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1.5 Les rôles des MAP kinases dans le cycle cellulaire

1.5.3 La voie JNK

Une troisième cascade de signalisation MAP kinase présente chez les mammifères est la voie JNK (c-Jun NH2-terminal kinase) (voir Figure 1.16, p.61).

Chez les humains, on retrouve trois JNK (JNK1/2/3) présentant 85% d’homologie entre elles. Tout comme les autres MAP kinases classiques, elles sont activées suite à la phosphorylation des deux sites phospho-accepteurs du motif Thr-Pro-Tyr de la boucle d’activation par les MAPKK MKK4/7 [527]. Les JNK (ou SAPK, Stress- activated protein kinase) sont activées par une multitude de signaux extracellulaires et de stress cellulaires : les cytokines (TNFα, IL-1), stimulation des récepteurs des cellules T, les rayons UV, les radiations γ, les chocs thermiques, les changements d’osmolarité et les stress oxydatifs (H2O2).

Initialement, JNK a été identifiée comme étant responsable de la phosphorylation du domaine d’activation en N-terminal du facteur de transcription c- Jun, en réponse aux rayons UV [528, 529]. Bien que le facteur de transcription hétérodimérique AP-1 (constitué des membres des familles Jun, Fos, ATF et MAF)

reste une des cibles principales de JNK, cette MAPK est aujourd’hui reconnue pour phosphoryler plusieurs autres facteurs de transcription tels que ATF-2, Elk-1, p53 et c-Myc, de même que les protéines Bcl-2, Bcl-xL, Bax, paxillin, 14-3-3 et plusieurs autres [527, 530, 531].

En examinant la longue liste de stimuli conduisant à l’activation de JNK, il n’est pas surprenant que les études biochimiques et génétiques chez la souris et chez les organismes modèles D. melanogaster et C. elegans aient impliqué les différents membres de la voie dans de nombreuses fonctions développementales et cellulaires. Ainsi, la signalisation via JNK est importante durant le développement embryonnaire, la signalisation de l’insuline, le vieillissement, la réponse immunitaire, la formation et le développement de tumeurs, la différenciation, la migration, la structure du cytosquelette, la prolifération, la survie cellulaire et l’apoptose (revue dans [531- 534]). JNK contrôle également la prolifération cellulaire et exerce des fonctions lors de l’entrée et la progression en mitose.

1.5.3.1 La progression dans la phase G1

À l’image des voies ERK et p38, la voie JNK exerce un contrôle de la prolifération cellulaire. Cependant, les premières études de prolifération ont assigné des rôles opposés à JNK1 et JNK2 dans la prolifération. En effet, les MEFs Jnk1-/-

prolifèrent moins que les MEFs sauvages, tandis que les MEFs Jnk2-/- prolifèrent

légèrement plus rapidement, puisque leur phase G1 est plus courte [535, 536]. Quant aux MEFs Jnk1-/-Jnk2-/-, elles ont un désavantage de prolifération comparativement aux cellules normales et sont résistantes aux stress qui induisent l’apoptose. Plus récemment, une étude élégante faisant appel à des MEFs KI (Knock-in) homozygotes de Jnk2M108G, un mutant qui peut être inactivé spécifiquement par un inhibiteur pharmacologique, a démontré que JNK2 est un régulateur positif de la prolifération, tout comme JNK1. Cette différence de résultats de prolifération entre les MEFs dans lesquelles JNK2 est inhibée de manière constitutive ou conditionnelle s’explique par le fait que l’expression de JNK1 est augmentée dans les MEFs Jnk2-/-, compensant pour la perte de JNK2 [537]. Ce rôle des JNK dans la prolifération est principalement dû à l’activité du facteur de transcription c-Jun, un régulateur de la transition G1-S et

un substrat important des JNK [530]. Celle-ci lie et phosphoryle les Ser 63 et Ser 73 dans le domaine d’activation de c-Jun [538]. En fait, l’activité de c-Jun est régulée par phosphorylation et ces deux résidus, de même que les Thr 91 et Thr 93, doivent être phosphorylés pour obtenir l’activité transcriptionnelle maximale de c-Jun [539]. Selon la nature du stimulus extracellulaire, l’activité des JNK est suffisante et nécessaire pour la phosphorylation de ces quatre sites [540]. Par contre, dans les MEFs, ERK1/2 sont également impliquées dans la phosphorylation des Ser 63 et 73, mais de façon beaucoup plus modeste que JNK.

Les études génétiques ayant l’objectif d’identifier le rôle physiologique de c- Jun ont démontré qu’en absence de ce gène, les souris meurent entre les jours E12.5 et E14.5, faisant de c-Jun un gène essentiel au développement [541]. Les fibroblastes c-Jun-/- ne prolifèrent plus, puisque l’activité des CDK2/4/6 est sévèrement compromise et que l’expression de p53 et p21 est fortement augmentée [542, 543]. De plus, ces cellules sont plus susceptibles que les cellules sauvages de mourir par apoptose après une exposition aux rayons UV. Pour bien comprendre l’impact fonctionnel de la phosphorylation des Ser63 et 73, des sites majeurs de JNK, des souris mutantes JunS63A/S73A ont été créées [544]. Ces souris sont viables et fertiles, mais plus petites que les souris contrôles. De plus, les MEFs JunS63A/S73A KI ont moins

d’activité transcriptionnelle AP1 et présentent des défauts de prolifération, quoique moins sévères que ce qui est observé dans les MEFs c-Jun-/-, puisque la cycline D1 est moins exprimée. Ces données sont en accord avec le fait que c-Jun soit le principal substrat de JNK dans le contrôle de la prolifération. Par contre, on ne connaît pas la conséquence physiologique de la phosphorylation des Thr 91 et 93. L’ensemble de ces études génétiques démontre que les JNK sont importantes pour la progression des cellules en G1. Des études suggèrent qu’en plus de son rôle dans la progression des cellules en G1, la voie de signalisation JNK a également un rôle à jouer dans le contrôle de la mitose.

1.5.3.2 Le contrôle de la mitose

Deux équipes ont observé que JNK1 phosphoryle la protéine BCL-2 suite à un arrêt des cellules en mitose par l’utilisation d’inhibiteurs des microtubules [545,

546]. Cette phosphorylation inactive BCL-2 et augmente la sensibilité des cellules mitotiques aux signaux entraînant la mort par apoptose [545]. Ces observations ont démontré pour la première fois un rôle spécifique pour JNK au cours de la mitose, malgré qu’il fût déjà connu que les agents inhibant la formation des microtubules activent JNK [547]. Par la suite, les protéines Tau et Sp1 ont également été décrites comme étant des substrats de JNK au cours de la mitose [548, 549].

L’inhibition de JNK dans les cellules de mammifères provoque l’accumulation de cellules avec un contenu en ADN de 4N [550-552]. L’inhibition prolongée de JNK entraîne l’apparition de cellules polyploïdes. Ce résultat semble être provoqué par des défauts lors de la formation du fuseau mitotique, de la ségrégation des chromosomes au cours de l’anaphase et de la cytokinèse [552]. Tandis que JNK2 joue un rôle plus important que JNK1 dans la progression des cellules en mitose, JNK1 provoquerait et JNK2 préviendrait l’apoptose induite par des stress. Ces résultats supportent fortement un rôle pour les membres de la famille des JNK lors de la mitose. En accord avec cette idée, il a été démontré que JNK2 est ubiquitinée par l’APCCdh1 en sortie de mitose [553]. La surexpression d’un mutant non dégradable de JNK2 arrête les cellules dans un état semblable à la prométaphase et perturbe la dynamique du fuseau mitotique. De plus, Cdh1 est phosphorylé par JNK2, ce qui diminue sa capacité à activer l’APC et provoque la relocalisation d’une fraction du pool de Cdh1 du noyau vers le cytoplasme.

Décrite comme étant localisée au cytoplasme et dans le noyau, une petite fraction de JNK a été détectée aux centrosomes tout au long du cycle cellulaire [554]. Par contre, la forme active ne semble être présente à la matrice péricentriolaire (PCM, pericentriolar matrix) que de la phase S à l’anaphase. Toutefois, le rôle de JNK à cette structure demeure inconnu. Certaines données permettent d’émettre l’hypothèse que JNK au centrosome participe à l’activation de CDK1 via Cdc25 [555, 556].

Suite à un traitement à l’anisomycine, un antibiotique qui inhibe la synthèse protéique et qui active les voies JNK et p38, les cellules arrêtent de se diviser et le complexe CDK1/cycline B devient inactif [555]. Cette baisse d’activité de CDK1 est due à l’inhibition de la phosphatase Cdc25C. En fait, JNK phosphoryle la Thr 168 de

Cdc25C au cours de la phase G2, ce qui bloque son activité enzymatique et cause un ralentissement de l’entrée en mitose [555, 556]. Ce mécanisme est important également pour l’arrêt des cellules en G2, suite à des dommages à l’ADN engendrés par les UV.

La caractérisation des fibroblastes de souris Mkk7-/-, une MAPKK de JNK, a permis la description d’un autre mécanisme reliant la voie JNK à l’activité CDK1 [557]. En plus d’avoir des défauts de prolifération et d’entrer prématurément en sénescence, les MEFs Mkk7-/- arrêtent en G2/M. Ce blocage en G2/M s’explique par le fait qu’il y a moins d’activité CDK1, car l’expression de celle-ci est diminuée. Les auteurs de l’étude ont pu démontrer que le facteur de transcription c-Jun, dont l’activité est contrôlée par JNK, régule directement la transcription de CDK1 en se liant à son promoteur.

Ainsi, il semble que la voie de signalisation JNK ait la capacité de promouvoir ou d’inhiber l’entrée et la progression en mitose, selon le type cellulaire, le contexte génétique et la nature du signal qui permet son activation.