• Aucun résultat trouvé

Visualiser l’état superhydrophobe

aléatoires en utilisant, par exemple, l’agrégation de colloïdes. À l’aide d’une solution col- loïdale commerciale, nommée Glaco (Glaco Mirror Coat Zero fournie par Soft99 Co.), nous pouvons obtenir des rugosités submicroniques (Figure 2.5). La solution est composée de particules de silice traitées hydrophobes dans un solvant organique, l’isopropanol. Il est possible de trouver dans la littérature des procédés chimiques pour obtenir de telles so- lutions [45]. On trempe le solide dans un bain de cette solution et on laisse le solvant s’évaporer. Les particules se déposent sur le substrat. On procède alors à un recuit qui a pour but d’améliorer l’adhésion du dépôt sur le solide. On reproduit trois fois ce protocole pour s’assurer de l’homogénéité du traitement. Le dépôt se fait sur une épaisseur submi- cronique (Figure 2.5(b)). On obtient une surface superhydrophobe dont les propriétés de non-adhésion sont remarquables : ✓A ⇡ 165 ± 1 et ✓R ⇡ 160 ± 2 .

Un résultat très similaire peut être obtenu à l’aide d’une solution commerciale désignée par la suite UltraEverDry (distribuée par Tap France). Les images obtenues par microscopie électronique à balayage sont tout à fait similaires (Figure 2.6). Les propriétés de non- mouillabilité sont elles-aussi conservées. La seule différence réside dans le spectre obtenu par analyse dispersive en énergie (EDX). La présence de fluor dans sa composition transparaît des spectres de l’UltraEverDry, indiquant que les nanobilles de silice sont alors traitées avec des chaînes fluorées.

(a) (b)

Figure 2.6 – Images MEB d’une surface de laiton traitée avec du Glaco (a) et de l’UltraEverDry (b). Image (b) prise par Anaïs Gauthier.

2.2 Visualiser l’état superhydrophobe

Comme nous l’avons décrit dans le chapitre 1, l’état Cassie se caractérise par une faible proportion du solide au contact du liquide. Les microtextures de nos surfaces ne sont mouillées qu’en leur sommets. Afin de valider cette description, il est intéressant de chercher à visualiser la ligne de contact et de proposer une technique permettant d’estimer la fraction surfacique.

2.2.1 Observation de la ligne de contact

La visualisation de la ligne de contact peut être assez ardue compte-tenu des tailles de rugosité considérées et de la difficulté de disposer de surfaces superhydrophobes transpa- rentes. Toutefois, quelques exemples existent dans la littérature.

Paxson et al. ont utilisé un microscope électronique environnemental. A l’aide de cet instrument, ils peuvent scanner la ligne de contact d’une goutte placée dans un vide partiel (1kPa). En minimisant l’évaporation due à cette faible pression par un refroidissement de la surface, ils parviennent à garder une goutte d’eau sur une surface superhydrophobe pendant un temps suffisant pour observer la ligne de contact reculer. En comparant les images obtenues sur des micro-piliers lisses et sur des piliers doublement texturés (Figure 2.7), ils observent l’influence de cette double rugosité et parviennent à dissocier, pour chaque surface, l’angle de contact apparent (macroscopique) de l’angle de contact local (à l’échelle des textures) [46]. Cela leur permet de mettre en avant l’apport de la double rugosité sur les propriétés non-mouillantes d’un substrat superhydrophobe.

Figure 2.7 – Observation locale des angles d’avancée et de recul sur une surface superhydrophobe à l’aide d’un MEB environnemental. Comparaison des angles de recul locaux sur une surface à simple rugosité (a,b) et sur des micro-piliers doublement texturés (c,d). Les barres d’échelle représentent 10mm (a,c) et 20mm (b,d). Figure issue de Paxson et al. (2013) [46].

Outre la microscopie électronique environnementale, d’autres techniques ont été élabo- rées pour observer la ligne de contact à l’échelle microscopique. H.-J. Butt et ses collabo- rateurs sont parvenus à imager l’interface liquide-solide par microscopie confocale [47]. Ils colorent à la fois leur goutte d’eau et le mélange polymérique qui, une fois réticulé, engendre des micropiliers fluorescents. Ils reconstituent ainsi l’interface liquide-solide sous la goutte sur une surface à micropiliers hydrophobes (Figure 2.8), et en déduisent les courbures des interfaces liquides entre deux piliers. Cela leur permet d’étudier en détail la transition de l’état Cassie à l’état Wenzel lors de l’évaporation d’une goutte sur une forêt de micro-piliers. Plus récemment, cette même technique leur a permis de décrire les angles d’avancée et de

2.2. VISUALISER L’ÉTAT SUPERHYDROPHOBE 35 recul à l’échelle microscopique. Ils ont alors mis en avance un régime superhydrophobe pour lequel l’angle d’avancée est égal à 180 [48].

Figure2.8 – (A) Réflexion de l’interface liquide-air d’une goutte (en bleu) par microscopie confocale : les micro-piliers sont constitués d’un mélange de SU8 et de molécules fluorescentes, ce qui permet de visualiser les plots (en jaune). Cette image est prise 2mm sous les piliers. La barre d’échelle indique 400mm. (B) Reconstitution 3D de l’interface liquide. La barre d’échelle représente 200mm, l’axe des z est grossi 5 fois. Figures issues de Papadopoulos et al. (2013) [47]

Ces deux méthodes d’observation de la ligne de contact nécessitent un outillage com- plexe (microscopie confocale ou MEB environnemental). D’autres techniques font appel à des ressources plus accessibles. Dufour et al. sont notamment parvenus à rendre compte d’un état de mouillage en déposant sur une surface une goutte de solution aqueuse de pro- téines marquées en fluorescence [49]. Les protéines s’adsorbant sur la surface, il est ensuite possible d’observer, une fois la goutte chassée, le dépôt de protéines sur la surface. Le dépôt joue donc le rôle d’empreinte du liquide déposé en révélant les zones du solide qui ont été mouillées (Figure 2.9).

Figure 2.9 – Détermination des zones mouillées par un liquide chargé en protéines fluorescentes. La goutte est placée sur le solide pendant un temps suffisamment long pour que les protéines s’adsorbent sur le solide (b). Enlever le liquide permet de révéler les zones d’adsorption (c). Principe d’expérience d’après Dufour et al. (2013) [49].

Cette technique fournit donc la fraction surfacique effectivement mouillée par le liquide dans un état Cassie. Elle a aussi l’avantage de permettre une rapide estimation de l’ad- sorption de protéines sur une surface superhydrophobe, une donnée particulièrement utile dans le cadre d’une application culinaire.

2.2.2 Adsorption de protéines

Une protéine est une macromolécule biologique constituée par plusieurs chaînes d’acides aminés reliés par des liaisons peptidiques. Sa structure complexe lui permet d’adopter de multiples conformations. Ces molécules possèdent généralement une partie hydrophobe qui aura tendance à la rendre moins soluble et la positionnera plus facilement aux inter- faces [50]. Amenées via un liquide sur un solide, les protéines pourront donc s’accumuler et adhérer sur le substrat : on parle alors d’adsorption. Ce phénomène dépend de multiples facteurs tels que le type de protéines [51], les conditions du milieu (température, salinité, pH, ...) [52,53] et les propriétés du substrat (mouillabilité, rugosité, ...) [54–56]. L’ensemble de ces paramètres complique la compréhension des mécanismes mis en jeu.

Dans notre étude, nous nous sommes intéressés au cas d’une molécule courante et très étudiée en biologie pour sa stabilité et son faible coût : la protéine de BSA (Sérum d’Albumine Bovin). Elle présente des dimensions de l’ordre de la centaine d’ångströms (140x40x40Å) et sa masse moléculaire mp est de 66.4kDa, soit environ 10 16milligrammes.

Des études rapportent sa faculté à s’adsorber très facilement sur une surface. Par exemple, la quantité de protéines q s’adsorbant sur une surface de verre est de l’ordre de quelques mg/m2 [52], ce qui, au vu de la dimension de la molécule, correspond à une couverture

totale de la surface : q⇡mp/(100Å)2. L’adsorption de la BSA est donc remarquablement

efficace.

De manière plus générale, l’adsorption de protéines sur des surfaces solides est un phénomène majeur, qui en fait un acteur capital de l’adhésion culinaire.