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La violence sexuelle vécue par les jeunes athlètes en contexte sportif : liens avec la conformité à l'éthique du sport

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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La violence sexuelle vécue par les jeunes athlètes en

contexte sportif: liens avec la conformité à l'éthique du

sport

Mémoire

Eliane Demers

Maîtrise en service social - avec mémoire

Maître en service social (M. Serv. soc.)

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La violence sexuelle vécue par les jeunes athlètes en

contexte sportif : liens avec la conformité à l’éthique du

sport

Mémoire

Éliane Demers

Sous la direction de :

Geneviève Lessard, directrice de recherche

Sylvie Parent, codirectrice de recherche

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Résumé

L’objectif de ce mémoire est d’explorer les liens entre la conformité aux normes de l’éthique du sport et les expériences de violence sexuelle des jeunes athlètes en contexte sportif. Les athlètes sélectionnés sont des adolescents canadiens entre 13 et 18 ans qui pratiquent un sport organisé (N=1140). Ils ont répondu à un questionnaire en ligne comprenant deux échelles validées soit : le Violence Toward Athletes Questionnaire (VTAQ) mesurant les expériences de violence sexuelle des pairs et de l’entraîneur ainsi que le

Conformity to the Sport Ethic Scale (CSES) mesurant la conformité aux normes de l’éthique

du sport (recherche de distinction, sacrifice de soi et refus d’accepter les limites). Une analyse de régression logistique a permis d’explorer les liens entre les variables en fonction du sexe et du type de sport pratiqué (collectif et individuel). Les résultats montrent qu’une augmentation de la conformité à la norme d’aspirer à la distinction augmente la probabilité de vivre de la violence sexuelle des coéquipiers. L’augmentation de la conformité à cette norme augmente également la probabilité de vivre de la violence sexuelle de l’entraîneur en sport collectif, tandis qu’elle diminue la probabilité d’en vivre en sport individuel. Enfin, en sport individuel, l’augmentation de la conformité à la norme du sacrifice de soi accroit la probabilité de vivre de la violence sexuelle de l’entraîneur. Les résultats de ce mémoire confirment l’existence d’un lien entre la conformité à l’éthique du sport et les expériences de violence sexuelle des athlètes en contexte sportif. Finalement, puisque dans le cadre de ce mémoire, l’éthique du sport est définie comme une représentation socialement apprise de ce qu’est un « vrai athlète » selon la communauté sportive, une intervention au niveau du système de croyances est suggérée afin de diminuer la tolérance de la violence sexuelle en contexte sportif.

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Abstract

The purpose of this study is to explore the relationship between conformity to the sport ethic norms and sexual violence experienced by young athletes in the sport environment. Participants are Canadian athletes between 13 and 18 years old involved in an organized sport (N=1140). They completed an online questionnaire including two validated scales: the Violence Toward Athletes Questionnaire (VTAQ) measuring experiences of sexual violence (by peers and coaches) and the Conformity to the Sport Ethic Scale (CSES) measuring conformity to the sport ethic norms (striving for distinction, self-sacrifice, refusing to accept limits). A logistic regression analysis was used to explore the relationship between the variables by sex and type of sport (collective and individual). Results show that increased conformity to the norm of striving for distinction increases the probability of experiencing sexual violence by peers. Increased conformity to this norm increases the probability of experiencing sexual violence by coaches in collective sports, while it decreases the probability of experiencing it in individual sports. Moreover, in individual sports, increased conformity to the norm of self-sacrifice increases the probability of experiencing sexual violence by coaches. The results of this study confirm the existence of an association between conformity to the sport ethic norms and sexual violence experienced by young athletes in the sport environment. As part of this study, the sport ethic is acknowledged as a socially learned representation defining what a “real athlete” is according to the sport community. Therefore, an intervention regarding the belief system is suggested in order to reduce the tolerance of sexual violence in sport.

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Table des matières

Résumé ... ii

Abstract ... iii

Table des matières ... iv

Liste des tableaux ... vi

Liste des abréviations ... vii

Remerciements ... viii

Avant-propos ... ix

Introduction ... 1

Chapitre 1 : Problématique ... 3

1.1 Définition des concepts ... 3

1.2 Recension des écrits ... 4

1.2.1 Violence sexuelle dans le sport ... 5

1.2.2 Éthique du sport comme facteur associé à la violence en contexte sportif ... 11

1.2.3 Limites méthodologiques des études actuelles ... 17

1.3 Pertinence scientifique, sociale et disciplinaire ... 19

Chapitre 2 : Théorie des représentations sociales ... 21

2.1 Origine de la théorie ... 21

2.2 Définition des concepts ... 22

2.3 Fonctions des représentations sociales ... 25

2.4 Pertinence de la théorie : liens avec l’éthique du sport ... 26

Chapitre 3 : Les athlètes victimes de violence sexuelle : liens avec la conformité à l’éthique du sport ... 29

3.1 Résumé ... 29

3.2 Violence sexuelle en contexte sportif ... 31

3.3 Éthique du sport ... 33 3.4 Méthodologie ... 37 3.4.1 Participants et procédure ... 37 3.4.2 Instruments ... 38 3.4.3 Analyses statistiques ... 39 3.5 Résultats ... 39

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3.6 Discussion ... 44 3.6.1 Limites ... 49 3.6.2 Conclusion ... 50 3.7 Références ... 51 Conclusion ... 56 Bibliographie ... 61

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Liste des tableaux

Tableau 1. Fréquences des deux types de violence sexuelle, moyennes et écart-types de la

conformité aux normes de l’éthique du sport selon le sexe et le type de sport ... 40

Tableau 2. Corrélations entre les normes de l’éthique du sport et les deux types de violence

sexuelle, pour tous, par sexe et par type de sport ... 41

Tableau 3. Régressions logistiques prédisant la probabilité de vivre de la violence sexuelle

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Liste des abréviations

CSES : Conformity to the Sport Ethic Scale ÉVAQ : Étude sur le vécu des athlètes du Québec SE_sac : Sacrifices pour le jeu

SE_dis : Aspirer à la distinction SE_lim : Refus d’accepter les limites VS : Violence sexuelle

VsAA : Violence sexuelle Autres athlètes VsEnt : Violence sexuelle Entraîneur

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Remerciements

Je voudrais remercier tous ceux qui m’ont aidé, de proche ou de loin, à réaliser ce mémoire. Je voudrais remercier particulièrement ma directrice de recherche Geneviève Lessard pour sa confiance, ses bons conseils et sa disponibilité tout au long du processus. Je remercie également ma codirectrice de recherche, Sylvie Parent. J’ai énormément appris de son expertise dans le domaine de la violence en contexte sportif. Je remercie aussi Hélène Paradis, statisticienne, pour son aide dans la réalisation de l’article. Je n’aurais pas pu réaliser de telles analyses statistiques sans son expertise. Finalement, je voudrais remercier ma famille, mes amis et mon amoureux pour le support moral qu’ils ont pu m’apporter à différents moments de ma maîtrise.

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Avant-propos

L’article inséré dans le mémoire (chapitre 3) a été écrit entièrement par l’étudiante, qui a aussi intégré les commentaires des coauteures, Geneviève Lessard, Sylvie Parent et Hélène Paradis, sur les différentes versions du texte dans la période de rédaction. Il sera traduit en anglais, puis soumis au Journal of Aggression, Maltreatment & Trauma.

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Introduction

La pratique sportive a démontré de multiples bienfaits sur les plans physique ainsi que psychologique (Institut national de la santé et de la recherche médicale, 2008; Pedersen et Seidman, 2004; Poirel, 2017). Toutefois, le contexte sportif est également un lieu où des athlètes sont victimes de violence. Entre autres, des violences physiques, psychologiques et sexuelles ont lieu dans les organisations sportives (Alexander et coll., 2011; McPherson et coll., 2017; Vertommen et coll., 2016). Certains auteurs mettent en lien la violence vécue dans le sport et les normes et croyances entourant la pratique sportive, notamment l’éthique du sport (Alexander et coll., 2011; Hughes et Coakley, 1991; Kavanagh, 2014). Cependant, ce lien reste toujours à documenter, principalement lorsque l’on s’intéresse aux athlètes victimes de violence sexuelle.

L’objet d’étude de ce mémoire est d’examiner le lien entre le degré de conformité aux normes de l’éthique du sport et les expériences de violence sexuelle des jeunes athlètes en contexte sportif. Les données utilisées pour ce mémoire sont des données secondaires colligées dans le cadre de l’Étude sur le vécu des athlètes du Québec (ÉVAQ) menée par la codirectrice de recherche, Sylvie Parent. Dans le cadre de ce mémoire, la violence sexuelle fait référence à un acte sexuel, commentaire de nature sexuelle ou un acte visant un trafic commis ou tenté envers une personne sans son libre consentement (Organisation mondiale de la santé, 2012). En ce sens, la violence sexuelle inclut le harcèlement sexuel ainsi que l’abus sexuel (Alexander et coll., 2011). De plus, l’éthique du sport réfère à un système de valeurs partagé par la communauté sportive qui inclut des critères définissant ce qu’est un « vrai athlète ». L’éthique du sport comprend quatre1 critères soit : faire des sacrifices pour le

jeu, aspirer à la distinction, accepter les risques notamment en jouant malgré les blessures ainsi que toujours repousser les limites (Hughes et Coakley, 1991).

Ainsi, la question de recherche est : existe-t-il un lien entre la conformité à l’éthique du sport et la survenue de violence sexuelle chez les adolescents athlètes ? Le paradigme post-positivisme sera adopté. Ce dernier priorise l’objectivité, la prédiction et le contrôle de

1 La validation du questionnaire utilisé pour cette recherche a conduit à ne retenir que trois de ces critères, car

deux d’entre eux ont été fusionnés ensemble. Cette démarche est expliquée dans la section méthodologique de l’article.

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variables. Selon ce paradigme, les faits sociaux peuvent être observés et mesurés avec des méthodologies les plus rigoureuses possible (Dean et Fenby, 1989).

Le mémoire sera divisé en trois chapitres, soit : la problématique, le cadre d’analyse ainsi que l’article scientifique qui comprendra la présentation de la méthodologie, des résultats et de la discussion.

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Chapitre 1 : Problématique

Ce premier chapitre présente brièvement la définition des concepts importants. Puis, la recension des écrits est élaborée suivie d’une explication de la pertinence scientifique, sociale et disciplinaire de la présente recherche.

1.1 Définition des concepts

Selon l’Organisation mondiale de la santé (2012 :165), la violence sexuelle se définit comme « tout acte sexuel, tentative pour obtenir un acte sexuel, commentaire ou avances de nature sexuelle, ou actes visant à un trafic ou autrement dirigés contre la sexualité d’une personne en utilisant la coercition, commis par une personne indépendamment de sa relation avec la victime, dans tout contexte ». Plus précisément, la violence sexuelle peut se diviser en différentes catégories selon la sévérité et les types de gestes ou paroles commis. Les deux catégories principales sont le harcèlement sexuel et l’abus sexuel (Alexander et coll., 2011; Mountjoy et coll., 2016). Le harcèlement sexuel se définit comme tout comportement considéré indésirable par la victime incluant des gestes ou paroles à caractère sexuel avec ou sans contact physique. Ces comportements peuvent être légaux ou illégaux et intentionnels ou non intentionnels (Alexander et coll., 2011). Le harcèlement sexuel se manifeste par toute attention indésirable dont les blagues et les commentaires à caractère sexuel, l’intimidation basée sur le genre, les remarques, les invitations et les propositions à caractère sexuel ainsi que les photos et les appels offensants. De plus, tout contact physique indésirable comme caresser ou embrasser la victime est considéré comme du harcèlement sexuel. Quant à l’abus sexuel, il s’agit d’une activité sexuelle commise avec ou sans contact pouvant inclure ou non la pénétration (Mountjoy et coll., 2016), et tout comme le harcèlement sexuel, sans le consentement de la victime (Alexander et coll., 2011). Par exemple, l’abus sexuel peut se manifester par un viol, une agression sexuelle, une activité sexuelle forcée ou une exposition forcée à une activité sexuelle ainsi qu’un échange de privilège en retour d’une faveur sexuelle. L’abus sexuel peut avoir lieu de manière forcée ou à la suite d’un processus de

grooming2 (Brackenridge, 2001).

2 Le grooming se définit comme le processus par lequel un auteur isole et prépare une victime potentielle. Il

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Quant à l’éthique du sport, elle comprend les croyances partagées par la communauté sportive qui définissent ce qu’est un « vrai athlète » (Hughes et Coakley, 1991). L’éthique du sport comprend quatre normes soit : faire des sacrifices pour le jeu, aspirer à la distinction, accepter les risques, notamment en jouant malgré les blessures ainsi que toujours repousser les limites. Plus précisément, le fait de faire des sacrifices pour le jeu implique de considérer le sport comme une priorité et de s’engager complètement afin de répondre aux demandes de l’équipe ou de l’entraîneur. Puis, aspirer à la distinction est décrit comme un désir de gagner et implique de vouloir constamment s’améliorer et se rapprocher de la perfection. Pour ce qui est de l’acceptation des risques, cette norme implique de ne jamais abandonner malgré la douleur ou malgré le risque de se blesser. Les athlètes doivent également accepter le risque de perdre et se montrer forts malgré la grande pression placée sur leurs épaules. Finalement, la communauté sportive valorise les athlètes qui repoussent constamment les limites. Si un obstacle se présente, il faut essayer de le surmonter, de changer les choses, car tout est possible (Hughes et Coakley, 1991).

1.2 Recension des écrits

La recension des écrits sera divisée en deux thèmes principaux soit la violence sexuelle dans le sport et l’éthique du sport comme facteur associé à la violence en contexte sportif. La première section présentera la prévalence de la violence sexuelle, les principaux auteurs, les conséquences ainsi que les facteurs de risque. La deuxième section inclura les manifestations de la surconformité à l’éthique du sport, son développement ainsi que ses conséquences. Finalement, il sera question des limites méthodologiques des recherches dans le domaine et d’une justification portant sur la pertinence scientifique, sociale et disciplinaire de la présente étude.

Les recherches recensées ont été identifiées par l’utilisation des mots-clés suivants : éthique du sport (sport ethics, sport culture/ culture du sport et overconformity/ surconformité), violence (abuse/ abus, harrassment/ harcèlement, aggression/ agression,

victimization/ victimisation, maltreatment/ maltraitance), jeunes (adolescents, teenager, youth, child/ enfants) et athlètes (athletes, sport, athletic/ sportif). Les bases de données

pour ensuite isoler la victime et augmenter le contrôle et la loyauté. Puis, il initie l’abus sexuel en assurant le secret (Brackenridge, 2001).

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consultées ont été Sociological Abstracts, Social Work Abstracts, Physical Education Index

(ProQuest), PsycINFO, SPORTDiscus et Érudit.

1.2.1 Violence sexuelle dans le sport

Prévalence. Plusieurs jeunes sont victimes de violence sexuelle avant l’âge de 18 ans.

Au Québec, une enquête populationnelle a souligné que près de 10% des hommes et 22% des femmes auraient été victimes d’une agression sexuelle avant l’âge de 18 ans (Tourigny et coll., 2008). Plus récemment, l’étude de Parent et ses collaborateurs (2016) s’est intéressée à la prévalence de l’abus sexuel dans un échantillon représentatif d’adolescents québécois (N=6 450). Les résultats font ressortir que 10.2% des adolescents rapportent avoir vécu un abus sexuel, peu importe l’auteur et le type d’abus. Puis, concernant le harcèlement sexuel, si l’on s’intéresse au contexte scolaire québécois par exemple, 38% des étudiants et 35% du personnel de l’Université Laval ont déclaré avoir été victimes de harcèlement sexuel depuis leur arrivée dans l’établissement (Lavoie et coll., 2017).

Des études récentes ont examiné la prévalence de la violence sexuelle en contexte sportif. Les auteurs retrouvent des données comparables à la violence sexuelle dans la population générale (Alexander et coll., 2011; Fasting et coll., 2014; Leahy et coll., 2002; McPherson et coll., 2017; Parent et coll., 2016; Peltola et Kivijärvi, 2017; Vertommen et coll., 2016). La recherche de Vertommen et ses collaborateurs (2016) en Belgique et aux Pays-Bas rapporte que 14 % des adultes ayant pratiqué un sport organisé lorsqu’ils étaient mineurs (N=4043) auraient vécu au moins une expérience de violence sexuelle dans ce contexte durant leur jeunesse. En ce qui a trait à l’abus sexuel, les prévalences varient entre 0.2 % et 9.7 % (Fasting et coll., 2008; Jolly et Décamps, 2006; Parent et coll., 2016; Parent et Fortier, 2017). Puis, le harcèlement sexuel serait le type de violence sexuelle le plus courant chez les athlètes ; entre 29 et 36% des jeunes adultes rapportent en avoir été victimes durant leur carrière sportive (Alexander et coll., 2011; McPherson et coll., 2017; Parent et Fortier, 2017).

Auteurs des violences sexuelles. Bien que ce soit principalement des hommes (76%),

les auteurs possibles de la violence sexuelle en contexte sportif sont variés (Vertommen et coll., 2017). Plusieurs études dans le domaine incluent uniquement les entraîneurs comme

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possibles auteurs (Fasting et Sand, 2015; Owton et Sparkes, 2017; Parent et coll., 2016; Peltola et Kivijärvi, 2017). Toutefois, d’autres personnes peuvent être impliqués, notamment les coéquipiers, le personnel médical, le personnel administratif, les arbitres, etc. (Jolly et Décamps, 2006; Vertommen et coll., 2017). Selon l’étude de Vertommen et ses collaborateurs (2017), les auteurs les plus fréquents des violences sexuelles dans le sport sont les hommes dans l’organisation sportive qui sont connus de la victime, mais qui ne sont pas les entraîneurs ni les coéquipiers (41%). Bien que les chercheurs ne précisent pas le rôle qu’occupent ces auteurs auprès des jeunes, il est possible de supposer que ce sont des parents d’athlètes, du personnel administratif, des officiels (Stirling, 2009) ou qu’ils font partie de l’équipe médicale (Parent et Fortier, 2018). Ensuite, les coéquipiers masculins sont également souvent les auteurs des violences sexuelles (33%) (Vertommen et coll., 2017). Puis, lorsque l’on s’intéresse uniquement au harcèlement sexuel, les pairs sont nommés comme auteurs dans environ les deux tiers des cas (Alexander et coll., 2011). Il importe de souligner que la majorité des victimes (56 %) rapportent avoir vécu de la violence sexuelle de la part de différents auteurs (Vertommen et coll., 2017).

Conséquences. Un nombre encore limité d’études se sont intéressées aux

conséquences de la violence sexuelle dans le sport (Mountjoy et coll., 2015). Or, les conséquences des violences sexuelles sont bien documentées dans d’autres contextes (Baril et Tourigny, 2019; Leahy et coll., 2003; Paolucci et coll., 2001; Putnam, 2003). Elles ont des impacts sur plusieurs domaines de la vie des enfants soit aux niveaux physique, cognitif, comportemental, socioémotif, psychologique et sexuel. De plus, la violence sexuelle vécue dans l’enfance a des répercussions à l’âge adulte. La sévérité des conséquences dépend de plusieurs facteurs dont la gravité des violences vécues ainsi que la durée des sévices, mais également de divers facteurs de l’environnement social ou familial des enfants (Baril et Tourigny, 2019). En contexte sportif, Kavanagh (2014) a répertorié des conséquences similaires chez des athlètes d’élite ayant vécu différents types de violences. Les entrevues avec les athlètes font ressortir des conséquences émotionnelles, psychologiques et comportementales en lien avec les expériences de violences. Également, différentes conséquences plus spécifiques au contexte sportif sont relevées. Par exemple, les athlètes rencontrés par Kavanagh (2014) ont vécu une diminution de leurs performances sportives suite aux expériences de violence. De plus, certains ont vu diminuer leur confiance en leurs

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capacités ainsi que leur motivation à s’entrainer. Certains athlètes ont même quitté l’équipe ou ont complètement arrêté le sport. Les athlètes rencontrés ont soulevé autant d’impacts à court terme qu’à long terme des violences (Kavanagh, 2014).

Ainsi, il est possible de croire que la violence sexuelle ait des conséquences semblables qu’elle se produise ou non en contexte sportif (Parent et Fortier, 2018). Par ailleurs, différentes études se sont intéressées aux conséquences de la violence sexuelle en contexte sportif (Cense et Brackenridge, 2001; Fasting et coll., 2002; Kavanagh, 2014; Leahy et coll., 2008; Vertommen et coll., 2018). Plus précisément, Fasting et ses collaborateurs (2002) ont étudié les conséquences de la violence sexuelle dans le sport chez des femmes athlètes d'élite en Norvège. À la suite des entrevues semi-dirigées avec les femmes (N=27), les chercheurs rapportent, entre autres, des impacts aux niveaux psychologique (faible estime de soi, anxiété, etc.) et comportemental (diminution de la performance, abandon du sport, etc.). Cense et Brackenridge (2001) ajoutent que la violence sexuelle en contexte sportif peut mener jusqu’à une méfiance généralisée envers les hommes et à une perception erronée de la sexualité. De plus, les athlètes rencontrées par Fasting et ses collaborateurs (2002) rapportent des conséquences plus importantes lorsque l’auteur de la violence est en position d’autorité. Également, les participants de l’étude de Kavanagh (2014) ont rapporté de plus grandes conséquences de la violence sexuelle lorsque l’auteur était une personne connue. À plus long terme, Vertommen et ses collaborateurs (2018) ont trouvé une association entre le fait de vivre de la violence sexuelle sévère dans le sport et le bien-être dans la vie adulte (N=4043). Également, la violence sexuelle sévère dans le sport a été associée significativement avec une moins bonne santé mentale. Les participants ayant vécu de la violence sexuelle sévère dans l’adolescence vivraient plus de symptômes de somatisation, de dépression et d’anxiété à l’âge adulte que les autres participants (Vertommen et coll., 2018).

Facteurs de risque. Divers facteurs de risque ont été associés à la violence sexuelle

dans le contexte sportif. Il est possible de les séparer en facteurs de risque individuels, relationnels, organisationnels et socioculturels (Parent et Fortier, 2018). Ces trois derniers facteurs sont particulièrement importants en travail social où les problèmes sociaux sont expliqués par l’interaction entre l’individu et son environnement. Tout d’abord, les facteurs individuels associés à la violence sexuelle dans le sport font référence aux groupes

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minoritaires comme les minorités ethniques, les minorités sexuelles ou le fait d’avoir un handicap (Fasting et coll., 2008; Peltola et Kivijärvi, 2017; Vertommen et coll., 2016). Également, d’autres facteurs individuels répertoriés par les auteurs sont le jeune âge (enfance et adolescence), le manque de connaissance sur la sexualité et sur les sévices sexuels (Cense et Brackenridge, 2001), le fait de pratiquer un sport d’élite ainsi que le genre (Alexander et coll., 2011; Leahy et coll., 2002; Vertommen et coll., 2016). Le genre est fréquemment nommé comme facteur de risque, mais il est important de nuancer ces propos. En effet, par le passé, la majorité des études se concentrait sur les filles comme victimes de violence sexuelle dans le sport (Parent et Bannon, 2012). Plus récemment, différentes études soutiennent l’hypothèse que les filles sont plus à risque de vivre de la violence sexuelle dans le sport (Alexander et coll., 2011; Leahy et coll., 2002; Vertommen et coll., 2016). Toutefois, des résultats issus de travaux plus récents font ressortir que les garçons sont également à risque d’expérimenter ce type de violence (Parent et coll., 2016; Peltola et Kivijärvi, 2017; Vertommen et coll., 2016). De plus, l’étude quantitative de Parent et ses collaborateurs (2016) n’a pas relevé de différence significative entre les sexes pour ce qui est de la violence sexuelle en contexte sportif commise par l’entraîneur auprès d’un échantillon représentatif d’adolescents québécois âgés de 14 à 17 ans.

Pour ce qui est des facteurs de risque relationnels, ils concernent les situations d’inégalité de pouvoir dans les relations entre les athlètes et entre un entraîneur et un athlète (Mountjoy et coll., 2016). Les facteurs de risque répertoriés dans les recherches concernent davantage la relation avec l’entraîneur (Parent et Fortier, 2018). Cense et Brackenridge (2001) mentionnent que des comportements de contrôle de l’entraîneur, un manque de supervision parentale ainsi qu’une confiance « aveugle » des parents envers l’entraîneur sont susceptibles de favoriser cette inégalité de pouvoir dans la relation et ainsi, augmenter le risque d’abus. De plus, la proximité de l’athlète avec l’entraîneur ainsi qu’un temps considérable passé avec ce dernier augmentent les risques de vivre de la violence sexuelle (Cense et Brackenridge, 2001). Pour ce qui est des inégalités de pouvoir entre les athlètes, celles-ci peuvent mener à la survenue de violence sexuelle, par exemple dans le contexte du

hazing (Jeckell et coll., 2018). Jeckell et ses collaborateurs (2018) définissent le hazing

comme tout acte humiliant, intimidant, dégradant ou qui met en danger quelqu’un qui se joint à une organisation. Il se manifeste sous différentes formes dont l’abus physique, sexuel et

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psychologique. Il est utilisé afin d’initier la victime dans un groupe (Jeckell et coll., 2018). Waldron et ses collaborateurs (2011) soutiennent également que ce sont généralement les vétérans de l’équipe qui initient et intimident les recrues. De ce fait, la hiérarchie sociale dans l’équipe est renforcée par les pratiques de hazing. Par la suite, les victimes du hazing deviennent fréquemment les auteurs des violences en raison de la normalisation des comportements violents ayant lieu pendant ces rituels (Waldron et coll., 2011).

Puis, divers facteurs de risque organisationnels sont soulevés par les chercheurs. En effet, les athlètes seraient plus susceptibles de vivre de la violence sexuelle de la part des entraîneurs dans certaines situations comme les voyages sportifs, les compétitions à l’étranger et le transport avec l’entraîneur (Cense et Brackenridge, 2001; Kirby et Greaves, 1997). D’ailleurs, les jeunes athlètes d’élite doivent parfois quitter leur famille très jeune pour aller s’entraîner à l’extérieur (Kavanagh, 2014). Également, les athlètes universitaires sont parfois loin de leur famille biologique. De ce fait, l’équipe sportive devient souvent comme une deuxième famille considérant le temps important passé à l’entraînement (Coker-Cranney et coll., 2018). Bref, ces contextes où les jeunes athlètes sont laissés sans surveillances auprès de l’entraîneur et sont plus isolés socialement pourraient augmenter les risques de vivre de la violence sexuelle (Cense et Brackenridge, 2001). Pour ce qui est de la violence par les pairs, les endroits et les situations où les athlètes ne sont pas supervisés par un adulte augmentent le risque de vivre de la violence (ex. les vestiaires, les chambres d’hôtel, etc.) (Waldron et coll., 2011). Également, si on pense au hazing, ces pratiques ont souvent lieu dans des endroits privés. Ainsi, l’absence de règlementation dans ces évènements augmenterait le risque de survenue de violence sexuelle (Kirby et Wintrup, 2002).

De plus, la prévention de la violence dans les organisations sportives semble déficiente (Kavanagh, 2014; Lang et Hartill, 2016; Papaefstathiou et coll., 2013; Parent et Demers, 2011; Parent et Hlimi, 2013). Par exemple, au Royaume-Uni, les athlètes d’élite ne peuvent pas aborder les enjeux de la violence vécue dans le sport sans être menacés d’être exclus de l’équipe nationale (Kavanagh, 2014). De plus, dans certaines équipes, la formation et la qualification des entraîneurs ne sont pas toujours adéquates; ce sont parfois d’anciens athlètes qui deviennent entraîneurs sans formation officielle (Papaefstathiou et coll., 2013).

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Puis, malgré que la vérification des antécédents judiciaires des entraîneurs soit recommandée et même obligatoire dans certains pays (ex. Royaume-Uni), cette norme n’est pas toujours respectée. De plus, cette vérification n’est pas systématiquement effectuée auprès des bénévoles (Lang et Hartill, 2016). Au Québec, il semble que les membres de la communauté sportive ne soient pas assez informés sur la violence dans le sport et que les limites ne soient pas assez claires concernant les comportements acceptables et inacceptables (Parent et Demers, 2011). Il y a également un manque de clarté concernant les règles à respecter (Parent et Demers, 2011). Malgré tout, le portrait tend à changer au Québec dans les dernières années. En effet, diverses initiatives ont vu le jour depuis 2015 dont Sport’Aide, Sportbienetre.ca, les ambassadeurs de l’esprit sportif, etc.

Finalement, des facteurs de risque socioculturels ont été soulevés afin d’expliquer la présence de violences dans le sport, dont la violence sexuelle. En effet, différents auteurs mentionnent une normalisation et une tolérance de la violence dans le sport (Coker-Cranney et coll., 2018; Papaefstathiou et coll., 2013; Parent et Fortier, 2018). Ces derniers soutiennent que les comportements violents sont minimisés ou niés par les athlètes et les entraîneurs puisqu’ils font partie du processus normal menant à la réussite sportive. En ce sens, Alexander et ses collaborateurs (2011) ont procédé à des entrevues téléphoniques avec des adultes (N=89) ayant déclaré avoir vécu des violences en contexte sportif avant l’âge de 16 ans. Les chercheurs ont conclu que bien que les participants aient été victimes de violence, ils voient leur parcours sportif comme une expérience positive. De plus, peu des participants ont dénoncé ces expériences. Dans le même ordre d’idées, Waldron et Kowalski (2009) rapportent que plusieurs athlètes considèrent les pratiques de hazing comme amusantes malgré les comportements abusifs qui y ont lieu. Ces pratiques sont perçues comme un rite de passage, ou telle une tradition, ce qui encourage leur acceptation. En effet, en plus de tolérer ces actes violents, ceux-ci sont même attendus dans le contexte du hazing (Waldon et coll., 2011). Également, pour certains athlètes, la violence psychologique de l'entraîneur est vue comme positive (Stirling et Kerr, 2008). Bien que ces comportements soient dégradants, les nageuses d’élite rencontrées par Stirling et Kerr (2008) les rationalisent et expliquent que ces actes démontrent un souci de l’entraîneur par rapport à leur réussite sportive. Ainsi, ces athlètes minimisent les comportements violents, elles s’en amusent et elles les qualifient d’« attitudes d’entraîneur » (Stirling et Kerr, 2008). Bref, selon Stirling (2011) certains

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comportements violents sont acceptés et normalisés dans le contexte sportif autant par les parents que par les athlètes. En effet, plusieurs auraient tendance à garder le silence sur ces comportements abusifs et seraient susceptibles de les tolérer, car la victoire est plus importante que le bien-être physique et psychologique.

1.2.2 Éthique du sport comme facteur associé à la violence en contexte sportif

Hughes et Coakley (1991) postulent que plusieurs athlètes acceptent les normes de l’éthique du sport sans les critiquer et s’y surconforment. Selon les auteurs, cette surconformité mènerait à des comportements déviants, mais qui, pour la plupart, sont vus comme positifs et sont tolérés, acceptés et même valorisés par la communauté sportive. Dans les dernières années, diverses recherches ont étudié le lien entre la surconformité aux normes de l’éthique du sport et la manifestation de comportements problématiques chez les athlètes dont le dopage, la restriction alimentaire et les comportements violents (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et Reel, 2015; Coker-Cranney et coll., 2018; Kavanagh, 2014; Kirby et Wintrup, 2002; Smits, Jacobs, et Knoppers, 2017; Stafford et coll., 2013).

Manifestations de la surconformité. Les travaux de Kavanagh (2014) appuient l’idée

que certains athlètes ne critiquent pas les normes de l’éthique du sport et s’y surconforment. Plus précisément, l’auteure soutient que les athlètes d’élite doivent faire de grands sacrifices afin de rester dans l’équipe et obtenir des résultats. Ils repoussent leurs limites physiques, mais également psychologiques, ce qui peut donner l’occasion pour les autres d’abuser de leur pouvoir (Kavanagh, 2014).

Tout d’abord, les athlètes d’élite font de nombreux sacrifices pour rester dans l’équipe (Coker-Cranney et coll., 2018; Kavanagh, 2014). Ils vont sacrifier leur vie sociale, familiale et scolaire afin de se concentrer sur le sport. De plus, il est normal pour eux de déménager à l'extérieur pour pratiquer leur sport (Kavanagh, 2014). Également, la recherche de distinction est souvent poussée à l’extrême. En effet, comme les athlètes font de grands investissements pour la réussite sportive, ils recherchent constamment la perfection. Cependant, la perfection est un standard qu’il est impossible d’atteindre à tout coup ce qui amène constamment des déceptions, mais aussi, un désir plus grand de s’améliorer et de performer (Kavanagh, 2014).

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Ainsi, pour se rapprocher de la perfection, les athlètes s’obligent à tolérer la douleur. En effet, certains athlètes voient un lien entre douleur et performance. Ces derniers se surconforment aux normes de l’éthique du sport puisqu’ils refusent d’accepter les limites physiques du corps (Smits et coll., 2017). Pour plusieurs, le corps est vu comme une machine ainsi que l’outil menant à la victoire. En ce sens, il est normal pour ces athlètes de repousser leurs limites physiques afin d’atteindre des objectifs sportifs (Kavanagh, 2014; Waldron et Krane 2005). Entre autres, Kavanagh (2014) ajoute que plusieurs athlètes s’obligent à jouer blessés par sacrifice de soi ou certains sont forcés par leur entraîneur à jouer en étant blessés. Par exemple, l’auteure mentionne qu’une athlète d’élite, en dépit d’une blessure à la cheville, a dû jouer son match afin d’être recrutée par une équipe de plus haut niveau. Conséquemment, sa blessure s’est aggravée et a affecté ses saisons ultérieures ainsi que sa santé future. Smits et ses collaborateurs (2017) rapportent des expériences semblables d’athlètes féminines qui poussent elles-mêmes leurs limites et qui acceptent que les entraîneurs les poussent à le faire. Par exemple, des athlètes féminines mentionnent que lorsqu’elles ne pleurent pas dans une pratique, elles considèrent que celle-ci aura été mauvaise. Pour ces athlètes, il est nécessaire de dépasser les limites afin d’être performantes dans un sport (Smits et coll., 2017). Bref, la douleur et les blessures sont normalisées par les athlètes. Pour plusieurs, c’est un risque à prendre. Il est considéré comme normal et inévitable de se blesser au cours d’un parcours de sport compétitif. Ainsi, il est nécessaire d’être résilient afin de récupérer de ses blessures (Kavanagh, 2014). En résumé, la surconformité aux normes de l’éthique du sport met ces jeunes athlètes à risque de vivre de l’abus, de tolérer des comportements abusifs et de garder le silence sur ces actes.

D’autres manifestations de la surconformité à l’éthique du sport ainsi que de la tolérance de la violence ont été trouvées dans les pratiques de hazing (Kirby et Wintrup, 2002; Waldron et Kowalski, 2009; Waldron et Krane, 2005; Waldron et coll., 2011). À travers leurs groupes de discussion auprès d’anciens athlètes (N=9), Waldron et ses collaborateurs (2011) font ressortir que ces derniers ont accepté de subir de la violence lors du hazing. Pour ces derniers, cela est le processus normal afin d’intégrer l’équipe. D’autre part, plusieurs types de violence sont retrouvés dans les pratiques de hazing, notamment de la violence physique, psychologique et sexuelle (Jeckell et coll., 2018). Par exemple, certains anciens athlètes rencontrés par Waldron et ses collaborateurs (2011) ont mentionné s’être fait

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frapper avec des serviettes ou des pagaies, s’être fait attacher à un casier avec du ruban adhésif ainsi que s’être fait obliger par des coéquipiers à se promener nu dans les corridors de l’école, car ces derniers leur avaient volé leurs vêtements. Également, des athlètes féminines mentionnent s’être fait humilier, forcer à boire de grandes quantités d'alcool, forcer à courir en sous-vêtements et forcer à imiter des actes sexuels (Waldron et Krane, 2005). Jeckell et ses collaborateurs (2018) précisent que certaines pratiques de hazing peuvent aller jusqu’à l’abus sexuel des coéquipiers.

La surconformité à l’éthique du sport a été documentée dans une variété de sports comme la lutte, le rugby, l’athlétisme, l’équitation, etc. (Alexander et coll., 2011; Coker-Cranney et coll., 2018). Malgré qu’une grande partie des recherches s’est intéressée aux athlètes masculins, quelques études ont également repéré des manifestations de la surconformité à l’éthique du sport chez des athlètes féminines dans des sports comme le football américain et le ballet par exemple (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et Reel, 2015; Papaefstathiou et coll., 2013; Waldron et Krane, 2005).

Développement de l’éthique du sport. L’éthique du sport concerne des normes et des

croyances partagées par la communauté sportive (Hughes et Coakley, 1991) et implique alors l’apprentissage de ce qui est acceptable ou non en contexte sportif ainsi que ce qu’il faut faire pour atteindre un niveau élite. En ce sens, son degré de conformité dépend de la socialisation des athlètes (Kavanagh, 2014). Les agents de socialisation les plus importants afin de transmettre ces normes sont les parents, les frères et sœurs, les entraîneurs, les coéquipiers, mais aussi les spectateurs et les médias (Coker-Cranney et coll., 2018).

L’éthique du sport est apprise très tôt dans la carrière sportive des jeunes (Kavanagh, 2014). Coker-Cranney et ses collaborateurs (2018) parlent de présocialisation à l’éthique du sport ce qui implique des apprentissages se faisant même avant le début de la pratique du sport. Par exemple, les auteurs mentionnent les apprentissages réalisés via l’observation de la fratrie. En effet, l'apprentissage des normes liées à l’éthique du sport a lieu au même moment que la construction de l'identité des jeunes (Smits et coll., 2017). Ils sont très jeunes lorsqu’ils commencent à pratiquer le sport et ils prennent leur retraite au début de l'âge adulte. En ce sens, le sport fait partie intégrante de leur enfance et, de ce fait, de leur identité. Également, l’enfant apprend par imitation (Smits et coll., 2017). Comme il voit son parent

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sacrifier différents aspects de sa vie (vie familiale, temps, argent) pour qu'il puisse pratiquer un sport et prendre part aux compétitions, l’enfant aura lui aussi tendance à accepter le régime d'entraînement extrême proposé sans le questionner (Smits et coll., 2017). Bref, les jeunes athlètes intègrent tellement tôt les normes de l’éthique du sport qu'ils ne les questionnent pas et ils continuent à s’y conformer tout au long de leur carrière sportive (Smits et coll., 2017). Ils sont entraînés à cette culture et ainsi, ils l’acceptent et ne la dénoncent pas (Stafford et coll., 2013).

Par la suite, les expériences vécues par les athlètes influencent leur niveau de conformité à l’éthique du sport. Par exemple, certaines recherches relatent diverses techniques utilisées par les entraîneurs et les pairs favorisant une plus grande conformité (Alexander et coll., 2011; Smits et coll., 2017; Stafford et coll., 2013). Selon Smits et ses collaborateurs (2017), l’isolement des athlètes, la régulation de plusieurs aspects de leur vie ainsi que l’intimidation permettent aux entraîneurs de maintenir leur obéissance. En effet, l'isolement augmente la dépendance des athlètes face à l’entraîneur, car ils n’ont pas ou peu d'amis outre leurs coéquipiers, ils sacrifient leur famille, l'école, les célébrations et ainsi, ils côtoient énormément leur entraîneur (Kavanagh, 2014; Smits et coll., 2017). Puis, la régulation du poids et des blessures effectuées par les entraîneurs dans certaines équipes augmente la dépendance des athlètes envers l’entraîneur. Ce dernier amène des connaissances que les jeunes athlètes n’ont pas sur le poids, l’alimentation ou les blessures. De ce fait, la méconnaissance des athlètes les amène à se conformer à ce que leur demande l’entraîneur. Alors, si l’entraîneur leur dit qu’ils doivent perdre dix livres en trois jours ou qu’ils peuvent s’entraîner malgré la douleur, les athlètes ne se questionnent pas (Smits et coll., 2017). Pour ce qui est de l’intimidation, lorsque les athlètes ont peur de l’entraîneur, ils font tout ce que ce dernier leur demande sans se questionner (Smits et coll., 2017). Par exemple, la manipulation et la violence émotionnelle sont des techniques d’intimidation relatées par Smits et ses collaborateurs (2017). Stafford et ses collaborateurs (2013) ajoutent que la mise en place de conséquences pour les athlètes ne se conformant pas ainsi que leur culpabilisation permettent de maintenir les comportements se rapportant à l’éthique du sport. Par exemple, certains athlètes sont culpabilisés par l’entremise des propos de l’entraîneur lorsque des blessures surviennent (ex. ne doivent pas laisser tomber l’équipe). Également, la violence physique est utilisée comme moyen de contrôle et de punition amenant les jeunes

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athlètes à se conformer aux normes de l’équipe du sport (Stafford et coll., 2013). Bref, les pratiques des entraîneurs servent à discipliner les athlètes et ainsi, les rendre dociles et soumis (Kavanagh, 2014).

Plusieurs auteurs soutiennent également que le désir d’acceptation sociale pousse les athlètes à se conformer ou à se surconformer aux normes de l’éthique du sport (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et coll., 2018; Waldron et coll., 2011; Waldron et Kowalski, 2009; Waldron et Krane, 2005). Waldron et ses collaborateurs (2011) ajoutent que pour certains athlètes, il est perçu comme un devoir de se conformer afin d’être acceptés comme un vrai membre de l’équipe. Dans le même sens, Berg et ses collaborateurs (2014) observent l’influence du domaine social dans le désir de se conformer et d’adhérer aux principes de l’éthique du sport chez des femmes joueuses de football américain (N=35). À la suite d’entrevues semi-structurées avec les femmes, les chercheurs concluent qu’elles se conforment afin de ne pas être jugées comme faibles ainsi que pour ne pas laisser tomber l’équipe puisque celle-ci est vue comme une famille. Bref, les athlètes se conforment à différents comportements en lien avec l’éthique du sport afin d’être acceptées dans l'équipe et de gagner le respect de leurs coéquipiers. Par le fait même, cette acceptation dans l’équipe leur permet de conserver et de confirmer leur identité d'athlète (Hughes et Coakley, 1991). En effet, Kavanagh (2014) remarque que les adultes rencontrés dans le cadre de son étude se décrivent comme des athlètes d’élite et que cela prend une grande place de leur identité. L’identité d’athlète est importante pour plusieurs jeunes et cela peut les amener à se surconformer aux normes de l’éthique du sport (Coker-Cranney et coll., 2018).

Finalement, un facteur important influençant la conformité est le fait de gagner et de vouloir gagner. La réussite ainsi que l’obtention de distinction seraient des facteurs importants permettant de légitimer les sacrifices et les comportements problématiques. En ce sens, le fait de performer à un niveau optimal et d’obtenir des résultats justifie tous les sacrifices et le dévouement des athlètes envers leur sport (Coker-Cranney et coll., 2018). De plus, les athlètes rencontrés par Kavanagh (2014) soulèvent que la peur de ne pas être sélectionné dans une équipe de plus haut niveau ou pour une compétition importante les pousse à se surconformer. Le désir d'être choisi est plus important que tout (Kavanagh, 2014).

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Conséquences de la surconformité à l’éthique du sport. Le fait de se surconformer

aux normes de l’éthique du sport permet une plus grande acceptation des athlètes dans l’équipe (Waldon et coll., 2011). Puis, l’acceptation et la soumission aux pratiques de hazing permettent d’établir et de consolider l’identité d’athlète (Waldron et Kowalski, 2009). Également, Kavanagh (2014) soulève que la surconformité aux normes de l’éthique du sport a apporté le succès international à plusieurs athlètes. De plus, les athlètes qui se surconforment à l’éthique du sport ont tendance à rester plus longtemps dans le sport que les athlètes ne se conformant pas (Waldron et coll., 2011). Par contre, ceux-ci ne restent pas nécessairement dans l’équipe par plaisir; certains se sentent plutôt obligés socialement et ils ne veulent surtout pas abandonner, cela étant mal vu par la communauté sportive (Waldron et Krane, 2005).

Différentes conséquences négatives de la surconformité à l’éthique du sport sont rapportées dans les études. Des conséquences physiques sont souvent mises en lumière comme les blessures liées au fait de jouer tout en étant blessé ou l’entraînement excessif (Alexander et coll., 2011; Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et coll., 2018; Kavanagh, 2014; Papaefstathiou et coll., 2013; Smits et coll., 2017). Par exemple, Papaefstathiou et ses collaborateurs (2013) rapportent que certains danseurs de ballet vivent avec de la douleur chronique et de l’inflammation aux pieds depuis le début de leur carrière. Des résultats semblables sont obtenus par Kavanagh (2014), en rapportant des résultats à propos d’une athlète ayant joué malgré diverses blessures, vivant maintenant avec de l’inflammation chronique. L’auteure soulève que les athlètes d’élite mentionnent vivre avec un corps qui semble plus vieux qu'il ne l'est en réalité. De plus, les conséquences de l’entraînement excessif et de la poursuite sportive malgré une blessure peuvent même obliger certains athlètes à mettre fin à leur carrière sportive (Alexander et coll., 2011).

Également, la surconformité à l’éthique du sport peut mener à des comportements dangereux comme l’utilisation de stéroïdes ou de suppléments alimentaires ainsi que la restriction alimentaire. Certains athlètes mettent leur corps en danger, car la victoire et le succès sont au cœur de leurs préoccupations (Waldron et Krane, 2005).

Du côté de la santé mentale, l’apparition de troubles alimentaires comme l’anorexie et la boulimie serait également associée à la surconformité à l’éthique du sport (Alexander et

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coll., 2011; Coker-Cranney et Reel, 2015; Coker-Cranney et coll., 2018; Papaefstathiou et coll., 2013). Diverses études rapportent aussi des émotions négatives chez les athlètes en lien avec leur image corporelle (Alexander et coll., 2011; Papaefstathiou et coll., 2013; Waldron et Krane, 2005). Différentes raisons sont soulevées pour expliquer la conscience de l’image corporelle chez certains athlètes. Par exemple, Alexander et ses collaborateurs (2011) mentionnent les vêtements moulants recommandés dans plusieurs sports, les douches communes ainsi que les commentaires des entraîneurs sur le poids des athlètes.

D’un autre côté, la sous-conformité à l’éthique du sport serait également associée à différentes conséquences. En effet, dans l’étude réalisée par Waldron et ses collaborateurs (2011), les athlètes masculins qui n’adhéraient pas à ces normes se disaient plus isolés et marginalisés que leurs pairs et ils avaient tendance à quitter leur équipe sportive. De plus, ils mentionnent être davantage ciblés à des fins de sévices violents lors des initiations (Waldron et coll., 2011). Bref, les athlètes auraient tendance à garder le silence sur ces actes afin d’être acceptés dans l’équipe. Lorsqu’ils s’opposent aux comportements violents, ils auraient tendance à en vivre davantage (Waldron et Kowalski, 2009).

1.2.3 Limites méthodologiques des études actuelles

En faisant l’état des connaissances au sujet des expériences de violence dans le sport, il est important de considérer les limites des différentes études utilisées. Pour ce qui est des études sur la violence sexuelle dans le sport, certaines recherches mettent uniquement l’accent sur les femmes victimes ou n’incluent que quelques athlètes masculins dans leur échantillon (Cense et Brackenridge, 2001; Fasting et coll., 2002, 2014; Fasting et Sand, 2015). Aussi, plusieurs études n’incluent que les entraîneurs comme auteurs possibles de violence sexuelle ce qui limite la généralisation des résultats (Fasting et Sand, 2015; Owton et Sparkes, 2017; Parent et coll., 2016; Peltola et Kivijärvi, 2017). De plus, plusieurs des études consultées sont réalisées auprès d’adultes en leur posant des questions rétrospectives sur leur vécu sportif à l’adolescence (Alexander et coll., 2011; McPherson et coll., 2017; Peltola et Kivijärvi, 2017; Vertommen et coll., 2018, 2017, 2016). En ce sens, il est possible que certains évènements aient été oubliés. Également, il est difficile de dire à quel moment dans leur carrière les évènements ont été vécus. Une autre limite concerne la conceptualisation de la violence sexuelle. Les définitions ne sont pas uniformes dans les

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différentes études ce qui peut limiter leur comparaison. En effet, certaines études portent uniquement sur les abus sexuels (Cense et Brackenridge, 2001; Jolly et Décamps, 2006) ou ne différencient pas les types de violence sexuelle (Peltola et Kivijärvi, 2017) tandis que d’autres différencient les niveaux de sévérité de la violence sexuelle (Vertommen et coll., 2018, 2017, 2016). Puis, certaines études comme celle de Parent et ses collaborateurs (2016) différencient le harcèlement sexuel et l’abus sexuel. De plus, certaines recherches ne sont pas spécifiques à la violence sexuelle, mais étudient également la violence physique et psychologique (Alexander et coll., 2011; Peltola et Kivijärvi, 2017; McPherson et coll., 2017; Vertommen et coll., 2018, 2017, 2016).

Pour ce qui est des études concernant l’éthique du sport, plusieurs ne s’intéressent qu’à un sport en particulier (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et coll., 2018; Papaefstathiou et coll., 2013; Smits et coll., 2017). Il devient difficile de généraliser les résultats à tous les sports. Aussi, une seule étude présentée dans la recension est quantitative et elle ne concerne pas spécifiquement la violence sexuelle. Cette dernière s’intéresse plus particulièrement à la pression des entraîneurs et les troubles alimentaires en lien avec la conformité à l’éthique du sport (Coker-Cranney et Reel, 2015). S’il est intéressant d’opter pour les études qualitatives afin de mieux comprendre l’expérience des athlètes, les études quantitatives sont aussi essentielles pour mieux observer l’ampleur de la situation (Leavy, 2017). Également, le lien entre la conformité aux normes de l’éthique du sport et l’expérimentation de violence sexuelle en contexte sportif est très peu étudié. À notre connaissance, aucune recherche n’étudie spécifiquement ce lien. Les études qui mettent en lien l’éthique du sport et la violence concernent plus souvent la violence physique ou psychologique (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et Reel, 2015; Coker-Cranney et coll., 2018; Kavanagh, 2014; Stirling, 2011; Waldron et Kowalski, 2009; Waldron et Krane, 2005; Waldron et coll., 2011). De plus, une seule étude s’intéresse aux effets de la sous-conformité aux principes de l’éthique du sport en abordant spécifiquement le hazing (Waldron et coll., 2011).

Finalement, la majorité des études recensées proviennent du domaine de l’éducation physique et du sport. En effet, plusieurs articles sont publiés dans des revues sportives. La vision du travail social est donc peu représentée actuellement dans ce domaine d’étude.

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1.3 Pertinence scientifique, sociale et disciplinaire

Tout d’abord, les expériences de violence sexuelle dans le sport ne sont pas des situations isolées; plusieurs athlètes en sont victimes. Les prévalences sont encore plus élevées lorsque l’on considère tous les types de violence sexuelle (Alexander et coll., 2011; McPherson et coll., 2017; Vertommen et coll., 2017, 2016). Ainsi, la victimisation sexuelle en contexte sportif est un phénomène préoccupant. En effet, sa prévalence est comparable à la victimisation sexuelle dans la population générale (Baril et Tourigny, 2019; Parent et coll., 2016).

Également, ces évènements ont des conséquences sur la vie des jeunes à court et long termes. Entre autres, différentes recherches observent des impacts aux niveaux psychologique, émotionnel, comportemental et physique (Cense et Brackenridge, 2001; Fasting et coll., 2002; Kavanagh, 2014; Vertommen et coll., 2018; Waldron et coll., 2011). Les conséquences sont telles que la qualité de vie à l’âge adulte est diminuée chez les personnes ayant vécu des violences sexuelles sévères en contexte sportif (Vertommen et coll., 2018).

Puis, l’approfondissement des connaissances sur les facteurs de risque liés à la violence sexuelle est pertinent pour le domaine de la prévention. En effet, la prévention de la violence sexuelle en contexte sportif reste défaillante et différents obstacles sont à surmonter afin d’améliorer la situation (Brackenridge et Fasting, 2002; De Waegeneer et coll., 2017; Kavanagh, 2014; Lang et Hartill, 2016; Mathews, 2017; Papaefstathiou et coll., 2013; Parent et Demers, 2011; Parent et Hlimi, 2013). Plus particulièrement au Canada et au Québec, peu de mesures de prévention de la violence sexuelle étaient mises en place dans les organisations sportives avant 2013. Lorsque des actions étaient prises, elles étaient souvent incomplètes et inefficaces (Parent et Demers, 2011; Parent et Hlimi, 2013). Malgré les récentes initiatives de prévention, il demeure pertinent de mieux connaître les liens entre le degré de conformité à l’éthique du sport et la survenue de violence sexuelle afin de fournir des pistes de prévention plus spécifiques et mieux adaptées aux besoins des jeunes sportifs.

Également, il est intéressant d’étudier le sujet de la violence sexuelle dans le sport avec la vision du travail social. En effet, la majorité des études actuelles se trouvent dans le

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domaine du sport et de l’activité physique. Cependant, le domaine du travail social pourrait amener « une nouvelle lunette » pour étudier le problème comme le travail social s’intéresse à l’enfant dans son environnement ainsi que l’influence de son entourage et de ses expériences sur son fonctionnement social. En effet, le degré de conformité aux normes de l’éthique du sport semble, en partie, provenir de la socialisation des jeunes et de l’environnement sportif dans lequel ceux-ci évoluent. En ce sens, une vision holistique est nécessaire afin de bien comprendre ce phénomène.

De plus, l’éthique du sport est proposée dans diverses recherches afin d’expliquer la présence de violences dans le sport. La surconformité aux normes de l’éthique du sport, c’est-à-dire d’appliquer ces normes à la lettre sans les critiquer, pourrait placer les jeunes en position de vulnérabilité et ainsi favoriser la survenue de comportements violents (Berg et coll., 2014; Coker-Cranney et Reel, 2015; Coker-Cranney et coll., 2018; Kavanagh, 2014; Stafford et coll., 2013; Stirling, 2011). Toutefois, les études s’intéressant au lien entre la conformité aux normes de l’éthique du sport et la violence sont généralement qualitatives et abordent presque uniquement le vécu des athlètes. Une seule étude aborde le sujet sous un angle quantitatif (Coker-Cranney et Reel, 2015). De plus, ces études concernent principalement le lien entre la surconformité à l’éthique du sport et la violence physique ainsi que psychologique. Pour cette raison, les connaissances actuelles ne permettent pas d’examiner clairement la relation entre l’éthique du sport et la survenue de violence sexuelle en contexte sportif.

Finalement, l’effet de la non-conformité aux principes de l’éthique du sport semble également détenir des conséquences comparables à la surconformité, ces jeunes étant fréquemment marginalisés et victimisés par leurs pairs (Waldron et coll., 2011). Cependant, ce sujet est peu étudié. Il devient alors pertinent de l’étudier en profondeur.

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Chapitre 2 : Théorie des représentations sociales

Cette section présentera la théorie utilisée dans le cadre de ce mémoire soit : la théorie des représentations sociales. L’origine de la théorie sera présentée ainsi que la définition des concepts importants et les fonctions des représentations sociales. Puis, la pertinence de cette théorie dans le cadre de cette recherche sera expliquée.

2.1 Origine de la théorie

Le concept, amené en premier lieu par Durkheim à la fin du 19e siècle sous le terme de « représentations collectives », s’opposait aux représentations individuelles. En effet, selon Durkheim, les représentations collectives attribuaient une plus grande importance au domaine social par rapport au domaine individuel dans la création des représentations (Herzlich, 1972). Selon lui, tous les membres d’une communauté partagent les représentations collectives, car celles-ci ont le pouvoir de s’imposer aux individus. On peut donc les comparer à une langue qui est partagée par tous les citoyens d’un même pays. Ainsi, les représentations collectives constituent un savoir commun transmis et reproduit par les membres d’un groupe social leur permettant de conserver la cohésion et d’agir d’une manière semblable (Moscovici, 1994). De plus, elles sont plutôt homogènes et stables à travers le temps. En ce sens, selon Durkheim, les représentations perdurent de génération en génération (Moscovici, 1994). Bref, à l’époque, les représentations collectives étaient conceptualisées comme un phénomène plutôt statique (Palmonari et Doise, 1986) et la vision de Durkheim était déterministe (Herzlich, 1972).

Par la suite, le concept des représentations collectives a été délaissé jusqu’aux années 60 et 70, où il a été repris en psychologie sociale par Moscovici sous le nom des « représentations sociales ». Moscovici est ainsi un précurseur important de la théorie comme on la connaît aujourd’hui (Jodelet, 1984). D’autres auteurs ont également contribué à l’élaboration de la théorie, notamment, Abric, Doise, Flament, Herzlich et Jodelet (Moscovici, 1986). Cependant, à ses débuts, la prédominance du béhaviorisme en psychologie a freiné la croissance du concept. Selon les tenants du béhaviorisme, les comportements s’expliquent par le stimulus-réponse, les processus cognitifs n’étant pas considérés. C’est lors du déclin du béhaviorisme et de l’essor du cognitivisme que le domaine

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de la psychologie s’est ouvert à d’autres manières d’expliquer les comportements (Jodelet, 1994). En effet, les chercheurs ont commencé à étudier les attitudes sociales, puis les cognitions sociales. On commençait à voir l’humain comme une machine pensante qui perçoit son environnement et analyse l’information qui l’entoure. Ainsi, on observe graduellement la mise en place d’un contexte favorable à l’émergence de la théorie des représentations sociales (Moscovici, 1986).

Puis, la théorie a pu s’étendre à divers champs de recherche voisins de la psychologie, dont l’anthropologie, la sociologie et l’histoire (Jodelet, 1994). En travail social, cette théorie est particulièrement pertinente et utilisée en recherche, en raison de la place centrale qu’elle accorde aux processus de construction des représentations sociales. En effet, ces processus se situent à l’interface entre la personne et son contexte social ou entre les interactions avec les autres personnes et réseaux de son entourage. De plus, les représentations sociales impliquent autant les facteurs individuels que sociaux (Jodelet, 1994). Ainsi, la théorie se retrouve à l’intersection entre différents domaines d’étude. Cette transversalité implique que la théorie est plus complexe, car elle requiert la prise en compte de nombreux éléments, entre autres, les états affectifs, les états psychologiques, le langage et la communication, les rapports sociaux ainsi que le contexte social global. En ce sens, la théorie est complète, systématique et globale (Jodelet, 1994).

2.2 Définition des concepts

Plus précisément, une représentation sociale est un savoir social qui permet d’interpréter la réalité, de donner un sens au vécu et de classifier ce qui nous entoure. C’est une image mentale d’un objet qui est partagée par un groupe de personnes. Les représentations sociales permettent alors de trouver consensus sur la définition des objets et des positions à prendre les concernant (Jodelet, 1994). En ce sens, les représentations sociales sont une manière pour les individus de s’approprier leur environnement (Herzlich, 1972).

L’image mentale comprend trois dimensions soit l’information, le champ et l’attitude. L’information concerne tout ce qui est connu par rapport à l’objet, c’est-à-dire qu’elle inclut la quantité ainsi que la qualité des connaissances le concernant. En ce sens, une représentation peut être complète et comprendre de nombreuses informations par rapport à un objet ou

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sommaire, et ne comprendre qu’un nombre limité d’éléments. Quant au champ, il fait référence à la hiérarchie et à l’organisation des informations connues par rapport à l’objet. Celui-ci peut être plus ou moins riche. Le champ et l’information peuvent varier entre les groupes sociaux ainsi que d’un individu à l’autre à l’intérieur d’un même groupe social. L’attitude concerne généralement l’orientation positive ou négative de la représentation. Cette dimension des représentations serait davantage, plutôt primitive, car elle pourrait exister malgré un nombre d’informations réduit et un champ peu élaboré (Herzlich, 1972). L’attitude a un rôle important dans la sélection des informations et dans l’organisation des représentations (Pouliot, Saint-Jacques, et Camiré, 2013). En effet, l’information qui confirme nos hypothèses ou attitudes préétablies est priorisée tandis que l’information qui les infirme est souvent exclue (Moscovici, 1986). Pour cette raison, l’attitude est résistante au temps et n’est pas passagère (Pouliot et coll., 2013).

Il existe deux processus de création des représentations sociales : l’objectivation et l’ancrage. Tout d’abord, l’objectivation consiste à rendre un objet abstrait plus concret en sélectionnant l’information pertinente le concernant et en l’ordonnant de manière cohérente (Jodelet, 1984). En d’autres mots, l’objectivation implique de choisir parmi les informations dans l’environnement afin de construire une représentation de l’objet. Les informations peuvent autant provenir de la société que des expériences personnelles des individus (Herzlich, 1972). L’objectivation implique trois étapes. Premièrement, l’individu sélectionne l’information pertinente en fonction de ses représentations préexistantes. Puis, il se crée un schéma figuratif formant ainsi sa compréhension de l’objet. Ceci implique qu’il omet d’incorporer tout ce qui peut contredire la représentation ainsi formée. C’est à partir de ces informations que la représentation sociale sera construite et transmise à d’autres individus. Finalement, le noyau ce de schéma devient une réalité pour le groupe social (Pouliot et coll., 2013).

Pour ce qui est de l’ancrage, ce processus consiste à utiliser un cadre de référence connu afin de se représenter un objet inconnu (Palmonari et Doise, 1986). Ce processus ancre donc les représentations dans le contexte social de l’individu, selon les valeurs et croyances de la société. En ce sens, l’ancrage rend la représentation cohérente avec le reste de la compréhension de l’environnement (Jodelet, 1994). Puis, l’ancrage permet d’attribuer une

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fonctionnalité à la représentation en la rendant utilisable pour l’individu. Ce processus permet à l’individu d’utiliser la représentation sociale pour interpréter ce qui l’entoure et guider ses actions (Jodelet, 1994).

Ces deux processus (objectivation et ancrage) représentent la composante cognitive des représentations sociales. Cette composante laisse une certaine place à la créativité et à l’autonomie du sujet (Jodelet, 1994). Cependant, bien que les représentations se forment via des processus cognitifs et sont pensées par les individus, il y a une influence de l’environnement et du contexte dans leur création, car elles émergent à la suite d’échanges et constituent des réalités partagées par un groupe. Ainsi, les représentations sociales n’émergent pas de manière isolée (Palmonari et Doise, 1986). Entre autres, la culture, les valeurs, le contexte historique, l’appartenance à un groupe social, la communication et le langage sont des facteurs influençant le contenu des représentations sociales (Jodelet, 1994). Cette idée est également promue par le travail social, qui insiste sur l’importance d’examiner le contexte dans lequel les croyances et les expériences des individus se construisent. Par exemple, la culture dominante ainsi que les idéologies transmises par les médias influencent l’information qui circule dans une société. De cette manière, le contexte social influence les représentations sociales des individus de cette même société. Également, indirectement, les expériences de vie influencent l’interprétation, la manière de réfléchir et ainsi, les représentations sociales des individus. En ce sens, comme le statut social et les rôles sociaux des individus jouent un certain rôle dans les expériences vécues, l’influence de l’environnement se doit d’être considérée, même au niveau de la composante cognitive des représentations sociales (Herzlich, 1972). Bref, les représentations sociales sont un produit ainsi qu’un processus puisqu’elles impliquent un processus cognitif, mais elles sont également le produit des expériences et de l’influence de l’environnement (Jodelet, 1994).

En résumé, la théorie de Moscovici propose les représentations sociales comme étant dynamiques et malléables contrairement aux représentations collectives de Durkheim. En effet, les représentations sociales actuelles ne sont pas les mêmes que celles des communautés primitives car elles changent à travers le temps et selon le contexte social (Palmonari et Doise, 1986). Les représentations varient également selon les positions et les fonctions sociales des individus; elles ne sont pas uniformes dans une société (Jodelet, 1994).

Références

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