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C. Les dédicaces à Asklépios et à Hygie

4. Les dédicaces pour des garçons

Les dédicaces analysées jusqu’à présent montraient une relation bilatérale entre un dédicant et une divinité. Avec cette catégorie apparaît un bénéficiaire distinct du dédicant et introduit par la préposition ὑπέρ. Ces inscriptions, attestées depuis le IIe s. av. J.-C. jusqu’au IIIe s. ap. J.-C., ont pour support des tabulae ansatae, hormis les pierres de Cyriaque

d’Ancône dont l’identification comme bases est incertaine322. Asklépios est toujours accompagné de sa fille Hygie, à l’exception d’une inscription dans laquelle il est qualifié d’Hypateos323.

Les dédicants sont majoritairement des couples mais certains hommes, et même peut-être une femme, apparaissent seuls324. Une inscription publiée en 2013 témoigne de la diversité

320 Cf. VAN STRATEN (1981), p. 109 pour la liste des parties du corps retrouvées dans l’Asklépieion sur les

pentes de l’Acropole athénienne. Hormis à Épidaure où les deux dédicaces conservées comportent uniquement des oreilles, les reliefs anatomiques dans les sanctuaires d’Asklépios représentent des membres différents. Cf. FORSÉN (1996), p. 31, 77, 83, 93, 95, 102 pour la liste des documents dans chaque Asklépieion.

321 VAN STRATEN (1981), p. 150.

322 Cf. p. 54. Bases connues par des copies de Cyriaque : IG XII 5, 160 ; 163 ; 165-167 ; 171-172. Tabulae ansatae : IG XII 5, 161 ; 164 ; 168 ; 170 ; 173 ; 176 ; PAPADOPOULOS (2013), p. 22. Le support de deux autres dédicaces pour des garçons est également incertain : IG XII 5, 162 ; 1021.

323

IG XII 5, 162 : [Δ]ηµή[τρ]ιος Λατ[ί]⎜µο⟨υ⟩ ὑπὲρ τοῦ πε[δ⎜ί]ου Δηµυνᾶ Ἀσκλη⎜[π]ιῷ Ὑπατέῳ⎜ [εὐ]χήν.

Hypateos correspond à Hypataios. Cf. OLYMPIOS (1876), p. 34-35. Asklépios Hypa[taios] reçoit également une dédicace anatomique comme action de grâces (εὐχα[ριστήρ]ιον) de la part d’un homme en compagnie d’Hygie (IG XII 5, 156, Ier s. av. J.-C.-Ier s. ap. J.-C.). Cf. le texte note 318. L’épiclèse est attestée pour Apollon à Épidaure (IG IV2, 451, IIIe s. ap. J.-C.) ainsi qu’à Théra pour les θεῶν µεγάλων ἐπηκόων Ἀσκληπιῶν Ὑπαταίων

(IG XII 3, 1330, IIe s. ap. J.-C.). JESSEN (1914a), col. 241 pense qu’il s’agit d’un développement de l’épiclèse

Hypatos, mais RUBENSOHN (1902), p. 237 rapproche l’épiclèse Hypataios d’Hypata en Thessalie, estimant qu’Apollon et Asklépios y disposaient d’un lieu de culte célèbre.

324 Douze couples dédicants : IG XII 5, 160-161 ; 164-168 ; 170 ; 171 I ; 172 ; 176 I ; 1021. La formulation est

différente dans IG XII 5, 173 V (I. 15) où une femme offre la chevelure de son/ses fils µετὰ τοῦ πατρὸς. Quatre hommes seuls : IG XII 5, 162-163 ; 171 II ; 173 IV. Le sexe du dédicant dans IG XII 5, 173 III est incertain, cf. note 340.

que devaient comporter les dédicaces325. Découverte à Antiparos, elle comprend une dédicace pour un garçon à Asklépios et à Hygie de la part de trois individus. Si le sexe des deux premiers est incontestablement masculin, celui de Kallipolis pose question326. La relation

entre les protagonistes est par conséquent incertaine : Kallipolis est-elle la mère du fils Diomédès, accompagnée de son mari et du grand-père de l’enfant327 ? Mnaséas est-il un autre fils du couple ou le frère de l’un des conjoints328 ? Cette inscription démontre que, malgré l’homogénéité des dédicaces, Asklépios et Hygie étaient invoqués dans différentes situations. Il en est de même des bénéficiaires. Même si ces derniers sont presque tous décrits comme des fils, quelques dédicaces témoignent d’un schéma familial plus difficile à appréhender329. L’identité du bénéficiaire est incertaine dans deux cas où ce dernier est décrit comme παιδίον/πεδίον330. Comme παιδίον désigne un enfant, garçon ou fille, ou encore un jeune esclave, le rapport qu’il entretient avec le dédicant est moins clair que dans le cas de υἱός331. Dans trois autres cas, la présence du patronyme de l’enfant permet d’affirmer que le dédicant n’est pas le père, du moins biologique. La première est un bel exemple de solidarité familiale : le couple y remercie Asklépios et Hygie pour un τρόφιµος qui est de toute évidence de leur famille332. Le nourrisson est peut-être le frère de la dédicante mais d’autres possibilités existent. Il pourrait s’agir d’une adoption au sein de la famille, ou simplement d’un couple chargé de l’éducation du frère de l’épouse333. Cette dédicace dévoile les préoccupations habituelles d’une famille parienne, dans laquelle un couple manifeste sa tendresse et son inquiétude pour la santé d’un enfant qui n’est pas à proprement parler le sien. Enfin, deux autres inscriptions fournissent des exemples de dédicaces pour un enfant

325 PAPADOPOULOS

(2013), p. 22-23 (I. 12) : Διοµήδης Διοµήδους καὶ Μν⎜ασέας καὶ Καλλίπολις ὑπὲρ⎜ τοῦ υἱοῦ Διοµήδους Ἀσκληπι⎜ῶι καὶ Ὑγιείαι.

326 Un Diomédès occupant la fonction de zakoros est déjà connu à Paros dans une dédicace aux theoi (SEG 26,

982). Le nom Mnaséas est assez courant, y compris à Paros. Cf. BERRANGER-AUSERVE (2000), p. 59. Un homme nommé Kallipolis apparaît à Théra et en Crète, mais ce nom est employé pour une femme à Naxos, une île voisine de Paros. Cf. LGPN I, s.v. « Kallipolis ».

327 BÉ 2014, 378.

328 PAPADOPOULOS (2013), p. 23.

329 Quinze des dix-neuf dédicaces concernent un ou plusieurs υ(ἱ)οί : IG XII 5, 160 ; 163-168 ; 170 (υἱῶν) ; 171

I ; 172 ; 173 IV-V ; 176 I (υ[ἱ]ῶν) ; 1021 (υἱῶν) ; PAPADOPOULOS (2013), p. 22. Les quatre autres utilisent un autre substantif : IG XII 5, 161 (τροφίµου) ; 162 (πε[δί]ου) ; 171 II (θρεπτοῦ) ; 173 III (παιδίου). MELFI (2002), p. 349, 357 n’opère aucune distinction entre ces dédicaces pour des fils, mais le caractère interchangeable de ces termes est douteux.

330 IG XII 5, 162 ; 173 III. Sur l’emploi du ε à la place du αι dans la seconde, cf. note 323. Dans la seconde, le

sexe du dédicant et du bénéficiaire, qui portent peut-être le même nom, est incertain. Cf. note 340.

331 LSJ, s.v. « παιδίον ». LEITAO (2007), p. 273, n. 20 estime que ce sont probablement des garçons, par analogie

avec les autres dédicaces.

332 IG XII 5, 161 : Ἀνδρόµαχος Φιλολόγου κα(ὶ) Ἀρέτη⎜ Διοπ[ε]ίθου ὑπὲρ τοῦ τροφίµου⎜ Διοπείθου τοῦ

Διοπείθους Ἀσ⎜σκληπιῷ καὶ Ὑγήᾳ εὐχαριστήριον.⎜ Πρότειµος κα(ὶ) Καλλικρα⎜[- - -].

333 BERRANGER-AUSERVE (2000), p. 180. Selon BIELMAN SÁNCHEZ (2004), p. 200, n. 27, ce Diopeithès, fils de

probablement adopté. L’enfant est décrit dans le premier cas comme υἱός, dans le second comme θρεπτός334.

Ces inscriptions fournissent des informations cruciales sur les préoccupations des Pariens qui s’adressaient à Asklépios et à Hygie. Même si la proportion de dédicaces relatives à de jeunes garçons est importante, peut-on néanmoins les définir comme des divinités presque exclusivement courotrophes, dont la fonction première est d’accompagner l’enfant jusque l’âge adulte335 ? Avant de répondre à cette question, quatre dédicaces pour des fils, distinctes par la nature de l’offrande, doivent encore être examinées.