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4.4 Propulsion de gouttes caléfiées

4.4.3 Le ratchet superhydrophobe

Afin de réduire la température de lévitation, nous nous plaçons désormais dans le cas d’un solide superhydrophobe texturé à l’échelle millimétrique. Comme nous l’avons décrit dans le chapitre 3 (paragraphe 3.3.3), l’utilisation d’un solide superhydrophobe permet de diminuer la température critique pour le régime de caléfaction. La question à laquelle nous souhaitons désormais répondre est celle de la propulsion à plus basse température.

Pour ce faire, nous utilisons un ratchet en laiton dont les propriétés géométriques sont gardées constantes : le pas du motif est de 1.5mm et la profondeur des dents est de 250mm. Le solide est ensuite traité superhydrophobe à l’aide du Glaco : une rugosité hydrophobe submicronique le rend ainsi non-mouillant à température ambiante. Les angles de contact à température ambiante sont importants et déterminent une hystérésis d’angle de contact cos ✓ remarquablement faible : ✓A = 171± 2 et ✓R = 165± 2 , où ✓A et ✓R sont,

respectivement, les angles d’avancée et de recul de la ligne de contact. La température du substrat est mesurée à l’aide d’un thermocouple. On s’assure de la planéité du solide à l’aide d’un niveau à bulle de précision.

Pour les hautes températures, la goutte d’eau est en caléfaction et s’auto-propulse comme indiqué par Linke et al. (Figure 4.25(a)). Lorsque la température se réduit, grâce au traitement superhydrophobe, nous n’observons pas d’ébullition comme c’est le cas sur une surface métallique conventionnelle. Par ailleurs, la température de Leidenfrost critique est alors égale à 130 C. Ainsi, lorsqu’on se place au voisinage de cette température (ici, 125 C), la goutte s’auto-propulse à une vitesse comparable au cas décrit par Linke (Figure 4.25(b)).

Enfin, à plus basse température, en-deçà même de la température d’ébullition T = 85 C, de manière très surprenante, le liquide avance encore et toujours (Figure 4.25(c)). Dans cette situation, la goutte ne produit plus un film de vapeur continu. De surcroît, l’adhésion liquide-solide, certes faible, n’est pas nulle. Toutefois, en dépit de ce reliquat d’adhésion, le liquide avance. Ce mouvement est rendu possible par l’évaporation conséquente dans les microtextures. En effet, à ces températures, l’adhésion commence à diminuer puisque la vapeur occupe une partie importante sous la goutte (voir chapitre 3, partie 3.3.2).

(a) (b) (c)

Figure4.25 – Gouttes d’eau de 70mL propulsées sur un ratchet superhydrophobe à des températures de 250 C (a), 125 C (b) et 85 C (c). L’intervalle de temps entre deux images est de 80ms. Images prises par Guillaume Dupeux [118].

Nous nous proposons d’extraire des images précédemment décrites les vitesses termi- nales et d’étudier l’influence de la taille des gouttes et de la température sur cette vitesse terminale. Les films enregistrés permettent de vérifier que la vitesse terminale V est at- teinte. La figure 4.26 donne cette vitesse V en fonction du rayon R de la goutte pour différentes températures comprises entre 85 C et 243 C. Chaque point est la moyenne d’au moins quatre mesures et la barre d’erreur indique l’écart-type. Pour les hautes températures T > 150 C, la vitesse terminale augmente avec la taille de la goutte jusqu’à rapidement atteindre une vitesse indépendante de R, proche de 10 cm/s. Ce comportement est en tout point fidèle à la description d’une goutte caléfiée par Lagubeau et al. [110]. Pour le domaine de température élargi par l’utilisation d’un substrat superhydrophobe, le comportement est légèrement différent. La vitesse terminale croît faiblement avec la taille de la goutte.

La figure 4.27 trace la vitesse terminale en fonction de la température T du substrat pour différentes tailles de goutte : 3mm, 4mm, 5mm. Comme indiqué précedemment, la vitesse de propulsion dépend faiblement de la taille des gouttes. En revanche, l’influence de la température permet de détacher deux régimes. Pour des températures supérieures à 150 C, la vitesse terminale ne dépend pas de la température et reste constante autour de 10cm/s. Cette saturation de la vitesse critique est d’ailleurs en bon accord avec l’équation 4.23, où ni l’influence de la taille de la goutte, ni l’influence de la température n’apparaissent pour

4.4. PROPULSION DE GOUTTES CALÉFIÉES 101 2 3 4 5 6 7 0 2 4 6 8 10 12 R (mm) V (cm/s) 85◦C 100◦C 125◦C 150◦C 183◦C 205◦C 243◦C

Figure 4.26 – Vitesse terminale V en fonction des rayons R des gouttes propulsées. Les mesures ont été faites pour différentes températures.

une grosse goutte telle que celles étudiés dans cette partie ( P ⇠ ⇢g 1).

100 150 200 250 300 350 400 0 2 4 6 8 10 12 14 T (◦C) V (cm/s) R = 3 mm R = 4 mm R = 5 mm

Figure 4.27 –Vitesse terminale V en fonction de la température du ratchet superhydrophobe T pour différentes tailles de goutte.

Toutefois, dans la gamme de température caractéristique du régime superhydrophobe, la vitesse croît avec T . Cette croissance débute pour une température légèrement inférieure à 80 C, en-dessous de laquelle il n’y a pas de propulsion. A basse température, le liquide est en contact avec le solide. La vapeur ne peut s’écouler qu’au sein de la texture micrométrique. L’épaisseur sur laquelle se fait cet écoulement est la hauteur des rugosités, de l’ordre du micron. La vitesse d’échappement de la vapeur peut alors s’exprimer conformément à l’équation 4.8 comme : U ⇠ 2 ⌘ P (4.24) Il reste à estimer la différence de pression entre le dessous et l’extérieur de la goutte. Nous supposons que le film d’air dans les textures hydrophobes est saturé de vapeur. Ainsi, la pression au sein du film de vapeur est égale à la pression de vapeur saturante Psat(T ). Il

semble, par conséquent, raisonnable d’exprimer la force de propulsion sous la forme : Fp ⇠ ⌘ U R2 R 2 Psat(T ) (4.25)

Cette force de propulsion suffit à mettre en mouvement la goutte à condition qu’elle soit supérieure à l’adhésion d’une goutte sur le ratchet superhydrophobe. La force d’adhésion Fa à vaincre est liée à l’hystérésis d’angle de contact cos ✓ via la relation :

Fa ⇡ ⇡R cos ✓ (4.26)

A 80 C, la force d’adhésion mesurée dans le chapitre 3 (Paragraphe 3.12) est de l’ordre de quelques micronewtons. Ainsi, l’équilibre des forces d’adhésion et de propulsion fait appa- raître une température critique Tc pour la propulsion telle que : Psat(Tc)⇠ ⇡R cos ✓ R2. Cette température critique est déterminée expérimentalement comme égale à 77 C. Ainsi, la force de propulsion effective Fef f agissant sur la goutte peut s’exprimer comme :

Fef f =

R2

[Psat(T ) Psat(Tc)] (4.27)

Une fois lancée, la goutte est freinée par une force de friction. Dans le cas d’une surface non-mouillante, la friction est principalement d’origine inertielle. Comme on l’a vu, elle est causée par les chocs successifs du liquide sur les textures millimétriques du substrat. Pour chaque dent du ratchet, la force de friction varie comme ⇢V2R✏. Comme la force s’exerce

sur Nd dents du toit d’usine avec Nd = R/ , on en déduit la même friction qu’à haute

température :

Ff = ⇢V2R2

(4.28) Ainsi, dans le régime stationnaire, la vitesse terminale s’écrit en compensant force effective Fef f et force de friction Ff :

V

s

Psat(T ) Psat(Tc)

⇢ ✏ (4.29)

Cette équation, tracée dans le domaine des basses températures sur la figure 4.27 avec un coefficient numérique de 0.4, décrit de manière satisfaisante les données expérimentales.

Chapitre 5

Hydrophobie et température

Sommaire

5.1 Différents angles de contact . . . 104