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Mardi 7 juillet 2020

M. Éric Kerrouche. – Merci aux rapporteurs pour leur travail

Les observations de Françoise Gatel et de Pierre-Yves Collombat complètent en grande partie le rapport que j’ai rédigé avec Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, sur la gestion de la crise du covid-19 par les maires.

Quelque 1 800 élus locaux ont répondu à notre enquête, qui révèle un sentiment d’abandon assez fort et un manque important de matériel dénoncé par la plupart des élus locaux. Au cœur de la crise sanitaire, ils ont aussi eu l’impression que l’État au plus haut niveau ne répondait pas à leur demande d’informations. Ils les recevaient par les médias et non la chaîne hiérarchique.

Je reconnais que le couple préfet-maire a été plébiscité. Les initiatives ont été prises localement, avec des différences selon le niveau de collectivité. Plus la population était importante, plus il y avait de difficultés, en raison d’un champ accru de compétences, avec la décision de se substituer aux services de l’État, notamment pour les approvisionnements sanitaires. La volonté des élus locaux est que cette crise offre des enseignements à suivre si de nouvelles difficultés se manifestaient, avec la volonté de planifier les approvisionnements en masques et en outils de protection, et de mettre à plat les relations entre les collectivités territoriales et l’État, pour une meilleure reconnaissance des premières. Les élus locaux réclament avant tout une logique partenariale qui, selon eux, a manqué.

En matière électorale, il est regrettable qu’alors que nous avons eu le temps de mieux préparer le second tour des élections municipales, les décisions sur les procurations aient été prises trop tard et n’aient pas été assez larges. Nous aurions pu faire beaucoup mieux. Il faudra réfléchir à l’amélioration de ces processus et à la remise au goût du jour de possibilités comme le vote postal.

L’abstention existe de tout temps dans les grands centres urbains. Il faut trouver des solutions particulières. Il est important d’y réfléchir collectivement.

Mme Marie Mercier. – Je félicite tous les rapporteurs de leur excellent travail grâce auquel nous pourrons anticiper une éventuelle nouvelle vague.

L’accueil des enfants du personnel des centres de détention et des foyers de l’enfance n’avait pas été prévu. Lorsque nous avions auditionné Jean Castex, qui était alors en charge de la stratégie de déconfinement, j’avais posé une question sur la chaîne de responsabilité et émis l’idée du préfet unique. Nous n’avions pas eu de réponse.

L’intérêt de cette crise est qu’enfin, lors des commissions médicales d’établissement, nous avons parlé davantage médecine qu’administration. Le circuit court de la décision a prévalu. Les ARS ont probablement une utilité, mais il est important de remettre les médecins au centre des décisions.

Il reste beaucoup de choses à découvrir concernant cette maladie pour laquelle nous ne disposons pas encore de traitement. Il faudra laisser aux chercheurs le soin de

travailler pour mettre en place des protocoles thérapeutiques efficaces pour soigner les patients atteints de la covid-19.

La contrainte suscite l’imagination. Finalement, les collectivités territoriales ont pris la main. La commune reste le premier espoir et le dernier recours.

M. Alain Richard, co-rapporteur. – Dans la série des choses qui ont fonctionné, je voudrais ajouter l’éléphant dans le couloir : la capacité de nos hôpitaux à transformer leur organisation en quelques jours pour multiplier par deux ou par trois leurs capacités de réanimation pulmonaire. Au milieu des flots de récriminations, soulignons que des ressources ont pu être efficacement employées.

M. Philippe Bas, président. – Il ne nous appartenait pas de nous prononcer sur le fonctionnement des hôpitaux. En revanche, il nous appartenait de relever les défaillances du service public de la justice. Une partie du rapport porte sur ce point. Les tribunaux, dans lesquels on constate souvent un afflux de justiciables et d’avocats qui s’ajoutent au personnel, ont très vite fermé leurs portes. Mais ils ont aussi réduit leur activité très largement. Les personnels, surtout les greffiers, n'étaient pas correctement équipés pour travailler à distance.

Après la grève des avocats, de nouveaux reports d’audience ont dû être décidés. La situation de la justice a été à déplorer.

La police et la gendarmerie ont été très mobilisées. Nous avons relevé leurs difficultés, mais elles ont effectué un travail de très grande qualité. Le service public de la justice, lui, a rencontré des obstacles majeurs à sa continuité, qui doivent faire réfléchir aux efforts d’informatisation à réaliser et à la préparation de plans de continuité d’activité plus sérieux.

Mme Muriel Jourda. – Nous avons constaté dans le Morbihan que le corps préfectoral était particulièrement organisé. Le préfet est un militaire, ce qui est très bon pour la gestion de crise. Il a extrêmement bien travaillé. À côté, l’ARS n’est pas faite pour la gestion de crise. Elle a travaillé comme d’habitude, c’est-à-dire à un rythme un peu lent pour la circonstance. Il aurait pu être bon qu’il y ait non pas plusieurs têtes – avec le préfet, l’ARS, l’éducation nationale, la direction départementale des finances publiques –, mais une seule.

Lors de son audition par la commission, j’avais demandé à M. Castex s’il était possible qu’il n’y ait qu’un seul chef de file, le préfet, organisant l’ensemble des services de l’État. Il n’avait pas répondu, faute de temps, mais l’un des membres de son équipe m’a rappelée pour me dire que ce n’était juridiquement pas possible car les ARS sont des établissements administratifs indépendants. Juridiquement, cela se justifie sans doute.

Heureusement que les prévisions apocalyptiques du professeur Delfraissy, de 15 000 contaminations par jour, ne se sont pas réalisées. Malgré tout, il est positif de ne pas multiplier les têtes de pont dans un département – cette réflexion reste d’actualité.

Mme Françoise Gatel, co-rapporteur. – C’est la notion de task force coordonnée par un pilote.

Je suis sensible aux propos d’Alain Richard sur la capacité d’adaptation des hôpitaux. En Bretagne, chacun a été très heureux de la transformation des TGV en véhicules sanitaires voyageant de l’Est à Brest, mais les patients transportés auraient pu être accueillis dans des établissements privés de très grande qualité auxquels les ARS avaient demandé

d’arrêter toute activité. Soyons attentifs à cultiver l’intelligence d’un partenariat public-privé qui peut être de grande qualité.

M. Jacques Bigot. – L’Alsace a été durement touchée. On a mis beaucoup de temps avant de mobiliser les établissements privés. Du retard a été pris dans les relations transfrontalières. Les établissements allemands et luxembourgeois ont accueilli des malades, mais c’était très compliqué car le préfet de région ne peut pas discuter directement avec ses homologues des Länder.

Les dysfonctionnements de la justice révèlent très clairement des problèmes d’organisation. On a laissé aux présidents de juridiction le soin de s’organiser, or ils ne sont pas des chefs d’établissement. Les toutes petites juridictions se sont mieux organisées car elles ont bénéficié de la proximité accrue entre les personnes.

Des présidents de juridiction nous ont dit que des instructions claires de la chancellerie auraient eu des effets différents. Il y aurait eu moins de retard.

Mme Catherine Di Folco. – Comment le rapport sera-t-il diffusé ?

M. Philippe Bas, président. – J’y venais. Êtes-vous d’accord pour rendre le rapport public ?

M. Alain Richard, co-rapporteur. – Je me plains une nouvelle fois de cet usage immémorial au Sénat qui consiste à se prononcer sur la publication du texte et à se voir ensuite considéré comme approuvant l’ensemble de son contenu. Ce manque de franchise a des effets extrêmement nocifs.

M. Philippe Bas, président. – Cet usage, qui nous a précédés, présente un avantage : il n’est pas demandé d’approuver un rapport pour accepter qu’il en soit fait publicité. Il n’est imposé à personne d’assumer son contenu.

M. Alain Richard, co-rapporteur. – Ce serait un progrès spectaculaire que d’inscrire cette mention dans le rapport…

M. Philippe Bas, président. – En effet, c’est une bonne idée.

M. Jean-Pierre Sueur, co-rapporteur. – Il est précieux que les comptes rendus des débats de la commission soient inclus dans le rapport car, ainsi, les opinions divergentes y figurent.

M. Jean-Yves Leconte. – J’insiste : nous devons travailler sur les ordonnances qui resteront en vigueur après l’état d’urgence sanitaire.

M. Philippe Bas, président. – Oui, nous pouvons faire un état de toutes les mesures maintenues quelques mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Nous y joindrions les règles que le Sénat a inscrites dans la loi pour limiter les durées d’application des dispositions d’exception prises par ordonnances.

M. Jean-Yves Leconte. – Nous pourrions même aller plus loin en prenant l’initiative de débattre de certaines ratifications, quitte à les examiner en procédure de législation en commission.

M. Philippe Bas, président. – Cela va de soi.

M. Alain Richard, co-rapporteur. – La ratification est une loi. Il faut bien qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour du Sénat et de l’Assemblée nationale.

M. Philippe Bas, président. – Il n’est pas inenvisageable d’inscrire à notre ordre du jour le projet de loi de ratification, même si le Gouvernement ne le souhaite pas. Monsieur Leconte, vous pourriez le proposer à votre groupe. De mon côté, je vais y réfléchir.

Alain Richard avait proposé que nous réfléchissions à une mise en œuvre de la procédure de législation en commission. J’y suis très favorable. Entre la situation actuelle – ne jamais examiner la longue liste de projets de loi de ratification – et la situation dégradée qui consisterait à en faire un examen par cette procédure simplifiée, on peut s’interroger… Nous en avons discuté lors du bureau de la commission, qui s’est tenu ce matin même. En outre, la décision récente du Conseil constitutionnel pourrait entraîner une désincitation pour le Gouvernement à inscrire à l’ordre du jour les projets de loi de ratification puisqu’il n’est plus menacé que par une question prioritaire de constitutionnalité devant le Conseil constitutionnel, que la juridiction administrative répugnera à transmettre. Le Gouvernement a plus de confort que jusqu’à présent.

M. Alain Richard, co-rapporteur. – L’erreur initiale a été un excès de vertu dans la réforme constitutionnelle de 2008, que par ailleurs j’approuve pleinement. À l’article 38, nous avons écrit qu’il ne pouvait plus y avoir de ratification tacite…

M. Philippe Bas, président. – Petite cause, grands effets ! La commission des lois autorise la publication du rapport.

La réunion est close à 12 h 20.