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Chapitre 3 : Les athlètes victimes de violence sexuelle : liens avec la conformité à l’éthique

3.2 Violence sexuelle en contexte sportif

Dans le cadre de cette étude, la violence sexuelle est comprise comme « tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte » (Organisation mondiale de la santé, 2012: 165). Ainsi, la violence sexuelle est un concept global, incluant divers comportements sur un continuum de sévérité, regroupés en deux principales catégories soit : le harcèlement sexuel et l’abus sexuel (Alexander et coll., 2011; Mountjoy et coll., 2016). Le harcèlement sexuel se définit comme tout comportement considéré indésirable par la victime incluant des gestes ou paroles à caractère sexuel avec ou sans contact physique. Ces comportements peuvent être légaux ou illégaux et intentionnels ou non intentionnels (Alexander et coll., 2011). Par exemple, le harcèlement sexuel peut se manifester par de l’intimidation basée sur le genre, des blagues, commentaires, remarques ou invitations à caractère sexuel, ainsi que des contacts physiques indésirables (embrasser, caresser, etc.) (Brackenridge, 2001). Puis, l’abus sexuel est une activité sexuelle avec ou sans contact pouvant inclure ou non la pénétration (Mountjoy et coll., 2016), qui est commise, tout comme le harcèlement sexuel, sans le consentement de la victime (Alexander et coll., 2011). Le viol, l’agression sexuelle, l’activité sexuelle forcée ou l’exposition forcée à une activité sexuelle sont des exemples d’abus sexuel (Brackenridge, 2001).

La prévalence de la violence sexuelle varie grandement à travers les études en raison des différences dans la définition de la violence sexuelle, les dimensions mesurées, notamment les auteurs de la violence inclus dans l’étude, ainsi qu’en fonction de la composition de l’échantillon (Ohlert et coll., 2018; Parent et coll., 2016; Parent et Fortier, 2017). De ce fait, ces différentes méthodologies rendent plus difficiles la comparaison entre les études (Ohlert et coll., 2018). L’étude de Vertommen et ses collaborateurs (2016) a révélé que 14% d’adultes belges et néerlandais (N=4043) ont vécu au moins une expérience de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans dans le contexte sportif. Pour leur part, Ohlert et ses collaborateurs (2018) ont obtenu des résultats plus élevés auprès d’athlètes d’élite allemands (N=1529) actifs dans leur sport au moment de l’étude. En effet, 37.6% des participants ont répondu avoir subi au moins une expérience de violence sexuelle en contexte sportif. Quant

à Johansson et Lundqvist (2017), elles se sont intéressées à la violence sexuelle commise par l’entraîneur. Parmi leur échantillon d’athlètes suédois (N=477), tous niveaux de sport confondus, 5.5% d’entre eux auraient vécu du harcèlement sexuel ou de l’abus sexuel de la part d’un entraîneur en contexte sportif. Dans une autre étude au Royaume-Uni, près du tiers des répondants interrogés (N=4426) rapportent avoir vécu du harcèlement sexuel en contexte sportif, tandis que des expériences d’abus sexuel ont été rapportées par 3% des répondants (Alexander et coll., 2011).

Divers facteurs ont été associés à la survenue de violence sexuelle en contexte sportif. Au niveau individuel, certains chercheurs ont souligné la prévalence de la violence sexuelle dans différents groupes sociaux dont les minorités ethniques et sexuelles ainsi que chez les athlètes présentant un handicap (Fasting et coll., 2008; Peltola et Kivijärvi, 2017; Vertommen et coll., 2016). D’autres mentionnent également le jeune âge (Cense et Brackenridge, 2001) et le fait d’être une fille ou de faire partie d’un sport d’élite (Alexander et coll., 2011; Leahy et coll., 2002; Vertommen et coll., 2016). Des facteurs relationnels et organisationnels ont également été mis en lien avec la survenue de violence sexuelle en contexte sportif (Parent et Fortier, 2018) dont les inégalités de pouvoir dans les relations avec les athlètes (Mountjoy et coll., 2016; Owton et Sparkes, 2017; Stirling et Kerr, 2009), les situations où les jeunes sont laissés sans surveillance auprès d’un auteur possible (Cense et Brackenridge, 2001; Stirling et Kerr, 2009) ainsi que le manque de prévention dans les organisations sportives (Lang et Hartill, 2016; Mathews, 2017; Parent et Demers, 2011; Parent et Hlimi, 2013).

Au niveau socioculturel, la tolérance et la normalisation de la violence constituent aussi des facteurs importants à considérer pour expliquer la violence subie par les jeunes en contexte sportif (Parent et Fortier, 2018). Différentes recherches se sont intéressées à la culture du silence ainsi qu’au processus de grooming qui amènent les athlètes à ne pas dénoncer et à normaliser la violence sexuelle dans le sport (Bisgaard et Støckel, 2019; Fasting et Sand, 2015; Johansson, 2018; Johansson et Lundqvist, 2017; Owton et Sparkes, 2017). Par exemple, l’étude narrative de Bisgaard et Støckel (2019) présente le parcours de deux athlètes féminines danoises ayant vécu de la violence sexuelle de la part de leur entraîneur. On remarque que les actions des entraîneurs sont graduelles. Ils traversent les limites de manière progressive, ce qui fait que les athlètes ne questionnent pas les entraîneurs et acceptent ces

comportements. Une des athlètes normalise même le fait d’avoir des relations sexuelles avec son entraîneur. Puis, dans une autre étude de Johansson (2018), une athlète mineure vit une relation de couple avec son entraîneuse qui est plus de 20 ans son aînée. Dans son histoire, on observe une relation de pouvoir ainsi que la normalisation d’actes sexuels envers des athlètes mineurs. Le vécu de cette athlète ne semble pas isolé. En effet, les résultats de l’étude quantitative de Parent et ses collaborateurs (2016) font ressortir que 1.6% des adolescents québécois impliqués dans un sport organisé et actifs sexuellement rapportent des contacts sexuels perçus comme consensuels avec leur entraîneur.

Également, la relation avec l’entraîneur n’est pas le seul contexte dans lequel a lieu la violence sexuelle. Celle-ci survient entre autres dans les relations entre les athlètes, par exemple lors des pratiques de hazing (Jeckell et coll., 2018; Kirby et Wintrup, 2002). Une normalisation des comportements violents est aussi retrouvée dans ce contexte (Waldron et coll., 2011; Waldron et Kowalski, 2009; Waldron et Krane, 2005). Certains auteurs expliquent cette normalisation par le fait que ces pratiques sont considérées comme des rites de passage. Ainsi, plusieurs athlètes ne sont pas conscients qu’ils vivent de la violence, car pour eux, le hazing est considéré comme « le prix à payer » pour faire partie de l’équipe (Jeckell et coll., 2018; Waldron et coll., 2011).

Ces résultats soutiennent l’hypothèse de certains chercheurs à l’effet qu’il existe un système de normes et croyances dans le sport amenant les athlètes à minimiser les actes de violence, les plaçant en position de vulnérabilité face à l’abus (Alexander et coll., 2011; Coker-Cranney et coll., 2018; Hughes et Coakley, 1991; Kavanagh, 2014; Young, 2019). Hughes et Coakley (1991) nomment ces normes l’éthique du sport.

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