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QUERLER 2 distingue la modalité subjective (qui se scinde en modalité épistémique et modalité appréciative), la modalité intersubjective et les modalités objectives (ou

IV. Le point de vue de MARTINET

Pour MARTINET dans sa Syntaxe genérale, le mode constitue une classe qui explicite

une prise de position du locuteur par rapport à l’action1 et qui comprend quatre unités : l’impératif, le subjonctif, l’infinitif et le participe. MARTINET explique l’absence de l’indicatif par le fait que celui-ci n’a ni marque formelle, ni valeur distincte de celle du verbe nu, ce qui ne lui permet pas d’être considéré comme une unité linguistique particulière.

Comme la tradition, MARTINET distingue aussi l’infinitif et le participe des modes personnels, parce que ceux-là n’adoptent pas les désinences du type -ons, -ez, annexes

des personnels en fonction sujet et non parce qu’ils ne peuvent être déterminés par un pronom personnel. Comme l’infinitif et le participe n’ont pas de modalités de temps ou

autres1, nous nous intéressons aux valeurs des modes personnels.

1. L’impératif

L’impératif exprime l’optativité (commandement, prière, exhortation, invitation, défense, etc.)

Veuillez croire en nos sentiments respectueux. (politesse) Jette-lui un sort ! (ordre)

N’achetez pas ce produit. (défense)

2. Le subjonctif

Avec le subjonctif, le procès est conçu comme une conception de l’esprit et non une existence ou une réalité. L’auteur distingue deux grands emplois du subjonctif :

a. Le prédicat au subjonctif : le procès a une valeur impérative (ordre, permission, défense, etc.), une valeur optative (souhait, désir, regret, etc.) ou selon les contextes, d’autres valeurs telles que la concession, l’opposition, la supposition, etc.

Qu’il vienne me voir immédiatement ! (ordre) Qu’il fasse beau demain ! (souhait)

Qu’il vienne chez moi et il va m’entendre ! (menace ou supposition) Qu’on lui donne un crayon, il se met à dessiner. (supposition)

b. Le prédicatoïde au subjonctif : Envisagé par la pensée, le procès est donc imaginé. L’emploi du subjonctif est conditionné par la valeur du prédicat qui est, dans la plupart des cas, de type lexical et aussi par les modalités constitutives du

syntagme verbal noyau, ou par la présence d’une négation, d’une interrogation portant sur le noyau :

Je doute qu’il ne soit responsable de l’accident.

Il n’est pas certain qu’il soit responsable de l’accident. Est-il certain qu’il soit responsable de l’accident ?

La nature du prédicatoïde affectée par le subjonctif est très variée

- Le prédicatoïde peut être l’objet d’un verbe d’opinion, de perception (accompagné d’une négation ou d’une interrogation), de volonté, de sentiment, etc.

Je ne pense pas qu’on mette 3h pour aller à Lyon. Il veut que nous partions demain.

Il se réjouit qu’elle puisse partir avec lui.

- Le prédicatoïde peut être l’expansion d’un nom exprimant la volonté, le sentiment, etc.

La peur qu’elle parte le dévore.

Nous vous faisons part de notre souhait que notre fils soit rapatrié.

- Le prédicatoïde peut être l’expansion d’un adjectif exprimant le sentiment

Il est heureux qu’elle puisse partir avec lui.

- Le prédicatoïde est dans la subordonnée relative quand le contexte place le procès du prédicatoïde sur le plan de l’imaginé.

Aidez-nous à trouver un cadeau qui plaise à nos parents. C’était la plus grande fête que nous ayons organisée. Il n’y a pas une seconde où il soit tranquille.

- Le prédicatoïde peut être dans une proposition circonstancielle notamment quand le subordonnant impose le subjonctif : pour que (but), de sorte que (conséquence), bien que (concession), à condition que (condition), avant que (temps), etc.

Je deviendrai tout fou, tout clown, gentil, pour que tu souries. (Hardy) On trace la droite AB de sorte qu’elle soit parallèle avec le segment EF. Bien qu’il m’ait offert de précieux services, le travail est loin d’être fini. Nous pouvons en faire une dérogation à condition qu’il dise toute la vérité. Je dois terminer mon travail avant que le directeur n’arrive.

V. Le point de vue de RIEGEL

D’après RIEGEL, les modes apparaissent comme des cadres de classement des formes verbales. Il compte 5 modes en français : l’indicatif, le subjonctif, l’impératif, l’infinitif et le participe (auquel est associé le gérondif).

Selon un point de vue traditionnel, les modes sont l’expression de l’attitude du locuteur vis-à-vis de son énoncé. Le procès, par conséquent, est conçu de différentes manières en fonction des modes : l’indicatif l’envisage dans sa réalité, le subjonctif dans sa virtualité, l’impératif sous forme de directive1

. Cependant, les différentes modalités que véhiculent les modes sont en réalité tributaires du contexte ainsi que des éléments qui conditionnent leur emploi.

A titre d’exemple, le subjonctif serait censé traduire la volonté, le doute, la crainte, etc. :

Je veux qu’il revienne. Je doute qu’il ne revienne. Je crains qu’il ne revienne.

Or ce sont les verbes dans la proposition principale (vouloir, douter, craindre) qui prescrivent l’emploi du subjonctif. Somme toute, d’après l’auteur, le mode n’exprime pas en soi la modalité mais il y contribue.

RIEGEL classe également les modes à partir de leur coexistence possible avec les

personnes et les temps verbaux : l’indicatif et le subjonctif sont deux modes entièrement personnels, l’impératif ne l’est que partiellement. L’indicatif dispose d’un système complet de formes verbales pour le repérage temporel, le subjonctif est plus limité et l’impératif s’apparente sémantiquement plutôt au futur. D’autre part, les modes impersonnels et intemporels que sont l’infinitif, le participe et le gérondif sont incapables de situer le procès dans le temps et sont dépourvus de valeurs modales particulières. La localisation temporelle dans ce cas se base soit sur le contexte, soit sur le verbe personnel.

Et c’est bien entendu les valeurs modales que nous allons désormais examiner.

1. L’indicatif

L’auteur n’évoque pas la valeur modale de l’indicatif. En revanche, il se centre sur le conditionnel qu’il classe parmi les formes du mode indicatif, du fait de ses caractéristiques formelles et sémantiques, contrairement à MARTINET qui considère dans la Grammaire fonctionnelle du français1 le conditionnel comme un futur dans le passé. Ce faisant, RIEGEL rejoint WAGNER et PINCHON en contestant la grammaire traditionnelle qui veut que le conditionnel soit un mode à part entière. Pour lui, le conditionnel n’est pas différent du futur :

Si l’on voulait traiter le conditionnel comme mode, il faudrait en faire de même pour le futur, qui lui est parallèle : le futur serait alors le mode du probable, de l’éventuel, par opposition au conditionnel, mode de l’hypothèse ou de l’irréel.

RIEGEL (1994 : 512) L’auteur considère que le conditionnel se scinde en deux catégories :

1

- un conditionnel temporel qui est en réalité un futur vu à partir d’un moment du

passé (plus précisément, avenir par rapport au passé). Du fait de cette projection

dans l’avenir par imagination, le procès peut se colorer d’une nuance de

possibilité1. Ce point de vue va dans le même sens que celui de MARTINET.

Il m’a dit qu’il ne rentrerait pas très tard.

- un conditionnel modal qui, en coexistence avec une expression de l’hypothèse, marque le caractère potentiel2 ou irréel3, selon que le procès est situé dans l’avenir ou dans le présent.

Si j’étais roi, je ferais le tour de la Terre. (potentiel)

Si j’avais appris la vérité, je n’aurais pas réagi ainsi. (irréel)

RIEGEL évoque certains emplois du conditionnel et tente aussi de les rapprocher de sa

valeur fondamentale de l’hypothèse et en les considérant comme renfermant une condition implicite. Ce sont les cas où le conditionnel exprime :

- une demande ou un conseil atténué : l’atténuation est liée à une requête implicite (« si je pouvais me permettre ») : Je voudrais poser un jour de congé. Vous

auriez dû vous inscrire avant le mois de septembre.

- une opinion illusoire : le verbe d’opinion est au conditionnel et le sujet est généralement « on » : On dirait qu’il a beaucoup changé. On se croirait au

paradis.

- une éventualité : en proposition relative, souvent avec le verbe pouvoir : Nous

recherchons un médecin qui travaillerait le dimanche.

- l’imaginaire : il s’oppose au réel : Je serais roi et tu serais reine.

Enfin, il existe aussi certains emplois où le conditionnel n’est pas lié à l’expression d’une condition ou d’une hypothèse. Il s’agit d’une information présentée comme incertaine ou d’une interrogation oratoire :

1

RIEGEL (1994 : 555).

2 Le procès est potentiel le locuteur considère au moment de l’énonciation le procès comme possible, bien

que les conditions de sa réalisation ne soient pas encore remplies (RIEGEL, 1994, p. 558).

A cette heure, il aurait terminé le travail et serait sur le chemin du retour. Il viendrait chez vous ? (= il ne viendrait pas chez vous).

2. Le subjonctif

Pour RIEGEL, le subjonctif est un mode de dépendance puisque la plupart de ses emplois se trouvent au sein d’une proposition subordonnée, qu’elle soit complétive, relative ou circonstancielle. Cependant, l’auteur ne nie pas l’emploi de ce mode en proposition indépendante ou principale, bien que cela soit assez limité.

a. Dans la proposition indépendante, le subjonctif est libéré de ses contraintes et marque le caractère subjectif dans la perception du procès. En effet, ce subjonctif exprime :

- un ordre, une défense, une exhortation, avec « que » en tête de phrase : Que

quelqu’un aille la ramener à la maison !

- un souhait, avec ou sans « que » : Vive la République !

- une supposition, dans les discours didactiques : Soit I le milieu du segment AB. - une affirmation polémique, dans l’usage soutenu : Je ne sache pas qu’il soit

parti.

b. Dans la proposition subordonnée complétive, le subjonctif est conditionné par la place de la complétive en tête de phrase et aussi par la classe sémantique (volonté, sentiment, possibilité, nécessité, doute) du verbe, du nom ou de l’adjectif dont dépend la complétive.

Que Kim ne vienne pas, Sophie le pense. Sophie veut que Kim vienne.

Il est nécessaire que Kim vienne.

Dans le cas contraire où cette classe sémantique exprime la certitude, la croyance, l’affirmation, la probabilité, l’emploi de l’indicatif s’impose :

Je suis sûr que Kim viendra. Je crois que Kim viendra.

c. Dans la proposition subordonnée circonstancielle, le subjonctif est conditionné par le sémantisme de la subordonnée (concession, but, condition, etc.) ou de la conjonction de subordination (bien que, pour que, à condition que, etc.). Ceci correspond tout à fait à l’emploi du subjonctif avec un prédicatoïde inséré dans une proposition circonstancielle indiquée par MARTINET.

d. Dans la proposition subordonnée relative, le subjonctif est conditionné par la restriction qui affecte l’antécédent. Soit l’antécédent est indéfini ou indéterminé, soit il est sélectionné parmi un ensemble de possibles que parcourt la

subordonnée, notamment un superlatif relatif ou une expression équivalente1. Ceci correspond encore une fois à l’emploi du subjonctif dans le prédicatoïde avec la subordonnée relative.

3. L’impératif

RIEGEL considère que l’impératif exprime essentiellement une directive car il vise à

orienter la conduite du (ou des) destinataire(s)2. C’est cette valeur directive qui explique sa limite en personnes.