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Voies de dégradation des ARNm fonctionnels :

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1.2 Dégradation cytoplasmique de l’ARNm :

1.2.1 Voies de dégradation des ARNm fonctionnels :

Comme présenté précédemment un ARNm mature possède à la fois une coiffe 7-méthylguanosine en 5’ ainsi qu’une queue poly(A) en 3’, structures qui, avec les protéines qui les reconnaissent, protègent l’ARNm de sa dégradation par les exonucléases. La dégradation d’un ARNm ne peut donc s’effectuer que si l’une de ces deux structures est dégradée ou si l’ARNm est attaqué de manière interne par une endonucléase. Pour la plupart des ARNm eucaryotes, il a été observé que leur dégradation est initiée par le raccourcissement de leur queue poly(A), étape dite de désadénylation. Ensuite, le corps de l’ARNm est dégradé de 5’ vers 3’ ou de 3’ vers 5’. Les voies de dégradation générales 5’-3’ et 3’-5’ des ARNm fonctionnels ont été rassemblées dans un schéma

récapitulatif en Figure 6 et sont décrites ci-dessous, alors que l’étape de désadénylation sera décrite plus largement dans un autre chapitre.

Figure 6 : Voies de dégradation des ARNm fonctionnels.

Les acteurs principaux des voies de dégradation des ARNm fonctionnels de 5’ en 3’ et de 3’ en 5’ sont représentés.

1.2.1.1 Voie de dégradation de 5’ en 3’ :

Dans cette voie, initiée après le raccourcissement de la queue poly(A), la coiffe de l’ARNm est hydrolysée. Cette réaction est catalysée par un complexe, le complexe DCP1-DCP2 (mRNA-

A A A U N UNU AAAUUUU AAA AAAUUUU AAAUUUU AAA AAA AAA AAAUUUU AAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAA 5’ m7G 3’

Désadénylation (étape limitante)

Voie 5’ 3’ Voie 3’ 5’

: Exosome : Xrn1 : FHIT et DcpS

: Coiffe : eIF4E : eIF4G : PABPC1

: TUT : Dcp1-Dcp2 : PAN2-PAN3 : Lsm1-7 : CCR4-NOT : PARN Élimination de la coiffe AAA Uridylation

decapping enzyme 1-2). DCP2, qui possède l’activité catalytique, fait partie de la famille de protéines Nudix pyrophosphatase. DCP2 catalyse l’hydrolyse de la coiffe en libérant du m7GDP et

un ARNm 5’-monophosphate (Wang et al., 2002). Chez la levure, le complexe DCP1-DCP2 se forme sans l’aide de cofacteurs, tandis que chez l’humain, le cofacteur HEDLS/EDC4/GE-1 (Human enhancer of decapping large subunit/Enhancer of mRNA-decapping protein 4/Autoantigen Ge-1 ; dGe-1 chez Drosophila melanogaster ; VARICOSE chez Arabidopsis thaliana) permet une interaction stable entre DCP1 et DCP2 (Fenger-Gron et al., 2005). Le complexe DCP1-DCP2 est régulé par diverses protéines inhibitrices et activatrices. Certaines protéines inhibitrices de DCP1-DCP2, à l’image d’eIF4E et de PABPC, sont impliquées dans la traduction étant donné que ces deux processus sont antagonistes (Caponigro and Parker, 1995; Ramirez et al., 2002; Schwartz and Parker, 2000). Pour ce qui est des activateurs, il en existe plusieurs : l’hélicase DDX6 pour DEAD box protein 6 (appelé Dhh1 pour DExD/H-box helicase 1 chez la levure), PAT1 (mRNA turnover protein 1), le complexe LSM1-7 (Sm-like protein 1-7), EDC3, HEDLS mentionné précédemment ainsi que chez la levure Edc1et Edc2. L’hélicase Dhh1, ainsi que la protéine d’échafaudage PAT1, favorisent l’hydrolyse de la coiffe par inhibition de la traduction (Coller and Parker, 2005). Par ailleurs PAT1 et EDC3 ont été identifiées comme protéines activatrices de la formation du complexe d’hydrolyse de la coiffe en liant LSM1-7, DDX6/Dhh1, DCP1 et DCP2. Le complexe LSM1-7, constitué de 7 protéines Sm-like formant une structure heptamérique en forme d’anneau, permet quant à lui une protection des transcrits contre des activités exonucléases 3’-5’ de par sa forte affinité pour les ARNm oligoadénylés en 3’ mais active l’hydrolyse de la coiffe. Il a notamment été montré in vitro en utilisant des extraits de cellules humaines immortalisées que LSM1-7 facilite l’hydrolyse de la coiffe en 5’ ainsi que la stabilisation des transcrits en évitant leur dégradation de 3’ en 5’, permettant de privilégier la dégradation de 5’ en 3’ (Song and Kiledjian, 2007). De plus, il a été montré chez la levure Schizosaccharomyces pombe que LSM1-7 est essentiel dans la reconnaissance de résidus uridines présents sur des transcrits uridylés en 3’ par la terminal uridyl transférase (TUT) CID1 (Caffeine-Induced Death protein 1), permettant le recrutement de facteurs d’hydrolyse de la coiffe (Rissland and Norbury, 2009). L’observation chez les mammifères d’une augmentation de l’uridylation de transcrits présentant de courtes queues poly(A) en l’absence de LSM1 suggère très fortement que chez les mammifères aussi les transcrits uridylés sont reconnus par LSM1-7, puis sont dégradés de 5’ en 3’ après hydrolyse de leur coiffe (Lim et al., 2014). Une fois la coiffe en 5’ hydrolysée, la dégradation

de 5’ en 3’ du corps de l’ARNm s’effectue grâce à la 5’-3’ exoribonucléase 1 XRN1, une exoribonucléase processive reconnaissant les extrémités 5’ monophosphate des transcrits dont la coiffe a été hydrolysée, et pouvant être directement recrutée sur les transcrits via DCP1 chez l’humain. (Braun et al., 2012; Jinek et al., 2011).

1.2.1.2 Les P-bodies :

Des structures enrichies en particules ribonucléo-protéiques (RNP), nommés P-bodies pour Processing-bodies, ont été détectées dans le cytoplasme. Ces P-bodies concentrent de nombreux acteurs permettant la dégradation des ARN de 5’ vers 3’, comme l’exoribonucléase 5’-3’ XRN1, certaines protéines impliquées dans l’hydrolyse de la coiffe comme le complexe DCP1-DCP2, les protéines EDC1, EDC2 et EDC3 ou encore le complexe LSM1-7, ainsi que des protéines responsables de la répression de la traduction comme PAT1 ou Dhh1/DDX6 (Buchan et al., 2008; Cougot et al., 2004; Neef and Thiele, 2009; Sheth and Parker, 2003). Il a été montré que les protéines Dhh1/DDX6, 4E-T et LSM14A sont nécessaires à la formation des P-bodies (Ayache et al., 2015). Des acteurs du contrôle qualité des ARNm, ou de leur dégradation ciblée par micro- ARN, présentés plus loin dans ce manuscrit, comme les protéines UPF1-3 (ATP-dependent RNA helicase UP Frameshift 1-3)ou GW182 (Glycine-tryptophan protein of 182 kDa) respectivement, peuvent également être localisés au niveau des P-bodies (Durand et al., 2007; Eystathioy et al., 2003; Sheth and Parker, 2006). La formation des P-bodies est augmentée en cas de stress induisant l’inhibition de l’initiation de la traduction et est régulée en fonction de la quantité d’ARNm non engagés dans la traduction (Kedersha et al., 2005; Pillai et al., 2005; Teixeira et al., 2005). L’hypothèse associée est qu’en cas de stress, en plus de leur association dans des granules de stress, les ARNm sont soit dégradés, soit stockés dans les P-bodies avant d’être réinsérés dans le circuit de la traduction une fois l’état de stress passé. Cette hypothèse est étayée par le fait que d’une part, chez la levure, une augmentation de la dégradation des ARNm est constatée en cas de stress par carence en glucose, et que d’autre part la levée d’un tel stress entraîne la disparition des ARNm des P-bodies à condition que l’initiation de la traduction soit possible (Arribere et al., 2011; Brengues et al., 2005).

1.2.1.3 Voie de dégradation de 3’ en 5’ :

La dégradation d’un ARNm de 3’ en 5’ après désadénylation peut également avoir lieu et est assurée par l’exosome, un complexe à activités exonucléase et endonucléase, composé de plusieurs

sous-unités. L’exosome est présent à la fois dans le cytoplasme où il permet la dégradation des ARNm, et dans le noyau où il permet la maturation des ARN ribosomaux, des petits ARN nucléaires (snARN) et des snoARN ainsi que la dégradation des résidus de maturation et des transcrits aberrants. Ici nous ne présenterons que la structure et l’activité de l’exosome cytoplasmique.

La structure de l’exosome est conservée chez tous les eucaryotes. Le cœur de l’exosome est constitué de 3 hétérodimères, RRP41-RRP45 (Ribosomal RNA-processing protein 41-45), RRP46- RRP43 et MTR3-RRP42 (mRNA Transport Regulator 3-RRP42) qui forment ensemble une structure en anneau ne possédant aucune activité catalytique chez la levure ou l’Homme malgré leur similarité de séquence et de structure avec la RNase PH bactérienne. Par contre, chez les plantes, le cœur de l’exosome a conservé une activité phosphorolytique due à RRP41 (Liu et al., 2006). Cette structure centrale n’est pas stable in vitro et requiert trois autres facteurs afin de stabiliser le complexe, RRP4, CSL4 (CEP1 synthetic lethal protein 4) ainsi que RRP40 qui forment une « coiffe » possédant des domaines de liaison à l’ARN de type KH (K-homology domain) ou S1 (ribosomal protein S1). L’activité enzymatique du complexe est quant à elle assurée par RRP44/DIS3 (RRP44/Chromosomal disjunction protein 3). RRP44/DIS3 et la RNase II présentent une architecture similaire, avec deux domaines cold-shock (CSD), un domaine exonucléase et un domaine C-terminal de liaison à l’ARN de type S1. De plus RRP44/DIS3 présente un domaine N- terminal pilT (PIN), lui conférant une structure particulière qui lui permet de posséder une activité endonucléase en plus d’une activité 3’-5’ exonucléase (Lebreton et al., 2008; Lorentzen et al., 2008). Au niveau du cytoplasme, l’exosome peut également s’associer au complexe SKI. Ce complexe est composé de l’hélicase SKI2, de SKI3, et de deux copies de SKI8. Chez la levure, l’exosome s’associe également avec la protéine SKI7, qui fait partie de la même famille de GTPase qu’eRF3 et eEF1A en raison de sa structure C-terminale homologue aux protéines de cette famille. En revanche, le domaine N-terminal de SKI7, non conservé, permet son interaction avec l’exosome et le complexe SKI, et est nécessaire à l’activité de l’exosome.

Outre des acteurs protéiques, des modifications post-transcriptionnelles permettent de recruter l’exosome. En effet, l’uridylation des extrémités 3’ des ARNm d’histones, qui ne possèdent pas de queue poly(A) chez les eucaryotes supérieurs, joue un rôle dans le recrutement de l’exosome sur ces messagers (Mullen and Marzluff, 2008). Ce mécanisme est peut-être un moyen plus général de

sélection de cibles pour l’exosome étant donné que RRP44 a une plus grande affinité pour les séquences riches en AU que pour les extensions oligo(A) (Liu et al., 2006).

1.2.1.4 Élimination de la coiffe :

La dernière étape de la dégradation d’un ARNm est de débarrasser la cellule de reliquats de coiffe qui pourraient monopoliser des partenaires de la coiffe et ainsi diminuer leur activité, entraînant une diminution de mécanismes majeurs comme la traduction. Dans la voie de dégradation 3’-5’, la dégradation totale du corps de l’ARNm par l’exosome entraîne la libération d’une coiffe dinucléotidique m7GpppN. Cette coiffe devient alors le substrat de l’enzyme éliminatrice de la coiffe DCPS (Decapping scavenger enzyme), une pyrophosphatase membre de la super-famille histidine triad (HIT), qui permet sa conversion en m7Gp et ppN (Liu et al., 2002). DCPS peut également exercer son activité catalytique sur le produit d’hydrolyse de la coiffe m7Gpp, généré lors de la dégradation de 5’ en 3’ d’un ARNm. Dans ce cas précis, le m7Gpp est converti en m7Gppp qui est hydrolysé en m7Gp par DCPS (Taverniti and Seraphin, 2015). DCPS joue un rôle important dans le développement chez l’humain, étant donné qu’une perte d’activité de DCPS a récemment été associée à des défauts neuromusculaires et intellectuels ainsi qu’à des anomalies cranofaciales (Ng et al., 2015). La protéine de levure Aph1 (AP3A hydrolase) ainsi que son homologue mammifère FHIT (Fragile Histidine Triad protein), un suppresseur de tumeurs, ont également été identifiés in vivo et in vitro comme enzymes de clivage de la coiffe agissant de concert avec DCPS (Taverniti and Seraphin, 2015). Chez les métazoaires, le m7Gp obtenu par dégradation 3’-5’ ou 5’-3’ est ensuite pris en charge par cNII (cytosolic Nucleotidase II), une phosphatase spécifique des N7-méthyl-guanosines, pour permettre la libération d’un phosphate inorganique (Buschmann et al., 2013).

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