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Un domaine plus assuré est celui de la souveraineté, puisque Zeus Basileus apparaît sur une pierre remployée ainsi que dans le catalogue de sanctuaires déjà rencontré566. Son culte est attesté aux époques classique et romaine567. La dédicace à Zeus et à Héraklès est réalisée par le prêtre de Zeus Basileus et d’Héraklès Kallinikos, Sôsthénès, fils de Prosthénès568.

La souveraineté est un trait caractéristique de la figure de Zeus569. Elle souligne la puissance majestueuse du dieu, sa souveraineté, mais n’implique pas pour autant une primauté au sein d’un panthéon local570. À Paros, Zeus Basileus est lié à Héraklès Kallinikos, puisque Sôsthénès se présente comme leur prêtre. Approfondir la figure d’Héraklès Kallinikos pourrait donc permettre d’appréhender celle du Zeus Basileus parien.

L’épiclèse Kallinikos, « à la belle victoire », est exclusive d’Héraklès et répandue dans le monde grec571. À Cos et à Érythrées, Zeus Basileus et Héraklès Kallinikos ont un culte, mais aucun lien n’est mentionné entre les deux572. Héraklès Kallinikos est également le destinataire d’un hymne du poète parien Archiloque573. Le fragment est conservé dans plusieurs scholies à Pindare, parmi lesquelles celle-ci574 :

566 IG XII 5, 234 : Σωσθένης Προσθένου ὁ ἱερεὺς τοῦ Διὸς τοῦ Βασιλέως καὶ Ἡρακλείους Καλλινίκου Διῒ καὶ

Ἡρακλ[εῖ] ; IG XII 5, 134, l. 3 (cf. p. 18) : Διὸς Βα[σιλέως]. BERRANGER-AUSERVE (1992), p. 211 attire l’attention sur une inscription parienne, non reprise dans le corpus des IG : Ζεῦ Βασιλεῦ ἵλαθι. Elle figure à côté d’un dessin représentant Pan et un griffon, reproduit par Cyriaque dans le manuscrit CLM 716, fol. 54b (I. 25).

567 Le catalogue est daté de la première moitié du IVe s. av. J.-C. et la dédicace du Ier s. av. J.-C. à l’aide de la

prosopographie. La continuité du culte entre ces deux attestations est incertaine.

568 Sôsthénès apparait au Ier s. av. J.-C. dans une contribution volontaire pour une distribution de blé (IG XII 5,

135) ainsi que dans la chronique de l’Archilocheion (IG XII 5, 445). Sur ce personnage parien et sa famille, cf. BERRANGER-AUSERVE (2000), p. 184 + stemma en IV. 3.

569 Dion Chrysostome, Discours XII, 75, précise que Zeus est appelé Basileus en raison de son autorité et de sa

puissance (Βασιλεὺς µὲν κατὰ τὴν ἀρχὴν καὶ δύναµιν ὠνοµασµένος). PARKER (2003), p. 180 décrit d’ailleurs

Basileus comme une épithète vague qui ne sélectionne pas une fonction précise de la divinité. Elle reste

néanmoins une épithète cultuelle dans le sens où elle identifie un profil cultuel particulier. Cette souveraineté, inhérente à Zeus, se retrouve également dans Aphrodisios. Zeus Aphrodisios intègre et renforce les prérogatives de la déesse, tout en les intégrant à son profil de souverain. Cf. p. 76.

570 Sur la question de la divinité tutélaire et les critiques à l’encontre de l’hypothèse de J.-C. Moretti, cf. p. 42-45. 571 Elle apparait notamment à Délos et à Thasos. La liste des témoignages épigraphiques a été rassemblée par

GRAF (1985), p. 174-175, n. 103, celle des attestations littéraires par ADLER (1919), col. 1649-1652. RUBENSOHN (1949), col. 1848 souligne qu’elle est absente de Grèce continentale.

572 Héraklès Kallinikos à Cos : IG XII 4, 305 (200-150 av. J.-C.) ; 320 (125-100 av. J.-C.) ; à Érythrées : LSAM

26 (IIe s. av. J.-C.). Zeus Basileus à Cos : IG XII 4, 400 (IVe s. av. J.-C.) ; à Érythrées : LSAM 25 (IIIe s. av. J.-C.).

573 Archil., fr. 298 (éd. LASSERRE

) : Ὦ καλλίνικε, χαῖρ’ ἄναξ Ἡράκλεες,⎜ τήνελλα καλλίνικε,⎜ αὐτός τε καὶ Ἰόλαος, αἰχµητὰ δύο,⎜ τήνελλα καλλίνικε,⎜ ὦ καλλίνικε, χαῖρ’ ἄναξ Ηράκλεες⎜ τήνελλα καλλίνικε. Bonnard, qui commente l’édition, estime qu’Archiloque s’adresse ici à l’Héraklès de Thasos, mais il est tout aussi probable que le poète remercie l’Héraklès Kallinikos de son île natale, voire Héraklès à Olympie, où a eu lieu la performance.

574 Scholie à Pind., Olympiques IX, 1f (éd. DRACHMANN) : Ὁ Ἀρχίλοχος πρὸ τούτων τῶν λυρικῶν γενόµενος,

θελήσας ὕµνον ἀναβαλέσθαι εἰς Ἡρακλέα ἐν τῇ Ὀλυµπίᾳ, ἀπορήσας κιθαρῳδοῦ διά τινος λέξεως µιµήσασθαι τὸν ῥυθµὸν καὶ τὸν ἦχον τῆς κιθάρας ἐπεχείρησε. Συντάξας οὖν τοῦτο τὸ τήνελλα οὕτω τὰ ἑξῆς ἀνεβάλλετο. Καὶ αὐτὸς µὲν τὸν ἦχον τῆς κιθάρας ὑποκρινόµενος ἔλεγεν ἐν µέσῳ τὸ τήνελλα καὶ ⟨ὁ χόρος⟩ τὰ ἐπίλοιπα, οἷον

Archiloque, qui vécut avant ces poètes lyriques, avait voulu élever un hymne à Héraklès à Olympie, mais ne disposant pas de citharède, il entreprit d’imiter le rythme et le son de la cithare avec une certaine expression. Il composa donc ce tenella et continua ainsi la suite. Et lui-même, en imitant le son de la cithare, disait au milieu le tenella et le chœur tout le reste, tel que « Kallinike, salut seigneur Héraklès », ainsi qu’autre chose comme « toi- même ainsi que Iolaos, tous deux armés de lance ». À l’avenir, ceux qui ne disposent pas de citharède se servent de ce komma, en le prononçant trois fois. S’est donc imposée, pour tout ce qui rapporte la victoire, l’habitude de chanter le komma au moment même de la victoire.

Selon la tradition, Archiloque aurait composé un hymne en l’honneur d’Héraklès, qualifié de Kallinikos, et la pratique se serait pérennisée. Cet hymne représente-t-il une attestation du culte d’Héraklès Kallinikos à Paros, dans quel cas celui-ci serait honoré à l’époque archaïque, six cents ans avant la mention de sa prêtrise ? Il est plus prudent de considérer le culte comme postérieur au chant d’Archiloque575. Le lien entre Archiloque et Héraklès Kallinikos demeure donc hypothétique et ne fournit aucune information assurée sur le culte576.

L’existence de la prêtrise de Zeus Basileus et d’Héraklès Kallinikos a amené Rubensohn à une autre hypothèse, cette fois liée au Délion577. Son hypothèse repose sur un fragment de Pindare. Il concerne la geste d’Héraklès, et plus précisément son arrivée à Paros dans le cadre de sa campagne contre Laomédon578 :

Ayant vu à l’avance la destinée [- - -] alors [- - -] Héraklès. [- - -] venus sur un navire de la mer [- - -] fuyant [- - -] en effet, supérieur à tous par la force, il dit (?) [- - -] m’a envoyé [- - -] l’âme des gens vaniteux, souvent en colère contre l’orgueil insensé du roi tueur d’étranger, et il obéit au fondateur de Délos et fit cesser les actes irrespectueux [- - -]. Toi en effet, Hekabolos, le cri des célèbres lyres au son aigu [- - -], souviens-toi que dans les creux de la divine Paros, il a fondé un autel à son tout-puissant et honoré père Cronide, après être passé de l’autre côté de l’isthme, quand il commençait pour Laomédon comme héraut du destin désigné.

« καλλίνικε χαῖρε ἄναξ Ἡράκλεις », καὶ εἴ τι ἕτερον, οἷον « αὐτός τε καὶ Ἰόλαος, αἰχµητὰ δύο ». Τὸ λοιπὸν οἱ ἀποροῦντες κιθαρῳδοῦ τούτῳ τῷ κόµµατι εχρῶντο, τρὶς αὐτὸ ἐπιφωνοῦντες. Κεκράτηκεν οὖν ἐπὶ πάντων νικηφόρων παρ’ αὐτὸν τὸν καιρὸν τῆς νίκης ἐπᾴδεσθαι τὸ κόµµα. L’ensemble des sources est rassemblé par ORNAGHI (2009), p. 5-9.

575 Le culte et le chant peuvent tout de même être liés : la cité d’Archiloque pourrait s’être emparée de la

renommée du poète et de ces vers perpétués aux jeux olympiques en instaurant un culte d’Héraklès Kallinikos.

576 L’épiclèse est attestée dans d’autres cités sans lien avec le poète. Bonnard précise en outre que l’attribution de

l’hymne à Archiloque est incertaine.

577 RUBENSOHN (1962), p. 39. Le Délion a été abordé au point précédent à propos de Zeus Kynthios.

578 Pind., fr. 140a, l. 49-68 (éd. MAEHLER), conservé sur le P. Oxy III, 408, col. II, l. 23-42 : τοὶ πρόϊδ[ο]ν αἶσαν

Α[- - -]ΖΟΙ τότ’ ἀµφε[.]ΟΥΤΑΤ[- - -] Ἡρακλέης· ἁλιαι [- - -] ναῒ µολόντας [.]Υ[..]Π[- - -]ΣΟΕΝ ΘΟ[..]ΟΙ φύγον ΟΝ[- - -] πάντων γὰρ ὑπ[έ]ρβιος ΑΝΑ[.]Σ ἔφα[- - -] ψυχὰν κενεῶ[ν] ἐµέ [..] ἔρυκεν [- - -] λαῶν ξενοδα[ΐ]κτα βασιλῆος ἀτασθαλίᾳ κοτέω[ν] θαµά, ἀρχαγέτᾳ τε [Δ]άλου πίθετο παῦσεν [τ’] ἔργ’ ἀναιδῆ· [- - -] γάρ σε λ[ι]γυσφαράγων κλυτᾶν ἀυτά, Ἑκαβόλε, φορµίγγων, µνάσθηθ’ ὅτι τοι ζαθέας Πάρου ἐν γυάλοις ἕσσατο ἄ[ν]ακτι βωµὸν πατρὶ τε Κρονίῳ τιµάεντι πέραν ἰσθµὸν διαβαίς, ὅτε Λαοµέδοντι πεπρωµένοι’ ἤρχετο µόροιο κάρυξ.

L’interprétation de ce passage fortement lacunaire est controversée579. Selon Pindare, Héraklès aurait fondé un autel à Zeus lors de son passage à Paros580. La mention d’Apollon et

de Délos a amené Rubensohn à la conclusion que l’autel en question était celui en pierre qu’il avait découvert au Délion581. L’interprétation de ce fragment comme relatant la fondation de

l’autel du Délion parien est partagée par tous, mais l’identification de Zeus Basileus et d’Héraklès Kallinikos est tout à fait discutable582. Aucune mention de ces deux épiclèses n’est faite chez Pindare, et la présence conjointe des deux divinités dans la dédicace de Sôsthénès est le seul point commun avec le Délion. Héraklès et Zeus devaient donc être honorés au Délion, mais rien ne permet d’affirmer qu’ils y portaient ces épiclèses583. La localisation du culte de Zeus Basileus demeure donc inconnue.

Contrairement au Zeus des sommets, l’existence d’un Zeus souverain ne fait aucun doute. Son sanctuaire figure aux côtés d’autres listés par la cité, et nous connaissons l’identité de l’un de ses prêtres, Sôsthénès. Ce dernier se présente également comme le prêtre d’Héraklès

Kallinikos, une épiclèse répandue qui avait peut-être une coloration particulière à Paros en

raison des vers d’Archiloque. Le lien avec le Délion étant hypothétique, la localisation de ce culte pratiqué au IVe et au Ier s. av. J.-C. est inconnue.