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Dany Wattebled, co-rapporteur sur la thématique « Protection des données personnelles dans l’utilisation des outils numériques de traçage » pour la

Mardi 7 juillet 2020

M. Dany Wattebled, co-rapporteur sur la thématique « Protection des données personnelles dans l’utilisation des outils numériques de traçage » pour la

mission de contrôle et de suivi des mesures liées à l’épidémie de Covid-19. – StopCovid est une application grand public pour terminaux mobiles, qui utilise la technologie Bluetooth pour enregistrer la proximité avec d’autres appareils. Elle permet ainsi, sur une base purement volontaire, d’être alerté en cas de contact à risque avec d’autres utilisateurs s’étant révélés malades.

Concrètement, l’application mémorise sous forme anonyme l’ensemble des contacts avec d’autres appareils également équipés de celle-ci et passés à proximité sur une période donnée. Il est alors ensuite possible de retracer rétrospectivement les contacts d’un individu atteint par la maladie pour les prévenir du risque de contamination encouru.

L’application a été lancée le 2 juin par le Gouvernement, au moment où débutait la seconde phase du déconfinement. Elle est disponible au téléchargement pour les iPhones d’Apple et pour les appareils fonctionnant avec le système d’exploitation Android de Google.

Marque de la volonté du Gouvernement d’être irréprochable sur la conformité de l’application au droit de la protection des données personnelles, la CNIL a été saisie par deux fois et été amenée à se prononcer à deux reprises sur l’application StopCovid. Par un avis du 24 avril 2020, elle a répondu à une saisine du Gouvernement sur le principe général d’une application de suivi des contacts ; puis, par sa délibération du 25 mai 2020, elle s’est prononcée sur le projet de décret relatif à l’application.

La CNIL a estimé que « l’utilité de l’application et la nécessité du traitement projeté [étaient] suffisamment démontrées », au sens de la législation sur la protection des données. En effet, l’application lui apparaît, en l’état incertain des connaissances épidémiologiques, être un instrument complémentaire du dispositif d’enquêtes sanitaires manuelles, favorisant des alertes plus rapides en cas de contact avec une personne contaminée, y compris inconnue.

La CNIL a relevé plusieurs garanties, notamment le traitement des données sur la base du consentement et l’absence de conséquence juridique négative attachée au choix de ne pas recourir à l’application ; ses recommandations concernant les mesures de sécurité entourant l’application ont également été prises en compte.

La CNIL a en outre obtenu plusieurs modifications complémentaires, dont l’amélioration de l’information fournie aux utilisateurs, en particulier sur les conditions d’utilisation de l’application, les modalités d’effacement des données personnelles, et la nécessité de délivrer une information spécifique pour les mineurs et les parents des mineurs.

Elle a également obtenu la confirmation explicite d’un droit d’opposition et d’un droit à l’effacement des données anonymes enregistrées et le libre accès à l’intégralité du code source de l’application mobile et du serveur.

Enfin, la CNIL a annoncé qu’elle mènerait dès le mois de juin une campagne spécifique de contrôle des outils numériques de lutte contre l’épidémie, notamment pour s’assurer de la destruction des données collectées à l’échéance des durées de conservation autorisées.

M. Loïc Hervé, co-rapporteur. – Quel bilan dresser de l’application StopCovid ? Les personnes reçues en audition nous avaient alertés, avant même son lancement, sur l’efficacité incertaine de cette application. La technologie Bluetooth a été conçue non pas pour mesurer précisément les distances, mais pour échanger des données. La fracture

numérique risque de pénaliser nos concitoyens âgés ou vulnérables qui ne sont pas équipés de smartphone ou qui ne sont pas capables d’utiliser l’application, mais qui sont pourtant justement parmi les plus exposés au virus. À ces limites s’ajoutaient des objections de principe d’une partie de la société civile, évoquant le danger d’une accoutumance à la surveillance numérique ou le risque de discrimination au sein de la population contre les personnes n’ayant pas téléchargé l’application, qui pourraient se trouver en butte à une pression sociale ou économique voire à des phénomènes de stigmatisation.

Le secrétaire d’État au numérique, Cédric O, a dressé fin juin devant la presse un premier bilan des trois premières semaines de fonctionnement de l’application StopCovid.

Dany Wattebled et moi-même, tout en nous rejoignant sur le caractère assez décevant des premiers chiffres annoncés, avons encore certaines divergences sur la portée exacte à leur donner. Je laisserai mon collègue nuancer, avec plus de bienveillance que moi, les critiques que je vais formuler.

D’abord, l’adoption de l’application par la population française reste minime : 1,9 million de téléchargements seulement pendant les trois premières semaines de fonctionnement, auxquels il faut retrancher 460 000 désinstallations, soit un taux de couverture inférieur à 2 % de la population qui contraste avec la situation en Allemagne, qui totalisait près de 7 millions de téléchargements le jour du lancement de l’application officielle, pour un pays pourtant moins touché que le nôtre par l’épidémie. Cela pose vraiment la question de l’acceptabilité d’un tel outil par la population française.

Ensuite, l’utilité sanitaire concrète semble négligeable à ce jour : seules 68 personnes ont fait une déclaration de test positif via l’application. Avec seulement 14 utilisateurs avertis d’un risque de contact avec une personne contaminée, StopCovid reste donc à mon avis un vrai rendez-vous manqué.

En outre, si le protocole et le système applicatif ont été développés dans des conditions de délais exceptionnelles et grâce à la participation largement bénévole des équipes de chercheurs et d’informaticiens associées au projet, le fonctionnement normal de l’application et la maintenance des serveurs semblent désormais particulièrement coûteux, puisque s’élevant à environ 200 000 euros par mois, et ce d’autant plus au regard de ses maigres résultats.

Enfin, réduisant encore son efficacité, le dispositif reste un des rares en Europe qui ne sera probablement pas interopérable avec les autres applications développées par nos partenaires européens, en raison du choix minoritaire d’une architecture technologique centralisée. Seules la Hongrie, la Norvège et la Slovaquie ont fait un choix comparable.

M. Dany Wattebled, co-rapporteur. – Le bilan purement numérique de l’application est indéniablement décevant, mais il doit être rapporté à l’évolution actuelle de l’épidémie en France. Il aurait fallu qu’au moins la moitié de la population la télécharge pour que ce soit efficace.

Si l’application n’a conduit à contacter que peu de personnes à risque, c’est que la circulation du virus elle-même a diminué, limitant les occasions de signalement dans l’application. Celle-ci favorise une plus grande vitesse de réaction pour prévenir les personnes à risque, or isoler très tôt les personnes contagieuses est un élément décisif pour briser les chaînes de contamination. Face au risque de reprise de l’épidémie en cas de nouvelle vague à

l’automne, comme le redoutent les autorités sanitaires, il est trop tôt pour conclure sur l’utilité de cette application. En tout état de cause, il ne faut pas se priver à ce stade d’un tel outil.

Le Gouvernement a revu sa stratégie, puisqu’il entend désormais cibler les zones où l’épidémie circule le plus, comme en Guyane, où une campagne d’information sur StopCovid a été menée par SMS.

L’ambition de l’application n’a jamais été de résoudre à elle seule l’épidémie ; elle est plus modeste. Selon plusieurs travaux épidémiologiques récents, la moindre contamination évitée compte, et même un faible pourcentage d’utilisation permettrait de lutter contre l’épidémie. Tout est affaire de proportionnalité : il s’agit d’un outil complémentaire qui vient appuyer et non remplacer les enquêtes sanitaires humaines pour retracer les cas contacts et qui évite ainsi l’écueil du solutionnisme technologique. StopCovid est un petit exploit. Les Français ont réussi à la développer en très peu de temps, seuls, avec leurs meilleurs experts en numérique.

Enfin, malgré un taux faible de téléchargement, l’application pourrait se révéler particulièrement efficace dans les zones denses et urbanisées, là où elle peut être le plus utile, puisque l’anonymat des transports en commun et des lieux publics constitue le point faible des enquêtes basées sur la mémoire, et que c’est justement cet angle mort que l’application peut combler.

En conclusion, eu égard aux garanties fortes de protection des données personnelles apportées dès le début, au fait que la solution déployée est respectueuse de notre souveraineté numérique et que le dispositif est temporaire, il me semble que nous pouvons encore donner sa chance à cette application, qu’il est un peu trop tôt pour condamner.

Si une deuxième vague de covid nous touchait à l’automne, peut-être serions-nous heureux d’échapper à un reconfinement général grâce, en partie, au déploiement plus massif de cet outil.

M. Philippe Bas, président, co-rapporteur sur les questions électorales pour la mission de contrôle et de suivi des mesures liées à l’épidémie de Covid-19. –Beaucoup des questions posées en matière de droit électoral à l’occasion de la crise du covid-19 mériteront d’être traitées dans un cadre permanent, en particulier celle de l’élargissement des procurations qui, en raison des contraintes calendaires, n’a pas été possible au degré souhaité mais qui mériterait d’être pérennisé, tout comme le vote par correspondance et le vote par internet, particulièrement nécessaire pour l’élection des représentants des Français de l’étranger en mai 2021, dans des conditions de sécurité sanitaire qui restent une grande inconnue.

En matière de contrôle des procurations, un système informatisé sera performant d’ici à un an et permettra l’attribution de procurations aux personnes n’habitant pas la commune du mandant, tout en évitant les fraudes.

Les crises révèlent des voies différentes de celles que l’on arpente habituellement.

En France, nous avons été traumatisés par la fraude au vote par correspondance en vigueur jusqu’en 1975, mais cet ancien système était particulièrement souple. Il existe désormais des moyens pour organiser le vote par correspondance dans des conditions de sécurité satisfaisantes.

M. Alain Richard, co-rapporteur sur les questions électorales pour la mission de contrôle et de suivi des mesures liées à l’épidémie de Covid-19. – Je confirme mon plein accord avec la version écrite du rapport sur ces sujets électoraux, y compris les propositions pour l’avenir.

M. Thani Mohamed Soilihi. – Je remercie les rapporteurs pour la qualité de leurs