• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE I : Problématique, hypothèse et objectifs de recherche

CHAPITRE 2 : Contexte socio-sanitaire camerounais et accès aux soins des travailleurs

2.6. Analyse de la vulnérabilité des travailleurs du secteur informel et accès équitable au

2.6.2. Vulnérabilité et accessibilité financière des travailleurs de l’informel aux soins de

Plusieurs études ont été menées pour identifier les champs d’expression de la pauvreté au Cameroun (République du Cameroun, 2003; MINEPAT, 2009; INS, 2005; 2011; Schurings et al., 2011). Dans ces études, le secteur informel se révèle est identifié comme un des plus touchés; un secteur où les occupations variées (porteurs, colporteurs, vendeurs de pâtisserie, vendeurs de friperies, vendeurs de médicaments, vendeuses de beignets, vendeurs de journaux, cordonniers, etc.) constituent des formes de stratégies de lutte pour la survie dans un contexte de pauvreté économique, de précarité et d’insécurité.73

Les travailleurs du secteur informel courent beaucoup plus de risques que ceux du secteur formel. Ils sont très souvent exposés à des milieux de travail à risque en matière de sécurité et de santé. Leur santé et leur productivité peuvent ainsi être compromises, ainsi que le bien-être de leurs familles. Ils ignorent pour la plupart les risques auxquels ils sont exposés. Le domicile étant très souvent le lieu de travail, les risques qu’entraîne le travail est lié à celui d’un milieu de vie déjà inapproprié. Par conséquent, même leurs familles et leurs voisins sont exposés aux divers dangers et sont eux aussi vulnérables aux maladies et à la mauvaise santé. Certains parmi les travailleurs de ce secteur exercent leur activité dans des espaces qui manifestement présentent un problème de sécurité et de santé lié à l’absence d’accès à des installations sanitaires, à l’électricité ou à l’évacuation des déchets (Atim, 1998; Roubaud and Torelli, 2013; Fouomene, 2013; Nana Djomo et al., 2014).

73Ces activités sont reconnues éprouvantes pour la santé et peuvent de toute évidence provoquer ou aggraver des fragilités physiques liées aux conditions dans lesquelles ces travailleurs exercent. Pour une large majorité des travailleurs de l’informel au Cameroun, la consommation alimentaire est pauvre et limitée par les moyens de s’en offrir de bonne qualité. Ce qui peut les rendre moins productifs ou les pénaliser sur le marché du travail. La vulnérabilité décrit ainsi le caractère fragilisé de ces travailleurs qui travaillent et vivent dans une insécurité permanente.

Les travailleurs du secteur informel en situation de vulnérabilité ont donc une forte probabilité de voir leur situation se dégrader ou de tomber dans une pauvreté plus grande du fait de la fragilité et de la vulnérabilité auxquelles les exposent leurs conditions de travail et le coût élevé d’accès aux soins auquel ils doivent faire face pour eux-mêmes et pour leur ménage. Avec des revenus dérisoires tels que présentés plus haut, ils doivent impérativement faire face non seulement à leurs besoins de santé, mais aussi au renchérissement d’autres services sociaux ou du coût de la vie (Tchagneno-Teno, 2011; Banque mondiale, 2013; Bem et al, 2013).

La vulnérabilité des travailleurs de l’informel recouvre donc tout un ensemble de facteurs tels que le niveau de revenu et la source même du revenu, les risques de maladie, l’état de santé, la productibilité potentielle, l’accessibilité aux facteurs de production, la possibilité d’entreprendre des activités rémunératrices. La fragilité de leurs capacités économiques et financières, dans un contexte d’absence de protection sociale, les rend incapables de mobiliser les ressources nécessaires pour faire face aux épisodes de maladie. Dans une telle configuration, leurs dépenses de soins se révèlent catastrophiques et les exposent à une plus grande pauvreté financière. De toute évidence, pauvreté et mauvaise santé forment un cercle vicieux : le travailleur du secteur informel vit et travaille généralement dans un environnement propice aux risques de maladies et d’accidents; et pour compléter le cercle vicieux, il possède une accessibilité aux services de santé beaucoup plus limitée. Leur vulnérabilité n’est pas seulement économique, elle est aussi sociale (Tchagneno-Teno, 2011; Roubaud and Torelli, 2013; Banque mondiale, 2013).

Dans ce chapitre, qui traite du système socio-sanitaire camerounais et de l’accès aux soins des travailleurs informels en situation de vulnérabilité, nous avons présenté le Cameroun et son système de santé dans la perspective de la problématique d’accès universel aux soins avec une attention particulière à la situation des travailleurs vulnérables du secteur informel. Nous avons ensuite présenté les conditions du marché du travail au Cameroun de manière à ressortir la place centrale qu’occupe le secteur informel ainsi que les conditions de travail très souvent inappropriées qui exposent les travailleurs de ce secteur aux diverses formes de vulnérabilité qui ne sont pas sans conséquence sur leur état de santé.

En plus de présenter l’environnement politique, institutionnel, économique et social dans lequel fonctionnent l’organisation du système de soin et comment cet environnement

conditionne l’accès aux soins des plus défavorisés, ce chapitre a permis de montrer comment la notion de vulnérabilité des travailleurs de l’informel intègre les facettes multidimensionnelles de la pauvreté auxquelles ces travailleurs sont confrontés et comment cette notion exprime le caractère dynamique du concept de pauvreté. La vulnérabilité des travailleurs de l’informel ne signifie donc pas seulement un manque, une privation ou simplement un état de pauvreté financière, mais un état d’exposition aux risques d’incapacité à se défendre et à réaliser leur potentiel (Obrist, 2006; Tchagneno-Teno, 2011; Roubaud and Torelli, 2013). Dans cet état d’insécurité où ils sont exposés à différents risques, ils sont en manque de moyens pour surmonter ces risques ou pour les surmonter sans tomber dans une autre situation dommageable. La question qui se pose ici est celle de savoir comment les personnes vivant une situation de pauvreté financière et de vulnérabilité, et qui ne disposent pas de ressources financières pour se soigner peuvent-elles exercer leur droit à la santé? Dans le prochain chapitre, John Rawls, Norman Daniels et Amartya Sen nous proposent des approches théoriques qui apportent une réponse à cette question.