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À Paros, Asklépios bénéficiait d’un culte extra-urbain en compagnie de sa fille Hygie, personnification de la santé. Contrairement à Déméter et à Korè, ce couple de divinités n’est mentionné dans aucune source littéraire. L’analyse se fonde donc sur l’archéologie et l’épigraphie, du reste féconde275. L’une et l’autre fournissent des précisions sur le déroulement du rituel ainsi que sur le champ d’action du dieu guérisseur276.

Comme on l’a vu, le sanctuaire semble avoir été en activité à partir du IVe s. av. J.-C. Les

inscriptions de cette époque sont cependant difficiles à interpréter277. La documentation épigraphique ne s’accroît sensiblement qu’avec l’arrivée romaine au IIe s. av. J.-C., avant de

se diversifier tout particulièrement à l’époque impériale. Les dernières attestations du culte datent du IIIe s. ap. J.-C., pour lesquels on dispose d’un véritable corpus d’inscriptions278.

1. Le personnel du culte

Contrairement aux sacerdoces démétriaques pour lesquels la documentation est importante et singulière, aucun prêtre d’Asklépios n’est attesté. Deux agents au service du temple apparaissent de manière succincte dans les inscriptions : le néocore et le napoos. Le premier est partiellement restitué dans un règlement religieux du IIe s. av. J.-C., où il se charge

des amendes279. Le néocore est étymologiquement un concierge, un gardien du temple280. Son rôle varie néanmoins d’un sanctuaire à l’autre et est régulièrement plus important que celui d’un simple subalterne281. Il est ainsi une figure typique des sanctuaires d’Asklépios, dans lesquels il s’occupe de la gestion des incubations et des rites de guérison282.

275 L’Asklépieion fournit le plus grand nombre de témoignages épigraphiques (quarante-quatre inscriptions dont

un certain nombre ne sont que des fragments), devant les vingt-sept inscriptions relatives à Ilithyie. Cf. V. 7.

276 Les documents épigraphiques permettent d’appréhender la religion votive, mais l’aspect public du culte

demeure en grande partie inconnu. Cf. p. 63.

277 Plusieurs inscriptions du IVe s. av. J.-C. ont été conservées, mais il ne s’agit que de fragments ou de décrets

placés dans le sanctuaire. Cf. V. 7. Le nombre d’attestations du IIIe s. av. J.-C. est presque nul. MELFI (2002), p. 347 explique cette diminution soit par une lacune dans nos sources, soit par une décadence du culte, peut-être liée à l’émergence de l’Asklépieion voisin de Délos. La reprise au IIe s. av. J.-C. s’expliquerait par l’intérêt accru pour le dieu guérisseur après l’épidémie qui toucha les Cyclades à cette époque. Sur la répartition chronologique des inscriptions, cf. la ligne du temps en IV. 5.

278 Trente-deux des trente-sept dédicaces sont datées de l’époque impériale, dix-huit plus précisément du IIIe s.

ap. J.-C. Cette proportion est plus élevée que dans les autres Asklépieia. Cf. MELFI (2007), p. 516-518.

279 IG XII 5, 126, l. 7 (cf. lemme p. 52). Un ν⎜[εωκ]όρον est également attesté dans un autre règlement religieux

parien, IG XII 5, 108 (Ve s. av. J.-C.), mais le sanctuaire dont il est question est inconnu. Il doit dénoncer aux théores celui qui aura coupé des arbres du sanctuaire.

280 Le substantif est formé sur νεώς, « le temple », et κορέω, « nettoyer en balayant, en lavant ». Cf. Bailly, s.v.

« κορέω ».

281 L’opposition entre un « néocore primitif » de statut subalterne et un autre, plus tardif et plus important, est

invalidée par les sources littéraires et épigraphiques. Cf. GEORGOUDI (2005), p. 57.

Le napoos/neopoios, terme également formé sur le nom grec désignant le temple, n’est attesté à Paros que plusieurs siècles plus tard, dans deux dédicaces du IIIe s. ap. J.-C.283.

Chargé de la construction des temples, il s’occupe plus généralement de l’administration des finances et de l’intendance des bâtiments284. Trois napooi différents apparaissent dans ces

dédicaces en compagnie de lampadarques et d’archontes, mais la raison de leur présence est inconnue285. Les dédicaces se révèlent donc muettes sur les tâches que le napoos de l’Asklépieion devait accomplir. L’hypothèse de M. Melfi, selon laquelle le napoos aurait peut-être remplacé le néocore antérieur de quelques siècles, ne peut être ni confirmée ni infirmée286. Le rôle des deux agents demeure par conséquent obscur en raison du caractère polysémique de leur nom.

2. Le déroulement du rituel

Le déroulement du rituel et les célébrations qui avaient lieu au sanctuaire sont aussi en grande partie inconnus. Les sources ne donnent aucune information précise sur de potentielles fêtes en l’honneur du dieu, sur le financement du sanctuaire287 ou encore sur les sacrifices réalisés sur le grand autel de la cour centrale. Les infrastructures découvertes sur la terrasse correspondent néanmoins à celles des autres Asklépieia, dans lesquels se déroulait un rituel précis288. La pratique de l’incubation, généralisée dans les sanctuaires d’Asklépios289, fait partie de ces pratiques dont l’existence est probable, mais non attestée. Les infrastructures mises en place lors de la seconde phase concordent avec cette hypothèse, puisque l’une des deux ailes pouvait potentiellement remplir cette fonction d’abaton290. Selon M. Melfi, une inscription originaire de l’Asklépieion permet non seulement de confirmer l’incubation, mais aussi de préciser l’endroit où elle avait lieu291.

283 IG XII 5, 173 II ; 176 II.

284 GEORGOUDI (2005), p. 56.

285 RUBENSOHN (1949), col. 1838 les considère comme des officiels éponymes. Un neopoiès remplit ce même

rôle à Halicarnasse, dans le règlement de vente de prêtrise LSAM 73 au IIIe s. av. J.-C. Cf. GEORGOUDI (2005), p. 56. MELFI (2002), p. 350 le perçoit comme la contrepartie religieuse de l’archonte, qui est pourtant absent de la dédicace en question. Sur la présence de magistrats dans les dédicaces à Asklépios et Hygie, cf. p. 63.

286 MELFI (2002), p. 350.

287 Quelques sommes apparaissent dans l’inventaire IG XII 5, 123, mais l’inscription est fragmentaire. Cf. p. 54. 288 MELFI (2007), p. 526-527. JOST (1992), p. 231 indique que « le mode de consultation d’Asklépios ne semble

pas avoir été très différent d’un asklépieion à l’autre ».

289 BRUNEAU (1970), p. 372. NISSEN (2009), p. 229 indique que « l’incubation est ainsi devenue la méthode de

consultation par excellence de la divination médicale », mais souligne également qu’« elle présente diverses variantes selon les régions ou même selon les sanctuaires ».

290 Cf. p. 48. IG XII 5, 255, une pierre contenant pour unique mot Ἀβατον, a été retrouvée à Myrsiné, au sud de

Paroikia, mais sa provenance est inconnue. Elle pourrait être liée à un autre sanctuaire. Cf. p. 87.

Paros, Musée archéologique de Paroikia.

Pierre oblongue en marbre blanc, brisée à droite et en bas, découverte dans un mur sur la terrasse de l’Asklépieion par Rubensohn en 1899. Dim. 0,12 × 0,51 × 0,37 ; h.l. : 0,006 (ο)- 0,01.

Éd. IG XII 5, 126 [RUBENSOHN (1902), p. 223-224 ; LGS 108 ; LSCG 112].

Reprod. IG XII 5, 126 (I. 10) (fac.-sim.).

Trad. LE GUEN-POLLET (1991), 21 ; NGSL, p. 25, n. 108 (l. 6).

Bibl. DELAMARE (1903),p. 160, n. 2 ; ZINGERLE (1939), p. 153-154 ; MELFI (2002), p. 343,

348, 356 ; MELFI (2007), p. 444, 447, 454. [- - -] [- - -]οὺς ἐπιµέλ[ε]ιάν τινα ἐµφ[ανῆ] ΚΑΤ[- - - ἐν τῶι οἰκή]- [µατι τῶι] ζεφυρίωι µὴ κάειν πῦρ µηδ[ὲ π]ρὸς τ[- - -] [- - - ἄνθρ]ακας ὀψοποΐας ἕνεκεν, µηδ’ ἐν τῶι ρ[- - -] 5 [- - -]λ.ιευόντων, µηδὲ πῦρ καόντων, µηδ[ὲ - - - ὅ]- [πως µὴ τὸ ἱε]ρ[ὸ]ν κινδυνεύει, µηδὲ τὰ ἀναθήµατα βλ[άπτηται· ἐὰν δέ τις] [τῶν - - -]ΣΤΩΝ ποῆι παρ[ὰ τὰ γεγραµ]µένα, ὁ µὲν νεωκ[όρος ζηµιούτω αὐ]- [τὸν - - -]ΟΗΙΥΣ[- - -] [- - -]

[- - -|- - -] un soin mani[feste] conformément à [- - - dans le bâti|ment] ouest, de ne pas allumer de feu ni vers [- - -|- - -] du charbon pour la cuisine ni dans le [- - -|(5) - - -] ni de ceux qui allument un feu ni [- - -| afin que le sanctuaire ne] coure pas de risque et que les offrandes ne soient pas [endommagées ; si quelqu’un| parmi les - - -] agit contrairement [à ce qui est écrit], que le néoc[ore le frappe d’une amende |- - -| - - -].

2 [- - -]οὺς IG, LGS, LSCG ; [θε]ω.ροὺς Rubensohn, IG add. ⎜⎜ [- - - ἐν τῶι οἰκή⎜µατι τῶι] IG, LGS : [- - -⎜- - -] Rubensohn ; [- - - άµα πνεύ⎜µατι] Zingerle ; [ὰ τὰ κάλλιστα πρὸς τῶι⎜τοίχωι τῶι] LSCG ⎜⎜ 3 τ[- - -⎜- - - IG, Rubensohn, LGS : [- - - πυρ⎜πολεῖν LSCG ⎜⎜ 4 ρ[- - -] : ρ.[- - -] LGS ; [- - -] Rubensohn ; [ῥεύµατι - - -] IG ; π.[ρὸς - - -] LSCG ⎜⎜ 5 [- - -]λ.ιευόντων LGS, LSCG : [ἰχθύας ἁ]λιευόντων IG ; [- - - ἰπ]ν.ευόντων Rubensohn, IG add. ⎜⎜ 7 [τῶν - - -]ΣΤΩΝ : [τῶν ……]σ.των LSCG ; τῶν ἀρρώ]στων IG, Rubensohn ; τῶν ἰδι]ω.τῶν LGS ⎜⎜ 8 [τὸν - - -]ΟΗΙΥΣ[- - -] : τὸν δραχµαῖς - - -]ο.ηιυς[- - -] LGS ; [τὸν δραχµαῖς -. - - - π]οῆι(?) ὕσ[τερον - IG ; [- - - ]ηι ὕσ[τερον Rubensohn ; [αὐτον - - - LSCG ⎜⎜.

Il s’agit d’un règlement religieux du IIe s. av. J.-C. interdisant d’allumer du feu afin que le

sanctuaire et les offrandes demeurent intacts. Il fixe également les amendes que le néocore doit percevoir de la part des contrevenants. Le début de la pierre contenait deux lieux

introduits par une préposition, mais ces derniers ont disparu dans la lacune292. La seule indication restante est l’adjectif ζεφυρίωι, du Zéphyr, c’est-à-dire de l’ouest293. Le règlement

prescrirait ainsi, selon M. Melfi qui suit la restitution d’Hiller, un soin particulier de la part du néocore à l’égard de l’aile occidentale. Elle précise ensuite que le néocore s’occupe généralement de la gestion des incubations et des rites de guérison et que, par conséquent, le soin particulier pourrait concerner plus précisément l’endroit où avait lieu l’incubation294. L’hypothèse est audacieuse au vu du caractère lacunaire de l’inscription. Dans l’état actuel des sources, il est donc préférable de considérer l’incubation à Paros comme une pratique probable, mais non attestée.

L’utilisation de l’eau est en revanche un aspect indiscutable et même essentiel du culte parien. Situé non loin de la mer et à proximité d’une source, l’Asklépieion dispose d’un bassin et d’infrastructures liées à l’eau dès la première phase de construction au IVe s. av.

J.-C.295. La monumentalisation qui survient à la fin de ce même siècle confirme l’importance de l’eau, avec un second bassin situé en position centrale296. Cette deuxième phase aboutit à un véritable « parcours de l’eau »297 qui commençait à l’est, avec des purifications vraisemblablement effectuées près de l’ancien bassin. Le fidèle se dirigeait ensuite vers le bassin central où avaient lieu des ablutions, des bains ou d’autres pratiques en relation avec l’eau. Il accédait à la cour centrale où avaient lieu les sacrifices avant de rejoindre l’abaton, peut-être situé dans l’une des deux ailes. La dernière étape de ce parcours aurait emmené le dédicant sur la terrasse supérieure, afin d’y remercier Asklépios et Hygie298. Cette reconstitution du rituel, fondée presque exclusivement sur des données archéologiques, demeure hypothétique. La seule certitude concernant le rituel est le caractère primordial de l’eau, omniprésente dans le sanctuaire. Si le déroulement demeure en grande partie inconnu, l’identité des fidèles ainsi que leurs attentes peuvent être appréhendées par le biais des nombreuses dédicaces conservées. Ces offrandes sont porteuses d’informations importantes sur les prérogatives d’Asklépios et d’Hygie.

292 RUBENSOHN (1902), p. 223.

293 Hiller, dans l’édition des IG, l’interprète comme un « bâtiment ouest », de même que Ziehen, LGS 108, et

Sokolowski, LSCG 112. RUBENSOHN (1902), p. 223 estime que le sens n’est pas clair et ZINGERLE (1939), p. 153 interprète ζεφυρίωι dans son sens premier de « vent Zéphyr », en comparaison d’Homère, Iliade XIX, 415.

294MELFI (2002), p. 342-343. Ziehen, LGS 108, rapproche également ce passage de l’incubation.

295 Cf. p. 48. La présence d’une source est assez fréquente dans les sanctuaires d’Asklépios. Cf. COLE (1988),

p. 163.

296 La présence simultanée de deux bassins est singulière, la majorité des Asklépieia étant dotés d’un seul.

Cf. MELFI (2002), p. 343.

297 MELFI (2002), p. 341. 298 MELFI (2002), p. 343.