• Aucun résultat trouvé

Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur sur la thématique « Collectivités territoriales, administration déconcentrée de l’État et accès aux services publics au

Mardi 7 juillet 2020

M. Pierre-Yves Collombat, co-rapporteur sur la thématique « Collectivités territoriales, administration déconcentrée de l’État et accès aux services publics au

niveau local » pour la mission de contrôle et de suivi des mesures liées à l’épidémie de Covid-19. – J’approuve les propos de Françoise Gatel, avec laquelle j’ai eu plaisir à travailler.

Je ne m’étendrai pas sur le désastre, que tout le monde connaît, de La Poste.

Si la catastrophe a été évitée, c’est parce qu’une gouvernance associant le préfet et les élus – maires, présidents des conseils départemental et régional – s’est spontanément mise en place : nous devons instaurer un dispositif permanent pour temps de crise, avec des règles spécifiques.

Grâce à cela, de nombreux problèmes pratiques, qui touchent à l’organisation des soins, ont pu être réglés : manque de masques ou de tests, absence d’hôpitaux de proximité dans certains départements ruraux – je pense au Gers – comblée par la mobilisation des médecins libéraux. La Vendée et d’autres départements ont mis à disposition leurs laboratoires d’analyse biologique et technique. Cette solution aurait permis de pratiquer des tests en grand nombre dès le début de la pandémie, mais elle n’était pas réglementaire !

Les problèmes sociaux et économiques ont été engendrés sinon directement par la pandémie, du moins par les interdictions liées au confinement. Selon les départements et les régions, les actions ont été très diverses. Ainsi, dans les Vosges, des actions en direction des Ehpad ont été menées ; si elles avaient été généralisées, nous n’en serions peut-être pas arrivés à l’hécatombe que nous avons connue. En Seine-Saint-Denis, ce sont des actions en direction des familles démunies. En matière économique, la mobilisation des financements a bien fonctionné, les fonds étant versés aux entreprises assez rapidement.

Davantage que les problèmes concrets que je viens d’évoquer, c’est le délire réglementaire gouvernemental accompagnant les décisions de confinement et de déconfinement qui a mobilisé les énergies. Les préfets et les élus locaux ont passé davantage de temps en exégèse des textes officiels qu’à régler des problèmes réels. J’en veux pour preuve le protocole sanitaire pour la réouverture des écoles maternelles et élémentaires de 63 pages…

S’agissant des ARS, je veux évoquer le prurit bureaucratique national, avec les

« chicayas » de compétences… À de rares cas près, les ARS ont, en général, traîné les pieds, mécontentes de voir d’autres faire le travail qu’elles ne voulaient, ou ne pouvaient, pas faire.

Déjà fort critiquées en période normale pour leur obsession des économies budgétaires et des suppressions de lits et d’établissements, particulièrement des hôpitaux de proximité et des maternités, la crise, en révélant leur volonté de disposer de pouvoirs, sans en avoir l’expérience, et leur incapacité à sortir de leur routine bureaucratique, nous conduit à nous poser la question de leur suppression. Un président de région signalant une pénurie de masques dans un hôpital s’est entendu répondre par son interlocuteur à l’ARS qu’il devait y

avoir erreur car, sur sa tablette, il pouvait voir qu’il restait des masques… En théorie, réglementairement, il n’y avait pas de problème, même si la réalité montrait le contraire ! Personnellement, je suis donc pour la suppression des ARS.

Un retour d’expérience des pompiers, qui va dans notre sens, vient de fuiter dans la presse : l’accès aux soins a été perturbé par le SAMU, qui a voulu monopoliser le transport, alors qu’il n’en avait pas les moyens. Avec Catherine Troendlé, nous soulevons régulièrement la question de la fusion des plateformes d’appel du 15 et du 18, pour une meilleure répartition des tâches.

Par ailleurs, se pose le problème des soins qui ont, ou non, été administrés. Je regrette que notre commission ne se soit pas préoccupée de cette question, qui a été traitée par la commission des affaires sociales. La commission d’enquête du Sénat, qui débute seulement ses travaux, rendra ses conclusions trop tard par rapport à celle de l’Assemblée nationale. Je ne veux pas faire de corporatisme, mais nous aurions pu poser la question des soins plus tôt : a-t-on soigné correctement ou non les malades ? Où et comment les malades ont-ils été soignés ?

Pour conclure, nous avons constaté avec Françoise Gatel qu’il y avait vraiment matière à ressouder les territoires en faisant fi des séparations et des répartitions, lesquelles se sont avérées très pénalisantes en situation de crise.

M. Loïc Hervé, co-rapporteur sur la thématique « Sécurité civile » pour la mission de contrôle et de suivi des mesures liées à l’épidémie de Covid-19. – Je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser Patrick Kanner qui est retenu dans la région lilloise et ne peut malheureusement être présent ce matin pour présenter avec moi nos travaux.

Nous avons porté notre attention sur la contribution de la sécurité civile à la gestion de la crise. À ce titre, la méthodologie mise en œuvre s’est inscrite dans la continuité de celle utilisée pour notre récent rapport sur la sécurité des sapeurs-pompiers : nous avons pris attache avec les acteurs institutionnels habituels tels que la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), l’Assemblée des départements de France (ADF), ainsi que les syndicats représentatifs de la sécurité civile.

Mais nous avons également tenu à nous rapprocher directement des acteurs de terrain, dont la Fédération nationale agréée de sécurité civile, la Brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) ainsi que l’ensemble des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). Nous sommes très heureux du nombre et de la qualité des retours de tous ces acteurs, dont le concours a véritablement nourri le rapport que je vous présente aujourd’hui.

Le premier constat de nos travaux est que le mécanisme de lutte mis en place par l’État contre l’épidémie a été essentiellement centré autour du ministère de la santé et de ses services, et que la sécurité civile n’a été conçue que comme un renfort ponctuel. Ce choix a été perçu comme un signe d’exclusion par le monde de la sécurité civile, dont les acteurs ont eu l’impression de ne pas être considérés comme de véritables parties prenantes. La prise en compte de l’action de ces derniers a donc été progressive, au fur et à mesure que leur action de terrain devenait évidente. Il a finalement fallu attendre le 13 avril pour que les sapeurs-pompiers soient reconnus comme des acteurs de première ligne par le Président de la République.

Pourtant, la réponse aux crises fait véritablement partie de l’ADN de la sécurité civile. Cette fonction apparaît dans l’intitulé même de la DGSCGC. Elle est implicitement reconnue dans les missions confiées aux SDIS par le code général des collectivités territoriales, qui vise notamment la protection des personnes, des biens et de l’environnement, de même que les secours d’urgence aux personnes et leur évacuation.

Pour preuve, les acteurs de la sécurité civile étaient prêts. De nombreux SDIS et la BSPP nous ont indiqué qu’aucune procédure véritablement nouvelle n’avait été mise en œuvre puisque les sapeurs-pompiers interviennent déjà régulièrement pour des missions d’assistance à des victimes atteintes de pathologies infectieuses.

Malgré cette mince reconnaissance, l’action locale des acteurs de la sécurité civile a rappelé l’évidence de leur rôle. Ils ont d’abord su adapter leur propre organisation. Des procédures sanitaires temporaires ont été mises en œuvre, ainsi que des contrôles de la santé des personnels, qui ont parfois été durement touchés par l’épidémie. La doctrine de gestion des effectifs a également été aménagée dans les SDIS : rotation des effectifs dans les territoires moins touchés, télétravail pour les personnels administratifs techniques et spécialisés (PATS) ou session de formation ad hoc pour s’adapter à la crise. Enfin, les SDIS ont également pu compter sur la disponibilité accrue des sapeurs-pompiers volontaires pour adapter leurs capacités opérationnelles du fait du ralentissement de la vie économique.

Cette adaptation a permis aux acteurs de la sécurité civile d’apporter un concours qui s’est finalement révélé indispensable. Ce concours a également bénéficié d’un effet de bascule des activités. En effet, les mesures de confinement mises en œuvre par le Gouvernement ont de facto limité les déplacements routiers et ont conduit la population à rester présente à son domicile, ce qui a engendré une baisse des accidents de la route et des incendies domestiques dans une proportion significative, de l’ordre de 20 à 30 %.

Dans les départements les plus touchés, cette bascule n’a pas suffi, et de loin, à compenser l’énorme volume d’interventions liées à la covid. La BSPP nous a indiqué avoir traité plus de 10 000 interventions en lien avec l’épidémie. Le SDIS du Haut-Rhin parle, lui, d’un « bouleversement de l’activité opérationnelle », puisqu’au 10 mai 2020, son activité avait globalement augmenté de 3 % par rapport à 2019.

Ces volumes s’expliquent par le champ très large des interventions conduites par les acteurs de la sécurité civile. Les plus courantes ont consisté dans le transport de malades de leur domicile vers les établissements de santé ou entre établissements. Certains SDIS ont dû compenser jusqu’à une cinquantaine de carences ambulancières par jour liées à la covid.

Certaines opérations de transport ont pris un caractère inédit. Plusieurs SDIS, ainsi que la BSPP et certaines associations départementales de la protection civile, ont participé aux opérations « Chardon » successives, visant à transporter en TGV certains malades pris en charge dans des zones fortement touchées vers des zones qui l’étaient moins et où les services de santé n’étaient pas saturés. Des transports de malades ont également été mis en œuvre par les aéronefs de la sécurité civile.

En outre, les SDIS ont largement et spontanément pris part aux campagnes de dépistage mises en place à l’échelle locale, principalement dans les Ehpad. Très fréquemment, ils ont également renforcé les services de santé en faisant preuve d’une grande intelligence des situations pour s’adapter aux besoins spécifiques de chaque territoire. Certains sont utilement venus soutenir la régulation médicale des centres de réception et de régulation des appels. Toutefois, une telle coopération n’a pas toujours été possible dans tous les

départements par réticence de certains SAMU, qui ont parfois refusé d’accueillir un officier de liaison sapeur-pompier en leur sein.

Enfin, leur polyvalence a également permis aux sapeurs-pompiers d’apporter un support logistique particulièrement varié aux acteurs locaux. Le SDIS du Haut-Rhin s’est, par exemple, mis à disposition de l’hôpital militaire de campagne déployé à Mulhouse.

Face à cet engagement total, les retours des SDIS sur le soutien opérationnel qu’ils ont reçu de l’État sont très inégaux. Certains ont regretté que la DGSCGC n’ait pu jouer son rôle d’état-major opérationnel compte tenu de la qualification purement sanitaire donnée à la crise par le Gouvernement. D’autres SDIS ont, eux, été beaucoup plus satisfaits de son soutien. Les retours sur le soutien matériel de l’État aux SDIS sont également hétérogènes.

Certains ont particulièrement apprécié que les services de l’État aient pu assurer la fourniture d’équipements individuels de protection (EIP), dont des masques et des surblouses, alors qu’ils n’étaient plus en mesure de s’en procurer. D’autres ont indiqué avoir trouvé les matériels adéquats par leurs propres moyens, mais regrettent l’absence d’aide pour leur acquisition, y voyant une forme de transfert de charge de l’État vers les départements. Enfin, certains SDIS ont déploré que l’État n’ait pas été en mesure de garantir un prix stable pour l’acquisition de certains EIP, ce que nous regrettons profondément.

Les retours sur les garanties données par l’État aux sapeurs-pompiers sont également nuancés. Au plus fort de la crise, les sapeurs-pompiers auraient souhaité bénéficier du soutien de l’État afin que soient garantis au sein de chaque SDIS la même protection, les mêmes moyens de dépistage et les mêmes garanties qu’aux personnels de santé.

En revanche, aucune réserve n’a été apportée quant à l’émergence d’une formidable solidarité locale durant cette crise. Les différentes parties prenantes n’ont pas hésité à mettre en œuvre des solutions proches du « système D ». Les collectivités ont mis en place des stratégies d’approvisionnement novatrices en EIP, en sollicitant parfois les entreprises locales. Les SDIS ont également fait preuve d’une grande entraide à l’échelle de leur région. Enfin, des entreprises ont fait preuve d’altruisme en fournissant certains équipements à titre gracieux.

Il ressort de cette gestion de crise plusieurs enseignements.

Le premier est de reconnaître que les acteurs de la sécurité civile doivent occuper une place de premier plan dans la gestion des crises, y compris lorsqu’elles sont sanitaires.

Les actions mises en œuvre par les différents acteurs de la sécurité civile en sont la preuve définitive. D’une part, parce que, comme le rappelle fréquemment Catherine Troendlé, les SDIS sont le premier service public de santé de proximité. D’autre part, parce qu’une crise sanitaire nécessite non seulement des réponses d’ordre médical, mais aussi des mesures de diverses natures, qui ont d’ailleurs été mises en œuvre par les acteurs de la sécurité civile lors de la crise.

En outre, le modèle territorialisé de la sécurité civile française a montré qu’il est parfaitement adapté aux crises touchant le territoire national de manière asymétrique. En effet, les besoins n’ont pas été les mêmes d’un département à l’autre et chaque SDIS a su user de sa polyvalence pour s’adapter à toutes les priorités locales. Cette capacité d’action sur l’ensemble du territoire, dans un champ particulièrement large et avec un professionnalisme exemplaire, est un bien extrêmement précieux qui doit être reconnu et valorisé. Pour l’heure,

seuls les acteurs de la sécurité civile sont capables d’assurer de telles missions, et personne d’autre.

Par ailleurs, la crise sanitaire récente a souligné d’anciennes problématiques, déjà mises en exergue par la commission des lois.

La première est le besoin de délimiter de manière plus lisible la frontière entre les compétences respectives des acteurs de la sécurité civile et des services du ministère de la santé. Le besoin de « re-coordonner les forces bleu blanc rouge », que nous avons récemment souligné dans nos travaux antérieurs sur la sécurité des sapeurs-pompiers, est de nouveau mis en avant à l’occasion du bilan de la gestion de la crise sanitaire. Celle-ci confirme, malheureusement, qu’aucune garantie structurelle n’est actuellement donnée par le droit applicable et que la bonne coopération entre les services de santé, dont les SAMU, et les SDIS dépend principalement de la bonne volonté des acteurs locaux.

Elle rappelle également que le développement de plateformes communes est consubstantiel à la consolidation d’un numéro d’appel d’urgence unique, le 112. Comme l’indique très justement la FNSPF, « cette crise démontre que sapeurs-pompiers et urgentistes hospitaliers peuvent et doivent travailler main dans la main, et plaide pour la mise en place du 112 comme numéro unique d’appel d’urgence et la généralisation de centres départementaux d’appels d’urgence regroupant tous les acteurs publics de l’urgence ».

M. Loïc Hervé, co-rapporteur sur la thématique « Protection des données