude de ces deux processus, ainsi que les interactions entre les acteurs étatiques au sujet des captifs allemands montrent que ceux-ci constituent un enjeu interallié et non strictement lié à chaque pays responsable d’un groupe de détenus. Cette approche va également souligner le caractère parfois irréductiblement national de certaines politiques à l’endroit des prisonniers de guerre. La comparaison des systèmes de détention conduit nécessairement à mettre en perspective le caractère, non pas radicalement différent de la détention, puisque le droit international demeure une référence pour les trois États étudiés, mais à la fois propre à chaque puissance détentrice et commun entre celles-ci. L’importance accordée ici aux flux transnationaux et aux aspects internationaux ne signifie pas pour autant que les politiques domestiques peuvent être délaissées. La captivité demeure appliquée indépendamment par chaque État selon ses particularités nationales. Ces points de vue ne sont pas opposés, mais au contraire, imbriqués dans l’élaboration de la détention. Le processus décisionnel, ou policy-making process, de la captivité s’explique donc par les politiques intérieures et extérieures de chaque pays. La thèse s’intéresse aux deux sphères d’influence qui s’imbriquent dans la prise de décision, soit les positions nationales d’un État versus les enjeux internationaux auxquelles il contribue7. Les relations entretenues entre les Alliés sur ce sujet révèlent une dynamique internationale établie à la fois sur des ententes et des mésententes qui sont elles-mêmes basées sur les intérêts de chacun. Cette dynamique est considérée par certains historiens comme la définition même de la collaboration interalliée durant la Seconde Guerre mondiale8.

Une prémisse demeure toutefois à signaler concernant cette méthodologie. L’histoire transnationale se concentre sur les flux, les interférences, les transferts et les enchevêtrements présents entre différentes régions, groupes d’individus ou entités politiques. Par le fait même, elle met en lumière des processus de convergence et de divergence observables sur divers enjeux, phénomènes, politiques, idéologies et mentalités entre diverses régions du monde en délaissant

7 Robert D. Putnam, « Diplomacy and Domestic: The Logic of Two-Level Games », International Organization, vol. 42, n° 3 (1988), p. 247–260.

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les frontières liées aux États-nations9. Bien que les adeptes de l’histoire transnationale, du moins en Europe, entendent souvent diminuer les perspectives nationales dans l’explication du passé, ce projet ne tend pas directement vers cette « dénationalisation » de l’histoire ni vers cette remise en question du rôle de l’État-nation10. On cherche plutôt ici à examiner les transferts d’influence présents dans l’élaboration de la détention des prisonniers allemands, ce qui mène à situer les politiques captives dans un contexte globalisant. Emmanuel Droit résume ce point : « cette histoire transnationale ne signifie pas l’abandon du cadre national, mais simplement l’insertion de la nation dans un cadre plus large. Elle permet de dénationaliser l’histoire en déconstruisant des entités11. » La détention de guerre entre 1939 et 1945 soulève des enjeux qui transcendent les

frontières « nationales » de chaque puissance détentrice.

Cette approche offre la possibilité de regrouper ou de « connecter » les histoires nationales et d’y souligner la dimension transnationale intrinsèque à l’histoire des prisonniers de guerre12. En résumé, afin de comprendre l’application de la captivité par les trois pays ciblés, de décortiquer la complexité des systèmes de détention mis sur pied sans en faire une histoire fragmentée, il est important de centrer leur développement dans un contexte politique beaucoup plus large, ce que propose cette thèse. La problématique, considérant la proximité des puissances détentrices et leur collaboration, propose d’étudier l’influence de la politique nationale d’un pays à l’endroit des captifs allemands sur celles de ses alliés. Dans cette optique, le régime de captivité n’est plus strictement lié à la détention d’individus dans des camps. De plus, il ne s’agit pas uniquement de mouvements d’individus entre États geôliers, mais aussi d’une circulation d’expertise, d’information et de renseignements sur la captivité. Bien que les détenus demeurent plutôt immobiles sur les sites d’internement, la conceptualisation de leur détention témoigne en revanche d’une grande mobilité due à un large transfert d’influence entre les autorités canadiennes, britanniques et américaines.

9 Pierre-Yves Saunier, « Circulations, connexions et espaces transnationaux », Genèses, n° 57 (2004), p. 110–126. 10 David Thelen, « The Nation and Beyond: Transnational Perspectives on United States History », The Journal of American History, vol. 86, n° 3 (1999), p. 965–970. Philipp Ther, « Comparisons, Cultural Transfers, and the Study of Networks: Toward a Transnational History of Europe » dans Heinz Gerhard Haupt et Jürgen Kocka (dir.), Comparative and Transnational History. Central European Approaches and New Perspectives, New York, Berghahn Books, 2009, p. 207–212.

11 Emmanuel Droit, « Entre histoire croisée et histoire dénationalisée. Le manuel franco-allemand d’histoire », Histoire de l’éducation, n° 114 : Pédagogie de l’histoire (2007), p. 151–162.

12 Voir introduction de Sybille Scheipers, op.cit., p. 1–15. Pierre-Yves Saunier, Transnational History, Theory and History, Londres, Palgrave Macmillan, 2013, p. 117–142.

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0.3 Questionnements et sources

Concrètement, trois volets de la détention servent de base à l’analyse. Ceux-ci déterminent les dimensions de la comparaison entre les trois cas nationaux : les questions de sécurité liées à la captivité, la politique d’emploi et la rééducation (ou dénazification) des détenus. Cette thèse entend démontrer que ces aspects sont d’une part, interconnectés et d’autre part, qu’ils forment les enjeux centraux concernant les prisonniers allemands pour les trois geôliers. De plus, cette étude avance que ces composantes de la captivité constituent des sujets de négociations entre les trois pays en raison des questions soulevées par ces opérations impliquant les autres geôliers. En ce sens, l’ampleur des politiques mises de l’avant va susciter d’intenses discussions, non seulement au sujet de la responsabilité de chaque État et du respect du droit international, mais aussi sur l’efficacité des mesures établies par chacun. Les négociations vont mener à une collaboration accrue entre les Alliés, tout en mettant en exergue leurs divergences.

D’abord, la sécurité concerne les mesures mises en place par chaque belligérant pour assurer la détention des militaires allemands. Dès le début des hostilités, cette question préoccupe les autorités en raison de la présence de ces soldats ennemis sur leur territoire. Ceux-ci sont percus comme présentant une menace directe pour la sécurité nationale. Plus précisément, cet aspect se réfère à l’organisation des camps, au traitement quotidien des détenus, aux opérations de transferts et de transports interalliés et à la surveillance de la captivité. Ces éléments vont nécessiter la collecte de nombreux renseignements stratégiques issus de l’observation des captifs et de la pratique de la détention par chaque geôlier. La similitude des questions de sécurité soulevées par la présence des militaires allemands au sein des trois pays va inciter ces derniers à s’entraider et à coopérer, notamment en partageant leur expertise et leur expérience.

Les deuxième et troisième points de comparaison traitent spécifiquement de deux projets élaborés par chaque puissance détentrice et dont l’application concrète se révèle complexe. Dans le cas de l’utilisation des prisonniers comme travailleurs, ce programme soulève plusieurs aspects légaux liés à la Convention de Genève. De plus, l’emploi de ces individus est influencé par la perception d’un danger lié aux soldats ennemis, alimentée par les manifestations du nazisme dans les camps

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et les tentatives d’évasion. La comparaison entre les trois pays permet de souligner le clivage dans la mise en œuvre du travail des prisonniers d’un pays à l’autre de par le type d’emplois proposés, le nombre de prisonniers au travail, les secteurs privilégiés, les conditions de travail et l’encadrement de cette main-d’œuvre. Ces éléments visent à déterminer les considérations prises en compte par chaque pays dans l’établissement de la captivité en tenant compte des intérêts économiques, du respect du droit international et surtout, des tentatives menées par les autres pays alliés. L’analyse montre que l’établissement d’une politique de travail va s’opérer en partie en fonction des succès et des difficultés rencontrés par les différentes autorités. Largement partagés et discutés au sein des Alliés de l’Ouest, la question du travail des soldats allemands devient rapidement un enjeu international, mais si elle répond à des enjeux nationaux.

La rééducation des captifs suit cette même logique. Le projet de dénazification est vu unanimement par les Alliés comme une nécessité pour l’après-guerre. Cependant, celui-ci demande l’établissement d’un programme avancé, autant sur le plan matériel que méthodologique. En ce sens, notre analyse porte sur les efforts de rééducation tentés via les activités éducatives, récréatives et religieuses offertes dans les camps, ainsi que la mise au travail des captifs. De plus, la dénazification va nécessiter une sélection pointue des candidats, la catégorisation des détenus selon leur « degré d’endoctrinement » et la séparation des éléments jugés « fanatiques ». Cette approche va être opérée en fonction de la compréhension du nazisme par chaque autorité qui est basée sur des centaines de renseignements concernant les détenus et recueillis par les observateurs canadiens, américains, britanniques, ainsi que la puissance protectrice et les ONG venant en aide aux prisonniers. Ces informations ne sont pas limitées à un seul geôlier. Au contraire, il existe une grande circulation d’informations et de renseignements au sein des alliés qui alimentera le programme de dénazification mis de l’avant par chacun.

L’étude de ces trois volets permet donc de répondre aux questionnements soulevés par cette thèse : Comment se construisent les politiques de détention à l’endroit des prisonniers de guerre Allemands à l’Ouest ? Quelles sont les interactions entre la Grande-Bretagne, le Canada, tous deux membres du Commonwealth, et les États-Unis au sujet de la prise en charge des soldats allemands ? En quoi ces interactions influencent les politiques alliées et celles de chaque Allié au sujet des prisonniers allemands ? Quelles sont leurs répercussions sur le traitement des détenus

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allemands ? Existe-t-il une approche commune entre les trois Alliés de l’Ouest ? Quel pays exerce une influence plus importante sur cette dernière ? Sur quels aspects ? Quel rôle jouent les ONG dans la formation, la mise en place des politiques et le traitement concret des prisonniers allemands ? Comment s’articule la coopération politico-militaire en vertu de l’Alliance de ces trois Alliés autour de la question des prisonniers allemands ?

Les sources utilisées dans l’analyse sont nombreuses. Pour la plupart, il s’agit de documents gouvernementaux issus de diverses autorités, autant civiles que militaires, impliquées dans les opérations de captivité sur chaque territoire : rapports, télégrammes, correspondances, mémorandums et comptes rendus de réunions. D’ailleurs, un constat général par rapport aux archives est que le thème des prisonniers de guerre touche plusieurs ministères, départements et acteurs transnationaux. De plus, la quantité importante de documents accessibles montre que ce sujet alimente passablement les discussions en raison des enjeux qu’il soulève. Cette multitude d’autorités fait en sorte que l’influence de chaque parti sur la prise de décision est parfois difficile à clarifier à travers la lecture des documents, révélant par le fait même les luttes internes présentes au sein de chaque pays et la complexité du processus décisionnel entre les geôliers.

En Grande-Bretagne, le sujet implique principalement le Foreign Office, le War Cabinet et le War Office, mais inclus aussi plusieurs autres départements qui s’impliquent sur différents aspects plus précis : le Home Office, le Dominion Office, le Colonial Office et le Ministry of Agriculture and Fisheries. Au Canada, le War Committee, le Privy Council Office, le Département des Affaires extérieures et la Défense nationale sont les principaux organes de décision. D’autres ministères sont également consultés sur l’établissement de certains programmes, surtout le ministère du Travail. Aux États-Unis, le State Department et le War Department constituent immanquablement les deux principales autorités. Toutefois, le War Department contient une multitude de sous-autorités militaires rattachées à son commandement qui interviennent dans la captivité. Par exemples, notons l’Army Service Forces, les Service Commands, l’Office Provost Marshall General et le Joint Chief of Staff. Ces autorités vont prendre en charge les activités de détention tout en impliquant le State Department dans les décisions. En plus de ces acteurs gouvernementaux, il faut aussi tenir compte des comités

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interalliés : l’Imperial Prisoners of War Committee, le Supreme Headquarters Allied Expeditionary Force et le Combined Chief of Staff.

Par ailleurs, les documents issus des autorités militaires et diplomatiques du IIIe Reich, notamment le Haut commandement militaire allemand (OKW) et l’Auswärtiges Amt, contiennent plusieurs informations en lien avec les Allemands détenus à l’étranger. Leurs renseignements proviennent principalement des rapports d’observations produits par la Suisse, le CICR et le YMCA. Par conséquent, les travaux de ces organismes agissants comme puissance protectrice pour l’Allemagne deviennent centraux à la fois pour les détenus et pour les autorités signataires de la Convention de Genève en raison de leur regard critique sur le système de détention mis en place par chaque pays. Les documents produits par ces autorités nous offrent non seulement une perspective extérieure sur ces opérations, mais témoignent aussi des divergences et des convergences parmi les trois Alliés de l’Ouest concernant le traitement des prisonniers de guerre.

Bien qu’offrant une nouvelle perspective sur la captivité par l’étude de ces documents, cette thèse est loin d’être isolée des autres travaux existants. Au contraire, elle s’inscrit dans une historiographie en pleine croissance et déjà passablement volumineuse. Plus précisément, ce travail de recherche se situe à l’intersection de plusieurs grands corpus historiographiques : l’histoire de la captivité, l’histoire des relations interalliées entre 1939 et 1945, l’histoire politique canadienne et l’histoire du droit international et des ONG en période de guerre. Ces champs ne forment pas des blocs monolithiques déconnectés les uns des autres. Ils se complètent mutuellement dans le contexte spécifique des prisonniers de guerre allemands détenus à l’Ouest durant la Deuxième Guerre mondiale.

0.4 Une brève histoire de la détention de guerre

Les soldats tombés entre les mains ennemies ont souvent eu le rôle « d’oubliés » dans l’histoire13. Autant pour les détenus ayant souffert de cet emprisonnement que pour ceux qui ont

13 Le concept de « soldats oubliés » a surtout été évoqué pour la Première Guerre mondiale. Annette Becker, Oubliés de la Grande guerre, humanitaire et culture de guerre 1914-1918. Populations occupées, déportés civils, prisonniers de guerre, Paris, Noésis, 1998, p. 10–17. François Cochet, Les exclus de la victoire. Histoire des prisonniers de guerre, déportés et requis, 1945-1985, Paris, Éditions SPM/Kronos, 1992. et Abda Odon, Soldats oubliés, les prisonniers de guerre français, Bez-et-Esparon, E&C, 2001.

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pris en charge ces captifs, ces acteurs sont resté longtemps méconnus à la fois dans la mémoire nationale de chaque belligérant impliqué et, de manière plus large, dans l’histoire des conflits mondiaux. Pourtant leur nombre est considérable. Avec plus ou moins neuf millions de militaires capturés, la Première Guerre mondiale avait montré que ce phénomène était devenu une problématique de guerre majeure pour les conflits futurs, non seulement en raison de la masse d’individus en détention, mais aussi par les lacunes profondes présentes au sein du droit international. Ces éléments avaient d’ailleurs mené à la signature de la Convention de Genève de 192914. Dans le cas de la Seconde Guerre mondiale, plus de 35 millions d’individus ont subi la détention de guerre.

Depuis un peu plus de vingt ans maintenant, les travaux au sujet des prisonniers de guerre sont en pleine expansion15. Le nombre impressionnant de recherches consacrées aux différentes facettes de la détention de guerre suivant les multiples approches des sciences humaines et sociales fait presque de la captivité un champ d’études en soi16. Deux facteurs expliquent la croissance fulgurante, et surtout récente, de cet objet d’étude. Premièrement, l’accessibilité aux fonds d’archives dans plusieurs pays, notamment à partir des années 1990, permet maintenant aux chercheurs d’explorer davantage ce phénomène de guerre, autant pour les aspects traitant des prisonniers que pour le rôle de geôlier joué par certains pays. Ce dernier demeure d’ailleurs souvent méconnu et peu mentionné dans l’histoire nationale des différents belligérants17. Dans certains cas, la mémoire collective parfois « douloureuse » de cet épisode et la présence d’anciens protagonistes (autant prisonniers que geôliers) suscitent toujours de nombreux questionnements18.

14 Neville Wylie, « The 1929 Prisoner of War Convention and the Building of the Inter-war Prisoner of War Regime » dans Sybille Scheipers, Prisoners in war, Oxford, Oxford University Press, 2010, pp. 91–110. Uta Hinz, Gefangen im Grossen Krieg, Essen, Klartext, 2006, p. 7–9. Et Jochen Oltmer, « Einführung » dans Jochen Oltmer (dir.), Kriegsgefangene im Europa des Ersten Weltkriegs, München, Ferdinand Schöningh, 2006, p. 11.

15 Bob Moore et Kent Fedorowich, « Prisoners of War during the Second World War: An Overview » dans Bob Moore et Kent Fedorowich (dir.), Prisoners of War and Their Captors, Londres, Berg Publisher 1996, p. 2–3. 16 Anne-Marie Pathé et Fabien Théofilakis (dir.), La captivité de guerre au XXe siècle. Des archives, des histoires, des mémoires, Paris, Armand Colin, 2012. Sibylle Scheipers souligne aussi l’intérêt grandissant des historiens envers l’histoire des prisonniers de guerre : Sibylle Scheipers « Introduction : Prisoners in War » dans Scheipers (dir.), op.cit., pp. VII, 16–17.

17 Auger, op.cit., p. 8.

18 Christiane Wienand, Returning Memories: Former Prisoners of War in Divided and Reunited Germany, New York, German History in Context, 2015. Fabien Théofilakis, « Les prisonniers de guerre allemands en mains françaises dans les mémoires nationales en France et en Allemagne après 1945 », Cahiers d’histoire. Revue d’histoire critique, vol. 100, (2007), p. 67–84.

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C’est notamment le cas de l’historiographie allemande à propos des prisonniers de guerre en Union soviétique entre 1941 et 1956. D’ailleurs, la mémoire de cette captivité à l’Est, l’Erinnerungskultur, va largement occuper les chercheurs allemands, qui par le fait même vont délaisser les autres lieux de détention19. Dans la foulée du rapatriement des derniers prisonniers allemands détenus en URSS après la Seconde Guerre mondiale, favorisé par la politique du chancelier Konrad Adenauer, le gouvernement ouest-allemand va mettre sur pied à partir de 1957 une commission d’enquête nationale pour faire la lumière sur le sort de l’ensemble des soldats allemands faits prisonniers20. Pour plus d’une décennie, la Wissenschaftliche Kommission für deutsche Kriegsgefangenengeschichte va mener une série de travaux pionniers sur le sujet des prisonniers allemands21. Menée par l’historien Erich Maschke, cette recherche s’inscrit dans un

contexte particulier, celui de la Vergangenheitsbewältigung. Cette période de réflexions sur la place du passé nazi au sein de l’histoire allemande va d’ailleurs engendrer plusieurs critiques à l’endroit des travaux de la commission22. Néanmoins, le matériel produit constitue toujours une source de grande valeur pour les chercheurs : 45 000 rapports, 200 000 questionnaires et des centaines d’enregistrements d’anciens prisonniers. Le tout abouti à onze volumes s’intéressant à la détention des soldats allemands dans diverses régions du monde23. Malgré l’accès limité aux archives, ainsi que les critiques soulevées, les résultats sont remarquables et ont contribué à faire connaître le sujet et surtout à identifier les anciens prisonniers et à collecter leurs témoignages.

Le second facteur expliquant le nombre croissant d’études sur les prisonniers de guerre est l’intervention de chercheurs des sciences humaines et sociales. En plus des historiens, les

19 Günter Bischof, Stefan Karner et Barbara Stelzl-Marx (dir.), « Einladung » dans Kriegsgefangene des Zweiten Weltkrieges, Gefangennahme — Lagerleben — Rückkehr, Oldenburg, 2005, p. 1–11. et Rüdiger Overmans, « Das Schicksal der deutschen Kriegsgefangenen des Zweiten Weltkriegs » dans Militärgeschichtliches Forschungsamt (dir.), Der Zammenbruch des Deutschen reiches 1945, Zweiter Halbband : Die Folgen des Zweiten Weltkrieges, Band 10/2, Munich, Deutsche Verlags Anstalt, 2008, p. 489–496.

20 Wolfgang Benz et Angelika Schardt (dir.), Deutsche Kriegsgefangene im Zweiten Weltkrieg: Erinnerungen,

Francfort, Fischer Taschenbuch, 1995.

21 « Commission scientifique pour l’histoire des prisonniers de guerre allemands durant la Deuxième Guerre mondiale ». Birgit Schwelling, « Zeitgeschichte zwischen Erinnerung und Politik : Die Wissenschaftliche Kommission für deutsche Kriegsgefangenengeschichte, der Verband der Heimkehrer und die Bundesregierung 1957 bis 1975 », Vierteljahrshefte für Zeitgeschichte, vol. 56, n° 2 (2008), p. 227–263.

22 Rolf Steininger, « Some Reflections on the Maschke Commission » dans Stephen Ambrose et Günter Bischof (dir.), Eisenhower And the German POWs. Facts Against Falsehood, Baton Rouge, Louisiana State University Press, 1992, p. 170–180. Voir aussi, Christian Streit, Keine Kameraden, Verlag Dietz, 1997 (1978).

23 Erich Maschke, Die deutschen Kriegsgefangenen des Zweiten Weltkrieges, Eine Zusammenfassung, Band XV, Munich, 1974. Les documents de la commission sont accessibles aux archives militaires fédérales allemandes à Fribourg-en-Brisgau sous la série B 205.

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sociologues, les ethnologues, les spécialistes du droit international, les anthropologues et mêmes les archéologues s’intéressent maintenant à l’histoire de la captivité24. Par le fait même, ces disciplines contribuent à l’enrichissement et au rayonnement de ce champ de par leurs réflexions sur la détention de guerre25. De plus, ces approches élargissent considérablement la diversité des aspects abordés, mais aussi les lieux de captivité et les différents conflits étudiés. D’un autre côté, le développement des sciences historiques avec notamment l’histoire sociale, l’histoire mémorielle et l’histoire culturelle a fait en sorte que ce sujet a largement débordé de l’histoire politico-militaire traditionnelle. L’historien Pieter Lagrou résume bien ce détachement : «  More than ever before, the history of the fate of prisoners of war during this conflict [World War II] markedly transcends the boundaries of military history26. » Les chercheurs s’intéressent donc aux

impacts de ce phénomène sur une société en guerre, sur les individus et sur les politiques des États27. Par ailleurs, ils vont étudier davantage le captif lui-même, d’où une histoire plus personnelle axée sur les anciens prisonniers. Il s’agit d’un récit vu par les « victimes » selon leur nationalité et leurs rapports face aux geôliers. Plusieurs analyses portent ainsi sur leur mémoire de cette captivité, leur rapatriement ainsi que ses répercussions, soit positives ou négatives, sur leur réintégration à la vie civile durant l’après-guerre28.

Évidemment, la détention de guerre ne se limite pas qu’aux militaires. À partir de la fin du XIXe siècle et surtout, au cours du XXe siècle, les populations civiles vont aussi subir la captivité. En parallèle aux travaux sur les militaires, il existe plusieurs recherches consacrées à l’internement des différentes populations selon leur origine ethnique au cours du XXe siècle29. Dans le cas de la

24 Cette tendance est bien illustrée dans le récent collectif d’Anne Marie Pathé et Fabien Théofilakis, op.cit., p.15-20. 25 Harold Mytum et Gilly Carr, « Prisoner of War Archaeology » dans Harold Mytum et Gilly Carr (dir.), Prisoners of War : Archaeology, Memory and Heritage of 19th and 20th Century Mass Internment, New York, Springer, 2013, p. 3–22. Adrian T. Myers, « The Archaeology of Reform at a German Prisoner of War Camp in a Canadian National Park during the Second World War (1943–1945) », Thèse de doctorat, Standford University, 2013, p. 4.

26 Pieter Lagrou, « Overview » dans Bob Moore et Barbara Hately-Broad (dir.), Prisoners of War, Prisoners of Peace, Captivity, Homecoming and Memory in World War II, Londres, Berg Publisher, 2005, p. 3.

27 En exemple, la récente thèse d’Alan Malpass sur les prisonniers de guerre allemands et l’opinion publique britannique durant la Seconde Guerre mondiale: Alan P. Malpass, « British attitudes towards German prisoners of war and their treatment: 1939–48 », Thèse de doctorat, Sheffield Hallam University, 2016 p. 12–13.

28 Isabella Insolvibile, WOPS i prigionieri italiani in Gran Bretagna (1941-1946), Napoli, Edizioni Scientifiche Italiane, 2012. Barbara Schmitter Heisler, From German Prisoner of War to American Citizen: A Social History with 35 Interviews, Jefferson, North Carolina, McFarland, 2013. Bob Moore, « Enforced Diaspora : The Fate of Italian Prisoners of War during the Second World War », War in History, vol. 22, n° 2 (2015), p. 174–190. Aussi, de nombreux mémoires d’anciens prisonniers allemands, italiens, français, américains et britanniques ont été publiés. 29 Il est important ici de faire une distinction entre prisonniers de guerre et internés civils. L’internement dans le cas des deux guerres mondiales fait l’objet d’une vaste historiographie, voir : David Cesarani et Tony Kushner, The

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Seconde Guerre mondiale, le terme de prisonnier de guerre utilisé par les États est défini par la Convention de Genève de 1929 :

À toutes les personnes visées par les articles Ier [milices et corps volontaires] et 2 [population armée d’un territoire non occupé contre les troupes d’invasion] du Règlement annexé à la Convention de La Haye concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre, du 18 octobre 1907, et capturées par l’ennemi ; toutes les personnes appartenant aux forces armées des parties belligérantes [composer de combattants et de non-combattants], capturées par l’ennemi au cours d’opérations de guerre terrestre, maritime ou aérienne.30

Un autre constat général par rapport à l’historiographie de la captivité est le cadre spatio-temporel dans lequel s’inscrit la majorité des études. Un regard rapide dans l’Encyclopedia of Prisoners of War montre que ce phénomène est plutôt répandu à travers le temps et l’espace31. Évidemment,

comme le souligne Rüdiger Overmans dans son ouvrage phare, tout conflit armé inclut forcément des prisonniers de guerre. De ce fait, chaque guerre depuis l’Antiquité est susceptible d’être étudiée du point de vue des « perdants » ou des « vaincus », d’où l’intérêt pour le sort des soldats faits prisonniers durant un conflit32. Cependant, la majorité des travaux existants se concentrent sur le XXe siècle, en particulier sur les deux guerres mondiales, et ce, pour plusieurs raisons33.

Tout d’abord, les sources et témoignages accessibles sont nombreux concernant ces soldats « oubliés ». De plus, les deux conflits mondiaux marquent une croissance fulgurante de ce phénomène. La captivité s’impose comme une problématique majeure pour les belligérants impliqués. À l’âge des guerres dites « totales », la mobilisation des sociétés en guerre et les forces militaires en présence résultent en une explosion du nombre de prisonniers de guerre, ce qui nécessite la mise en place des mesures de captivité à grande échelle34. La première moitié du XXe

Internment of Aliens in Twentieth Century Britain, London & NY, Routledge, 1993. Panikos Panayi, Prisoners of Britain: German civilian and combatant internees during the First World War, Manchester, Manchester University Press, 2012. Bohdan S. Kordan, Enemy aliens, prisoners of war: internment in Canada during the Great War, Montreal, McGill-Queen’s University Press, 2002. Judith Kestler, Gefangen in Kanada, Zur Internierung deutscher Handelsschiffsbesatzungen während des Zweiten Weltkriegs, Bielefeld, transcript Verlag, 2017. Greg Robinson, A Tragedy of Democracy: Japanese Confinement in North America, NY, Columbia University Press, 2009.

30 Article Premier. Convention relative au traitement des prisonniers de guerre, Genève, 27 juillet 1929. 31 Jonathan Vance, Encyclopedia of Prisoners of War and Internment, Millerton, Grey House Pub, 2006.

32 Rüdiger Overmans (dir.), In der Hand des Feindes. Kriegsgefangenschaft von der Antike bis zum Zweiten Weltkrieg, Köln, Böhlau, 1999. Arnold Krammer (dir.), Prisoners of War: A Reference Handbook, Praeger, 2007. 33 Ce point est soulevé par plusieurs auteurs : Rüdiger Overmans, « Bibliographischer Essay » dans Overmans (dir.), op.cit, pp. 9–25 et 490–500. Scheipers, op.cit., p.5–7. Auger, op.cit., p. 9–18. Lagrou, op.cit., p. 2–5. Et Pathé et Théofilakis, op.cit., p. 15.

34 Niall Ferguson, « Prisoner Taking and Prisoner Killing in the Age of Total War: Towards a Political Economy of Military Defeat », War in History, vol. 11, n° 2 (2004), p. 148–192.

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6 septembre 1914 - 4 janvier 1919 Description physique : Importance matérielle : 34 pièces Présentation du contenu :. Lettres et cartes de soldats prisonniers à leur famille

— L'Agence a recu de la Croix-Rouge japonaise une liste detaill6e et tres complete qui fournit les noms d'une cinquantaine de prisonniers de guerre nierlandais tues dans un port