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5.3 Caractérisation de la dynamique individuelle des rouleurs

5.3.1 Vitesse et orientation

Décrivons tout d’abord brièvement ce que l’on peut observer dans une expérience avec une solution contenant peu de colloïdes (phase diluée). On injecte la solution conduc- trice et les colloïdes dans un dispositif microfluidique. La paroi inférieure du canal est une électrode reliée à la sortie d’un générateur de tension. La paroi supérieure est une électrode reliée à la terre. On applique dans un premier temps un champ électrique E0 faible entre les deux électrodes. On remarque que les colloïdes sont attirés vers l’électrode positive. Cela est dû au fait que les colloïdes possèdent une charge résiduelle négative suite au processus de lavage décrit dans le chapitre suivant. Si maintenant on augmente le champ électrique, au dessus d’un certain seuil, on observe que les colloïdes se déplacent à la surface de l’électrode positive. La vitesse de translation des particules est élevée et il semble que l’orientation des vitesses soit aléatoire (vidéo disponible à l’adresse suivante :

❤tt♣✿✴✴❜❧♦❣✳❡s♣❝✐✳❢r✴♥✐❝♦❧❛s❞❡sr❡✉♠❛✉①✴❢✐❧❡s✴✷✵✶✹✴✵✾✴■s♦tr♦♣✐❝●❛③✳♠♦✈). Ces pre- mières observations semblent coller avec le fait que l’électro-rotation de Quincke soit à l’origine de la propulsion de nos colloïdes.

Dans la section précédente, nous avons établi plusieurs prédictions relatives à la propul- sion par l’électro-rotation de Quincke. Premièrement, l’amplitude de la vitesse doit être la même pour toutes les particules étant donné que le mécanisme de propulsion est le même et que toutes les particules ont les mêmes propriétés. De plus, l’orientation des rouleurs doit être choisie de manière aléatoire et uniforme dans le plan de déplacement. Cela pro- vient du fait que la rotation de Quincke émerge d’une brisure spontanée de symétrie qui impose la direction de translation de la particule. La figure Fig. 5.4 montre une mesure de la distribution de probabilité de la norme et de l’orientation de la vitesse de rouleurs dans des phases très diluées où les rouleurs n’interagissent presque pas entre eux (fractions surfaciques en colloïdes comprises entre 10−4 et 10−3). On observe que les particules ont bien toutes la même vitesse mais que leur orientation est choisie de manière aléatoire et uniforme dans le plan.

Dans la section précédente, nous avons également montré que la vitesse des rouleurs doit être très importante, de l’ordre du mm.s−1, et que sa dépendance au champ électrique appliqué vérifie la relation :

v0 =αa τ s E 0 EQ 2 −1 (5.13)

où α est une constante sans dimension de l’ordre de 1, a = 2.4 µm est le rayon des parti- cules, τ 1 mm.s−1est le temps de relaxation des charges dans le liquide, E

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a.

b.

v

x

(µm.s

−1

)

v

y

m.

s

− 1

)

Figure 5.4: Mouvement isotrope des particules. a. Superposition de dix images espacées de 10 ms. Les flèches représentent l’orientation de la vitesse instantanée des rouleurs. Barre d’échelle : 50 µm. b. Distribution de probabilité de la vitesse des rouleurs dans une phase très diluée où les rouleurs sont considérés comme indépendants. Cette distribution de pro- babilité agrège plus de 2×106mesures de vitesse instantanée.

du champ appliqué, et EQ est le champ seuil de la rotation de Quincke.

En faisant varier le champ électrique imposé, nous avons vérifié que la vitesse de nos rou- leurs se comporte bien de la manière attendue (Fig.5.5). Au vu des ces résultats : vitesse très importante des colloïdes, orientation choisie de manière aléatoire et uniforme, et dépen- dance en champ en accord avec la prédiction de l’équation Eq.5.13, on peut conclure sans aucun doute que le mécanisme de propulsion de nos particules est bien l’électro-rotation de Quincke.

Il est important de noter que ces propriétés sont vérifiées pour une gamme de champ électrique relativement restreinte : 1.1 ≤ (E0/EQ) ≤ 2.5. Quand le champ électrique est inférieur au champ seuil de l’effet Quincke, E0 < EQ, l’électro-rotation de Quincke n’a pas lieu et les particules sont quasiment immobiles (elles peuvent se déplacer légèrement à cause d’effets d’électro-hydrodynamique). Pour E0 ∼ EQ, on observe que certaines par- ticules se mettent à se déplacer à la surface de l’électrode tandis que d’autres ont une dynamique tridimensionnelle et forment temporairement des chaînes verticales. Cela est dû à la compétition entre des effets électrostatiques (interactions dipôle-dipôle) et l’électro- rotation de Quincke. Pour 1.1 ≤ (E0/EQ) ≤ 2.5, toutes les particules sont en mouvement de translation. C’est le régime où l’électro-rotation de Quincke domine la dynamique. Pour E0 ∼ 3 EQ, un autre effet que nous ne comprenons pas complètement apparaît. Les par- ticules s’immobilisent et occupent tout l’espace. La distance entre les particules est à peu

Figure 5.5: Vitesse des rouleurs en fonction du champ électrique appliqué. Les barres d’er- reurs représentent l’écart type des mesures. La courbe rouge correspond à un ajustement par la prédiction théorique Eq.5.13. En insert, la même figure pour le carré des quantités considérées. La théorie prévoit alors une variation linéaire.

près constante et la densité semble homogène à grande échelle (voir Fig. 5.6). Les parti- cules sont comme piégées dans des puits de potentiel et elles oscillent légèrement autour de leurs positions d’équilibre. Nous n’avons pas cherché à comprendre en détail les causes de ce comportement mais on peut faire l’hypothèse qu’il résulte d’un couplage entre des effets électrostatiques et les flux hydrodynamiqes générés par la présence des particules à la surface de l’électrode [76,77].

Figure 5.6: Limites pratiques des valeurs accessibles pour le champ électrique. a. Image prise à un champ électrique juste au-dessus du champ critique, E0∼ EQ. Certains colloïdes roulent sur l’électrode alors que d’autres forment des chaînes verticales ayant une dyna- mique tridimensionnelle. b. Image prise à un champ électrique bien au-dessus du champ critique, E0 ∼ 3EQ. Les rouleurs sont piégés. Leurs positions oscillent rapidement sur une distance de l’ordre d’un diamètre de particule.

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Dans les expériences présentées dans la suite, nous limitons la gamme de champ utilisé à 1.1 ≤ (E0/EQ) ≤ 2. On préférera se placer à des champs plutôt faibles où la vitesse des colloïdes est moins importante. Cela facilitera en effet l’acquisition et le traitement des données.