• Aucun résultat trouvé

ARTheque - STEF - ENS Cachan | La coopération médiatisée par Internet : le cas du site « La Main à la Pâte »

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2021

Partager "ARTheque - STEF - ENS Cachan | La coopération médiatisée par Internet : le cas du site « La Main à la Pâte »"

Copied!
6
0
0

Texte intégral

(1)

A. GIORDAN, J.-L. MARTINAND et D. RAICHVARG, Actes JIES XXV, 2003

LA COOPÉRATION MÉDIATISÉE PAR INTERNET :

LE CAS DU SITE « LA MAIN À LA PÂTE »

David WILGENBUS

Société Française de physique – La main à la pâte

MOTS-CLÉS : COOPÉRATION – INTERNET – COMMUNAUTÉS – SCIENCES – LA MAIN À LA PÂTE

RÉSUMÉ : Nous présentons une étude exploratoire sur le thème de la coopération médiatisée par Internet, appliquée au site La main à la pâte. Nous discutons de l’appropriation progressive des ressources en ligne par les enseignants du primaire, dans le cadre de la préparation de séances de sciences, ainsi que des obstacles à la création de communautés regroupant enseignants, scientifiques et didacticiens.

ABSTRACT : We present an exploratory study on the topic of the collaborative work through the internet, applied to the La main à la pâte website. We discuss the progressive appropriation of the resources online by the teachers of the primary school, within the framework of science course preparation, as well as obstacles with the creation of communities gathering teachers, scientists and trainers.

(2)

1. INTRODUCTION

L’Académie des sciences et l’Institut National de Recherche Pédagogique ont créé, en 1998, le site Internet La main à la pâte (http://www.inrp.fr/lamap) afin d’accompagner la rénovation de l’enseignement des sciences à l’école primaire. Ce site propose aux enseignants des ressources documentaires (dont environ 200 activités de classe rédigées, pour l’essentiel, par des enseignants) et des outils destinés à favoriser les échanges entre enseignants, scientifiques et didacticiens. Une liste de discussion compte environ 1500 abonnés et diffuse une centaine de messages par mois, tandis qu’environ 200 consultants répondent aux questions scientifiques ou pédagogiques posées par les enseignants. Plus de mille questions sont archivées, avec leurs réponses, sur le site.

On peut a priori penser le site Internet La main à la pâte comme un site coopératif (par opposition à institutionnel ou marchand selon la typologie de Drot-Delange, 2001). Pourtant, comme tous les réseaux d’enseignement disciplinaire, il souffre d’un manque de ressources proposées par les enseignants. Comment interpréter leur faible participation ? Sous quelles formes se présente la coopération ? Quels peuvent être le rôle et l’impact des réseaux numériques par rapport aux réseaux de proximité (collègue de travail, professeur d’IUFM, conseiller pédagogique…) ?

Les fondateurs de La main à la pâte ont créé ce site dans une perspective d’évolution des pratiques. La mutualisation fait-elle de ce site un instrument d’autoformation au sens où elle entraînerait une acculturation scientifique et une plus grande autonomie pédagogique ? A ce sujet, il convient de s’interroger sur le statut et le rôle des documents consultés sur le site dans la construction de séquences d’enseignement.

(3)

2. MÉTHODOLOGIE

Nous avons mené cette enquête au moyen d’entretiens semi-directifs auprès de cinq enseignants de l’école primaire. Les entretiens se sont déroulés en quatre phases : l’enseignant et son école, l’utilisation du site La main à la pâte, les conséquences dans la classe et les attentes vis-à-vis du site. L’analyse de ces entretiens est thématique. Les enseignantes (cinq femmes) ont été choisies de façon à former un échantillon contrasté en ce qui concerne leur ancienneté (1 à 22 ans), leur formation initiale (littéraire / scientifique), leur fonction dans l’école (professeur, maître formateur) et le cycle enseigné (1, 2 et 3). Toutes utilisent, en 2003, le site La main à la pâte.

3. UN SITE POUR PRÉPARER SES SÉANCES ET POUR TROUVER DE L’AIDE

La diversité des ressources documentaires (scientifiques, pédagogiques, textes officiels…) et des outils d’échanges (liste de discussion, réseau d’entraide, réseaux de consultants, projets coopératifs), ajoutée à celle des enseignantes de l’échantillon, se traduit par des objectifs divers concernant l’utilisation du site, même si certaines préoccupations sont communes.

Le principal objectif dans la consultation du site, commun à toutes les enseignantes de l’échantillon, est la préparation de séquences d’enseignement : remise à niveau scientifique ou pistes pédagogiques sur le déroulement des activités. Le site est également utilisé pour répondre à des questions scientifiques (ou, plus rarement, pédagogiques) survenues en classe.

Les rubriques visitées sont donc, par ordre d’importance décroissante : les activités pour la classe, les réseaux de consultants, la documentation scientifique, puis la documentation pédagogique. On retrouve cette hiérarchie dans les enquêtes menées auprès d’enseignants stagiaires (Coquidé, 2001) comme dans les statistiques de consultations du site. Notons, et nous y reviendrons par la suite, qu’aucune de ces enseignantes ne se connecte sur le site pour produire des ressources ni pour réagir aux ressources proposées, ni pour participer à des échanges.

4. UNE APPROPRIATION PROGRESSIVE DES RESSOURCES ?

Les modules et séquences mis en ligne dans la rubrique « activités pour la classe » constituent l’entrée privilégiée des enseignants sur le site. On distingue, dans notre échantillon, trois types d’utilisation de ces documents dans le cadre de la préparation de séances de sciences.

(4)

Le type « clé en main » correspond à une application stricte du document, sans adaptation particulière au contexte de la classe (réaction des élèves par exemple) et sans porter de jugement sur la démarche pédagogique présentée. L’enseignant se repose alors sur plus expérimenté que lui et économise du temps dans la préparation de ses séances.

Avec le type « progression », il s’agit de trouver, dans le document, une articulation cohérente entre des séances déjà élaborées par l’enseignant. La démarche est discutée, et non appliquée a priori, et l’enseignant tient compte du contexte de sa classe.

Enfin, l’enseignant peut extraire de l’activité des éléments génériques (représentations, obstacles) lui permettant de construire sa propre progression : c’est le type « pistes didactiques ». Remarquons qu’à cet effet, les deux enseignantes considérées ne consultent guère la documentation pédagogique du site et lui préfèrent les activités car elles recherchent avant tout un témoignage du terrain, et non un discours de didacticien.

Les trois types d’utilisation des activités présentés ci-dessus montrent une graduation dans l’autonomie prise par rapport à ce qui est présenté sur le document. De l’application « clé en main », constatée chez une enseignante débutante et deux enseignantes plus expérimentées (mais à leurs débuts uniquement), à la recherche d’une progression adaptée au contexte (deux enseignantes de deux et sept ans d’ancienneté) puis à l’extraction d’éléments génériques de type didactique (deux maîtres-formatrices), il semble que ces types d’utilisation correspondent à des stades liés à l’expérience d’enseignement. Les exemples d’une enseignante passée successivement par ces trois stades et d’une autre passée du premier au second suggèrent qu’il y ait une prise d’autonomie progressive vis-à-vis de ces ressources. Il convient néanmoins de rester prudent sur ce fait car cette évolution, si elle existe, peut être également imputée à des facteurs « extérieurs », comme la formation continue, les échanges au sein de l’école, etc.

5. UNE COOPÉRATION DIFFICILE

5.1 Une faible production de ressources et une faible participation aux échanges

Le site La main à la pâte contient peu d’activités (environ 200) en regard des dizaines de milliers de visiteurs mensuels du site, et la liste de discussion ne compte que quelques dizaines de participants réguliers parmi plus de 1500 abonnés. Ce constat n’est pas propre à ce site : peu d’enseignants, qu’ils soient isolés ou non (Drot-Delange, 2001), proposent leurs fiches sur les sites académiques et peu réagissent aux activités qu’ils consultent (Bardi et Bérard, 2002). Ils semblent pourtant apprécier l’interactivité, mais l’utilisent peu (Coquidé, 2001).

(5)

Alors même que les enseignantes de notre échantillon déplorent le manque de coopération au sein de leur école, qu’Internet leur apparaît comme un palliatif possible (en raison de l’anonymat qui permet d’éviter la confrontation), et qu’elles produisent des ressources qu’elles diffusent auprès de leurs collègues, aucune ne participe aux échanges de la liste de discussion, aucune n’a réagi à propos d’une ressource du site, et aucune n’a proposé d’activités à la mise en ligne, sur ce site ou sur un autre. Pourquoi ?

Une première raison est le manque d’assurance sur leur compétence pédagogique. C’est la visibilité du site qui est en cause, non la crainte d’une éventuelle évaluation. Le statut « en débat » des ressources du site ne semble pas être perçu par ces enseignantes, qui considèrent donc que les ressources en ligne doivent être « parfaites ». Certaines font également remarquer le manque d’originalité de leurs activités, déjà présentes sur le site.

Le manque de réciprocité dans la mutualisation sur Internet, contrairement aux échanges intra-école, joue également un rôle important. Pourquoi faire cet effort, particulièrement coûteux en temps, si l’on ne peut rien attendre en retour ?

Enfin, il y a une réelle difficulté à communiquer sa pratique pédagogique sans la dénaturer : « une fiche comporte des non-dits » et prend un caractère normatif ou prescriptif non souhaitable. Notons toutefois que le site Internet La main à la pâte donne parfois lieu (c’est le cas ici) à une réelle coopération, au sein de l’école : des ressources consultées sur le site, imprimées et mises à disposition des collègues nourrissent la coopération entre les enseignants de l’école.

5.2 Des réseaux de consultants aux statuts incertains

Pour certaines enseignantes, la consultation de ces réseaux est un dernier recours : elles préfèrent interroger quelqu’un de leur entourage, même si cette personne n’est pas compétente en sciences ou en pédagogie, plutôt que d’interroger un « expert » sur le site. Les réseaux « numériques » ne sont consultés que si les réseaux « de proximité » n’ont pas pu répondre.

Une enseignante de l’échantillon illustre bien l’utilisation standard (attendue et souhaitée par les concepteurs du site) du réseau des consultants : la question se situe dans le contexte de la classe et n’est posée qu’après documentation dans des ouvrages non spécialisés ou sur le site. De plus, l’enseignante réagit à propos de la réponse qu’elle a reçue. Une des difficultés rencontrées par les consultants est en effet l’absence de réaction des enseignants, qui rend difficile l’évaluation de leur rôle. La moitié ou presque des questions posées n’ont pas de lien avec la classe mais correspondent à de la culture générale. Si ce détournement d’usage est bien un indice d’élaboration de l’instrument par les enseignants, il n’en facilite pas pour autant la tâche aux gestionnaires du site ni aux consultants !

(6)

Un autre type de détournement d’usage est illustré par une maître-formatrice de notre échantillon, qui utilise les réponses des consultants (destinées à l’enseignante et non aux élèves) comme support pour un cours magistral, car l’investigation des élèves n’a pas permis de résoudre le problème soulevé. La difficulté est alors la trop grande complexité de la réponse, inadaptée à ses élèves. Si la possibilité de communication avec un « expert » (scientifique ou didacticien) est appréciée, il est intéressant de se pencher sur le devenir de la parole de « l’expert ». Une des enseignantes de l’échantillon « négocie » fréquemment les réponses des consultants, c’est-à-dire qu’elle n’accepte ces réponses que si celles-ci confortent ses opinions préalables. Lorsqu’il s’agit d’une réponse pédagogique, la raison de cette négociation est le manque de légitimité du didacticien qui n’est pas « sur le terrain ». La négociation des réponses scientifiques met en évidence une réelle difficulté de relativisation entre le savoir construit en classe et le savoir établi (« on voit des erreurs dans les livres », « la science change tout le temps »…) : les conclusions de la classe semblent avoir autant de valeur que celles de la communauté scientifique toute entière.

6. CONCLUSION

On constate que, si le site La main à la pâte offre des ressources et des outils de communication fort appréciés et qui ont permis une large diffusion de la rénovation de l’enseignement des sciences, tous les obstacles nécessaires à la création de communautés (personnes qui se rassemblent autour de préoccupations communes et qui partagent des référents communs) ne sont pas encore levés.

BIBLIOGRAPHIE

BARDI A.-M., BÉRARD J.-M. (2002). L'École et les réseaux numériques. Inspection Générale de l’Éducation Nationale.

COQUIDÉ M. (2001). Rapport de recherche INRP-La main à la pâte 1998-2001 : liens entre formation professionnelle et pratique professionnelle. INRP.

DROT-DELANGE B. (2001). Outils de communication électronique et disciplines scolaires : quelle(s) rationalité(s) d'usage ? Thèse de doctorat. Ecole Normale Supérieure de Cachan.

WILGENBUS D. (2003). Coopération médiatisée par Internet : utilisations du site La main à la pâte par des enseignants de l’école primaire. Mémoire de DEA, Ecole Normale Supérieure de Cachan.

Références

Documents relatifs

Les élèves définissent eux-mêmes le problème qu'ils veulent résoudre (type projet technologie). Les moins motivés pourront faire du démontage de matériel et de

Dans une étude portant sur les femmes directrices qui ont réussi à transcender le plafond de verre, Gallagher (2000) a trouvé que la compréhension par les femmes de la

La biodiversité possède, dans cette vision du monde, uniquement des valeurs instrumentales qu’il convient de protéger pour le bien-être humain : « Pour que

imitateurs des révolutionnaires français de 1848, tantôt une modification dont le but était de gêner au Président Obando… [et de] heurter son Pouvoir[.] Il est force de signaler

5° Adressons, sur papier à en-tête du Centre, des de- mandes de catalogues à toutes les maisons spécialisées dans la construction de matériel expérimental

On reconnait don c l'a ctio n du milieu exté rieur sur l'o bjet (le doigt agit sur la manette) ou action d'en- trée , J'action de l'objet sur le milieu extérieur (le tim bre émet le

A ce titre, elles définissent et adoptent une stratégie régionale applicable à l’ensemble de leur circonscription ; elles adoptent un budget annuel en vérifiant la cohérence

L’image de soi Les normes subjectives La pertinence de l’e-formation La qualité des résultats d’utilisation de l’e-formation La maîtrise des NTIC La disponibilité