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La mitose est une étape fascinante, puisque la cellule subit une réorganisation entière de son architecture afin de séparer adéquatement les chromosomes répliqués. Certains processus biochimiques sont également perturbés au cours de la mitose. C’est le cas notamment de la traduction cap-dépendante, très active en interphase, mais qui est grandement inhibée au cours de la mitose [12, 13]. Plusieurs facteurs d’initiation et d’élongation de la traduction 5’ cap-dépendante sont inhibés par phosphorylation ou déphosphorylation au cours de la mitose (eIF4E, 4E- BP1, eEF1/2). D’un autre côté, la traduction cap-indépendante est stimulée au cours de la mitose. De même, au cours de cette phase du cycle, le réseau des microtubules est complètement réorganisé. En interphase, l’architecture de l’appareil de Golgi et le trafic vésiculaire dépendent de l’intégrité des microtubules. Ainsi, lorsque les microtubules sont restructurés dans une cellule en mitose, le Golgi est fragmenté en

petites vésicules, ce qui permet une dispersion égale des composantes dans les deux cellules filles (Section 1.5.1.1.6 et [14]).

La mitose est divisée en six étapes distinctes selon l’arrangement et la distribution des chromosomes (Figure 1.2) [15]. Il est reconnu que la mitose débute avec la prophase, qui correspond au moment où les chromosomes se condensent. Ce processus de compaction sévère nécessite la participation des condensines, des complexes multiprotéiques possédant une activité ATPase [16]. À l’image des complexes de cohésines, les complexes condensines adoptent une structure en « V »

Figure 1.2 Les étapes de la mitose

La mitose est divisée en six étapes, selon l’organisation et la position des chromosomes. Sur cette figure, on peut voir la distribution de l’ADN (en bleu) et des microtubules (en vert) à chacune des étapes par microscopie à immunofluorescence. La cytokinèse, qui n’est pas illustrée ici, survient immédiatement après la télophase. Les kinétochores sont en rouge. Figure adaptée de [17].

formée par les protéines SMC2-SMC4 et trois protéines non-SMC. La topoisomérase II, une autre enzyme à activité ATPase, participe également à la compaction des chromosomes [18]. Il y a deux complexes différents de condensines qui s’assemblent de façon séquentielle sur les chromosomes durant la prophase (condensine I), et après le démantèlement de l’enveloppe nucléaire (condensine II). De plus, parallèlement à la condensation des chromosomes lors de la prophase, les histones responsables de la formation des nucléosomes sont fortement phosphorylées [19]. Par exemple, l’histone H3 devient phosphorylée sur la sérine 10. Cependant, encore aujourd’hui, il n’est pas bien compris si les modifications post-traductionnelles que subissent les histones lors de la mitose affectent directement le niveau de compaction des chromosomes. Enfin, lorsque l’enveloppe nucléaire est dissociée (NEBD, nuclear envelope breakdown), la prophase se termine et la prométaphase débute.

À l’intérieur des cellules eucaryotes, le noyau est séparé du cytoplasme par un vaste réseau membranaire formant le réticulum endoplasmique et l’enveloppe nucléaire, elle-même composée d’une membrane interne et externe [20]. Les cellules de mammifères produisent ce qui est appelé une mitose « ouverte », c’est-à-dire que le contenu du noyau et du cytoplasme n’est plus séparé par une barrière. Par contre, chez la levure, on observe plutôt une mitose « fermée », au cours de laquelle le noyau reste intact et est scindé en deux seulement lors de la cytokinèse. Dissocier et reformer un réseau membranaire aussi élaboré au bon moment (avant et après la ségrégation des chromatides sœurs) et au bon endroit (autour des chromatides) représente un défi de taille pour la cellule. C’est pour cette raison que le processus est extrêmement bien régulé. Les kinases mitotiques, particulièrement le complexe CDK1/cycline B (Section 1.2), jouent des rôles importants dans toutes les étapes du désassemblage de l’enveloppe nucléaire. Le démantèlement des complexes des pores nucléaires, suivi par la dépolymérisation de la lamine nucléaire et de la dissociation des protéines de la membrane interne contribuent largement à rompre la structure nucléaire [20, 21].

En prométaphase, un phénomène remarquable se produit : la capture des chromosomes par les microtubules via les kinétochores. C’est ce processus qui est à

la base de la distribution parfaite du matériel génétique [22]. Lors de la mitose, les microtubules nucléés à partir des centrosomes sont très dynamiques. Formées d’hétérodimères de tubuline α et β, ces fibres polarisées de 25 nm de diamètre sont constamment polymérisées et dépolymérisées grâce à l’hydrolyse du GTP en GDP par la β-tubuline. Lorsqu’un microtubule a trouvé un kinétochore, sa stabilité est en partie contrôlée par diverses protéines localisées au kinétochore.

Les kinétochores sont des structures protéiques très dynamiques jouant des rôles déterminants dans l’interaction avec les microtubules et dans la ségrégation des chromosomes. Leur assemblage se fait au niveau des centromères, des régions denses d’hétérochromatine [17]. Un kinétochore est constitué de trois régions distinctes : le kinétochore intérieur qui est associé à la chromatide, le kinétochore central et le kinétochore extérieur qui interagit avec le microtubule. Plus de 80 protéines composent les kinétochores à un moment ou à un autre de la mitose. Cependant, quelques protéines y sont retrouvées en tout temps, dont les protéines CENP-A/B et CCAN. Les kinétochores sont responsables du recrutement de protéines qui signalent à la cellule qu’elle doit arrêter sa progression en mitose lorsqu’il y a un ou plusieurs kinétochores qui ne sont pas attachés, processus nommé point de contrôle du fuseau mitotique (Section 1.1.3.6.3.4) [23].

Le moment précis auquel les chromosomes sont alignés sur la plaque équatoriale est appelé métaphase. La durée de la transition entre la prométaphase et la métaphase dépend du temps nécessaire pour que les kinétochores sœurs soient parfaitement attachés (bi-orientés) par des microtubules provenant des pôles opposés. Avant d’y parvenir, il y aura des kinétochores sœurs reliés au même pôle (mono- orientés), certains kinétochores seront difficilement trouvés par les microtubules, ou encore y seront mal attachés [17]. Pendant tout ce temps, la machinerie du point de contrôle du fuseau mitotique empêche la cellule de progresser dans la mitose. Lorsque les conditions de la métaphase sont bien remplies, on assiste au début de l’anaphase.

Pour permettre aux chromosomes de se diriger vers les pôles de la cellule, il doit y avoir dissolution des complexes de cohésines qui maintenaient jusqu’à ce stade

les chromatides sœurs reliées entre elles. Cette étape est assurée par le clivage de la sous-unité Ssc1 de la cohésine par la Séparase [24]. Cette protéase est inhibée jusqu’à cette étape par la Sécurine, qui est dégradée par le protéasome suite à l’ubiquitination par l’APCCdc20, et par phosphorylation par CDK1/cycline B [25]. Les forces générées par la dépolymérisation des microtubules au niveau des kinétochores et au niveau des centrosomes entraînent les chromosomes vers les pôles de la cellule. Pour les éloigner encore davantage vers les pôles, les centrosomes s’y dirigent également [1].

La mitose se termine par la télophase, étape au cours de laquelle le fuseau mitotique se défait complètement et que le noyau commence à se reformer autour des chromosomes ségrégés de chaque côté de la cellule. En télophase, la cellule entame la dernière étape en choisissant le site où aura lieu le clivage et en organisant l’anneau de contraction. La cytokinèse survient lorsque l’anneau de contraction sépare physiquement (processus nommé abscission) les deux cellules générées par l’accomplissement d’un cycle cellulaire [26]. L’anneau de contraction est formé de filaments d’actine, de myosine II, de formine, de profiline et de coffiline. La contraction ainsi que son contrôle nécessitent la participation de quelque 130 gènes, faisant de la cytokinèse un événement cellulaire très élaboré [26]. L’assemblage de l’anneau requiert notamment la participation de la GTPase RhoA, de même que plusieurs GAP (GTPase-activating protein) et GEF (Guanine nucleotide exchange factor). La réalisation des différentes étapes de la cytokinèse fait intervenir les kinases de la famille Aurora et Polo-like kinase, qui contrôlent l’activité de certains acteurs clés [27]. Lorsqu’il y a contraction de l’anneau, tout le réarrangement de la membrane plasmique ainsi généré provoque la formation du sillon de clivage [28].