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UNE APPROCHE PSYCHOPHYSIOLOGIQUE : L A PERSONNALITÉ COMME MODULATEUR DE LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE

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(1)

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

L A PERSONNALITÉ COMME MODULATEUR DE LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE :

UNE APPROCHE PSYCHOPHYSIOLOGIQUE

Solange Mardaga

Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences Psychologiques

2008 - 2009

(2)
(3)

Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Education

L A PERSONNALITÉ COMME MODULATEUR DE LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE :

UNE APPROCHE PSYCHOPHYSIOLOGIQUE

Solange Mardaga

Thèse présentée en vue de l’obtention du titre de Docteur en Sciences Psychologiques

2008 - 2009

(4)
(5)

Je veux commencer par remercier toutes les personnes qui m’ont aidée dans les travaux expérimentaux et la rédaction de cette thèse.

Michel Hansenne pour m’avoir initiée aux méthodes psychophysiologiques et pour m’avoir guidée dans les multiples aspects du présent travail, ainsi que MM. Majerus et Tirelli pour avoir l’accompagné de leur intérêt et de leurs conseils.

MM. Campanella et Sequeira, pour avoir accepté d’en être les lecteurs, et pour le temps et l’attention qu’ils lui consacrent.

Les étudiants, stagiaires et mémorants ainsi que mes collègues, pour leur aide inestimable dans le travail expérimental mais aussi pour leurs idées parfois éclairantes.

Les participants aux expériences, pour leur temps et leur bonne volonté sans laquelle nous ne pourrions rien.

Mes proches, pour m’avoir tour à tour encouragée,

écouté parler de mes résultats, mais aussi changé les

idées, pendant ces années.

(6)
(7)

T ABLE DES MATIÈRES

AVANT-PROPOS ... 1

CHAPITRE 1. LA RÉPONSE ÉMOTIONNELLE ... 3

1.1 P

ROCESSUS ÉMOTIONNELS

:

APERÇU GÉNÉRAL

... 3

1.2 É

MOTIONS ET MOTIVATIONS

:

ASPECTS ADAPTATIFS

... 9

1.2.1 S

YSTÈMES APPÉTITIF ET DÉFENSIF

... 10

1.2.2 S

TIMULI APPÉTITIFS ET AVERSIFS

... 14

1.2.3 R

EMARQUE

:

APPROCHES DIMENSIONNELLE ET CATÉGORIELLE DES ÉMOTIONS

... 15

1.3 L

A RÉPONSE ÉMOTIONNELLE

... 18

CHAPITRE 2. L’INFLUENCE DE LA PERSONNALITÉ SUR LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE ... 21

2.1 A

RGUMENTS THÉORIQUES

... 21

2.1.1 L

ES MODÈLES DE PERSONNALITÉ D

’E

YSENCK ET DE

G

RAY

... 21

2.1.2 L

A PERSONNALITÉ ET LES MÉCANISMES DE RÉCOMPENSE

... 24

2.1.3 L

A PERSONNALITÉ ET LES MÉCANISMES DE PUNITION

... 30

2.1.4 A

RGUMENTS ISSUS DE LA PATHOLOGIE

... 35

(8)

2.1.5 R

ELATIONS ENTRE SYSTÈMES DE RÉCOMPENSE ET DE PUNITION

... 40

2.1.6 L’

HYPOTHÈSE DE LATÉRALITÉ

... 42

2.1.7 C

ONCLUSION

... 43

2.2 A

RGUMENTS EMPIRIQUES

... 44

CHAPITRE 3. OBJECTIFS DE CE TRAVAIL ... 53

3.1 A

SPECTS DE LA RÉPONSE ÉMOTIONNELLE IMPLIQUÉS DANS LA RELATION PERSONNALITÉ

-

ÉMOTION

... 53

3.2 L

E MODÈLE BIOSOCIAL DE LA PERSONNALITÉ DE

C

LONINGER

... 53

3.3 P

LAN DES TRAVAUX

,

OBJECTIFS ET HYPOTHÈSES

... 62

CHAPITRE 4. RÉPONSE ÉMOTIONNELLE AUTONOME ... 65

4.1 L

A RÉPONSE ÉLECTRODERMALE

(RED) ... 65

4.1.1 G

ÉNÉRALITÉS

... 65

4.1.2 RED

ET RÉPONSE ÉMOTIONNELLE

... 68

4.1.3 L

A

RED

ET L

ÉTUDE DES RELATIONS PERSONNALITÉ

-

ÉMOTIONS

... 69

4.2 E

XPÉRIENCE

RED 1 ... 71

4.2.1 M

ÉTHODE

... 72

4.2.2 R

ÉSULTATS

... 74

4.3 E

XPÉRIENCE

RED 2 ... 78

4.3.1 M

ÉTHODE

... 78

4.3.2 R

ÉSULTATS

... 81

4.4 D

ISCUSSION DES RÉSULTATS

RED ... 84

4.4.1 E

XPÉRIENCES

RED 1

ET

2 ... 84

(9)

4.4.2 I

NFLUENCE DES CARACTÉRISTIQUES DU MATÉRIEL ÉMOTIONNEL

... 89

4.4.3 T

EMPS DE RÉCUPÉRATION ET PERSONNALITÉ

... 90

4.4.4 L

A PERSONNALITÉ ET LES RÉPONSES ÉMOTIONNELLES AUTONOMES

... 92

4.4.5 C

ONCLUSION

... 93

CHAPITRE 5. TRAITEMENT COGNITIF DE L’INFORMATION ÉMOTIONNELLE .... 95

5.1 L

ES POTENTIELS ÉVOQUÉS COGNITIFS

... 95

5.1.1 G

ÉNÉRALITÉS

... 95

5.1.2 L

ES

PE

COGNITIFS DANS L

ÉTUDE DES ÉMOTIONS

... 101

5.1.3 L

ES

PE

COGNITIFS ET L

ÉTUDE DES RELATIONS PERSONNALITÉ

-

ÉMOTIONS

... 105

5.2 E

XPÉRIENCE

P300 ... 107

5.2.1 M

ÉTHODE

... 108

5.2.2 R

ÉSULTATS

... 110

5.3 E

XPÉRIENCE

MMN 1 ... 115

5.3.1 M

ÉTHODE

... 115

5.3.2 R

ÉSULTATS

... 118

5.4 E

XPÉRIENCE

MMN 2 ... 121

5.4.1 M

ÉTHODE

... 121

5.4.2 R

ÉSULTATS

... 123

5.5 D

ISCUSSION DES RÉSULTATS

PE ... 126

5.5.1 E

XPÉRIENCE

P300... 126

5.5.2 E

XPÉRIENCES

MMN ... 130

5.5.3 L

A PERSONNALITÉ ET LE TRAITEMENT DE L

INFORMATION ÉMOTIONNELLE

... 135

5.5.4 C

ONCLUSION

... 136

(10)

CHAPITRE 6. CONCLUSION DES CHAPITRES 4 ET 5 ... 139

6.1 R

EMARQUES MÉTHODOLOGIQUES

... 140

6.1.1 L

ES ÉCHELLES DE PERSONNALITÉ

... 140

6.1.2 L

E MATÉRIEL ÉMOTIONNEL

... 141

6.1.3 L

ES MESURES ENREGISTRÉES

... 144

6.2 M

ODULATION PAR LA PERSONNALITÉ DE LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE

... 146

6.3 A

SPECTS DE LA RÉPONSE ÉMOTIONNELLE MODULÉS PAR LA PERSONNALITÉ

... 151

6.4 C

ONCLUSIONS GÉNÉRALES ET PISTES

... 155

CHAPITRE 7. IMPLICATION DE LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE AUTONOME DIFFÉRENTIELLE EN SITUATION DE PRISE DE DÉCISION ... 159

7.1 L

A THÉORIE DES MARQUEURS SOMATIQUES ET L

’I

OWA

G

AMBLING

T

ASK

... 159

7.2 M

ÉTHODE

... 163

7.3 R

ÉSULTATS

... 167

7.4 D

ISCUSSION

... 175

CHAPITRE 8. RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE AUTONOME DIFFÉRENTIELLE CHEZ LES SUJETS DÉPRIMÉS ... 183

8.1 R

ÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE DIFFÉRENTIELLE EN PSYCHOPATHOLOGIE

... 183

8.2 P

ERSONNALITÉ ET RÉPONSES ÉMOTIONNELLES CHEZ LES PATIENTS DÉPRIMÉS

... 184

8.3 M

ÉTHODE

... 187

8.4 R

ÉSULTATS

... 190

8.5 D

ISCUSSION

... 194

(11)

CHAPITRE 9. CONCLUSION GÉNÉRALE ... 199

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 205

(12)
(13)

A VANT - PROPOS

L’importance des émotions dans nos vies est reconnue depuis longtemps, et une longue histoire de recherche en psychologie a permis d’atteindre une connaissance fine (quoique toujours incomplète) des phénomènes et mécanismes émotionnels, tout en mettant l’accent (plus récemment) sur leur aspect adaptatif.

Ainsi, il est aujourd’hui généralement admis que les émotions, loin de perturber le fonctionnement psychologique, en constituait au contraire une partie essentielle : en optimisant les interactions avec l’environnement, en orientant l’attention vers les stimuli pertinents (i.e., associés à un danger ou une récompense potentielle), en facilitant les relations sociales, en préparant le corps à affronter les situations signifiantes, en fournissant des indices somatiques qui aideront à guider les comportements, les émotions contribuent de façon significative à notre adaptation au monde.

De même, plusieurs théoriciens de la personnalité ont explicitement inclus

depuis plusieurs décennies un aspect émotionnel à leur théorie, de nombreuses

dimensions étant définies comme liées à une sensibilité particulière à des

stimulations appétitives et/ou aversives. Ceci révèle le fondement théorique selon

lequel les différences émotionnelles seraient un aspect qu’il est essentiel de prendre

en considération lorsqu’on a pour objectif de décrire les comportements habituels

d’une personne. Du fait de ces relations théoriques entre émotions et personnalité,

de nombreux travaux se sont penchés sur les relations entre personnalité et

réactivité émotionnelle, et des relations robustes ont été mises en évidence entre

l’extraversion et le système d’activation comportementale (BAS) et les émotions

positives, et entre le neuroticisme et le système d’inhibition comportementale (BIS)

et les émotions négatives, que ce soit dans des situations de la vie réelle, ou suite à

la présentation de stimulations standardisées en laboratoire. Cependant, ces études

souffrent d’une limitation importante : l’utilisation majoritaire d’évaluations

(14)

subjectives comme mesure de l’émotion. S’il est évident que le vécu subjectif est une dimension essentielle de l’émotion, il s’agit d’une mesure complexe, qui résulte des multiples aspects de la réponse émotionnelle, notamment le traitement cognitif, les réponses somatiques et comportementales, et son seul enregistrement ne permet pas de déterminer lequel de ces aspects de la réactivité émotionnelle est modulé par la personnalité.

Afin de combler cette lacune, nous avons abordé la question des relations personnalité-émotions avec une approche psychophysiologique, qui a permis d’isoler les différents aspects de la réponse émotionnelle : ainsi, dans la première partie de ce travail, l’aspect somatique sera étudié au moyen de la réponse électrodermale, et l’aspect cognitif au moyen de l’enregistrement des potentiels évoqués, suite à la présentation de stimulations à contenu émotionnel. Ainsi, nous tenterons de déterminer quel aspect de la réactivité émotionnelle est modulé par quelle dimension de la personnalité. Par ailleurs, dans la mesure où ce modèle, bien que présentant des relations théoriques explicites aux émotions, a été très peu étudié dans ce cadre, nous avons pris comme cadre théorique le modèle biosocial de la personnalité de Cloninger, afin d’étendre à ce modèle la connaissance des relations entre personnalité et émotions.

Dans la seconde partie de ce travail, et dans la mesure où les émotions sont

reconnues pour jouer un rôle majeur dans divers aspects de la vie psychologique,

ainsi que comme un descripteur majeur de certaines affections psychiatriques, nous

nous intéresserons de façon plus anecdotique aux implications possibles des

différences de réactivité émotionnelle mises en évidence dans la première partie du

travail. Ainsi, nous étudierons l’influence de la réactivité émotionnelle autonome

différentielle en situation de prise de décision, afin d’investiguer dans quelle mesure

les différences émotionnelles (somatiques) liées à la personnalité interviennent dans

les différences comportementales classiquement observées (prise de risque par

exemple). Une dernière expérience questionnera la possibilité que l’altération de la

réactivité émotionnelle (somatique) dans l’épisode dépressif majeur soit liée aux

modifications de la personnalité classiquement enregistrées dans cette affection.

(15)

Chapitre 1. L A RÉPONSE ÉMOTIONNELLE

1.1 Processus émotionnels : aperçu général

Les réponses émotionnelles sont incontestablement un aspect essentiel de nos vies, aussi les processus qui les sous-tendent ont très tôt été le centre d’attentions dans l’histoire de la recherche en psychologie, et ont déclenché de violentes et longues controverses. Historiquement, les conceptions théoriques

traditionnelles de la réponse émotionnelle, d’un côté périphéralistes (théorie de

James-Lange, défendant l’idée que les réponses viscérales étaient la base des émotions, James 1894, Lang 1994), de l’autre centralistes (l’activation de centres nerveux est considérée comme seule responsable de l’apparition des émotions, Cannon 1927) ont été longtemps opposées, et ce jusqu’à un passé récent, comme en témoigne la controverse entre Zajonc et Lazarus (Lazarus, 1984 ; Zajonc, 1980).

Cette opposition avait pour origine une acception stricte des processus cognitifs

comme les processus complexes et conscients. Avec le développement de la

connaissance des processus cognitifs, un adoucissement important de ces

conceptions traditionnelles est intervenu, et les émotions sont aujourd’hui

considérées comme le résultat d’interactions entre les composantes périphériques

et centrales : les réponses viscérales sont aujourd’hui considérées par la majorité

des chercheurs comme une composante substantielle (bien que non nécessaire ni

suffisante) de la réponse émotionnelle, de même que les processus cognitifs (dans

une acception moins étroite, qui ne consiste pas nécessairement en une évaluation

et élaboration consciente du stimulus émotionnel) trouvent une place essentielle

dans les modèles actuels (figure 1.1).

(16)

Figure 1.1. Représentation schématique des multiples composantes d’une réponse émotionnelle et de leurs interactions.

Cette acception plus large des processus cognitifs étant définie, il est aujourd’hui en effet admis que toute réponse émotionnelle commence nécessairement par une évaluation du stimulus, évaluation peu élaborée et non nécessairement consciente. Cette évaluation préconsciente détermine une partie de la réponse émotionnelle : l’allocation automatique de l’attention à des stimuli potentiellement signifiants (réponse d’orientation), ainsi que des réponses somatiques (Öhman, 2000, par exemple). Ceci a été mis en évidence par de nombreuses études, chez le sujet normal comme pathologique. Ainsi, il a été montré qu’un stimulus déplaisant (ou conditionné de façon à acquérir une valeur négative) présenté pendant une durée très brève (i.e., en l’absence de reconnaissance consciente) et immédiatement suivi d’un masque provoque une réponse électrodermale plus ample qu’un stimulus neutre présenté de la même façon (Esteves, Parra, Dimberg, Öhman, 1994 ; Öhman & Soares, 1993 ; Silvert, Delplanque, Bouwalerh, Verpoort, & Sequeira, 2004 ; Soares & Öhman, 1993). De même, chez des sujets présentant une phobie spécifique, les stimuli (images ou mots) associés à leur phobie et présentés de façon subliminale provoquent des réponses électrodermales plus amples que des stimuli neutres non-associés à leur phobie, différence qui n’est pas observée chez des sujets contrôles (Öhman &

Soares, 1994 ; Van der Hout, De Jong, & Kindt, 2000). Ces résultats montrent donc qu’une réponse émotionnelle est possible en l’absence d’identification consciente et donc de traitement contrôlé des stimuli émotionnels. Certaines caractéristiques des stimulations émotionnelles seraient donc identifiables avant tout traitement conscient. Plus précisément, une évaluation pré-attentionnelle de l’urgence et de la

Inducteur Traitement

cogniti

f

Réponses somatiques (endocriniennes, autonomes) Réponses musculo-squelettiques (comportement, posture, réponses faciale et vocale

Réponse subjective

(17)

valence des stimulations présentées (i.e., une analyse primaire de la signification) a été suggérée, qui permettrait de détecter et de répondre rapidement aux menaces potentielles (Robinson, 1998) ; a contrario, d’autres auteurs suggèrent que l’évaluation pré-attentionnelle serait centrée sur les caractéristiques physiques de la stimulation, par exemple certaines formes (ou formes de mouvements) ayant une valeur menaçante (innée ou acquise) (Öhman, 2000).

Sans entrer dans des considérations neuroanatomiques hors de propos et

nécessairement incomplètes dans ce cadre, il est utile de noter que ce traitement

pré-attentionnel est sous-tendu par des projections directes du thalamus vers les

centres responsables du déclenchement de l’expression émotionnelle (noyaux

amygdaliens), sans passer (nécessairement) par les voies corticales. L’amygdale

projette directement vers les centres responsables des divers aspects de la réponse

émotionnelle : hypothalamus (réponse autonome), centres moteurs et pons

(réponses comportementales), et aires sensorielles et pariétales (permettant une

allocation particulière de l’attention portée aux stimulations émotionnelles) (Ledoux,

2000a ; Mineka & Öhman, 2002 ; Morris et al., 1998 ; Phelps, 2006 ; Robinson,

1998). Ainsi, cette voie constitue un court-circuit à la voie corticale (figure 1.2),

permettant la préparation à une réaction rapide en cas de danger par exemple, par

la sur-allocation d’attention à la stimulation émotionnelle, et la réaction d’éveil du

système nerveux autonome (préparation à l’action).

(18)

Figure 1.2. Représentation schématique du réseau neuroanatomique du traitement émotionnel. La flèche en gras représente le court-circuit neuronal permettant des réponses rapides. D’après Ledoux, 1993.

Les processus préconscients permettent une allocation rapide de l’attention vers la stimulation pertinente et déclenchent les réponses émotionnelles somatiques et musculo-squelettiques, lesquelles seront éventuellement modulées par l’intervention des traitements conscients de l’information. Ces réponses comprennent des aspects endocrinien (libération d’hormones et/ou neurotransmetteurs particuliers), autonome (sudation, modification du rythme cardiaque…), et comportemental (freezing, expression faciale…). Considérant (voir plus bas) que les émotions sont déclenchées lorsqu’une stimulation présente un caractère pertinent en ce qui concerne les conséquences des interactions qu’on aura avec elle, ces réponses permettent de préparer le sujet à l’action afin d’optimiser les conséquences de l’interaction ; ainsi, par exemple, la libération d’adrénaline et l’activation du système sympathique faciliteront dans un futur proche un comportement d’attaque ou de fuite (Cosmides & Tooby, 2000 ; Misslin, 2003 ; Rolls, 1999).

Si les processus inconscients constituent une nécessité pour évaluer et réagir rapidement à la présentation de stimuli chargés émotionnellement, les

Stimulus Thalamus

sensoriel Cortex sensoriel

Cortex sensoriel

Cortex associatif

Amygdale

Cortex entorhinal

Réponse émotionnelle

Hippocampe Subiculum

(19)

traitements conscients sont nécessaires pour donner une certaine flexibilité à la

réponse émotionnelle (évaluation consciente, régulation et modulation de son expression en fonction du contexte,…). L’existence de processus contrôlés de traitement des stimuli émotionnels témoigne d’une évolution phylogénétique supérieure à celle qui sous-tend leurs traitements automatiques ; en effet, si ces derniers sont observables chez une grande variété d’espèces animales, seuls les mammifères supérieurs font preuve de traitements contrôlés des stimuli émotionnels (Smith & Lazarus, 2000) ; cette évolution phylogénétique va de pair avec une complexification du contexte et des buts, et si la rapidité liée aux traitements automatiques est considérée comme adaptative chez les organismes peu évolués, la flexibilité des comportements est sans aucun doute également adaptative chez les espèces plus évoluées. Les processus élaborés permettent l’identification consciente du stimulus, son évaluation de façon contrôlée et approfondie, ainsi que son interprétation dans le contexte, et permettent la reconnaissance subjective de l’émotion, ainsi que des apprentissages élaborés concernant la situation (généralisation à d’autres situations ou occasions, planification de l’action, …). Ce traitement conscient (attention volontaire et interprétation de la situation) constitue aussi une première étape essentielle dans la régulation des réponses émotionnelles (Ochsner & Gross, 2005 ; Robinson, 1998 ; Cosmides & Tooby, 2000).

Parallèlement à la voie sous-corticale décrite plus haut, une voie corticale

permet de traiter l’information de façon plus contrôlée (figure 1.2). Cette voie

comprend les aires associatives, qui projettent vers les aires pariétales, temporales

et préfrontales, lesquelles projettent à leur tour vers l’amygdale, de sorte que les

afférences sous-corticales (issues du traitement préconscient) sont ainsi mises à

jour, et que la nécessité de réponse émotionnelle est ainsi précisée, et son

expression régulée (Phan, Wager, Taylor, & Liberzon, 2004 ; Robinson, 1998)

(figure 1.3).

(20)

Figure 1.3. Représentation schématique des rôles respectifs des traitements préconscient et conscient des stimuli émotionnels.

Enfin, l’être humain est capable d’une expérience consciente de l’émotion.

Plus précisément, cette expérience consciente a été décomposée en une conscience primaire, d’une part, soit la reconnaissance consciente de l’émotion, « ici et maintenant », encore appelée expérience subjective de l’émotion. S’il a été suggéré que cette expérience subjective dépendait de feedbacks issus de l’expression faciale (Darwin, 1872) ou des réponses viscérales (James, 1894), les théories actuelles considèrent que l’expérience émotionnelle est liée au pattern d’activation neuronale du réseau formé par les interrelations entre les aires responsables du traitement des divers aspects des stimulations émotionnelles (valence, éveil, activation motrice) (Heilman, 2000), sans rejeter toutefois l’éventuel rôle modulateur de ces feedbacks intéro- et proprioceptifs ; cette intégration serait étroitement liée à l’activité du cortex cingulaire antérieur (Lane, 2000). D’autre part, une notion de conscience dite secondaire (ou conscience étendue) de l’émotion désigne la représentation de l’émotion, son élaboration cognitive, ainsi que la possibilité de réflexion et de généralisations relatives à l’émotion (Lane, 2000).

Ce paragraphe ne constitue qu’un aperçu nécessairement sommaire des multiples aspects de la réponse émotionnelle et de ses diverses appréhensions

Traitement cognitif conscient

Réponse subjective Traitement cognitif

préconscient Inducteur

Réponses somatiques Réponses musculo- squelettiques

(21)

historiques et disciplinaires. Son but principal est de souligner la complexité et le caractère hiérarchique des réponses émotionnelles, qu’il faudra garder à l’esprit tout au long de ce travail, lorsqu’on parlera des tendances et réponses différentielles : ces tendances portent sur un seul aspect (simultanément) des réponses émotionnelles, et l’existence des multiples niveaux de contrôle des comportements motivés, ainsi que des processus conscients qui ne seront pas adressés ici nous rappelle que nos comportements ne sauraient être considérés, en aucune façon, comme déterminés par ces tendances.

1.2 Émotions et motivations : aspects adaptatifs

La psychologie évolutionniste a posé depuis quelques années l’hypothèse selon laquelle les comportements (notamment humains) étaient en partie dictés par des programmes acquis au cours de l’évolution de l’espèce. Ainsi, parmi toute la palette de comportements possibles, ont été sélectionnés ceux qui se sont révélés adaptés à la gamme des situations possibles, qualifiés d’adaptatifs (i.e., avantageux dans les conditions statistiquement récurrentes de l’environnement où s’est développée la lignée humaine, et pertinentes quant à la survie et la reproduction), parallèlement et suivant le même processus que celui de l’évolution de l’anatomie et la physiologie des différentes espèces (Cosmides & Tooby, 2000). Dans cette perspective, la fonction adaptative des émotions est, lorsqu’une situation est de nature à provoquer une émotion (par exemple la peur lorsqu’on est dans une situation potentiellement risquée), de coordonner des aspects aussi variés que les systèmes perceptif, attentionnel, moteur, mnésique, ou impliqués dans la prise de décision, dans la communication, les réponses physiologiques etc., afin d’orienter le comportement de telle façon que les conséquences de ce comportement soient avantageuses pour la survie de l’individu et à terme la transmission de ses gènes.

Si les émotions sont considérées comme un élément du bagage

phylogénétique de l’homme (en l’occurrence), certains aspects doivent

nécessairement en être considérés comme innés. Ainsi, si les buts des émotions

(accéder à la sécurité, la nourriture, un partenaire sexuel, ou un abri, échapper à

une menace physique…) sont classiquement considérés comme innés, d’autres

(22)

aspects sont clairement acquis et donc soumis largement à des modulations culturelles (qualité du stimulus qui sera perçu comme inducteur, modulation de l’expression des émotions) (Cosmides & Tooby, 2000 ; Smith & Lazarus, 2000). Le rôle premier (séquentiellement) de l’émotion est de guider l’attention de sorte que les stimuli pertinents de l’environnement apparaissent saillants pour l’individu (voir section 1.1). Elle va ensuite guider, à terme, le comportement (et participer à optimiser son efficacité), en fonction des caractéristiques du stimulus, vers son approche (valence positive) ou son évitement (valence négative).

1.2.1 Systèmes appétitif et défensif

Malgré la variabilité qualitative des réponses émotionnelles observées, la tendance converge de plus en plus vers la reconnaissance de deux systèmes fondamentaux qui médieraient ces réponses émotionnelles variées ainsi que les comportements motivés (Cacioppo & Gardner, 1999 ; Davidson, 2001 ; Gray &

McNaughton, 2000 ; Lang, Bradley, & Cuthbert, 1990 ; Schneirla, 1959).

Basiquement, les comportements (motivés par les émotions) seraient sous-tendus par le système défensif (ou système d’inhibition comportementale -BIS), et le système appétitif (ou système d’activation/approche comportementale -BAS

1

) ; cette distinction de deux systèmes semble avoir trouvé un écho intuitif, puisque classiquement, les émotions ont été divisées en deux grandes catégories selon leur valence (émotions positives et négatives) (Lang et al., 1990, Russell & Carroll, 1999). Schématiquement, le système défensif est activé en présence de stimuli aversifs, et provoque un comportement d’évitement de ces stimuli, et le système

1 Du fait de la double signification des expressions BIS et BAS (systèmes motivationnels d’une part, et sensibilité de ces systèmes, et par là dimensions de la personnalité d’autre part), les expressions systèmes défensif et appétitif seront utilisés pour faire référence aux systèmes motivationnels et à leur substrat neuroanatomique et les expressions BIS et BAS seront utilisées dans le sens des dimensions de personnalité se référant à la sensibilité des systèmes défensif et appétitif respectivement. Plus particulièrement, elles renvoient à des dimensions théoriques de la personnalité, et non à des échelles psychométriques particulières : les échelles spécifiques BIS et BAS créées par Carver & White sont désignées respectivement CW-BIS et CW-BAS.

(23)

d’approche est activé en présence de stimuli appétitifs et provoque un comportement d’approche de ces stimuli (Gray & McNaughton, 2000 ; Heilman, 2000). Les comportements effectivement observés chez l’animal (et a fortiori chez l’homme) sont évidemment infiniment plus complexes que ces deux alternatives, ceci étant lié à la complexité de l’environnement (physique et social), ainsi qu’à la poursuite de buts non-immédiats.

L’activation du système défensif provoque la peur et toute la batterie de comportements qui lui sont directement attachés : fuite ou combat (fight or flight), mais aussi freezing, postures de soumission, immobilisation tonique ; ces comportements seraient émis en fonction de la proximité du danger : si le danger (par exemple un prédateur) est loin, une stratégie de camouflage est enclenchée (freezing), s’il est à une distance moyenne, la fuite est le comportement le plus probablement observé, s’il est très proche, une attaque défensive est déclenchée, si enfin le prédateur a saisi sa proie, une immobilisation tonique est automatique (Misslin, 2003) ; toutes ces réponses sont, selon les circonstances, les comportements stéréotypés les plus probablement adaptés pour la survie de l’individu. L’activation du système défensif provoque aussi une activation du système nerveux sympathique, ainsi qu’une hypoalgésie, ces composantes permettant une optimisation des réponses comportementales. Enfin, la présentation de stimuli aversifs non-immédiats provoque un état qualifié de défensif, ou réponse défensive anticipative ; cet état est caractérisé par une vigilance accrue, comme en témoigne notamment une potentialisation du réflexe de sursaut (voir plus bas), ou une attention davantage tournée vers l’environnement (Lang et al., 1990). Ce pattern de réponses comportementales et autonomes forme un ensemble cohérent du point de vue évolutionniste, mais est aussi provoqué par la même gamme de stimuli, et sous-tendu par le même système neuroanatomique comprenant les projections amygdaliennes vers la substance grise périaqueducale, l’hypothalamus, le tronc cérébral (Misslin, 2003) ; des afférences corticales permettent la régulation de ces réponses et la mise en place de réponses plus complexes (Gray &

McNaughton, 2000 ; Robinson, 1998 ; Cosmides & Tooby, 2000). Ainsi, les

réponses comportementales effectivement observées diffèreront avec la proximité

du danger (dite aussi distance défensive) ainsi que l’urgence de la situation (via la

(24)

mise en route de comportements plus ou moins automatiques ou au contraire élaborés), mais ces réponses auront en commun le but d’éviter une punition.

L’activation du système appétitif provoque une motivation à approcher le stimulus potentiellement renforçant perçu (partenaire sexuel, abris, nourriture, mais aussi contact social), ainsi que des comportements d’exploration ; de façon générale, l’activation du système appétitif va ainsi provoquer des comportements qui auront pour but final la satisfaction des besoins. Basiquement, les systèmes neuraux associés à la récompense engagent la transmission dopaminergique vers les aires limbiques impliquées dans les émotions, et les ganglions de la base, impliqués dans la motivation et les contrôles attentionnel et moteur (i.e., voies dopaminergiques mésencéphalique et nigro-striée). En particulier, les projections dopaminergiques partant de l’aire tegmentale ventrale (ATV) et notamment vers le noyau accumbens (NAcc) ont été mise en relation directe avec le seuil de sensibilité à des signaux de récompense potentielle, et par là avec d’une part l’intensité des réponses à ces signaux (i.e., saillance de ces stimuli, affects positifs) et d’autre part la motivation à réagir à ces signaux (i.e., comportements d’approche) (Depue &

Collins, 1999 ; Burgdorf & Panksepp, 2006). Le système médierait ainsi la saillance des stimuli appétitifs et la tendance comportementale (motivation) à les approcher ; les comportements de consommation en soi (activité sexuelle, consommation d’aliments…) et le plaisir associé à la consommation seraient par contre indépendants du système appétitif (Barbano & Cador, 2007 ; Ikemoto & Panksepp, 1996).

Une façon de mettre en évidence l’existence de ces deux systèmes

motivationnels chez l’homme a été l’utilisation du modèle de priming émotionnel,

plus particulièrement dans un protocole de modulation de la réponse de sursaut

(startle probe ; Lang et al., 1990). Le principe consiste à activer l’un des deux

systèmes, par la présentation d’un contexte émotionnel positif ou négatif (i.e.,

images, sons, films, odeurs plaisants ou déplaisants), avant d’induire de façon

imprévisible un réflexe de sursaut (son abrupt, flash lumineux…). Le sursaut (évalué

chez l’homme par le clignement des yeux, mesuré par électromyogramme -EMG)

est considéré comme une réponse réflexe défensive, soit dépendant de l’activation

du système défensif ; le modèle considère que si ce système était déjà

(25)

préalablement activé (contexte déplaisant), le sursaut sera potentialisé, et qu’au contraire il sera atténué si le système appétitif était préalablement activé (contexte plaisant). Ce pattern a été effectivement observé dans de nombreux travaux (Bradley, Cuthbert, & Lang, 1990), chez l’homme comme dans d’autres espèces (par exemple le rat, Davis, 2001), et chez l’adulte comme chez le nouveau-né (bébés de 5 mois, Balaban, 1995). Les stimuli émotionnels plaisants vs déplaisants vont donc activer des systèmes motivationnels différents, cette activation consistant en l’élicitation de l’émotion qui sera alors définie comme une tendance à l’action.

L’ensemble de ces travaux montre l’existence de deux systèmes dont l’activation respective provoque des tendances opposées à l’action, l’activation de ces deux systèmes par des stimuli plaisants et déplaisants étant un mécanisme inné chez différentes espèces (dont l’homme).

À ce stade, une remarque est nécessaire : il doit être observé que la relation entre système appétitif et émotions positives ainsi qu’entre système défensif et émotions négatives dépasse les représentations intuitives de la valence émotionnelle. Plusieurs auteurs ont formulé leur conception des relations personnalité-émotions de façon unipolaire (i.e., chaque système, défensif et appétitif, mène au déclenchement d’une seule catégorie d’émotions, négative ou positive respectivement) ; ainsi, Gray formule explicitement que le système appétitif répond aux stimulations plaisantes et au retrait d’une punition, et que le système défensif répond aux stimulations déplaisantes et au retrait frustrant d’une récompense (Corr, 2004 ; Gray 1970 ; Gray & McNaughton, 2000). D’autres auteurs ont soulevé la possibilité d’une alternative bipolaire : toute activation du système appétitif ne provoque pas nécessairement un état émotionnel subjectivement positif, et inversement, mais l’émotion résultant de l’activation d’un système motivationnel serait également fonction de l’issue (réussite ou échec) du comportement (Carver &

Scheier, 1990). Par exemple, en cas d’approche d’une récompense potentielle

(médié donc par le système appétitif), la présentation d’un obstacle causant

l’impossibilité d’atteindre cette récompense sera source de frustration. Cette

frustration est le fruit de l’activation du système appétitif couplé aux attentes de

récompense. Le système appétitif médie, dans ce cas, les émotions associées aux

issues possibles de la situation : satisfaction de l’approche et plaisir, ou

insatisfaction, frustration, tristesse, voire colère (Corr, 2002 ; Carver, 2004), soit des

(26)

émotions qui ne seraient pas intuitivement qualifiées de positives. De même, des comportements apparemment proches peuvent dépendre de systèmes motivationnels différents, les attaques défensives vs offensives, par exemple : si l’attaque à l’approche d’un danger est clairement un comportement défensif (fight), l’attaque d’une proie est au contraire un comportement d’approche, motivé par la possibilité d’une récompense (manger la proie) (Parmigiani, Ferrari, & Palanza, 1998). La correspondance système appétitif-émotions positives et système défensif- émotions négatives telle qu’elle sera souvent présentée dans le texte est donc un schéma volontairement simplifié pour des raisons de clarté, mais doit être considérée avec la nuance nécessaire.

1.2.2 Stimuli appétitifs et aversifs

Globalement, ce qui caractérise un stimulus émotionnel est son caractère renforçant : il induit potentiellement un effort pour l’atteindre ou l’éviter (Rolls, 1999).

Une récompense est ainsi un stimulus que l’on a tendance à approcher, et une punition, un stimulus que l’on a tendance à éviter. Au-delà de cette définition fonctionnelle générale, l’idée selon laquelle tous les stimuli émotionnels n’auraient pas la même valeur intrinsèque est cependant relativement répandue. Les termes de renforcements ou stimuli émotionnels primaires ou secondaires ont été utilisés par plusieurs auteurs dans ce cadre. Selon Rolls (1999), ces termes renvoient au caractère inné ou acquis des propriétés renforçantes d’un stimulus : un renforcement primaire est un objet ou une caractéristique dont le pouvoir renforçant est intrinsèque (par exemple, le goût sucré, un toucher plaisant ou douloureux, un cri d’alerte, …) ; au contraire, le pouvoir renforçant d’un renforcement secondaire est acquis par apprentissage (la vue d’un aliment dont on a appris la valeur gustative ou nutritive, par exemple). Damasio (1994) quant à lui définit les inducteurs primaires et secondaires comme les stimuli qui induisent une émotion en soi, et ceux qui impliquent une étape de représentation des émotions, respectivement.

De façon intéressante, la valeur affective d’un nouveau stimulus (i.e.,

stimulus inconnu) serait positive, autrement dit, un stimulus encore jamais présenté

à un sujet aurait une valeur de récompense potentielle, comme en témoigne les

réponses semblables d’une population de neurones amygdaliens à la présentation

(27)

d’une récompense apprise ou d’un stimulus nouveau (Wilson & Rolls, 2005) ; ce phénomène expliquerait pourquoi les stimuli nouveaux sont approchés, jusqu’à ce que la familiarité (et l’absence de récompense associée) éteigne cette réponse.

1.2.3 Remarque : approches dimensionnelle et catégorielle des émotions

La distinction entre émotions positives et négatives, on l’a vu, a été très largement utilisée dans l’étude des émotions. L’utilisation large de la valence émotionnelle comme variable explicative est vraisemblablement due au fait que cette dimension est celle qui montre la plus grande capacité descriptive de l’émotion (i.e., elle explique la plus grande partie de variance lors de la description subjective de stimulations émotionnelles ; par exemple Bradley & Lang, 1994 ; Russell &

Carroll, 1999). Outre la valence, la dimension qui explique la plus grande partie de

variance est l’activation (ou éveil émotionnel, Bradley & Lang, 1994). Cette

approche des émotions est dite dimensionnelle, puisque les émotions y sont

décrites comme fonction de niveaux sur des échelles (i.e., dimensions) définies (en

général deux ou trois dimensions sont avancées par modèle, dont les plus

courantes sont la valence et l’éveil). L’approche dimensionnelle consiste ainsi à

considérer l’émotion comme un espace multidimensionnel où peuvent être définies

les réactions émotionnelles individuelles (i.e., non catégorisées), ainsi, par

assimilation, que les stimulations ayant provoqué ces émotions (autrement dit, le

caractère émotionnel d’une stimulation est assimilé à l’émotion qu’elle est

susceptible de provoquer). Les dimensions de valence et éveil entretiennent

généralement une relation en U, c’est-à-dire que des stimulations très plaisantes ou

très déplaisantes seront généralement décrites comme provoquant un éveil

émotionnel intense, alors que des stimulations de valence neutre seront décrites

comme provoquant peu d’éveil (Lang, Bradley, & Cuthbert, 1998). À titre d’exemple

de la caractérisation élaborée de stimulations émotionnelles au moyen de

l’approche dimensionnelle, la table 1.1 illustre la variété des réponses émotionnelles

autonomes et musculo-squelettiques en fonction de l’évaluation subjective (en

termes de valence et éveil émotionnel) d’images à contenu émotionnel obtenus par

Lang et son équipe.

(28)

Facteur 1 (valence)

Facteur 2 (éveil émotionnel) Evaluation de la

valence 0.86 -0.00

EMG corrugateur -0.85 0.19

Rythme cardiaque 0.79 -0.14

EMG zygomatique 0.58 0.29

Evaluation de l’éveil 0.15 0.83

Evaluation de l’intérêt 0.45 0.77

Temps de fixation -0.27 0.76

Réponse

électrodermale -0.37 0.74

Table 1.1. Analyse factorielle sur les mesures des réponses émotionnelles subjectives, autonomes et musculo-squelettiques. Tiré

de Lang et al., 1998.

Une approche alternative à cette approche dimensionnelle des émotions est

l’approche catégorielle (par exemple, Ekman, 1992 ; Izard, 1994), historiquement

plus ancienne (Darwin, 1872 ; James, 1894). Selon cette approche, les émotions

peuvent être catégorisées en quelques émotions dites fondamentales (ou primaires,

ou encore basiques), lesquelles seraient sous-tendues chacune par un sous-

système proprement dédié à son expression. Cette conception, basée sur le

caractère transculturel et l’ascendance phylogénétique de ces émotions dites

fondamentales, se heurte cependant à une absence de consensus sur la question

notamment de quelles émotions peuvent effectivement être qualifiées de

fondamentales (à quelques exceptions près, telles que la colère, la peur, la joie ou

le dégoût, par exemple, qui sont généralement reconnues comme étant

effectivement connues dans toutes les cultures). Par ailleurs, cette approche est

historiquement explicitement sous-tendue par la définition supposée de patrons

psychophysiologiques spécifiques à chaque émotion, dans la mesure où elle trouve

son origine dans les théories péripéralistes des émotions selon lesquelles une

(29)

émotion spécifique est déclenchée par la perception d’un état somatique particulier.

L’observation des expressions faciales avait effectivement semblé montrer l’existence de certains patrons universels et innés associés à des émotions qualifiées alors de fondamentales (Ekman, 1992), mais ces observations sont restées imparfaites, et l’utilisation de l’EMG pour mettre en évidence des patrons propres à certaines émotions est plutôt arrivée à une conclusion dimensionnelle, avec la valence émotionnelle comme le meilleur prédicteur (Lang et al., 1998).

Quant aux réponses émotionnelles autonomes, bien que certains résultats soient consistants entre eux, des patrons autonomes spécifiques aux émotions discrètes restent difficiles à dégager (Cacioppo et al., 2000) ; au contraire, en regard des indices psychophysiologiques également, les dimensions de valence affective et activation s’avèrent être les meilleurs prédicteurs du pattern de réponses autonomes observé (Cacioppo et al., 2000).

Une solution hybride, enfin, consiste à considérer les dimensions pertinentes en fonction des réponses psychologiques et/ou physiologiques observées, la combinaison de ces dimensions formant un espace émotionnel où les émotions discrètes peuvent ensuite être arrangées (Boucsein, 1999 ; Chrisite &

Friedman 2004 ; figure 1.4) ; cette solution permet à ces deux approches

classiquement opposées de ne pas être mutuellement exclusives.

(30)

Figure 1.4. Représentation bidimensionnelle de l’espace des émotions, et représentation dans cet espace de certaines émotions

discrètes (d’après Christie & Friedman 2004).

1.3 La réponse émotionnelle

La réponse émotionnelle peut être définie comme l’ensemble des réponses somatiques, cognitives, subjectives et comportementales qui suivent l’apparition d’un événement inducteur. Cet inducteur peut être externe (situation ou stimulus présentant une valeur émotionnelle) ou interne (représentation mentale, imagerie, souvenir d’une situation ou d’un stimulus présentant un caractère émotionnel). Dans un cadre expérimental, l’émotion sera induite par la présentation de stimulations émotionnelles (images, sons, films, récompenses/punitions ; Bartussek, Diedrich, Naumann, & Collet, 1993 ; Bartussek, Becker, Diedrich, Naumann, & Maier, 1996 ; Kumari et al., 1996 ; Pickering, Diaz, & Gray, 1995 ; Rusting, 1999), la mise en situation (type « real-life » : induction d’humeur par la création d’une situation par exemple ; Gomez & Gomez, 2002 ; Larsen & Ketelaar, 1989), ou des tâches d’imageries (imaginer un scénario, se remémorer un souvenir… ; Canli, Sivers,

Valence

Activation

Tristesse

Colère

Dégoût

Peur

Amusement

• Contentement

(31)

Withfield, Gotlib, & Gabrieli, 2002 ; Corr, 2002 ; Larsen & Ketelaar, 1991 ; Reuter et al., 2004 ; Rusting & Larsen, 1997 ; Tobin, Graziano, Vanman, & Tassinary, 2000 ;

…). Des protocoles et batteries de matériel standardisés (verbal, iconique, et sonore, notamment) ont été créés et largement adoptés, ce qui a permis d’uniformiser les résultats obtenus, même si la question du caractère écologique de l’induction expérimentale d’une émotion reste ouverte ; de façon intéressante, Levenson (2003) suggère que la validité écologique de l’induction émotionnelle augmente de façon inversement proportionnelle à l’accessibilité au contrôle expérimental.

Diverses méthodes ont été mises au point pour étudier les aspects multiples de la réponse émotionnelle. Les réponses émotionnelles somatiques ou périphériques, régies par le système nerveux autonome, comprennent des manifestations telles que des modifications du rythme cardiaque ou respiratoire, (e.g., Bradley, Cuthbert, & Lang, 1996 ; Gianaros, Quigley, Mordkoff, & Stern, 200 ; Christie & Friedman, 2004), vasculaires (e.g., Christie & Friedman, 2004), digestives (e.g., Gianaros et al., 2001), ainsi que des modifications de l’activité des glandes sudoripares (e.g., Bradley et al., 1996, voir chapitre 4). Ces mesures, constituent chacune une partie de la réponse somatique globale, qui détermine, dans son ensemble, la mesure dans laquelle l’émotion sera ressentie de façon somatique (« viscéralement ») par le sujet ; ces mesures constituent donc chacune un indice de ce ressenti somatique de l’émotion (Damasio, 1994).

L’aspect cognitif de la réponse émotionnelle consiste en la perception,

l’évaluation, les attentes, l’allocation attentionnelle, et l’interprétation des

stimulations ou situations émotionnelles ; de nombreux protocoles ont été mis au

point afin de caractériser l’allocation différentielle d’attention à des stimulations

émotionnelles (Stroop émotionnel, dot probe,… e.g., Amin et al., 2004 ; Moritz,

Jacobsen, Kloss, Fricke, Ruffer, & Hand, 2004), l’influence de la charge

émotionnelle sur la mémorisation (rappel/reconnaissance différentiels de

stimulations émotionnelles et neutres, par exemple Brendle & Wenzel, 2004 ;

Comblain, D’Argembeau, VanDerLinden, & Aldenhohh, 2004 ; Rusting, 1999 ;

Tarsia, Power, & Sanavio, 2003) et sur l’interprétation de la situation (complètement

de mot ou d’histoire à partir de matériel équivoque, par exemple, Gomez & Gomez,

(32)

2002 ; Rusting, 1999). L’étude des potentiels évoqués cognitifs (e.g., Delplanque, Lavoie, Hot, Silvert, & Sequeira, 2004 ; Shupp, Cuthbert, Bradley, Birmbauer, &

Lang, 1997 ; Surakka, Tenhunen-Eskelinen, Hietanen, & Sams, 1998) ainsi que l’utilisation d’imagerie fonctionnelle (e.g., Phan et al., 2004 ; Reuter et al., 2004) sont également des approches précieuses dans l’étude du traitement de l’information émotionnelle, en particulier pour caractériser le décours temporel précis du traitement de l’information chargée émotionnellement, et ses bases neuroanatomiques, respectivement.

Les réponses émotionnelles musculo-squelettiques comprennent notamment le sursaut (mesuré chez l’homme par le clignement de l’œil, e.g., Shupp et al., 1997), les modifications du tonus musculaire ou de la posture (comportement d’approche ou d’éloignement, par exemple, Hillman, Rosengren, & Smith, 2004), ainsi que les expressions faciale et vocale de l’émotion (e.g., Lang, Greenwald, Bradley, & Hamm, 1993 ; Russell, Bachorowski, & Fernandez-Dols, 2003 ; Simons, Detember, Roedema, & Reiss, 1999). L'enregistrement des réponses musculo- squelettiques est effectué par scorage visuel (en particulier pour les expressions émotionnelles faciales, e.g., Treirweler, Eid, & Lischetzke, 2002) ou, plus fréquemment, par mesure électro-myographique des réponses musculaires (e.g., Tobin et al., 2000).

Les réponses émotionnelles subjectives, enfin, consistent en ce que le sujet

perçoit, suite à l’ensemble des réponses somatiques et cognitives, de l’expérience

émotionnelle de son propre point de vue. Cette auto-évaluation du vécu émotionnel

se fait au moyen de questionnaires papier-crayon, de type dimensionnel (Self

Assessment Manikin, Bradley & Lang, 1994, par exemple), catégoriel (Differential

Emotions Scale, Izard, Libero, Putnam, & Haynes, 1993, par exemple), ou encore

relatifs aux modifications de l’humeur (Gomez & Gomez, 2002 ; Zelenski & Larsen,

1999).

(33)

Chapitre 2. L’ INFLUENCE DE LA PERSONNALITÉ SUR LA RÉACTIVITÉ ÉMOTIONNELLE

2.1 Arguments théoriques

De nombreuses théories de la personnalité, en particulier les modèles psychobiologiques de la personnalité, ont fait référence de façon plus ou moins explicite aux émotions dans la définition de certaines de leurs dimensions, reflétant un fondement théorique selon lequel les comportements habituels d’un individu (décrits par la personnalité) étaient largement influencés par l’aspect émotionnel.

Parmi ces modèles, celui d’Eysenck et la reinforcement sensitivity theory (RST) de Gray, qui font autorité et référence dans ce domaine, vont être rapidement décrits afin de faciliter la compréhension des sections suivantes, mais les modèles de Zuckerman, Tellegen, et Cloninger (voir plus loin) notamment peuvent aussi être cités en exemples (Cloninger, 1987 ; Tellegen, 1985 ; Zuckerman, 1995).

2.1.1 Les modèles de personnalité d’Eysenck et de Gray

Le modèle d’Eysenck est basé sur trois dimensions : l’extraversion-

introversion (E), le neuroticisme-stabilité émotionnelle (N) et le psychoticisme-force

du moi (P). L’extraversion est définie comme en relation avec le système réticulaire

activateur : les extravertis auraient un niveau de base d’éveil cortical plus bas et des

réactions phasiques plus faibles à des stimuli d’intensité modérée que les introvertis

(et ce en regard de diverses modalités sensorielles ; De Pascalis, 2004 ; Eysenck,

1990), ce qui les pousserait à rechercher les stimulations ; ces sujets sont

caractérisés (au contraire des introvertis) par une recherche d’activités et de

contacts sociaux. Il faut noter que, bien que la relation entre extraversion et affects

positifs soit robuste (voir plus loin), elle découle d’observations empiriques plutôt

(34)

que des fondements théoriques décrits par Eysenck en soi (Mattews & Gilliland, 1999) ; les relations entre affects positifs et extraversion sont explicables, dans la théorie originelle d’Eysenck, uniquement via l’idée que l’atteinte du niveau d’éveil optimal aurait des propriétés hédoniques (Mattews & Gilliland, 1999), ou par des explications situationnelles (la recherche de contacts sociaux, par exemple, amènerait à vivre d’avantage de situations plaisantes). Le neuroticisme serait fonction de la sensibilité du système limbique ; les sujets ayant un score élevé en neuroticisme seraient plus réactifs aux stimulations déplaisantes et nouvelles que les sujets stables (Eysenck, 1990). Le psychoticisme est la dimension la moins bien définie du modèle, il se réfère à l’impulsivité, l’absence de responsabilité sociale, et serait associé aux hormones sexuelles, ainsi qu’aux systèmes sérotoninergique et dopaminergique (Eysenck, 1990). Les dimensions E et N sont aussi présentes dans le (très souvent cité) modèle de 5 facteurs (Big-5), aux côtés des dimensions consciencieusité, agréabilité et ouverture (dénommées de façon variable, selon les auteurs ; Costa, Terracciano, & McCrae, 2001 ; Digman, 1990 ; Goldberg, 1990).

La RST de Gray est basée sur l’existence de trois systèmes indépendants

mais en interaction du système nerveux central qui sous-tendent les comportements

motivés : les systèmes d’activation et d’inhibition comportementales (BAS et BIS), et

le fight-flight-freezing system (FFFS) (Gray & McNaughton, 2000). Le BAS est activé

par des signaux de récompense ou de retrait d’une punition, et est responsable des

comportements d’approche. Le FFFS est activé par des signaux de punition

potentielle, et est responsable des comportements de fuite. Le BIS est responsable

de l’interruption d’un comportement courant, et est activé lorsque des buts

contradictoires sont présents (compétition entre deux comportements d’approche,

ou entre un comportement d’approche et un comportement d’évitement), ce qui

provoque une réponse anxieuse (Corr, 2002 ; Gray & McNaughton, 2000). Le BAS

serait ainsi impliqué dans l’expérience d’émotions positives (système appétitif), alors

que le FFFS est impliqué dans les émotions négatives (peur), en présence de

stimuli correspondants, et le BIS dans les états anxieux ; ensemble, le FFFS et le

BIS constituent le système défensif. De plus, les différences interindividuelles de

sensibilité des systèmes BAS et BIS conduiraient à deux dimensions de

personnalité : l’impulsivité pour le BAS et l’anxiété (i.e., prédisposition à ressentir de

l’anxiété) pour le BIS (Corr, 2004 ; Gray, 1970). De façon générale, le BAS serait

(35)

ainsi associé aux affects positifs et le BIS et le FFFS, conjointement, aux affects négatifs (Corr, 2002 ; Corr, 2004 ; Gray & McNaughton, 2000), de sorte que les sujets impulsifs ressentiraient d’avantage d’affects positifs, et les sujets anxieux d’avantage d’affects négatifs. Le BIS et le BAS forment des dimensions orthogonales de la personnalité, qui peuvent être comparées aux dimensions du modèle d’Eysenck, en ce que les axes BAS et BIS représentent des rotations de 30°

par rapport aux dimensions d’extraversion et de neuroticisme respectivement, telles que BAS=N+E et BIS=N-E (figure 2.1).

Figure 2.1. Représentation des dimensions BIS/BAS et extraversion/neuroticisme dans un espace dimensionnel. Tiré de

Pickering, 1999.

Neuroticisme

Extraversion

Stabilité Introversion

Anxiété

Impulsivité

(36)

2.1.2 La personnalité et les mécanismes de récompense

2.1.2.1 Remarque préliminaire: impulsivité vs sensibilité à la récompense

L’impulsivité a été traditionnellement considérée comme le trait de personnalité associé à la sensibilité du BAS (Corr, 2004 ; Gray, 1970), mais un courant de recherche récent suggère que l’impulsivité est une façon inappropriée de désigner la dimension associée au BAS (Depue & Collins, 1999 ; Franken & Murris, 2006 ; Smillie, Jackson, & Dalgleish, 2006). En effet, des études utilisant l’analyse factorielle ont montré que la dimension de sensibilité à la récompense (telles que les sous-échelles Reward Responsiveness et Drive de la CW-BAS, l’extraversion, …) forment un facteur dissocié des dimensions d’impulsivité (telles que les échelles Sensation Seeking de Zuckerman, la recherche de nouveauté de Cloninger, la sous- échelle Fun Seeking de la CW-BAS…). De plus, des études ont montré que l’extraversion plutôt que les traits associés à l’impulsivité prédisait l’efficacité d’un apprentissage associé à des récompenses (Pickering, 2004). Parallèlement, Dickman (1990) a proposé que l’impulsivité ne serait pas une dimension homogène, mais comprendrait deux aspects importants : l’impulsivité fonctionnelle et l’impulsivité dysfonctionnelle, le premier aspect reflétant la tendance fonctionnelle à saisir l’instant et le second consistant en l’acception la plus courante de l’impulsivité (absence de délibération : psychoticisme, Sensation Seeking, …) ; Smillie et Jackson (2006) ont récemment rapporté les résultats d’une analyse factorielle suggérant la proximité de l’impulsivité dite fonctionnelle avec la sensibilité à la récompense. Carver et Miller (2006) ont récemment suggéré que l’activité sérotoninergique est largement impliquée dans les comportements et dimensions associés à l’impulsivité, et associent cette relation à une influence des systèmes frontaux exécutifs, qui doit être distinguée d’une autre forme d’impulsivité, dite sous- corticale. Pris ensemble, ces travaux suggèrent que l’impulsivité fonctionnelle recouvre essentiellement la sensibilité (d’origine sous-corticale) du système appétitif, alors que l’impulsivité dysfonctionnelle se réfère à une lacune exécutive (d’origine proposée cortico-frontale) de gestion de la récompense.

Impulsivité et sensibilité à la récompense sont toutefois corrélées, et des

liens ont été mis en évidence entre les deux facteurs et la transmission

dopaminergique, suggérant la possibilité qu’ils soient associés à différents aspects

(37)

du fonctionnement dopaminergique (Smillie, Jackson, & Dalgleish, 2006). Il est ainsi possible que ce problème dans l’identification de la dimension de personnalité reflétant réellement la sensibilité du système appétitif explique certaines inconsistances et problèmes de reproductibilité des résultats obtenus dans le cadre des travaux sur les relations entre personnalité et émotions, dans la mesure où les résultats décrits plus bas font souvent référence à l’impulsivité.

2.1.2.2 Système appétitif, dopamine et personnalité

Comme décrit au premier chapitre, le système appétitif est responsable de la perception (i.e., saillance) et des réponses (affectives et comportementales) aux stimulations plaisantes (i.e., potentiellement associées à une récompense), et, basiquement, est étroitement dépendant de la voie dopaminergique méso-limbique.

En relation directe avec le système de récompense, il a été avancé que les comportements associés aux dimensions de personnalité de type BAS (ainsi que certains symptômes pathologiques : addiction, jeu pathologique, obésité) avaient pour facteur causal principal un niveau de base bas de dopamine extracellulaire, que les sujets chercheraient à ramener vers un niveau optimal via les comportements de recherche de sensations plaisantes, couplé à des réponses dopaminergiques phasiques plus amples (Blum et al., 2000 ; Cloninger, 1987). Par ailleurs, sur base du fait que la dopamine est impliquée dans l’aspect motivationnel (approche) et non plaisant (consommation) des réponses aux stimuli appétitifs (Robinson & Berridge, 2000), le seuil de sensibilité à des signaux extérieurs de récompense potentielle a été mis en relation directe avec d’une part l’intensité des réponses à ces signaux (i.e., saillance de ces stimuli, affects positifs) et la motivation à réagir à ces signaux (i.e., comportements d’approche) (Depue &

Collins, 1999), lesquelles seraient les caractéristiques pertinentes discriminant les

sujets sur base des dimensions proches du BAS. Dans le cadre de ces deux

hypothèses, les différences interindividuelles associées à la sensibilité du système

appétitif seraient associées à une hypertransmission dopaminergique-trait, du fait

d’un plus grand nombre, d’un plus grand binding, ou d’un mode de décharge plus

intense des neurones dopaminergiques dans ces régions. (Depue & Collins, 1999 ;

Pickering & Gray, 2001). Quelle(s) dimension(s) de personnalité est (sont)

effectivement associée(s) à ces caractéristiques neuroanatomiques (et par là

seraient réellement une mesure de la sensibilité du système appétitif) est toujours

(38)

largement soumis à controverse. En effet, depuis la présentation du modèle de Gray, le premier à suggérer qu’une part importante des différences interindividuelles appelées personnalité était une conséquence directe des sensibilités différentielles à différentes catégories de stimulations émotionnelles (Gray, 1970), plusieurs modèles ont proposé des dimensions basées sur la sensibilité différentielle du système appétitif (Tellegen, Cloninger ; Cloninger, 1987 ; Tellegen, 1985 ; Zuckerman, 1995) ; de plus (voir section précédente), l’impulsivité (dimension originellement proposée par Gray comme mesure de la sensibilité du système appétitif) est de plus en plus considérée comme une dimension dissociée (bien que corrélée) du BAS, et l’extraversion (originellement décrite par Eysenck comme une tendance à l’activation non-spécifique) est de plus en plus souvent citée comme la dimension potentiellement représentative du BAS (Dickman, 1990 ; Smillie &

Jackson, 2006). De nombreux travaux (neuroendocrinologiques, génétiques, et en imagerie) ont été menés depuis plusieurs décennies afin de donner un support empirique aux relations théoriques entre les dimensions associées au BAS et la transmission dopaminergique, et, plus récemment, dans le but de départager les dimensions proposées comme représentatives de la sensibilité du système appétitif.

Les protocoles neuroendocriniens ont été historiquement les premiers utilisés pour mettre en relation une dimension de personnalité avec le niveau de réactivité d’un système de neurotransmission. Ce type de protocoles consiste en l’administration de doses basses d’une substance connue pour son interaction avec le système étudié (agoniste, antagoniste, précurseur, inhibiteur de recapture, …), puis de la mesure sanguine du niveau d’une hormone sensible à l’activité du système étudié ; il présente l’avantage important d’être utilisable chez l’homme, in vivo. Concernant le système dopaminergique, les protocoles les plus utilisés sont les mesures des niveaux d’hormone de croissance, de prolactine et de cortisol (Netter, 2006) ; la mesure du taux de métabolites (acide homovallinique) de la dopamine dans le liquide céphalo-rachidien a aussi été utilisée (Limson et al., 1991).

Ainsi, l’administration d’agonistes dopaminergiques (apomorphine, par exemple) ou

d’une substance agissant sur la libération de dopamine (amphétamine, par

exemple) produisent une diminution du taux de prolactine et une augmentation du

taux d’hormone de croissance. Des relations entre la réactivité du système

dopaminergique et la dimension recherche de nouveauté (Gerra et al., 2000 ;

Références

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