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CHAPITRE 1: DÉMARCHE DE TERRAIN

CHAPITRE 5: MUNICIPALITÉS ET GOUVERNANCE DE PROXIMITÉ

5.1 La gestion de proximité et la gouvernance locale

5.1.2 La ville et la gouvernance

Gouvernance locale, gouvernance urbaine, « urban regime », tous ces concepts émergent comme un nouveau cadre théorique pour transformer les politiques urbaines (Jouve, 2007b). En ce qui concerne le concept d’« urban regime », selon Mossberger et Stoker « (it) does not explain regime change, but a cross-case analysis reveals regime formation and change is related to demographic shifts, economic restructuring, federal grant policies, and political mobilization, especially in the case of progressive or social reform coalitions » (2001: 811). Ce concept est plutôt utilisé dans les analyses de politiques publiques (Good, 2009; Paquet, 2016). Pour ce qui est de la gouvernance, aucune définition ne semble faire consensus. Il faut dire que dans la littérature la gouvernance est utilisée dans trois sphères distinctes: 1) pour expliquer les transformations de l’État-providence dans les années 1970-1980, 2) dans les études sur l’aide

aux pays « en développement » et 3) plus récemment comme nouvel outil d’action publique des institutions des pays « développés » (Jouve, 2007b: 388). Malgré la difficulté de définir de manière globale la gouvernance, Bacqué et al. recensent quatre éléments qui font l’unanimité soit:

(1) l’implication simultanée de plusieurs institutions étatiques dans une même action; (2) le développement de partenariats public/privé, le privé pouvant renvoyer à une entreprise comme à une association; (3) une approche pragmatique procédant par résolution des problèmes plutôt que par l’application hiérarchique de grandes orientations; (4) des processus de décision passant par des voies moins institutionnelles, pour partie découplées des formes de représentations classiques, sous forme de réseaux de négociation, d’alliances, de regroupements (Bacqué et al., 2005b: 38).

Il s’agit donc d’une décentralisation du pouvoir, d’une reconnaissance de la pluralité des savoirs qui sont nécessaires à la conception de politiques publiques et d’une transparence dans l’action publique. Cette mise en commun de l’information participe ainsi au bon fonctionnement des projets.

La problématique de la gouvernance est donc une problématique qui met l’accent sur les conditions rendant possible une action publique efficace qui minimise effets pervers, conflits non prévus ou impuissance réelle. Poser donc le problème de la gouvernance, c’est le plus souvent mettre en avant les conditions qui renvoient à la coordination de différentes organisations. (Le Galès, 1995: 59)

Si elle apparaît comme un concept utopique, la gouvernance doit être perçue en termes d’instrument d’action publique, de facilitateur de collaboration. Jouve écrit que

ses principales avancées heuristiques et analytiques ont été de déplacer la focale dans l’analyse du pouvoir urbain du fonctionnement per se des institutions urbaines démocratiquement élues, censées produire et mettre en oeuvre avec les États des politiques urbaines, vers l’analyse des modes d’articulation entre ces institutions, les administrations d’État et la société civile (Jouve, 2007b: 388).

En outre, dans une logique de MLG, il est important de documenter quels sont les acteurs sociaux qui sont engagés dans la gouvernance locale et dans le choix des problématiques, mais aussi les acteurs qui n’y sont pas partie prenante (Young, 2012: 17). C’est pourquoi, dans ce chapitre, je m’attarderai notamment à la composition des tables de concertation et autres groupes de travail en immigration soutenus par la ville en comparaison avec la concertation du temps des CRÉ. Pour la Ville, le partage d’information, la sensibilisation et la coconstruction de projets avec le milieu, passe par une concertation à l’intérieur (les différentes directions, les arrondissements, le service de police, l’office d’habitation et autres organes municipaux) tout comme à l’extérieur de l’institution municipale (les organismes communautaires, le CISSS, Emploi Québec, les chambres de commerce, etc.).

Dans le cas de la gouvernance locale et de la « gestion de la diversité » (pour reprendre l’expression utilisée par beaucoup de fonctionnaires dans mon échantillon), « il semble préférable d’opter pour une lecture mettant l’accent sur l’existence ou non de structures de possibilités qui rendent, ou pas, possible la prise en compte de la diversité culturelle au niveau des villes » (Jouve, 2007a: 6). En effet, si la gouvernance a le potentiel de transformer les politiques urbaines, la recherche permet de confirmer le virage municipal dans le domaine de l’immigration et des relations interculturelles et donc, la place croissante que les villes occupent dans la définition des modèles d’intégration. Les minorités ethnoculturelles, en raison de leurs différences culturelles, amènent les institutions municipales à s’interroger sur leurs pratiques et à adapter leurs services (White et al., 2015; Gratton 2012). Ce phénomène est dû au contact direct avec la population que les municipalités ont, contrairement aux

gouvernements supérieurs. De plus, la composition ethnoculturelle hétérogène de la population des villes a comme effet de ne pas concentrer le discours de l’immigration sur « un coût devant être assumé par un groupe dominant dont les valeurs, les ressources, la position sociale et les rôles politiques sont potentiellement remis en question » (Jouve, 2007a: 5), mais de l’étendre à l’ensemble des minorités ethnoculturelles et racisées.

Enfin, l’objectif du PMD est de créer des collectivités accueillantes et inclusives. Pour les fonctionnaires rencontrés, il est clair que pour y arriver, il leur faut travailler de concert avec tous les acteurs sur le territoire: « dans le programme, l’objectif c’est entre autres collectivités accueillantes, c’est que les gens travaillent ensemble, c’est pour le citoyen, c’est pour la personne immigrante » (Entrevue 3). Comme je l’aborderai en détail plus tard, les fonctionnaires voient la concertation comme une responsabilité de la ville envers les citoyens: « c’est important que la ville soit présente dans les différentes activités qui peuvent réunir les citoyens, ou réunir les organismes qui travaillent avec eux pour qu’on soit là en mode écoute. Qu’on puisse être là en mode solution » (Entrevue 5). La concertation et le partenariat sont des éléments de gouvernance locale qui contribuent à une meilleure gestion de proximité. C’est sur ces outils que les villes québécoises s’appuient principalement.