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CHAPITRE 4. RÉPONSE ÉMOTIONNELLE AUTONOME

4.3 E XPÉRIENCE RED 2

Le but de cette expérience est de clarifier les résultats de l’expérience précédente, et l’influence de la personnalité sur les réponses émotionnelles autonomes telles que mesurées par la réponse électrodermale. Dans la mesure où la réactivité aux images déplaisantes (présentant un éveil émotionnel élevé) mais pas aux images plaisantes (présentant un éveil émotionnel modéré) était modulée par la personnalité lors de cette expérience, il serait utile de répliquer le protocole en utilisant des images émotionnelles présentant des caractéristiques différentes des images utilisées lors de l’expérience RED images 1, en particulier des images plaisantes présentant un éveil émotionnel élevé, et au contraire, des images déplaisantes présentant un éveil émotionnel modéré, afin de mieux caractériser et comprendre la relation entre personnalité et réactivité émotionnelle somatique en fonction des caractéristiques de valence et activation des stimulations présentées.

4.3.1 Méthode

Sujets. 54 sujets sains âgés de 18 à 33 ans (moyenne=23.3, SD=3.77) ont participé à l’expérience (32 hommes et 22 femmes). Tous les sujets étaient naïfs vis-à-vis des buts de l’expérience ainsi que des images faisant partie du protocole expérimental. Leur vision était normale ou corrigée. L’utilisation de substance psychotrope était interdite pendant la semaine précédant l’expérience. Le protocole expérimental a été approuvé par le comité d’éthique de la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université de Liège et les sujets ont signé un formulaire de consentement éclairé avant le début de l’expérience.

Les sujets ont rempli la version française du TCI-R (Cloninger 1999 ; Hansenne et al., 2005 ; Pélissolo et al., 2005) traduite par Pélissolo, Notides, Musa, Téhérani & Lépine. L’éveil était évalué par une échelle visuelle analogique de 10 cm avec aux extrémités « Somnolent » et « Eveillé ». Enfin, les sujets ont rempli une

3 Soumis sous le titre « Personality modulation of autonomic response to emotional material ».

version française de l’échelle d’humeur Positive Affect and Negative Affect Schedule (PANAS, Watson et al., 1988, Gaudreau, 2000 pour la version française) : dix adjectifs positifs et dix négatifs sont présentés, pour lesquels le sujet doit juger dans quelle mesure ils correspondent à son humeur actuelle (« en ce moment, je me sens … ») sur une échelle de type Likert en 5 points (de 1=très peu ou pas du tout à 5=énormément).

Matériel émotionnel. Les stimulations visuelles étaient des images à contenu émotionnel, choisies dans l’International Affective Picture System (IAPS, Lang et al., 1999). Trente images furent sélectionnées : dix images neutres (des objets domestiques), dix images positives (images érotiques, scènes heureuses), et dix images négatives (situations effrayantes). Chaque image a été jugée par les sujets sur des échelles de type Likert en neuf points de plaisir (1=image très déplaisante, 9=image très plaisante) et d’éveil émotionnel (1=pas de réaction émotionnelle, 9=réaction émotionnelle intense). Les images étaient présentées sur un écran d’ordinateur (17’’, 85Hz) situé à 50 cm du sujet.

Procédure. À leur arrivée au laboratoire, les sujets complétaient le formulaire de consentement éclairé, les échelles d’éveil et d’humeur et le TCI-R, et les électrodes étaient placées. Après une période d’accommodation de 20 minutes, l’enregistrement commençait. Le protocole expérimental consistait en l’enregistrement des réponses électrodermales suite à la présentation des images décrites plus haut. Les images étaient présentées dans un ordre pseudo-aléatoire, de sorte que deux images de la même catégorie ne pouvaient pas être présentées l’une à la suite de l’autre. Chaque image était présentée 5 secondes, avec une période de 10 secondes entre chaque image (écran noir avec une croix blanche en son centre). Les sujets avaient pour consigne de regarder l’image pendant toute la durée de sa présentation puis, lorsqu’elle disparaissait, d’évaluer cette image sur les échelles de plaisir et d’éveil décrites plus haut, avant de fixer de nouveau l’écran (la croix) en attendant l’image suivante. La session durait 8 minutes et 45 secondes.

Pour ne pas perturber l’enregistrement, les sujets avaient pour consigne d’éviter autant que possible toute modification de l’activité respiratoire (respiration profonde, bâillement, parole, ...) et tout mouvement. Les sujets étaient débriefés dès la fin de l’expérience.

Enregistrement et analyse des réponses électrodermales. Les réponses électrodermales ont été enregistrées alors que les sujets étaient confortablement installés dans une pièce calme, dont la température ambiante était de 23°C, par un appareillage SC5 (Psylab) (courant continu, voltage constant de 0.5V, mesure de la conductance cutanée en µS). Après que le sujet se soit lavé les mains à l’eau tiède et au savon, des électrodes Ag-AgCl étaient remplies de pâte de contact à 0.05%

NaCl, et placées sur la dernière phalange des troisième et quatrième doigts de la main non-dominante.

Les réponses électrodermales ont été analysées individuellement pendant une fenêtre de dix secondes à partir de la présentation de l’image. La réponse à l’image était définie comme la première onde détectée dans une fenêtre de 1 à 4 secondes après le début de la présentation de l’image, et dont l’amplitude au pic atteignait au moins 0.04µS. Les paramètres des réponses électrodermales pris en compte lors des analyses statistiques étaient l’amplitude moyenne, la fréquence des réponses et le temps de récupération (half-recovery time).

Analyses statistiques. Des corrélations de Spearman (correction de Bonferroni) ont été menées entre les scores d’éveil et d’humeur d’une part et les paramètres de la réponse électrodermale d’autre part, afin de contrôler leur éventuelle influence sur les résultats principaux.

Les données relatives aux réponses électrodermales ont été analysées au moyen d’ANOVAs à mesures répétées (3 Catégories d’images), pour les fréquences des réponses, amplitudes des réponses et les temps de récupération. Afin de normaliser les données, une transformation logarithmique fut appliquée aux amplitudes et temps de récupération.

Pour analyser les relations entre personnalité et réponses émotionnelles, deux groupes ont été créés pour chaque dimension de la personnalité mesurée par le TCI-R : un groupe présentant un score élevé et un groupe présentant un score bas à la dimension (sujets situés au-delà et en-deçà de la médiane, respectivement). Les données ont ensuite été soumises à des ANOVAS doubles (3 Catégories d’images X 2 Groupes de personnalité), avec la catégorie d’images comme facteur en mesures répétées, sur les fréquences, amplitudes et temps de

récupération des réponses. Autant d’ANOVAs ont été menées que de dimensions sont mesurées par le TCI-R (sept). Pour toutes les analyses de variance, la correction de Greenhouse-Geisser pour manque de sphéricité a été appliquée à tous les effets incluant une mesure répétée comme facteur. Des tests t de Student ont été utilisés pour les comparaisons pairées.

4.3.2 Résultats

Le plaisir moyen évalué par les sujets pour les images neutres, plaisantes et déplaisantes était de 4.5, 6.5 et 2.5 respectivement, et l’éveil émotionnel était de 3.3, 5.9 et 6.2 respectivement. Aucune corrélation entre les scores aux échelles d’éveil et d’humeur et les paramètres des réponses électrodermales n’atteint le seuil de significativité.

L’ANOVA simple menée avec les fréquences des réponses révèle un effet principal de la catégorie d’images (F(2,106)=26.81, p<0.001), avec des différences significatives entre toutes les catégories d’images (neutres-plaisantes: t(53)=6.99, p<0.001; neutres-déplaisantes: t(53)=6.16, p<0.001; plaisantes-déplaisantes:

t(53)=3.17, p=0.003) (figure 4.5.a). L’ANOVA simple menée avec les amplitudes des réponses révèle un effet principal de la catégorie d’images (F(2,104)=15.46, p<0.001), avec des différences significatives entre les images plaisantes et neutres (t(52)=5.06, p<0.001) et plaisantes et déplaisantes (t(52)=3.93, p<0.001), mais pas entre les images neutres et déplaisantes (t(52)=1.73, p=0.09) (figure 4.5.b). L’ANOVA simple menée avec les temps de récupération des réponses révèle un effet principal de la catégorie d’images (F(2,100)=4.46, p=0.02), avec des différences significatives entre les images plaisantes et neutres (t(50)=2.65, p=0.01) et plaisantes et déplaisantes (t(50)=2.22, p=0.03), mais pas entre les images neutres et déplaisantes (t(50)=0.95, p=0.35) (figure 4.5.c).

a.

Figure 4.5. Fréquence (a), amplitude (b) et temps de récupération (c) moyens pour les images neutres, plaisantes et déplaisantes. * et § indiquent une différence significative au seuil de 0.05 par rapport aux

images neutres et déplaisantes, respectivement.

Les ANOVAs doubles menées avec la fréquence, l’amplitude des réponses et les temps de récupération n’ont révélé aucun effet significatif principal ni d’interaction incluant la personnalité. Ainsi, après correction de Greenhouse-Geisser, l’interaction évitement du danger x catégorie d’images n’était pas significative (F(2,98)= 0.82, p=0.44), mais comme nous avions des attentes spécifiques formulées au sujet de cette dimension particulière, les groupes ont cependant été comparés en regard des temps de récupération enregistrés suite à la présentation des différentes catégories d’images, et les sujets présentant un score bas à cette dimension ont montré des temps de récupération plus longs suite à la présentation des images plaisantes par rapport aux images neutres (t(49)=2.67, p=0.01), alors que cette différence n’était pas significative chez les sujets présentant un score élevé à cette dimension (t(49)=1.10, p=0.28) (figure 4.6).

*

§

*

§

*

§

*

4 4.5 5 5.5

HA- HA+

Temps de récupération (sec)

Neutres Positives Négatives

Figure 4.6. Temps de récupération moyen pour les images neutres, plaisantes et déplaisantes, chez les sujets caractérisés par un score

bas et élevé et évitement du danger. * indique une différence significative au seuil de 0.05 par rapport aux images neutres dans le

même groupe.

*