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Différencier les séances de lecture en classe de CE1

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Academic year: 2021

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HAL Id: dumas-01917266

https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01917266

Submitted on 10 Dec 2018

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Différencier les séances de lecture en classe de CE1

Carla Ribay

To cite this version:

(2)

ECOLE SUPERIEURE DU PROFESSORAT ET DE L’EDUCATION DE L’ACADEMIE DE PARIS

D

IFFERENCIER LES SEANCES DE LECTURE

EN CLASSE DE CE

1

Carla Ribay

M

EMOIRE DE MASTER

MEEF

Mention Premier degré

Sous la direction de Claire Le Jeune

2017-2018

(3)

Résumé (français)

A partir d’une brève présentation de la didactique de la lecture, ce mémoire analyse les premières pratiques d’une enseignante débutante dans une classe de CE1. Il montre comment l’enseignement de la lecture peut évoluer vers d’avantage de différenciation afin de faire progresser tous les élèves dans le décodage et la compréhension des textes.

Résumé (anglais)

Based on a brief review of reading education, this thesis analyses the first practices of a young professional in seconde grade. It shows how we can support each student in decrypting and understanding texts by adapting our methods to their needs.

Je souhaite adresser tous mes remerciements aux personnes qui m’ont soutenu dans la réalisation de ce mémoire.

A ma directrice de mémoire, Claire Le Jeune, pour son accompagnement constant et ses encouragements.

A ma maître formatrice, Hélène Lestonnat, pour ses conseils éclairants… et ses fichiers PEMF !

A ma binôme, Mathilde Duchemin, pour notre collaboration passionnante et sereine, A mon amie, Charlie Dupiot, pour sa relecture bienveillante.

(4)

TABLE DES MATIERES

Des apports théoriques pour analyser mes premières pratiques

1. L'identification rapide du "contenu de surface" : un entrainement indispensable impensé en classe

1.1. Lire, c'est décoder.

1.2. Un objectif explicite des programmes de cycle 2 1.3. Des besoins identifiés, une remédiation oubliée

2. La compréhension de texte : une différenciation mal orientée 1.1. Lire, c'est comprendre

1.2. L'évolution des programmes

1.3. Des besoins incompris, une différenciation mal orientée Faire progresser l'identification du contenu de surface 1. Améliorer le décodage des petits lecteurs

1.1. Adapter contenus et supports, augmenter les quantités lues 1.2. Multiplier les rendez-vous

1.3. Collaborer

2. Renforcer la fluence des moyens lecteurs 1.1. Relire

1.2. Ecrire davantage

Faire progresser la compréhension 1. Développer la prise d'information

1.1. L'intérêt des fichiers PEMF 1.2. Les modalités de travail 1.3. Les apprentissages générés 2. Comprendre des récits longs

1.1. Un enseignement explicite et planifié 1.2. Des itinéraires différenciés

1.3. Des itinéraires croisés 1.4. Les apprentissages générés Conclusion

Bibliographie Annexes

(5)

INTRODUCTION

Mon souhait initial pour ce mémoire était de mettre en œuvre et de faire l’analyse d’un projet d’éducation artistique et culturelle autour du cirque.

Les recommandations des formateurs ont rapidement fait évoluer cette envie. Le mémoire de Master 2 doit nous donner l’occasion d’approfondir un aspect problématique de nos pratiques de classe pour le faire progresser. En décembre, après neuf semaines avec les 27 élèves de CE1 de mon école du 10e arrondissement, des pans « fondamentaux » du métier d’enseignant m’échappent encore largement. Si je reste convaincue de l’apport des projets artistiques pour les apprentissages, je me rends compte alors qu’il s’agit d’une ambition prématurée. Plutôt que de complexifier davantage la préparation et le déroulement de mes semaines en classe, il me semble plus essentiel de tenter de répondre à quelques unes des questions soulevées depuis la rentrée.

Je m’intéresse à l’enseignement de la lecture pour plusieurs raisons. Les écarts de niveau en ce domaine sont flagrants dès le début de l’année. Sans être capable de qualifier précisément les atouts et faiblesses des 18 garçons et 9 filles qui composent le groupe, cette hétérogénéité m’interpelle. Le travail dans toutes les matières en est fortement contraint : certains élèves sont incapables de déchiffrer les supports distribués quand d’autres ont déjà terminé leurs exercices. Le recours à la lecture et l’écrit me semble indispensable pour transmettre les compétences visées mais je suis forcée de constater qu’il laisse de nombreux élèves de côté et complique fortement la gestion de classe. Lors des séances spécifiquement dédiées à la lecture suivie, mes difficultés sont logiquement décuplées. Insatisfaisante et inconfortable au quotidien, cette situation me donne en outre le sentiment d’aggraver les inégalités entre mes élèves. Je constate très vite que les bons élèves sont aussi les bons lecteurs et que je n’ai pas d’outils pour, à minima, essayer de raccrocher ceux qui peinent. Les premiers ouvrages consultés en didactique de la lecture achèvent de me convaincre qu’il s’agit d’un sujet essentiel comme passionnant pour ce mémoire. Sans la lecture, les élèves n’entrent pas dans la « spirale de réussite » qui à partir du cycle 3 permet aux élèves d’apprendre dans tous les champs1. M’améliorer dans l’enseignement de la lecture, c’est ainsi trouver des outils

1

(6)

pour mes élèves qui rayonneront bien au-delà des dix heures que les programmes réservent à l’enseignement du français.

La réflexion poursuivie tout au long de mon stage et décrite dans ce mémoire peut se donc se formuler ainsi : comment faire progresser l’ensemble de mes élèves en lecture malgré des niveaux très hétérogènes ?

La recherche en didactique de la lecture offre les premiers supports à ce questionnement : elle cerne les compétences mises en œuvre dans l’activité de lecture, situe les élèves vis à vis de ces savoir-faire et offre des outils pour travailler concrètement en classe. Plusieurs documents sur lesquels je m’appuie ont été ainsi rédigés par des didacticiens spécialistes.

Toutefois, m’adosser uniquement sur ce corpus serait insuffisant : cela reviendrait à considérer que tous mes élèves rencontrent les mêmes obstacles et fonctionnent à l’identique. Cela reviendrait à penser qu’il me manque simplement les « bonnes recettes ».

Or, de nombreux auteurs rappellent qu’il existe une pluralité des facteurs d’hétérogénéité dans une classe. Autrement dit, les écarts entre les élèves ne se comblent pas entièrement par les mêmes propositions didactiques, fussent-elles introduites au moment opportun. Halina Przesnycki mentionne la diversité des profils d’apprentissage (auditif, visuel, kinesthésique,…), les différences psychologiques et les écarts socio-culturels2. Face à la classe, le professeur doit intégrer une triple hétérogénéité : celle des façons d’apprendre, celle des rythmes d’apprentissage, celle des niveaux de chacun à un temps T. Pour ce travail, je m’inspire donc aussi des ouvrages consacrés à la différenciation. Celle-ci est définie par Perrenoud comme pratique d’enseignement qui postule que « toute situation didactique proposée ou imposée uniformément à un groupe d’élèves est inévitablement inadéquate pour une partie d’entre eux »3. Cette littérature, sans être nécessairement dédiée à la lecture, apporte des clés pour adapter son enseignement aux individus et au groupe en variant tant les contenus que les modalités d’apprentissage.

Questionnant ma pratique, la réflexion suit le fil chronologique de mon année de stage.

2 SELLOS Sandrine, La différenciation pédagogique : du concept à la réalité : niveau de classe : CE1,

Education. 2017 (dumas-01591938) p10.

3

MARTIN Delphine, La différenciation dans une classe de CE1 : quels outils permettent la mise en place

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Dans une première partie, je confronte mes méthodes en période 1 et 2 aux préconisations des didacticiens de la lecture. Une meilleure compréhension des enjeux de l’enseignement de la lecture me permet d’analyser les limites de mes premières expériences de différenciation. Les deux parties suivantes présentent comment, mieux informée, j’ai fait évoluer mon enseignement en période 3 et 4 pour améliorer la différenciation et faire ainsi progresser l’ensemble des élèves. Elles correspondent respectivement aux deux piliers de l’enseignement de la lecture : le renforcement de « l’identification du contenu de surface »4 et l’approfondissement des compétences de compréhension.

4

(8)

DES APPORTS THEORIQUES POUR

ANALYSER MES PREMIERES PRATIQUES

La didactique de la lecture définit deux axes, deux « compartiments du jeu »5, contribuant à transformer des lecteurs débutants en lecteurs experts. Au niveau de l’enseignement primaire, ces derniers peuvent se définir comme des « lecteurs autonomes, stratégiques, flexibles et capables de prendre en charge et de contrôler leur activité de lecture sans l’aide de l’enseignant »6.

En m’appuyant principalement sur l’ouvrage d’André Ouzoulias et le manuel de Roland Goigoux et Sylvie Cèbe, je définis plus précisément ces deux « piliers » d’une lecture experte : il s’agit de rappeler les procédés cognitifs en jeu puis d’indiquer les compétences et activités à travailler pour rendre ces opérations mentales effectives et efficaces chez les élèves. Puis j’expose la traduction de ces apports scientifiques dans les programmes officiels avant d’analyser, en regard, les activités développées dans ma classe de septembre à décembre.

1. L’identification du « contenu de surface » :

un entrainement indispensable impensé en classe

1.1. Lire, c’est décoder

Lire, c’est savoir déchiffrer le code utilisé pour transcrire, à l’écrit, les idées prononcées ou pensées. Au delà de la reconnaissance des lettres, le lecteur effectue un traitement linguistique 7 qui lui permet de lier les graphèmes aux phonèmes et de saisir la syntaxe.

Pour aboutir à une maîtrise parfaite de ce code et son utilisation fluide, l’enseignement de la lecture vise à la fois la capacité à décoder et la capacité à reconnaître l’image orthographique d’un mot. Les débats méthodologiques (comme leurs usages politiques) sont récurrents sur ce point. Certains argumentent pour un objectif prioritaire, à aborder avant le second, d’autres pour un objectif unique, d’autres encore pour un savant dosage des deux approches. Il ne me semble pas pertinent d’affirmer un choix pour ce présent mémoire

5

OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p15

6GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, RETZ, 2013, p17

7

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puisqu’il se consacre à la didactique de la littérature en CE1. Le choix entre méthode globale et syllabique me semble davantage appartenir aux enseignants de CP qui visent « un enseignement systématique et structuré du code graphophonologique et de la combinatoire »8.

Pour le CE1, les ouvrages étudiés suggèrent de mêler les deux approches afin « d’identifier les mots rapidement »9.

L’entrainement au décodage doit pousser « à aller toujours voir plus à droite »10. Dès lors que les élèves déchiffrent les combinaisons comme « pa, ba, ta, … », il s’agit de prendre conscience qu’une syllabe peut aussi comporter plus de deux lettres. Ouzoulias recommande d’entrainer à la lecture de syllabes complexes via des cartons flash proposant des associations telles que « ain », « ein », « eau »,…11 C’est aussi le sens du travail proposé par l’ouvrage de

Claude PICOT, J’entends, je vois, j’écris, permettant aux élèves de mieux saisir « les relations qui existent entre l’oral et l’écrit »12.

Par ailleurs, il devient indispensable de développer la lecture orthographique. Pour un nombre croissant de mots, l’enjeu est de détacher les élèves de la correspondance grapho-phonologique (CGP) en leur permettant à la fois de mémoriser l’image orthographique de mots fréquents ainsi que de se reposer sur des analogies orthographiques. Ces analogies se basent sur des « segments supra-graphémiques » qui permettent de d’envisager, de tenter, des « traductions » orales, qui se révèlent le plus souvent pertinentes. L’exemple de pseudo-mots proposé par Ouzoulias illustre très bien le rôle de ce « capital » linguistique, de cette culture orthographique dans la conversion sonore de graphèmes inconnus :

Oignonde sarfemme secondille orchidème ratient

Si nous utilisions les CPG, nous prononcerions le OI de « oignonde » sur le modèle de « roi », le FEMME de « sarfemme » sur le modèle de « flemme » (…) Or, ce n’est pas ainsi que nous prononçons chacun de ces pseudo-mots ! Quant à RATIENT, sa prononciation variera suivant le contexte grammatical : « il est vraiment très ratient » (pseudo-adjectif sur le modèle de patient) ; « les enfants ratient dans la cour » (il s’agit alors du pseudoverbe du premier groupe « ratier » à la troisième personne du pluriel)

8 France, Arrêté du 9/11/2015, Programme d’enseignement du cycle des apprentissages fondamentaux, Cycle 2. 9 idem

10 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p74 11 idem, p75

12 PICOT Claude, J’entends, je vois, j’écris, Des outils pour la maîtrise de l’orthographe au CP et au CE1,

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ou « il la tient et même la ratient » (il s’agit alors du pseudo-verbe « ratenir » à la troisième personne du singulier » (p178)

En classe, le travail consiste principalement en des activités de production13. On peut avoir recours aux dictées sans erreur ou aux « dictées recherche », lors desquelles les élèves prennent l’habitude de s’appuyer sur les textes ou outils synthétiques élaborés en classe. Celles-ci ont l’avantage de ne pas laisser les élèves « écrire comme ils entendent », ce qu’Ouzoulia considère comme une grosse erreur didactique. En effet, « celui qui écrit, se relit » et ancre dans son esprit des formes graphiques qui ne lui seront d’aucune aide pour décrypter les mots « corrects »14. Pendu, dessin de l’araignée, mots mêlés, association image/mots, jeu de l’imprimeur sont des variantes plus ludiques contribuant aux mêmes objectifs. Comme souligne Ouzoulias, l’essentiel de ces activités se situe dans les temps de correction collective. A ces occasions, l’enseignant fait apparaître les liens entre les mots, ces analogies orthographiques qui faciliteront les lectures futures. Quand les élèves rencontrent « sorcière », ils trouvent des chemins pour lire « sortie » et « laitière »15. L’enseignant doit également proposer des stratégies de mémorisation des mots : compter le nombre de lettres, épeler, visualiser mentalement, …

En deuxième année de cycle 2, d’autres compétences sont à construire pour structurer le déchiffrage au delà des « micro-structures ».

Savoir prendre appui sur la ponctuation pour lire et ainsi élaborer le sens est essentiel. Lors de temps collectifs, des lectures comparées d’un même texte avec et sans marques graphiques permettent aux élèves de prendre conscience de l’intérêt de la ponctuation. En individuel, les élèves s’exerceront à rajouter points et majuscules dans de courts écrits.

La lecture par groupes de mots est également à travailler. Il faut développer chez les jeunes lecteurs des procédures de « calcul syntaxique » qui regroupent « des mots successifs en syntagmes (...), porteurs de sens »16. Lors de la lecture d’une phrase, cela permet d’élaborer mentalement une succession d’images, qui vont se nourrir et se combiner. Les élèves dépassent alors la lecture mot à mot, stade auquel l’idée contenue par un mot chasse la précédente, empêchant de hiérarchiser et d’organiser les informations. Ouzoulias suggère trois activités : oraliser un texte de manière absurde et demander aux élèves de rétablir sa

13 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p92 14 idem, p101

15 idem, p81

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segmentation prosodique, suivre avec son doigt un texte lu par un adulte qui exagère les silences entre les groupes de mots, préparer une lecture en marquant sur le texte les groupes de mots lus ensemble17.

Il s’agit enfin de faire remarquer aux élèves l’apport de la morphosyntaxe dans le décryptage et donc dans l’élaboration du sens. Un élève qui voit dans la phrase (au sens premier du mot) les marques de genre et de nombre sur les noms et les verbes identifie ainsi rapidement la nature des mots : intuitivement, il en choisit la prononciation correcte, il les lie par groupes pertinents et retient ceux qui sont important. La structuration visuelle des phrases a ainsi une incidence cruciale sur leur lecture et par suite leur compréhension. En pratique, l’enseignant doit proposer des exercices de correction et d’interprétation de phrases, en attirant l’attention des élèves sur les indices visuels à collecter18.

En complément des exercices détachés, deux activités contribuent à asseoir et automatiser le « traitement du contenu de surface ». Elles fonctionnent de manière transversale en combinant le travail sur les micro- et les macro-structures.

Premièrement, Goigoux et Cèbe recommandent de renforcer le temps consacré à la lecture à voix haute en classe. Ils insistent : « toute intervention didactique (…) doit inclure un volet visant l’automatisation des procédures d’identification des mots. (…) Dans ce domaine, c’est avant tout la quantité des pratiques de lecture qui fait la différence »19.

Deuxièmement, au delà des entrainement orthographiques, les activités d’encodage doivent prendre la forme de véritables projets d’écriture. Les déclencheurs sont multiples : journal de classe, correspondance, petits albums, poésie à la manière de … Pour des production plus courtes, les cadavres exquis, jeux oulipiens ou concours de phrases (la plus drôle, la plus inquiétante, …) sont d’autres entrées efficaces20. Ces situations placent les élèves dans une démarche active de résolution de problèmes. Ils s’approprient l’utilité du code et de ses multiples nuances (« l’absence d’une marque syntaxique empêche mes camarades de comprendre de qui je parle »). « L’acte de réception est éclairé par celui de production »21,

17 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p68 18 idem, p66

19 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, p9

20 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p97 21 idem p96

(12)

résume Ouzoulias. Selon lui, 50% du temps des petits lecteurs doit être dédié à l’écriture guidée tant « le rendement cognitif de l’écriture pour la lecture est considérable »22.

Fluidifier l’utilisation du code écrit est indispensable23

. Sans automatisme, toutes les capacités attentionnelles de élèves sont accaparées par ces tâches dites « de bas niveau ». Elles les privent d’espace mental pour se questionner sur le sens24

.

1.2. Un objectif explicite des programmes de cycle 2

C’est pour permettre aux élèves de se décharger cognitivement au profit des tâches « de haut niveau » que les programmes scolaires de cycle 2 demandent explicitement d’exercer le code :

Au cours du cycle 2, les élèves continuent à pratiquer des activités sur le code dont ils ont eu une première expérience en GS. Ces activités doivent être nombreuses et fréquentes. Ce sont des « gammes » indispensables pour parvenir à l'automatisation de l'identification des mots.

Le premier attendu de fin de cycle est ainsi formulé : « Identifier des mots rapidement :

décoder aisément des mots inconnus réguliers, reconnaitre des mots fréquents et des mots irréguliers mémorisés ». Les repères de progressivité ne cantonnent pas ce travail à la classe

de CP : « Au CE1 et au CE2, les révisions nécessaires à la maitrise du code et les

entrainements pour parvenir à une réelle automatisation de l'identification des mots sont mises en place autant que de besoin (…) L'entrainement en lecture à voix haute est régulier. Ces activités sont pratiquées en classe (…), et non pas reportées durant le travail personnel hors de la classe ».

1. 3. Des besoins identifiés, une remédiation oubliée

Le 19 septembre 2017, une évaluation de la fluence menée par la maître E du RASED a « quantifié » les écarts en lecture fluide au sein de la classe. Le diagramme qui suit présente le nombre de mots lus par élève en 1 minute et les situe par rapport à la moyenne de 60 mots généralement constatée à l’entrée en CE1. (cf Annexes Doc 1)Une analyse plus qualitative accompagne le document et classe les élèves par groupe. Les deux premiers élèves sont

22 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p96

23 CHARTIER Anne-Marie, CLESSE Christiane, HEBRARD Jean, Lire, écrire, entrer dans le monde de l’écrit,

Paris, Hatier Pédagogie, 1997, (192p), p1

24 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

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considérés comme non lecteurs tant les difficultés sont importantes, malgré leur connaissance du principe alphabétique. Ils ont déjà été suivis en CP au sein du RASED. Un deuxième groupe rassemble les élèves lisant entre 16 et 29 mots par minute. Ces élèves lisent par voie d’assemblage, sans accéder au sens. Un troisième groupe lisant de 30 à 44 mots est, lui, plus hétérogène. Certains élèves y lisent toujours par décodage même si celui-ci est plus fluide que le groupe 2. D’autres sont engagés dans une lecture orthographique de certains mots. Le reste lit majoritairement par voie d’adressage (lecture orthographique) et quelques élèves sont même d’excellents décodeurs.

Mes observations en classe pendant la période 1 et 2 ainsi que mes échanges avec les adultes ayant connu les élèves en CP me permettent de situer plus précisément 4 élèves en très grande difficulté. Bloqué en lecture, l’élève A est excellent en maths et très motivé par les apprentissages. Sa camarade B semble compenser ses difficultés à suivre par une grande agitation, voire de l’insolence. Elle entame en octobre un suivi orthophonique qui confirme les blocages vis à vis de la lecture sans pouvoir encore diagnostiquer un trouble dyslexique. Pour l’élève C, les bulletins transmis par son ancien établissement nous informent de sa participation au club « Coup de Pouce » en CP. Pour l’enfant E, le maître G considère que les faibles résultats scolaires s’expliquent surtout par un manque de confiance et une appréhension « à grandir ». L’élève D est particulièrement timide, ce qui me semble expliquer son « classement » étonnant à gauche du diagramme. Quelques semaines après la rentrée, sa lecture est bien plus fluide.

L’écart avec les autres élèves et les difficultés qu’il génère en classe focalisent mon attention sur ces 4 enfants et c’est naturellement en rapport à ce groupe que se concentrent mes premiers essais de différenciation.

Pour impliquer ces non-lecteurs dans les lectures longues, j’exclue très vite en classe les temps de lecture silencieuse et donne la priorité à la lecture à haute voix, que je prends à ma charge ou confie à des élèves très performants. Je lis systématiquement les consignes des exercices. Rapidement, ma binôme me propose d’adapter les dictées évaluatives du vendredi : nous décidons que ces élèves complèteront des dictées à trous. En période 1 et 2, je mets donc en place une différenciation minimale orientée vers ma préoccupation principale : que la classe « tourne ».

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Mes premières semaines se caractérisent également par l’absence de remédiation. Pour ne pas perdre trop de temps ni placer les faibles décodeurs dans une situation inconfortable, leurs occasions de s’exercer en classe sont réduites au strict minimum. Les quatre élèves lisent à voix haute une seule fois par semaine lorsque nous découvrons les syllabes complexes de J’entends, je vois, j’écris. Cela n’est pas compensé par les Ateliers Pédagogiques Complémentaires, que les habitudes de l’école ne nous ont pas incités à mettre en place. Goigoux définit 7 familles d’aides formulées par des verbes d’action parmi lesquelles piocher pour organiser la différenciation25. Pendant l’apprentissage, il est notamment possible

« d’exercer » davantage, certains élèves ayant besoin de plus de temps pour maîtriser les compétences. En période 1 et 2, ce sont de fait les meilleurs qui bénéficient de cet appui complémentaire : je les sollicite pour la lecture à haute voix, ils sont autonomes dans la réalisation de leurs exercices et ils ont même la possibilité de se plonger dans des romans lorsqu’ils attendent que leurs camarades finissent leur travail ! Comme les petits lecteurs, les moyens lecteurs ne s’entrainent qu’à de rares occasions.

Heureusement, cette situation paradoxale est au moins partiellement compensée par une « externalisation » de la remédiation. La maître E intervient deux fois par semaine pour les élèves A et B puis, à notre demande, intègre l’élève E. Tous les lundis, elle les exerce au décodage dans sa classe puis est présente pour les appuyer pendant la séance de lecture longue.

La confrontation avec la littérature dresse un tableau assez négatif de mes premières pratiques. Un des facteurs importants réside bien entendu dans le manque de temps. Les deux premières périodes sont des semaines denses d’apprentissage du métier pendant lesquelles la préoccupation première est de faire fonctionner la classe. Au delà, la faiblesse de mes connaissances didactiques a clairement contribué à cette situation. Avant mes lectures, je ne disposais pas de grilles d’analyse efficaces pour comprendre précisément les difficultés de mes élèves et ne disposais d’aucun outil pour y remédier. De fait, j’avais le sentiment que les difficultés de ces 4 élèves dépassaient mes attributions de professeur des écoles et relevaient de l’intervention du RASED ou des orthophonistes. Enfin, il me semble que j’étais assez marquée par un cliché communément répandu sur la classe de CP et mis en lumière par

25 MARTIN Delphine, La différenciation dans une classe de CE1 : quels outils permettent la mise en place

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Chartier, Hesse et Hebrard. Consciente du travail par cycle dans tous les autres champs du français, j’en restais à une division très annuelle des apprentissages en lecture. La grande section est « la classe où l’enseignant n’apprend pas et ne doit pas encore apprendre à lire aux enfants ». Le CE1 est « la classe où l’on fait entrer ceux qui savent lire et les activités scolaires y sont définies en conséquence ». Le CP est « la classe où l’on apprend à lire »26.

Entre septembre et décembre, travailler la combinatoire et les correspondances grapho-phonologiques me semblait presque incongru !

2. La compréhension de texte, une différenciation mal

orientée

1.1. Lire, c’est comprendre

La littérature scientifique insiste très fortement sur le deuxième versant de l’activité de lire. Le résultat de la lecture n’est pas une collection de mots. Ceux-ci doivent ensuite dialoguer pour former un tout qui fait sens. La compréhension en lecture peut ainsi se définir comme « « la capacité à construire (…) une représentation mentale cohérente de la situation évoquée par le texte »27.

La compréhension ne va pas de soi : elle suit un processus complexe à plusieurs niveaux. De nombreux modèles théoriques existent pour faire apparaître ce qui se joue entre le texte et le lecteur. André Ouzoulias propose la « machine à lire »28

(cf Annexes doc 2) Au bas, on retrouve l’ensemble des connaissances mentionnées en partie 1 de ce mémoire : ce qui permet « d’avoir accès au contenu linguistique des textes ». En haut, figurent les « connaissances qui concourent au processus d’élaboration du contenu sémantique des textes, la compréhension proprement dite ».

La compréhension de texte présente deux enjeux principaux.

Tout d’abord, elle nécessite de traiter de nombreuses informations présentes dans le texte. La morphosyntaxe (marques de genre et de nombre) et la morphologie lexicale donnent des indices visuels pour oraliser. Ces informations doivent également être mises en relation avec

26 CHARTIER Anne-Marie, CLESSE Christiane, HEBRARD Jean, Lire, écrire, entrer dans le monde de l’écrit,

p7

27 Ministère de l’Education Nationale, « Lecture et compréhension de l’écrit, cycle 3. Pourquoi enseigner la

compréhension de textes ? », Eduscol, 30 janv. 2017, en ligne :

http://cache.media.eduscol.education.fr/file/Lecture_Comprehension_ecrit/86/3/RA16_C3_FRA_01_lect_enj_en s_N.D_612863.pdf (consulté le : 5/02/17)

(16)

le reste des mots de la phrase pour comprendre et lever d’éventuelles mésinterprétations. Dans l’exemple proposé par Ouzoulias, on voit bien comment la terminaison du dernier verbe infléchit le sens de la phrase : « C’est le chien des voisins qui hurle. C’est le chien des voisins qui hurlent ». Dans « Paul va a la piscine. En sautant, il tombe sur son bassin » : c’est le déterminant possessif « son » qui, dans la phrase, permet de distinguer les homographes « bassin » du corps et « bassin » de la piscine. Les reprises anaphoriques constituent d’autres informations certes immédiatement accessibles mais que l’élève doit savoir traiter pour saisir un texte. L’illustration d’Ouzoulias est parlante (cf Doc 3). Il s’agit enfin de collecter des informations « disposées de manière éparse dans le texte : les inférences de liaison »29

. Les caractéristiques physiques d’un personnage ne sont pas nécessairement décrites dans un même paragraphe. Pour se faire une idée exhaustive de son apparence, le lecteur devra garder en mémoire les éléments distillés au fil des paragraphes.

Le second enjeu de la compréhension réside dans les informations extra-textuelles. « Lire, c’est toujours lire entre les lignes »30

. Face à un texte long, le lecteur doit lever de nombreux implicites. Pour ce faire, le lecteur puise dans sa base de connaissances, travail mental nommé « inférences pragmatiques »31

. Ces connaissances sont de différentes natures. Elles peuvent être encyclopédiques : on comprend le comportement de tel animal dans une histoire parce que l’on sait dans quel milieu il vit, ce qu’il mange, comment il se déplace, … Elles sont également culturelles. En particulier, la maîtrise des différents types de texte détermine la posture dans laquelle se place le lecteur pour recevoir les informations. Face à un roman policier, il sait par exemple qu’il doit être attentif aux détails pour saisir les ressorts de l’intrigue. De même, l’humour d’un auteur qui joue avec les codes du genre ne peut être saisi que par un lecteur au fait des fonctionnements canoniques. Enfin, Goigoux et Cèbe insistent fortement sur les connaissances sociales et relationnelles :

Dans la plupart des récits, la compréhension de l’implicite repose sur celle de l’identité psychologique, et sociale des personnages, de leurs mobiles, de leurs systèmes de valeur, de leurs affects, de leurs connaissances (…) il faut guider étroitement les élèves sur la recherche de liens entre les faits exposés et les pensées des personnages, pensées toujours décomposées en 3 sous ensembles : 1/ leurs buts (pour le futur) et leurs raisons

29 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, p16

30 OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p173

31 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

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d’agir (en référence au passé) 2/ leurs sentiments et leurs émotions 3/ leurs connaissances, leurs croyances et leurs raisonnements.

Les deux chercheurs font d’ailleurs remarquer l’inégale répartition de ces capacités d’analyse psychologique : les études « associent les différences interindividuelles observées à la qualité

des conversations familiales portant sur les états mentaux et sur les relations avec les comportements que ces derniers provoquent » 32. L’essentiel en compréhension est la quantité

et la qualité des interactions qui se nouent entre le lecteur et le texte.

La compréhension se travaille. La terminologie « tâches de bas niveau » et « tâches de haut niveau » ne doit pas suggérer un ordre chronologique dans les apprentissages. Bien entendu, plus un élève se sera émancipé du décodage, plus il sera disponible pour approfondir la compréhension.

Très tôt, il s’agit néanmoins d’habituer les élèves à un rapport actif à la lecture et de faire comprendre que le plaisir et l’intérêt des textes ne résident pas uniquement dans la douce musique des mots. Dès la maternelle, l’enseignant oralise des textes de plus en plus longs et construit une posture réflexive: les élèves identifient les personnages, établissent des liens entre eux, expliquent ce qu’il s’est passé, imaginent la suite… En primaire, l’écoute de textes lus par l’adulte, impliquant ou non un temps d’interprétation, se poursuit.

Il se complète d’exercices détachés dont l’objectif est de clairement faire apparaître aux élèves les stratégies à mettre en œuvre pour comprendre et les procédures de contrôle à développer. Par une batterie d’exercices, le manuel CLEO entraîne successivement les élèves à 33

: comprendre ce qui est « caché » dans un texte, faire attention à tous les détails de la phrase, prendre en compte la situation initiale pour adapter sa lecture, comprendre de qui l’on parle, comprendre dans quel ordre se passent les choses. L’ouvrage Je lis, Je comprends cible 4 champs à travailler avec les élèves 34

:

- les connecteurs : « ils établissent, entre les éléments reliés, une relation logique et une nuance de sens précise »

- les substituts : qui permettent d’identifier de qui l’on parle, indépendamment des façons plus ou moins directes de le désigner

32 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, p17

33 FETET Antoine, CLEO Français, guide pédagogique, Paris, RETZ, 2016 (231p.), p2

34 Académie d’Orléans-Tours, Groupe départemental de prévention de l’illettrisme, Je lis, je Comprends, CE1,

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- les inférences : « raisonner pour trouver/comprendre une information qui n’est pas écrite dans le texte »

- retrouver les idées essentielles : « saisir le sens global d’un texte ou d’un paragraphe pour se construire une image mentale de la situation ».

Quel que soit le support utilisé, l’enjeu est d’expliciter ces nœuds de compréhension et de formuler très clairement aux élèves les moyens de les dépasser. En organisant le débat entre élèves, en soulignant les indices, en faisant apparaître des justifications linguistiques, encyclopédiques ou psychologiques, l’enseignant fait apparaître qu’il ne s’agit nullement de deviner mais d’aboutir à une compréhension suffisamment étayée pour être valable.

La complexité du vocabulaire est un autre frein à la compréhension. Un lecteur expert n’est pas un puits de vocabulaire : c’est un lecteur qui s’accommode de ne pas tout saisir et qui collecte des indices dans le texte pour déduire approximativement le sens des mots inconnus. Goigoux et Cèbe proposent d’encourager à « stroumpfer » les mots : les élèves sont autorisés à remplacer un mot inconnu par une locution alternative pour peu qu’elle soit cohérente avec le texte et leurs connaissances du monde. L’enseignant les pousse à maintenir leur vigilance pour valider ou non cette approximation35

. Il peut aussi travailler en sens inverse : dans un texte caviardé où des « stroumpf » se substituent à certains mots, les élèves doivent proposer des formules pertinentes.

En parallèle, l’enseignant doit organiser la lecture d’œuvres intégrales36

. Outre la construction d’une culture commune et la découverte de récits enrichissants, la lecture d’œuvres littéraires renforce en effet les capacités de compréhension des élèves par ses difficultés spécifiques 37 :

- ils mobilisent la mémoire et la culture du lecteur, notamment sa connaissance des genres et des structures traditionnelles

- ils prennent place dans un cadre spatio-temporel souvent inconnu

- ils peuvent se baser sur des choix narratifs peu évidents, par exemple un narrateur animal - ils impliquent de nombreux personnages

- ils utilisent des ellipses narratives qui n’interrompent pas pour autant le cours de l’action - l’humour ou la dimension réflexive du récit (regard porté sur la littérature, sur les attitudes

du lecteur, …) se lisent entre les lignes.

35

GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, p22

36

Groupe départemental de prévention de l’illettrisme, Je lis, je Comprends, CE1, p5

(19)

Goigoux et Cèbe proposent une « pédagogie de rappel de récit » en incitant les élèves à se fabriquer un film mentalement et à le verbaliser38

. Ils suggèrent d’être explicite sur l’objectif d’une lecture longue : on lit une histoire pour savoir la raconter. Activité d’abord collective et fortement guidée par l’enseignant, les élèves passent progressivement à un résumé individuel et écrit de l’ouvrage étudié. La progression peut inclure « des mimes, des mises en scène, des représentations imagées, des diagrammes ou des scripts »39. L’enseignant s’assure que les

élèves utilisent les nouveaux mots rencontrés et font apparaître ce qui unit chacun des éléments de l’histoire. Ils ne doivent pas seulement lister les personnages mais qualifier les relations qu’ils entretiennent, ils ne doivent pas rappeler l’enchaînement des actions mais percevoir les liens de cause à effet pour expliquer le problème et sa résolution40

. Par ailleurs, l’enseignant doit faire apparaître que l’élaboration du sens est incrémentale : au fil de la lecture, les informations s’agglomèrent et se complètent. Pendant l’étude de textes longs, Goigoux et Cèbe préconisent également de faire utiliser les procédures enseignées lors des exercices détachés. On peut par exemple demander de retrouver les référents de tous les pronoms personnels sujet utilisés dans un extrait41

. La programmation des lectures longues doit enfin permettre aux élèves de découvrir une pluralité de genres et de types de textes, pour construire ces références culturelles essentielles à la compréhension.

1.2. L’évolution des programmes

La compréhension comme finalité de toute lecture est présente dans les programmes scolaires depuis de nombreuses années. L’évolution des programmes de 2016 se situe dans l’explicitation des stratégies de compréhension :

Les élèves sont conduits à identifier les buts qu'ils poursuivent et les processus à mettre en œuvre. Ces processus sont travaillés à de multiples occasions, mais toujours de manière explicite42

.

Répondre à des questions sur un texte n’est qu’une activité suggérée parmi tant d’autres. Les enseignants sont avant tout encouragés à faire découvrir « une démarche » La pratique de différentes formes de lecture et les méthodes de vérification de la compréhension figurent

38 GOIGOUX Roland, CEBE Sylvie, Lectorino & Lectorinette, Apprendre à comprendre des textes narratifs,

CE1-CE2, p14

39 idem, p16 40 idem p15 41 idem, p29

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également dans les attendus de fin de cycle en cohérence avec la littérature présentée plus haut.

1.3. Des besoins incompris, une différenciation mal orientée

En période 1 et 2, je propose des exercices détachés de compréhension en m’appuyant sur le manuel CLEO. Je construits par ailleurs des séquences de lecture littéraire en m’inspirant des exercices proposés dans le manuel Etincelles43

. En période 1, nous travaillons La Brouille de C.Boujon. Puis, nous nous penchons sur trois contes étiologiques issus de 20 Contes des

Pourquoi, de Régis Delpeuch et Michel Piquemal.

Le travail d’explicitation du texte est mené quasi-essentiellement à l’oral via des questions ou des débats. Le texte n’est pas étudié pas à pas avec les élèves. De grandes affiches très simples à décoder matérialisent le travail en cours. Les documents en annexes permettent par exemple d’identifier les différentes étapes d’un conte des origines (doc 4). Les exercices individuels sont très guidés et limitent la lecture comme la rédaction. La reconstitution de l’ordre du récit se fait par des étiquettes à découper et à coller. Un autre exercice sur La

Brouille consiste à recopier les paroles des personnages sans exiger de reformulation (doc 5).

L’objectif est de réduire au maximum la quantité de texte à lire : les modalités de travail en classe sont entièrement pensées en référence aux petits lecteurs.

Du point de vue des apprentissages, les limites de ce fonctionnement m’apparaissent rapidement.

Les séances proposées ne permettent pas de lever les incompréhensions. Après la lecture orale de Pourquoi les hérissons ont-ils des piquants ?, je demande aux élèves où se trouvent les animaux au début de l’histoire. Hormis quelques élèves très bons compreneurs que je ne souhaite pas interroger, une grande partie de la classe ne sait pas comment procéder pour retrouver l’information. Il s’agit pourtant d’une indication présente dans le texte qui ne nécessite pas d’inférences particulières. Ma réponse à leur silence ne me satisfait pas du tout : « eh bien, regardez dans votre texte ». La dernière étape de cette séquence consiste à écrire un court récit étiologique. Sur plusieurs textes, j’ai fait apparaître les trois phases de ce type de conte : il me semble que cette structure est alors bien intégrée. Le travail d’écriture est donc divisé en 3 temps. Ecrire d’abord la troisième partie du texte, conclusion dans laquelle on présente les caractéristiques actuelles de l’animal (ex : « et c’est ainsi que les abeilles ont

43 BOUTET Josianne, CHAUVET Denis, TERTRE Olivier, Etincelles CE1, Lire-Comprendre, Paris, Hatier,

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un dard… »). Puis, les élèves rédigent la première partie, dont une version très simple consiste à décrire l’opposé de la phase trois (ex : il y a fort longtemps, les abeilles n’avaient pas de dard…). Enfin, ils doivent imaginer l’action qui conduit l’animal à se transformer. Pour faciliter l’écriture, une série de formules introductives sont affichées au tableau (doc 6) Dès la première séance d’écriture, je sens que les élèves ne comprennent pas ce que j’attends d’eux et les pages restent blanches. Après avoir répondu à de nombreuses questions qui ne lèvent pas les incompréhensions, je me résous à donner un exemple de récit.

La lecture des ouvrages scientifiques me permet de mieux comprendre ces situations de classe. En période 1 et 2, je n’ai pas véritablement pris la mesure des difficultés de compréhension d’un texte pour un élève de 7 ans. Je n’anticipe donc pas d’outils pour les lever en m’appuyant sur l’écrit. Les réponses sont finalement données par les bons compreneurs sans que la justification soit partagée à la classe. Cela laisse sans ressources les élèves moins efficaces. Plutôt que des séances de compréhension, il s’agit avant tout de moments faisant appel à la mémoire et à la capacité de concentration des élèves lors des temps de lecture orale. La situation des faibles lecteurs prend le pas sur une véritable réflexion dédiée à la compréhension, différente du premier « compartiment du jeu ». Je confonds niveau de décodage et niveau de compréhension. Ouzoulias fait remarquer la différence fondamentale entre groupe de besoin et groupe de niveau44

. Des difficultés très précisément définies justifient la création d’un groupe de besoin. Son objectif est d’aboutir à la maîtrise de compétences circonscrites. Dans un groupe de niveau, les élèves sont intégrés en fonction de leurs résultats dans plusieurs domaines, selon une sorte de moyenne générale. En période 1 et 2, je créé inconsciemment un groupe de niveau composé des faibles lecteurs. Celui-ci me conduit à privilégier un seul type de différenciation quels que soient les objectifs travaillés : recourir à l’oral.

Ces difficultés didactiques se ressentent fortement dans la dynamique de groupe et l’ambiance de classe. Je suis surprise de la participation pertinente des petits décodeurs. A l’inverse, un groupe de lecteurs qui semble moyen reste apathique. Les élèves adoptent une attitude de retrait, attendant les réponses des très bons compreneurs. Les élèves les plus performants s’ennuient. En période 2, quelque uns sortent leurs livres personnels pendant les séances ou rêvassent longuement. Une remarque du RASED concernant un élève illustre bien cette situation : « Il faut le nourrir, lui donner davantage. Sinon, il va commencer à être très agité en classe ». Pour moi, les séances de lecture longue deviennent fatigantes. Le recours à

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l’oral étant ma priorité, aucun temps calme de travail individuel ne vient réduire le niveau sonore. Ces séances demandent beaucoup d’énergie, tant pour animer les échanges que pour limiter les bavardages. Enfin, j’ai le sentiment de ne pas véritablement mettre à profit la présence de la maître E. Comme les faibles lecteurs n’ont pas besoin de recourir au texte, sa présence ne leur est d’aucune aide.

A l’issue de la période 2, mes lectures en didactique me permettent de poser un diagnostic plus éclairé des niveaux des élèves, en déchiffrage comme en compréhension : Groupe 1/ Très bons lecteurs, très bons compreneurs : huit élèves. Leur lecture expressive même sans préparation témoigne d’une compréhension des textes quasi-immédiate. Ils savent rechercher des données précises dans un écrit de plusieurs pages. Ils adoptent une attitude distanciée vis à vis des textes, questionnant les choix narratifs des auteurs.

Groupe 2/ décodeurs moyens, compreneurs moyens : quatorze élèves. Ces derniers ont rarement recours au texte pour répondre aux questions de compréhension. Lorsqu’ils y sont encouragés, ils ont du mal à s’y repérer ou à identifier l’indice pertinent.

Groupe 3/ faibles décodeur, bons compreneurs : cinq élèves. Malgré une lecture très lente, quatre élèves sur les cinq déploient de véritables stratégies de compréhension, notamment la mise en mémoire d’informations au fil du texte et les inférences. Un élève témoigne également de difficultés de compréhension mais celles ci tiennent davantage à sa capacité de concentration.

Même si les compétences en déchiffrage et en compréhension se superposent largement dans ma classe, je distingue clairement les deux pans du travail de lecture et je sais les écueils dans lesquels je suis naturellement tombée durant les premières semaines.

Les enjeux des deux périodes suivantes sont donc :

- d’engager un véritable entrainement à la lecture fluide, pour les faibles et les moyens lecteurs

- d’approfondir les séances de compréhension pour délivrer des méthodes

- de continuer à faire progresser les élèves très performants en maintenant une cohésion de classe via des lectures communes.

La deuxième et la troisième partie présentent la modification des contenus et des modalités de travail entre janvier et mars et en analysent les résultats.

(23)

FAIRE PROGRESSER L’IDENTIFICATION

DU CONTENU DE SURFACE

1. Améliorer le décodage des petits lecteurs

1. 1. Adapter contenus et supports, augmenter les quantités

Je débute la période trois avec une liste d’objectifs précis pour les faibles décodeurs : - renforcer la maîtrise des correspondances grapho-phonologiques, notamment des sons les

plus complexes

- développer la reconnaissance orthographique des mots outils ou récurrents

- adapter les textes étudiés pour pleinement inclure les élèves dans les séances de lecture suivie

Pour les lectures longues, je systématise la transcription des documents : les mots sont divisés en syllabes, la police est beaucoup plus grande. Cela concerne les textes littéraires comme les exercices (doc 8). En période 4, je supprime l’alternance entre le rouge et le noir. Il faut en effet tendre vers des textes de plus en plus proches de leur forme classique pour ne pas rendre les élèves dépendants de ces adaptations et leur faire prendre conscience de leur progrès45. Comme le suggère Joole, je propose également à plusieurs occasions des résumés de chapitres46.

J’élabore par ailleurs des supports spécifiques. Je relève les mots récurrents et entraîne les élèves à décoder cette courte liste via des cartons flash (doc 9). Pour les fixer encore davantage dans leur mémoire, je passe aussi par l’écrit : les élèves doivent réécrire plusieurs fois sans erreurs les mots préalablement lus. Lors de la lecture des textes, ce travail se révèle très vite efficace : les mots étudiés sont oralisés le plus rapidement et sans hésitations. Pour automatiser l’identification des mots outils, je mets place un jeu inspiré du dooble (doc 10). Le jeu de 7 familles permet de travailler les syllabes complexe -ien, -ian, -an,… de manière ludique (doc 11). Il a en outre l’avantage d’établir les analogies orthographiques mentionnées en partie 1 : quand il sait lire « curieux », l’enfant s’aperçoit qu’il a aussi les moyens de décoder « furieux », « croque-monsieur », « délicieux », … Les élèves s’approprient très vite ces outils qu’ils me demandent pendant de courts moments d’autonomie.

45

OUZOULIAS André, Favoriser la réussite en lecture : les MACLE, p76

46

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Enfin, je renforce considérablement la quantité de lecture demandée à ces élèves. En période 1 et 2, les élèves découvraient les textes en classe : je m’efforce de transmettre les documents la veille et d’intégrer leur lecture aux devoirs du soir. Les programmes insistent bien sur la nécessité de ne pas se reposer sur le travail des parents pour la lecture. Laisser davantage de temps aux petits lecteurs de prendre connaissance des documents me semble néanmoins intéressant. Et, pour ceux qui peuvent en bénéficier, il est dommage de se priver de l’appui de la famille. Ce groupe de petits lecteurs est d’ailleurs assez hétérogène socialement et l’élève la plus en difficultés vient d’une famille relativement favorisée. Bien entendu, tous les textes sont travaillés en classe par la suite. Je choisis aussi volontairement de donner des exercices de lecture au groupe 3 pendant que leurs camarades travaillent la compréhension (doc 12). Dans cet exemple, l’enjeu pour les autres élèves est, certes de lire, mais surtout de comprendre pour être capable d’attribuer les paroles à l’un ou l’autre des personnages. Pour le groupe 3, les étiquettes de couleur livrent déjà cette information. Il faut cependant que les élèves lisent les répliques pour les remettre en ordre. Donner des objectifs précis à leur lecture est aussi un moyen de pousser les élèves à lire attentivement. C’est le sens de l’exercice du

doc.13. Les élèves doivent chercher un mot pour le recopier ensuite sans erreur. J’ai pensé à

cet exercice en observant l’élève C à qui je demandais de lire dans sa tête un paragraphe. En quelques instants, il déclarait avoir terminé : ce survol ne lui permettait aucunement d’améliorer son décodage. Enfin, je m’appuie sur la présence de dialogues dans les textes étudiés en période 3 et 4 pour recommencer à faire lire les élèves à haute voix devant toute la classe. Le narrateur est incarné par un bon lecteur tandis que les petits décodeurs ont la satisfaction de participer sans que la longueur des phrases les mette en difficulté.

1. 2. Multiplier les rendez-vous

Renforcer les occasions de réunir ce groupe de besoin est le second instrument de différenciation.

C’est en adaptant les séances de lecture longue que je crée une première possibilité de travailler le déchiffrage au sein de la classe. Auparavant, les élèves traversaient tous les mêmes étapes, au même moment. A partir de janvier, je pense ces temps en trois blocs indépendants. Selon les blocs, les exercices proposés diffèrent et sont déterminés en fonction des difficultés principales pour les 3 groupes mentionnés. Les deux fiches de préparation illustrent cette nouvelle organisation (doc 14). Concrètement, j’affiche au tableau à chaque séance la composition des groupes (qui reste stable). Les élèves du groupe 3 se déplacent toujours à une grande table à l’entrée de la classe. Je déplace parfois les deux autres groupes

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créant ainsi deux rangées homogènes. Cette disposition permet un travail oral entre élèves et avec l’enseignant sans déranger les autres. Elle facilite aussi une vue globale de la classe et donc sa gestion : lorsque des élèves de la rangée 2 sont en train de discuter alors que l’enseignant sait que ce groupe n’a que des tâches individuelles, il sait qui rappeler à l’ordre. En début de séance, j’essaie en général d’engager un ou deux groupes sur une tâche connue, ce qui me permet d’expliquer les consignes à un troisième. De fait, la régularité des formes d’entrainement m’a vite semblé essentielle pour construire l’autonomie des élèves. Chacun dispose également d’une fiche récapitulative résumant les différentes étapes de travail (doc

15). Cette organisation demande un gros travail de préparation. Au delà du contenu, elle

suppose de penser très précisément le déroulé de la séance. Les tâches des élèves doivent être calibrées pour durer toutes plus ou moins le même temps. Il faut créer trois supports au lieu d’un. L’explication des consignes se doit d’être très réfléchie puisqu’elle ne pourra être répétée à plusieurs reprises. Il faut enfin définir des temps de regroupement qui rythment les séances et créent une dynamique collective. Ceux-ci ne peuvent être complètement distincts des exercices préalablement réalisés. Il faut donc définir des entrainements adaptés à chacun mais qui fassent réfléchir tous les élèves dans une même direction. Pendant la séance, elle implique de distribuer les supports rapidement et sans se mélanger. Cela semble anecdotique mais l’efficacité de cette phase est essentielle pour garder les élèves prêts à travailler. Elle implique aussi d’être très vigilant sur le temps. Si les élèves se sentent trop longtemps « abandonnés », ils se détournent de la tâche ou « s’endorment » sur un exercice. C’est pourquoi j’utilise beaucoup les sabliers « géants ». Je garde toujours un œil sur ces objets et m’efforce de démarrer la mise en commun sitôt qu’ils sont écoulés. Avec un fonctionnement par groupe, il faut enfin avoir les yeux et les oreilles partout. Il est utile d’appuyer plus longuement un groupe confronté à des difficultés. Mais ce temps réservé ne doit pas entièrement accaparer l’enseignant. Celui-ci doit aussi être capable d’identifier les élèves peu concentrés. Je m’autorise à prononcer le nom d’un ou deux élèves même au cours d’une discussion avec un troisième : cela manifeste ma présence même si je ne suis pas physiquement face à eux. Cette nouvelle organisation des séances autorise ainsi des entrainement au décodage pour les faibles décodeurs sans les imposer aux très bons lecteurs.

Le groupe de besoin « décodage » se réunit également plus régulièrement grâce à la mise en place des Ateliers Pédagogiques Complémentaires à partir de janvier. Au delà du contenu, ce temps de travail privilégié me semble avoir deux intérêts spécifiques. Il permet d’identifier plus finement les besoins et les ressources des élèves. Ainsi, j’ai pu me rendre

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compte que l’élève C, dont la langue maternelle n’est pas le français, avait beaucoup de mal à distinguer les sons. Alors qu’il devait répéter « cagette », il oralisait « courgette » en s’appuyant sur un mot connu. « Latuile » devenait « Latoule ». Or la discrimination auditive est essentielle pour décoder et encoder. Ce constat me permet d’individualiser davantage mes exigences et de reprendre systématiquement sa prononciation en petit groupe. Saisir les blocages précis des élèves est très rassurant pour l’enseignant : plutôt que de se sentir submergé par l’ampleur des difficultés, il identifie précisément les points à travailler. De même, c’est au sein de ce petit groupe que l’élève F s’est senti suffisamment en confiance pour me dire qu’il allait chez l’orthophoniste en CP mais que sa mère avait décidé de cesser de l’accompagner « car c’était trop loin ». Par ailleurs, ces instants créent un lien particulier avec des élèves. Enseignants et élèves se connaissant mieux, ils facilitent la gestion du comportement en classe entière. En proposant des supports ludiques, ils dédramatisent les difficultés. Enfin, ils créent plus de motivation. En période 3, je faisais lire les chapitres de Minou Bonbon en APC avant de le livrer au reste de la classe. Les élèves étaient ravis de « savoir avant les autres ce qui allait se passer ». Il me semble important d’insister sur la plus-value de ces temps en dehors du groupe-classe. Au début de mes réflexions sur la différenciation, je m’interrogeais surtout sur les outils pour m’adapter à tous en les faisant travailler de concert. Bien entendu, c’est le cadre principal dans lequel se déroule la majorité du temps scolaire. Néanmoins, l’écoute fine que l’enseignant est en mesure de déployer en petit groupe est précieuse. Je prends ce constat comme un encouragement à organiser des décloisonnements, sur les temps des PVP ou en collaborant avec des collègues.

1.3. Collaborer

Dans son ouvrage, Ouzoulias encourage les établissements à maximiser les ressources humaines au profit des élèves en difficulté de lecture47. C’est un facteur essentiel de réussite des MACLE (Modules d’Approfondissement des Compétences en Lecture-Ecriture), qui se caractérisent par une remédiation intensive à destination des élèves les moins avancés, en très petits groupes, pendant une durée limitée. S’il n’est nullement question de mettre en place un MACLE, ce point m’a semblé tout à fait pertinent pour ma classe. C’est dans cette perspective que je décide de renforcer mes échanges avec la maître E à partir du mois de janvier. En période 3 et 4, l’enseignante poursuit ses séances en petit groupe et y intègre, à notre demande, les élèves du groupe 3 qui n’y participaient pas encore. Chaque vendredi, je

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lui transmets le texte étudié la semaine suivante en lui détaillant les points que nous travaillerons pendant les séances collectives. Sur cette base, nous discutons du travail mené dans sa classe : pendant la séquence consacrée au Mot Interdit, mes indications l’amènent par exemple à privilégier le décodage des dialogues. Cela est utile car les multiples manipulations d’un même corpus renforcent la mémorisation des termes. Je sollicite également la maître E pour mettre à jour mon analyse de la situation de chacun après 6 mois d’école. Son regard expérimenté me permet de me rendre compte des progrès de l’élève B : celui-ci a intégré tous les phonèmes et a désormais « seulement » besoin d’entrainement. Elle me confirmé que l’élève F, arrivé dans la classe en décembre, présente de réelles difficultés linguistiques et appuie ma demande de bilan orthophonique auprès du médecin scolaire. Enfin, elle me présente en détail la méthode des alphas que plusieurs élèves du groupe 3 ont déjà rencontrée. Cette méthode soutient la mémorisation des correspondances grapho-phonologiques en sollicitant l’intelligence visuelle et kinesthésique des élèves. Elle se base sur une série de personnages/lettres dont le caractère ou les activités viennent justifier les sons créés48. Je me base sur cette connaissance pour solliciter ponctuellement l’aide des élèves : quand l’un bute sur une syllabe, je peux demander à un autre de traduire la situation « en alphas ». Cette discussion m’aide aussi lors d’un rendez vous avec les parents de l’élève C. Tout en regrettant les difficultés de leur enfant et son agitation permanente, ceux-ci ne souhaitent pas qu’il commence un suivi chez un orthophoniste. Je suis parvenue à les convaincre en leur montrant concrètement les alphas que m’avait prêté ma collègue et en expliquant le fonctionnement de cette méthode. Si elle peut sembler théoriquement évidente, la collaboration avec le RASED ne va pas de soi dans le quotidien de l’école. Les réunions de synthèse où RASED, médecin, assistante sociale et psychologue échangent sur les situations individuelles ne sont pas accessibles aux enseignants. Il n’existe aucun temps spécifique pour discuter avec les maîtres spécialisés et il n’est pas évident de les rencontrer de manière informelle dans l’école puisqu’ils rayonnent sur plusieurs établissements à la fois. En période 1 et 2, nos échanges se limitaient à quelques mots au début et à la fin de leurs séances. Mes expériences en période 3 et 4 suggèrent qu’il est important de rechercher activement cette collaboration car elle bénéficie beaucoup aux élèves.

48 https://editionsrecrealire.com/la-methode/: « Monsieur O est un personnage tout rond qui adore faire des

bulles bien rondes en poussant des « oooh ! » admiratifs. (…) le « f » est une fusée dont le bruit du moteur fait « fff » (…) lorsque l’enfant entendra « fooo ! » parce que la fusée est tombée sur la tête de monsieur O, il comprendra que la parole est formée de «sons» distincts représentés par des formes graphiques déterminées »

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2. Renforcer la fluence des moyens lecteurs

1. 1. Relire

Concentrée sur l’amélioration des outils et dispositifs destinés aux petits lecteurs, je n’ai pas en période 3 développé de travail particulier pour améliorer la fluidité des moyens lecteurs. Si certains élèves classés dans cette catégorie ont progressé entre la fin de la période 2 et la fin de la période 3, l’écart avec le groupe 1 concernant la vitesse de lecture reste sensible. Les élèves de ce groupe ne butent pas sur chaque syllabe mais peinent à lire par groupes de mots et à anticiper l’identification du mot suivant. Cela se ressent aussi dans la réalisation des exercices de compréhension. Plusieurs élèves n’achèvent pas leurs entraînements en période 3 et mes observations ne permettent pas de retenir le manque de concentration pour expliquer le retard de ces derniers, toujours « sérieux ».

C’est principalement dans le cadre des séances de lecture longue que l’entrainement renforcé prend place à partir de la période 4. L’objectif est de multiplier les occasions de relire plusieurs fois un même texte afin d’automatiser la reconnaissance des mots. Comme pour les faibles lecteurs, la transmission des documents la veille est la garantie que la plupart des élèves lisent à minima deux fois chaque chapitre. Si les parents ne sont pas nécessairement en mesure de suivre la scolarité de leurs enfants, le suspense ménagé par Joseph Périgot et Nicolas de Hirsching motive tous les élèves à découvrir le soir la suite des histoires. L’organisation par groupes me permet de consacrer plus de temps à l’entrainement à la lecture orale : à l’étude du premier chapitre, alors que le groupe 1 et 3 sont au travail, je suis en mesure de faire lire plus longuement et corriger plus précisément les 14 élèves qui en ont besoin (doc 14). Je propose aussi en binôme un travail autour des mots récurrents des romans. Enfin, si les exercices de compréhension impliquent légèrement moins d’écrit que pour le groupe 1, je ne réduis jamais la quantité de lecture demandée au groupe 2. Comme l’on constate sur le doc 16, le groupe 1 doit écrire des phrases, le groupe 3 rechercher des mots. Le groupe 2 doit lire les 5 phrases à remettre en ordre. Enfin, lors des temps de mise en commun, je prends soin de ne plus interroger « au hasard » et de cibler les élèves de ce groupe pour lire les supports.

Ce travail reste cependant assez limité. La littérature livre des pistes intéressantes notamment sur la lecture par groupes de mots, la ponctuation ou la segmentation prosodique des textes. Je crois qu’un temps de recherche plus conséquent aurait été nécessaire pour mieux m’en approprier les outils. Peut être est-il également pertinent de travailler ces points en dehors de

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