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CHAPITRE 1: DÉMARCHE DE TERRAIN

1.4 Le terrain dans les institutions municipales

Mon passage dans les institutions fut somme toute bref, variant de quelques semaines à quelques jours selon les villes. J’ai su négocier ma présence dans les quatre institutions

convoitées. Le processus fut plus facile dans certaines villes que d’autres, mais règle générale, tous furent accueillants et collaboratifs envers moi. Chaque fois, j’ai envoyé mon devis de recherche ainsi que mon certificat d’éthique par courriel en suggérant une rencontre téléphonique pour bien présenter le projet et pour répondre aux questions. Dans deux villes sur quatre, j’ai dû d’abord obtenir l’approbation du chef de division avant de pouvoir entamer des démarches avec l’agent professionnel pour le suivre. J’ai été agréablement surprise de l’engouement généralisé envers mon projet de recherche. Partout où je suis allée, j’ai été bien accueillie et je me suis vite sentie à ma place.

Le travail d’un fonctionnaire étant essentiellement un travail administratif, ma présence dans l’institution n’aurait pas toujours été pertinente et il n’était pas intéressant, ni pour moi ni pour les participants, de les regarder travailler à leur bureau. De plus, au plan organisationnel, les ressources humaines des villes ne savaient pas comment qualifier ma présence dans l’institution. Dans un cas en particulier, il aurait fallu me donner un titre de stagiaire pour que j’aie accès librement aux bureaux, ce qui représentait une procédure longue et complexe pour la courte période au cours de laquelle j’aurais réellement été présente. C’est ainsi qu’en parlant avec les fonctionnaires, il fut conjointement établi qu’il serait plus pertinent pour moi de participer aux différentes tables de concertation et rencontres projets avec les partenaires. En ayant fait de mon sujet d’étude la gouvernance de proximité, cette décision n’affectait aucunement ma recherche puisque je cherchais justement à comprendre le rôle des fonctionnaires dans le travail en partenariat. C’est ainsi que ma présence dans l’institution s’est concentrée majoritairement par une ethnographie des différents moments dans les

processus de concertation. Dans les quatre villes concernées, j’ai pu prendre part, en compagnie des fonctionnaires responsables, à de nombreuses réunions de projets, de table de concertation et même une consultation publique et une assemblée générale d’un organisme. Avec chaque fonctionnaire, nous avons développé une procédure dans laquelle nous étions tous les deux confortables. Par exemple, un des fonctionnaires a décidé de me partager son agenda. Je n’ai eu qu’à choisir les rencontres auxquelles j’allais participer en fonction de mon horaire. Il était important pour moi que les participants se sentent totalement à l’aise de m’avoir à leurs côtés. C’est pourquoi je leur ai laissé le contrôle quant au choix des rencontres. À chacune d’elle, je me permettais d’arriver d’avance afin de repérer les lieux, de voir les gens arriver, d’échanger avec eux, etc. C’est de cette manière que j’ai pu, entre autres, avoir de l’information sur la perception des employés des organismes communautaires et des arrondissements sur le travail fait par la ville, de leurs relations avec la division concernée et avec le fonctionnaire municipal que je suivais. Rares furent les fois où m’a présence avait été annoncée aux partenaires préalablement. Ceci a créé une curiosité généralisée à mon égard. On m’a souvent présenté comme « invitée surprise », ou comme « participante externe ». À chaque nouveau groupe que je rencontrais, je faisais une brève présentation de ma recherche, j’expliquais ma présence avec eux et je répondais aux quelques questions. J’ai toujours eu le souci de mettre tout le monde à l’aise en leur précisant que ma recherche portait sur la ville et non sur eux ou l’organisation qu’ils représentaient. Malgré la sensibilité des enjeux je n’ai jamais ressenti que j’aie dérangé où que ma présence fût mal perçue. D’ailleurs, plusieurs personnes rencontrées dans le cadre de ces rencontres étaient familières avec le monde de la

recherche et avaient été ou étaient engagées dans un processus de recherche-action avec différents groupes de chercheurs. Enfin, je suis persuadée que la confiance que m’ont témoignée les fonctionnaires et l’ouverture avec laquelle ils m’ont intégré dans leurs différentes activités ont contribué au climat hospitalier à mon égard.

Concrètement, je m’attendais à faire majoritairement de l’observation non-participante dans ces rencontres. Les modalités de ma présence aux rencontres n’avaient pas fait état de discussions avec les fonctionnaires. Je ne voulais surtout pas déranger le cours de la rencontre et j’étais prête à m’effacer dans le décor et à prendre mes notes. Or, partout on m’a intégré dans les discussions, m’invitant à donner mon avis et à poser des questions. On arrêtait même les débats pour m’expliquer ou me mettre à jour sur les enjeux. De rencontre en rencontre, on me reconnaissait et l’on me demandait des nouvelles sur l’avancée de ma collecte des données. La fierté régionale de mes interlocuteurs est souvent ressortie et l’on me demandait mon taux de satisfaction personnel face à ma présence dans l’institution et dans la ville en général. Mon origine abitibienne a aussi servi à me dissocier de la métropole et à créer rapidement des solidarités avec les participants. On m’a identifié comme quelqu’un qui comprend les régions et à qui l’on pouvait parler franchement sans avoir peur de contribuer aux stéréotypes de la région. Il va sans dire aussi que la dimension comparative des villes a suscité un fort intérêt, me demandant chaque fois quelle ville est la meilleure en matière d’intégration des immigrants. Il est bien entendu que j’étais préparée à ce qu’on me présente davantage les bons coups de la ville. J’étais alerte à cet égard et j’ai ainsi pu repérer ces

commentaires enjoliveurs. Cela dit, je ne cherchais pas à évaluer qualitativement leur travail, sinon que d’en comprendre l’étendue et les enjeux qui y sont reliés.