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1.3 Les phosphatases en sortie de mitose

1.3.1 Cdc14

Le rôle de Cdc14 comme régulateur clé de la sortie de mitose est clairement établi chez la levure S. cerevisiae (revue dans [296]). La majorité de nos

connaissances sur les fonctions et la régulation de cette phosphatase proviennent d’ailleurs d’études réalisées chez cet organisme modèle. Tout d’abord, lorsque cdc14 est muté, cela provoque un arrêt de la progression en mitose tardivement en anaphase [297]. À l’inverse, la surexpression de Cdc14, quant à elle, conduit à l’inactivation précoce de CDK1 [297]. L’ensemble de ces résultats suggère donc un rôle essentiel pour cette protéine dans l’exécution de la sortie de mitose.

L’activité de Cdc14 est très bien régulée. Le mécanisme le plus important est le contrôle de sa localisation cellulaire. En fait, en interphase et jusqu’à la métaphase, Cdc14 interagit avec l’inhibiteur Cfi1/Net1 (Cdc14 inhibitor 1/Nucleolar silencing establishing factor and telophase regulator), une protéine résidente du nucléole [298, 299]. En anaphase, Cdc14 se dissocie de Cfi1/Net1 et est relâchée dans l’ensemble de la cellule, où elle peut déphosphoryler ses substrats. Deux réseaux de signalisation permettent de relâcher Cdc14 du nucléole : tôt au début de l’anaphase, le FEAR (Cdc fourteen early anaphase release) intervient pour amorcer la délocalisation de Cd14 et plus tard en anaphase, le MEN (Mitotic exit network) maintient Cdc14 à l’extérieur du nucléole (revue dans [296, 300, 301]). Ces deux voies de signalisation n’ont pas exactement le même impact sur la sortie de mitose. En fait, lorsque les composantes du MEN sont mutées chez les levures, celles-ci sont bloquées en fin de mitose, avec une activité CDK élevée. D’un autre côté, des mutations dans les composantes du FEAR ne font que retarder la sortie de mitose [296]. Ainsi, différentes fonctions sont assignées à Cdc14 activée par le MEN ou le FEAR. Le MEN permet la sortie de mitose et la cytokinèse grâce à l’inhibition de CDK1 par deux mécanismes : 1) en facilitant l’activation de Cdh1, et par conséquent la dégradation de cycline B, et 2) en déphosphorylant et en activant l’inhibiteur des CDK Sic1. Le FEAR, quant à lui, participe à l’exécution de la sortie de mitose au moment opportun, stabilise le fuseau mitotique, positionne le noyau adéquatement par rapport au site de clivage et permet la ségrégation des télomères et des régions d’ADNr [300]. À ce jour, aucune voie de signalisation similaire au MEN et au FEAR conduisant à la délocalisation de Cdc14 n’a été identifiée chez les vertébrés.

Le génome humain contient deux gènes homologues à Cdc14 de levures, Cdc14A et B, identifiés par homologie de séquence [302]. Récemment, il a été découvert que chez les hominoïdes, il existe un troisième gène, hCdc14C (aussi nommé hCdc14Bretro), obtenu suite à un évènement de rétroduplication de Cdc14B [303]. En fait, la séquence de Cdc14B et Cdc14C ne diffère qu’au niveau du C- terminal. Les Cdc14 sont composées d’un domaine central d’environ 350 aa, dans lequel on retrouve le motif HCX5R(S/T) présent chez les phosphatases à double

spécificité (Figure 1.12) [303]. Ce domaine possède environ 40 % d’homologie entre Cdc14 de levures et Cdc14A/B et environ 65% d’homologie entre Cdc14A et Cdc14B. La région en C-terminal, de longueur variable, est moins bien conservée entre les différents orthologues et paralogues. Unique à celle-ci, Cdc14B possède une séquence en N-terminal, responsable de sa localisation nucléolaire. Contribuant à la compréhension de leur mécanisme d’action, des études cristallographiques de Cdc14B ont révélé qu’elle a une nette préférence pour les motifs pSer/pThr-Pro, faisant des Cdc14 des proline-directed phosphatases [304].

Figure 1.12 Structure des Cdc14

Structure primaire des Cdc14. Le domaine phosphatase conservé est en bleu et la région en C-terminal est en beige. Les boîtes noires représentent le NES et les boîtes jaunes, le motif caractéristique des protéines tyrosines phosphatases. Cdc14B possède une région de localisation nucléolaire à l’extrémité N-terminale schématisée par la boîte rose. La structure tridimensionnelle de Cd14B démontre que le domaine phosphatase est constitué de deux domaines. Le domaine A contribue à la spécificité des substrats, mais n’a pas d’activité catalytique. Cette dernière est retrouvée dans le domaine B. Figure inspirée de [304].

Cdc14A et Cdc14B sont comparables à plusieurs niveaux. En effet, in vitro, elles ne déphosphorylent que des substrats des CDK, et leur abondance et activité ne varie pas au cours du cycle cellulaire [305]. Cependant, elles diffèrent l’une de l’autre de par leur localisation subcellulaire. En fait, Cdc14A est située au centrosome et dans le cytoplasme en interphase et se retrouve presque exclusivement dans le cytoplasme lors de la mitose [305-307]. De son côté, Cdc14B est localisée au nucléole en interphase et à différentes structures (zone centrale du fuseau mitotique en anaphase et pont intracellulaire en cytokinèse) lors de la mitose [308, 309]. Finalement, Cdc14C, dont l’expression est restreinte au cerveau et aux testicules, semble être associée aux microtubules et au réticulum endoplasmique [303]. Toutefois, les rôles de Cdc14C ne sont pas encore définis.

Au moment de leur identification, on croyait que les fonctions de Cdc14A et B étaient possiblement conservées au cours de l’évolution, puisqu’elles peuvent parfaitement complémenter les phénotypes associés aux gènes cdc14 de levures [302, 310]. De plus, de manière semblable à son homologue chez la levure, Cdc14A déphosphoryle et active Cdh1 in vitro [305, 307]. Toutefois, il existe des différences notables au niveau des fonctions accomplies par les Cdc14 chez les mammifères. Les premières études de gain et perte de fonction de Cdc14A chez les mammifères ont démontré un rôle important pour celle-ci lors de la séparation des centrosomes, de la ségrégation des chromosomes et dans l’exécution de la cytokinèse [305, 306]. D’un autre côté, la surexpression de Cdc14B a démontré que celle-ci peut lier les microtubules, les empaqueter (bundle) et les stabiliser de manière indépendante de son activité catalytique [308]. De plus, l’activité phosphatase de Cdc14B inhibe la duplication des centrosomes [311]. Ces résultats suggèrent donc que Cdc14A et B jouent chacun un rôle dans le cycle des centrosomes, Cdc14A contrôlant leur séparation et Cdc14B leur nombre. D’autres fonctions cellulaires ont également été assignées récemment aux Cdc14. En effet, le laboratoire du Dr Meloche a démontré que Cdc14B augmente la durée de la phase G1 en antagonisant la phosphorylation de la protéine Skp2 par les CDKs (Section 1.1.3.5.3.1) et [111]. Ceci a pour effet d’induire la dégradation de Skp2 par le protéasome et de provoquer l’augmentation de l’expression de l’inhibiteur p27. Cdc14B a également été impliquée dans la

réponse aux dommages à l’ADN [309]. Suite à un stress, Cdc14B est relâchée du nucléole pour aller au cytoplasme, où elle déphosphoryle et active Cdh1. Ainsi activée, Cdh1 ubiquitine Plk1 et prévient l’entrée des cellules en mitose. Le rôle réel de Cdc14B dans ce processus n’est cependant pas tout à fait clair. En effet, lors d’une étude faisant usage de cellules somatiques possédant une délétion génomique de Cdc14B, il a été démontré que la réponse aux dommages à l’ADN était normale en absence de Cdc14B (et Cdc14A) [312]. Par contre, en absence de Cd14A et B, la réparation de l’ADN endommagé s’effectue de façon moins efficace.

Les études démontrent des rôles pour Cdc14 A et B dans le contrôle du cycle cellulaire, mais quant est-il du rôle dans la sortie de mitose, comme c’est le cas pour Cdc14 de levure? Une réponse à cette question est venue d’une équipe qui a généré des cellules humaines possédant une délétion homozygote du locus de Cdc14B, la phosphatase nucléolaire [313]. Contrairement à ce qui est observé chez la levure, les cellules Cdc14B-/- progressent en anaphase, n’ont aucun défaut du fuseau mitotique et accomplissent la cytokinèse normalement. Ces résultats permettent de conclure que la sortie de mitose est contrôlée de manière différente chez l’humain, puisqu’une phosphatase située au nucléole n’est pas essentielle. Il est possible qu’une autre phosphatase localisée à cet endroit, mais qui est encore inconnue, accomplisse ces fonctions. Toutefois, il est connu que les phosphatases PP1 et PP2A ont des rôles essentiels en sortie de mitose chez les mammifères.