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CHAPITRE I : Problématique, hypothèse et objectifs de recherche

CHAPITRE 2 : Contexte socio-sanitaire camerounais et accès aux soins des travailleurs

2.4. Marché du travail et sécurité sociale au Cameroun

2.4.2. Le marché du travail au Cameroun

2.4.2.2. L’économie informelle au Cameroun

L’économie informelle au Cameroun couvre des domaines d’activités très différents et très variés, si bien qu’il est pratiquement difficile de dresser le portrait type d’un entrepreneur de l’économie informelle (Backiny‐Yetna, 2009; Briod, 2011; Bem et al., 2013)54. Cependant, l’ensemble de ses unités de production (UPI) est dépourvu de numéro de contribuable et/ou ne tient pas une comptabilité écrite formelle au sens du plan comptable (INS, 2006; 2011; Nana Djomo et al., 2014).

53 « L’emploi informel représente de nos jours une part importante de l’emploi. Il comprend les personnes dans l’emploi qui, selon la loi ou dans la pratique, ne sont pas assujetties à la législation du travail ni à l’impôt sur le revenu, et qui ne bénéficient pas de protection sociale ni de prestations liées à l’emploi. L’emploi informel se trouve à la fois dans le secteur informel et dans le secteur formel de l’économie. Dans la plupart des pays en développement, les travailleurs qui ont un emploi informel sont plus nombreux que ceux qui ont un emploi formel. Les estimations montrent que l’emploi informel représente plus de la moitié des emplois non agricoles dans la plupart des pays en développement : il représente 82 pour cent en Asie du Sud, 66 pour cent en Afrique subsaharienne, 65 pour cent en Asie de l’Est et du Sud-est (à l’exclusion de la Chine), et 51 pour cent en Amérique latine. » (BIT, 2013 : 4)

54On distingue cependant trois catégories d’activités dans l’informel urbain au Cameroun : l’informel de production qui concerne l’agriculture périurbaine, la menuiserie bois, la menuiserie du métal, etc.; l’informel d’art qui s’exprime dans la broderie, la bijouterie, la sculpture, la peinture, la maroquinerie, la cordonnerie, etc. ; l’informel de services qu’on trouve notamment dans le domaine du transport urbain, du commerce, de la distribution, de réparation mécanique ou électrique, de la restauration populaire, de la coiffure, dans la couture etc. (Tchagneno- Teno, 2011 ; Nana Djomo et al., 2014)

Briod dans son étude sur le secteur informel au Cameroun nous donne une idée concrète et plus complète du fonctionnement de l’économie informelle et des conditions de travail du travailleur vulnérable de l’informel urbain au Cameroun :

« Dans le marché de Deïdo, à Douala, Charlie vend des racines de manioc sur un stand composé d’une sommaire et bancale planche de bois. Comme celle de toutes les femmes autour d’elle, l’activité qu’exerce Charlie échappe presque intégralement à l’État camerounais, on dit alors qu’elle fait partie de l’économie informelle. Informelle non pas parce que la vente sur le marché n’est pas structurée ou n’obéit à aucune règle, mais parce que cette structure et ces règles n’émanent pas pour la plupart du pouvoir étatique, mais d’une organisation informelle. Charlie ne paie pas d’impôts ni de taxes à l’État, elle ne bénéficie d’aucune protection sociale ou juridique, qui lui garantirait son emplacement ou des allocations si elle venait à ne plus pouvoir exercer son métier. La situation de Charlie est celle de près de 90 % des personnes actives au Cameroun. » (Briod, 2011 : 3)

Les statistiques révèlent que 90 % des travailleurs camerounais sont dans l’économie informelle. L’informalité s’est développée au Cameroun avec la crise économique des années 1980 et 1990 qui a été suivie des Programmes d’ajustement structurel.55 Cette situation a engendré un développement remarquable des activités informelles et suscité de nouveaux comportements économiques des agents (Schneider et Enste, 2000; Nana Djomo et al., 2014). La prolifération des activités informelles au Cameroun est donc attribuée à la croissance insuffisante, à la difficulté d’accès au marché officiel du travail, à l’appauvrissement, mais aussi à la forte croissance démographique et à la multiplication des stratégies de survie des ménages (Charmes,

55 Pour sortir de la crise économique, « le pays s’est tourné vers les bailleurs de fonds internationaux, qui lui ont imposé une politique d’ajustement structurel (PAS). Ces politiques, en visant une réduction importante des dépenses budgétaires publiques, ont entraîné l’arrêt progressif des projets d’investissement en cours, une forte rationalisation du personnel de la fonction publique et ont impulsé un mouvement de privatisation. Elles ont profondément affecté l’emploi, forçant le pays à passer d’une organisation où l’État était le principal pourvoyeur d’emplois, à une organisation où le secteur privé devait en assurer la relève. Selon un rapport du département de la Stratégie sur l’emploi de l’OIT à Genève, les coupes réalisées dans les emplois de la fonction publique se seraient traduites par le licenciement de 60 000 fonctionnaires entre 1989 et 1997 et une chute drastique du taux de salarisation, qui est passé de 63,9 % à 22,1 % entre 1983 et 1993 dans le secteur de l’industrie et de 20,6 % à 12,6 % dans le secteur du commerce. Le secteur privé étant trop peu développé pour prendre en charge l’afflux de main- d’œuvre arrivant sur le marché du travail, l’on assiste au développement du secteur informel et à une plus grande précarisation de l’emploi. » (Walther, 2006 : 8) Les programmes d’ajustement structurel mis en œuvre dans la plupart des pays en développement ont provoqué une réduction massive de l’emploi dans le secteur public et une contraction très marquée du secteur formel (BIT, 2000 ; Backiny Yetna, 2009 ; Briod, 2011 ; Djadé, 2011).

2003; Briod, 2011; Djadé, 2011).56 Tout cela s’est traduit ces dernières années par une augmentation du nombre d’Unités de production informelles (UPI) non-agricoles estimé à 2,5 millions en 2010 d’après l’Enquête sur l’emploi et le secteur informel (EESI 2) réalisée en 2010 (INS, 2012 a).

Le redressement de ses finances publiques auquel le Cameroun a été soumis a contraint l’État à réduire considérablement l’offre d’emplois publics. Il revenait au secteur privé encore très embryonnaire d’occuper une population active de plus en plus croissante. Alors faute de mieux, de nouvelles formes d’activités dites de « survie » génératrices d’un revenu de subsistance se sont multipliées, surtout dans les zones urbaines (Lachaud, 1994 ; Schneider et Enste, 2000 ; Zerbo, 2001 ; Nguetse Tegoum, 2009). En effet, dans les pays en développement, « l’économie informelle est le plus souvent le seul moyen pour la plus grande partie de la population de s’inclure dans le système économique et dans le fonctionnement de la société. » (Briod, 2011 : 3)

Walther a qualifié le Cameroun de « pays type de l’économie informelle » pour sa situation particulière parmi les pays de l’Afrique subsaharienne. Il est « selon toute vraisemblance, le pays d’Afrique subsaharienne qui a un des taux les plus élevés d’emplois en secteur informel. » Et le caractère très informel de son économie contraste avec un taux moyen de scolarité des travailleurs très élevé par rapport aux autres pays de la région. « Il existe donc un paradoxe camerounais qui écarte de prime abord toute interaction directe entre types d’emploi occupés et niveaux de formation » (Walther, 2006 : 4). Selon plusieurs experts de la réalité africaine, affirme Walther, le Cameroun représente « une combinaison intéressante entre un foisonnement d’initiatives de terrain, notamment dans le domaine de la formation professionnelle, et une absence visible de formalisation ou de structuration de ces initiatives. » Il constitue « un terrain

56Les occupations variées du secteur informel (porteurs, colporteurs, vendeurs de pâtisserie, vendeurs de friperies, vendeurs de médicaments, vendeuses de nourritures, beignets et pains, vendeurs de journaux, cordonniers, etc.) constituent des stratégies de lutte pour la survie dans un contexte de pauvreté, de conjoncture économique et de chômage rampant.

d’observation de la manière dont les dynamismes individuels peuvent s’inscrire dans une action et une histoire collectives » (Walther, 2006 : 4).

2.4.3. Importance, caractéristiques et contribution du secteur informel à