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CHAPITRE 1: DÉMARCHE DE TERRAIN

CHAPITRE 3: CONTEXTE ETHNOGRAPHIQUE

3.4 L’implication des villes dans les questions d’immigration

3.4.3 L’abolition des structures: les années

À partir de 2012, les ententes avec les CRÉ étaient régies par le PMD - programme qui remplace le Programme régional d’intégration qui était en place depuis 2004. À cette époque, les ententes avec les municipalités n’étaient régies par aucun programme ministériel. Or, c’est dans une période de compressions budgétaires que le gouvernement québécois a pris la décision, en 2015, de fermer ces bureaux régionaux laissant aux organismes communautaires la responsabilité de l’accueil des immigrants . Quelques mois plus tard, ce même 36

gouvernement fermait aussi les CRÉ. Selon le ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire (MAMOT), Pierre Moreau, la fermeture des CRÉ proviendrait des frais de gestion des CRÉ qui étaient trop important. Le souhait du gouvernement provincial était alors de ne plus financer de structure administrative afin de maximiser l’argent investi dans les programmes (Entrevue 10). En effet, le gouvernement libéral avait l’objectif précis de recréer l’équilibre budgétaire à son arrivée au pouvoir en 2014. Il faut dire aussi que les CRÉ n’étaient pas optimales dans toutes les régions. Des tensions existaient entre des élus et les administrateurs de la CRÉ, comme le raconte un fonctionnaire: « la ville s’est retirée de cette table en immigration pour des conflits politiques qui ne cessaient pas » (Entrevue 9). Un autre m’expliquait la réalité difficile de sa région:

On avait une CRÉ centralisatrice. Tous les appels de projets venaient d’en haut, on n’entendait jamais parler de rien, ils ne nous sollicitaient absolument pas pour analyser les projets, au contraire, eux autres ils faisaient leurs affaires, ils se payaient leurs ressources avec ça. Mais si tu savais

En décembre 2017 le gouvernement québécois a fait l’annonce qu’il rétablirait les bureaux régionaux

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d’immigration afin de développer l’économie. http://www.ledevoir.com/politique/quebec/514746/forum-sur-l- immigration. Ces quatre bureaux seront dans les villes de Montréal, Sherbrooke, Québec et Gatineau.

quand on a commencé a avoir l’entente avec la CRÉ, avec le MIDI, les projets micro local que la CRÉ finançait. (Entrevue 2)

Il semble en fait qu’une polarisation eu lieu entre les grands centres et les régions éloignées en ce qui concerne l’abolition des CRÉ (Entrevue 10). Selon l’UMQ, c’est d’ailleurs pourquoi elle ne s’est pas prononcée sur la question pour donner suite à l’annonce du ministre Moreau. Ceci étant dit, la fermeture des CRÉ a eu un impact sur la concertation régionale ainsi que sur les ententes spécifiques qui étaient en cours de négociation sur plusieurs territoires et qui n’ont finalement pas abouti. Pendant un peu plus d’un an, aucun financement n’a été octroyé pour des actions en lien avec l’accueil et l’intégration des immigrants. Ceci a eu comme conséquence principale de démobiliser le milieu. Comme l’expliquent bien plusieurs personnes interviewées, « Au MIDI il n’y avait plus personne, à la CRÉ, il n’y avait plus personne, le BRI, la structure n’était plus là. Ça s’est tout fait en fin 2014-2015. Tout en même temps. Ce qui fait que pour les organismes, quand je parle de lien de confiance, ç’a été un traumatisme » (Entrevue 3). « La déception du désengagement du gouvernement provincial, on l’a vu avec l’abolition de la CRÉ, des bureaux régionaux du ministère, donc ça, c’était encore un mauvais message. Donc c’était de remobiliser, de faire croire à nouveau qu’on pouvait faire des choses » (Entrevue 11). Plusieurs fonctionnaires qui étaient en poste à cette époque mentionnent d’ailleurs que cette période fut un gros défi à relever.

Dans la foulée de cette réorganisation ministérielle, le gouvernement prend aussi la décision de revoir la politique sur l’immigration. Depuis 1990 l’Énoncé de politique en matière d’immigration et d’intégration Au Québec pour bâtir ensemble encadrait les actions du

gouvernement québécois. C’est en 2016 que fut rendue publique la Politique québécoise en matière d’immigration, de participation et d’inclusion Ensemble, nous sommes le Québec. Ne pouvant plus compter sur les CRÉ pour assurer la concertation et mettre en oeuvre les plans d’action, les villes sont devenues des partenaires du MIDI. « Avec l’abolition de la CRÉ, notre entente a été abolie pour en refaire une nouvelle parce que, comme elle était complémentaire et qu’il n’y avait plus de CRÉ, elle était un peu bancale, donc elle a été bonifié et revue. » (Entrevue 3). La stratégie d’action du MIDI 2016-2021 fait mention de ce partenariat avec la mesure 2.2.2 qui vise justement à « mettre en place une nouvelle approche partenariale avec les municipalités et les acteurs des milieux de vie pour édifier des collectivités plus accueillantes et inclusives » (MIDI, 2015b: 47). Je dirais donc que l’abolition des CRÉ a joué un rôle important dans la municipalisation des questions d’immigration et de relations interculturelles au Québec.

Si, par le passé, un partenariat entre les villes et le ministère avait déjà été évoqué dans des plans d’action ministériels (2004-2007, 2008-2013), cette mesure est la première mention officielle de la reconnaissance de l’apport des villes dans les questions d’intégration des immigrants par le gouvernement. On y reconnaît désormais à la ville ses compétences en matière de concertation avec le milieu et de mobilisation des acteurs, sa capacité à adapter ses services en fonction des besoins réels de la population ainsi que son dynamisme et sa proximité au terrain qui lui permet d’agir « à l’échelle où se déroulent les échanges interculturels » (MIDI, 2015b: 47). Cependant, pour la première fois pour les municipalités, ce partenariat vient aussi avec un programme ministériel qui encadre ces ententes: le PMD.