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2.4 De Cassie à Wenzel : l’empreinte d’une goutte

2.4.3 Piliers à 2 hauteurs

Pour tester ces deux modèles, nous nous proposons de combiner deux réseaux de plots de hauteurs différentes. Cela devrait nous permettre de juger les deux scénarii discutés dans le paragraphe précédent. En effet, dans le cas du modèle #1, l’empalement se produit entre deux piliers tandis que le scénario #2 prévoit une transition le long des piliers. L’utilisation d’un second réseau de plots permet donc de juger quel mécanisme est le plus crédible. En effet, dans le cas du critère de la courbure maximale avant empalement, le second réseau de plots permettrait d’empêcher le mouillage du bas des textures.

Fabrication

Afin de créer de tels substrats, il suffit de combiner les étapes de lithographie présentées dans la partie 2.1.2. On spincoate une couche de résine SU8 d’épaisseur contrôlée h1 sur

un wafer de silicium (Figure 2.21, étape 1). Puis, à l’aide d’un masque, on insole la résine à quelques endroits particuliers (Figure 2.21, étape 2). Après des étapes de réticulation thermique et de développement, on crée un premier réseau de plots (Figure 2.21, étape 3). On procède alors à la création du second réseau en suivant les mêmes étapes. En premier lieu, un spin-coating noie le premier réseau de micropiliers dans une couche de résine d’épaisseur h2 (Figure 2.21, étape 4). Il est alors possible d’ajouter au procédé de

2.4. DE CASSIE À WENZEL : L’EMPREINTE D’UNE GOUTTE 47 réticulée (Figure 2.21, étape 5). Ainsi, l’insolation permet la formation d’un réseau de plots positionnés au centre du réseau précédent.

Masque λ=365nm SU8 SU8 réticulée Wafer Silicium SU8 réticulée

1

2

3

4

5

6

Figure2.21 –Principe d’une lithographie à 2 hauteurs, en enchaînant deux lithographies consécutives. Les étapes 1 et 4 sont des étapes de spin-coating. L’insolation se fait à l’aide d’un masque (2 et 4). La seconde insolation est couplée à l’alignement et le décalage du masque face au motif déjà réticulé. Enfin, la résine est réticulée et développée (3 et 6).

Il est alors possible de définir les paramètres géométriques de la surface, à savoir les hauteurs h1 et h2, les diamètres b1 et b2 des piliers ainsi que l’espacement 1 et 2 de

chaque réseau (Figure 2.22). Par ailleurs, une autre dimension peut être introduite, c’est la distance entre piliers les plus proches, notée L.

Figure2.22 –Visualisations par interférométrie d’une surface à réseaux doubles de micropiliers. Image 2D (a) et 3D (b). Définition des paramètres géométriques des réseaux de plots (c) et (d).

On obtient ainsi des surfaces en SU8 qu’il s’agit ensuite de répliquer à l’aide d’un moule en PDMS. On peut ainsi créer de multiples copies de cette surface en utilisant la résine photoréticulable NOA81 comme décrit dans la partie 2.1.2. On obtient des surfaces à micropiliers telles que celle imagée dans la figure 2.22.

Empreinte d’une goutte

(a) (b)

Figure 2.23 – (a) Image en fluorescence de l’empreinte d’une goutte sur une surface munie de deux réseaux carrés de plots de hauteurs 5mm et 10mm. (b) Image par transparence de la même zone. Seuls les piliers les plus hauts ont été mouillés par le liquide.

Une goutte posée sur un substrat munie de deux réseaux entremêlés de piliers de hauteurs différentes h1 et h2. On fixe le diamètre des piliers b = 10mm, l’espacement 1 = 2 = 63mm et la hauteur h2 = 10mm des plots les plus hauts. Dans le cas

d’un écart de hauteur h = h2 h1 = 5mm, une goutte millimétrique est en état Cassie.

L’empreinte d’une goutte chargée en protéines révèle que le liquide ne touche que le haut des textures. Lorsqu’on appuie sur le liquide à l’aide d’une presse, la goutte passe dans l’état Wenzel au-delà de 150Pa. Si l’on se place juste avant la transition Cassie-Wenzel, l’empreinte d’une goutte de BSA montre que seul un réseau est mouillé par le liquide (Fi- gure 2.23). Par conséquent, dans cette situation-là, le scénario #2 semble plus crédible que le scénario #1. Une fois la goutte soumise à une pression supérieure à celle nécessaire à franchir le premier réseau de hauteur h2, le liquide s’empale. Le second réseau ne permet

pas à l’eau de se maintenir dans un état Cassie intermédiaire, comme semblait le suggérer le mécanisme #1.

Toutefois, lorsque la différence de hauteurs entre les deux réseaux de piliers est de moindre importance, l’observation est alors très différente. Pour des piliers de hauteur h1 = 8mm et h2 = 10mm, la différence de hauteur h = 2mm n’est pas suffisante pour

ne pas mouiller le second réseau lorsque la goutte est déposée sur le substrat. Une telle observation peut être faite sur une surface transparente en regardant l’interface liquide- solide (Figure 2.24). Ici, l’ajout d’un second réseau ne permet pas de protéger la surface superhydrophobe lors des étapes de presse mais modifie l’état Cassie dès le dépôt du liquide.

2.4. DE CASSIE À WENZEL : L’EMPREINTE D’UNE GOUTTE 49

Figure 2.24 – Observation par microscopie inversée du bord d’une goutte posée sur un substrat à double réseau de micropiliers de hauteurs respectives 8 et 10mm. Le bord de la goutte suit la diagonale de l’image. Les points noirs signalent le contact (en haut, à gauche) entre liquide et solide. Le haut des piliers reste clair lorsqu’il est au contact de l’air (en bas, à droite). A gauche, les deux réseaux entremêlés sont donc mouillés.

Transition Cassie-Wenzel

Si l’on varie l’espacement entre piliers, on peut estimer les pressions critiques P⇤ d’em-

palement d’une goutte millimétrique sur une surface à l’aide des trois techniques décrites précédemment. Les résultats sont tracés en fonction du modèle #2 (Figure 2.25).

0 500 1000 1500 2000 0 200 400 600 800 1000 1200 1400 1600 1800 φ 1−φ γcos θ b (Pa) P∗ (Pa)

Figure 2.25 – Mesures des pressions d’empalement P⇤ en fonction de l’équation 2.4. Le paramètre

numérique est environ égal à 0.84. Les mesures ont été effectués sous presse (bleu) et lors d’impacts (rouge). Les résultats ont été obtenus sur des solides à simple réseau de micropiliers de diamètre 2.5mm et de hauteur 10mm (carré), sur des réseaux doubles de plots de diamètre 2.5mm et de hauteur 5mm et 10mm (cercles) et sur des réseaux doubles de même hauteur mais de diamètre 10mm (triangles).

Les résultat semblent à peu près suivre le modèle #2. Or, sur la figure 2.25 sont repré- sentés des résultats obtenus à la fois pour des surfaces à double réseau de plots et pour des réseaux simples. Ainsi, les doubles hauteurs ne semblent pas améliorer la résistance de l’état Cassie, conformément aux observations des empreintes de gouttes. Les plots les plus

petits ne sont mouillés par le liquide que quand il s’empale. Cette observation et les me- sures correspondantes semblent une preuve supplémentaire, pour les géométries testées, de la validité du modèle #2 qui, contrairement au modèle #1, prédit que le second réseau de plots n’apporte rien. Il nous faudrait diminuer les hauteurs des deux réseaux pour espérer retrouver le domaine de validité du modèle #1.