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Chapitre 4 : Banlieue et actualisation, des perceptions hétérogènes et polysémiques

4.1. Ville ou banlieue? Un territoire à la définition incertaine

Le territoire d’étude, identifié comme un espace suburbain d’après-guerre, est décrit différemment par les personnes participantes. Effectivement, la notion d’après-guerre est complètement absente des entretiens semi-dirigés, soulignant l’incompréhension de ce terme par les personnes participantes. Uniquement l’employé du service d’urbanisme de Laval utilise l’expression de « banlieue de première génération » pour décrire la zone d’étude à l’instar de quelques participant(e)s qui référent le territoire comme « premier » secteur suburbain de l’île Jésus. L’absence de terme spécifique dans les entretiens pour désigner la forme urbaine particulière de Laval-des-Rapides et Pont-Viau souligne par ailleurs une certaine confusion par rapport à la manière de nommer le territoire. Les personnes interviewées ont des avis partagés lorsque leur est posée la question : « Est-ce que Laval- des-Rapides et Pont-Viau sont des banlieues? » Les réponses à cette question vont majoritairement dans le sens du oui (8), malgré quelques interventions pour le non (3). Néanmoins, la majorité des propos (10) vont être précisés par des hésitations ou des nuances qui démontrent l’ambiguïté dans la définition de ce territoire urbanisé durant l’après-guerre. Benoît, un employé du service d’urbanisme affirme d’ailleurs :

C’est difficile à qualifier de banlieue, c’est un territoire urbain qui a des caractéristiques de la banlieue sur le plan de la typologie et de l’habitat, c’est-à-dire l’habitat unifamilial. Tout

ce qu’elle a de banlieue, parce qu’avec la présence du métro, ça change la donne. […] Je sais pas comment appeler ces territoires-là. Est-ce qu’il existe un mot de territoire qui aurait muté? Parce qu’à l’origine, c’est un tissu, ben c’est-à-dire que c’est un tissu urbain, c’est vraiment un tissu urbain dans lequel on accole des typologies de banlieue. (Benoît [employé municipal] 1er février 2016)

La difficulté d’affirmer sans nuance que le territoire d’étude est ou n’est pas une banlieue semble résider dans le fait que celui-ci a graduellement intégré des caractéristiques de la ville telles que des infrastructures de transports en commun d’importance (métro), des types de logements alternatifs à la maison unifamiliale ou des commerces et des secteurs d’emploi de proximité. De plus, il semble y avoir un refus de mettre le territoire d’étude dans la même catégorie que les banlieues récentes telles que Mascouche et Terrebonne1. Ces villes sont souvent identifiées par les personnes interviewées comme des banlieues typiques qui sont morphologiquement distantes de leur quartier « Ici, c’est pas banlieue typique pour moi. Ce petit quartier ici là, ce mini… c’est pas ma vision du trop trop du banlieue [sic] » (Gerry [citoyen] 23 février 2016). Ainsi, la définition du territoire d’étude est peu aisée à préciser puisqu’une grande majorité des personnes participantes situe ses propos dans un certain flou démontrant la complexité du territoire et les changements qui s’y opèrent et qui redéfinissent son essence.

La question « Pour vous, c’est quoi une banlieue? » a par ailleurs permis de cerner la diversité des éléments qui caractérisent typiquement une banlieue et les raisons pour lesquelles le territoire d’étude semble difficilement identifiable pour les personnes participantes. La monofonctionalité est l’élément le plus mentionné (6) et s’articule principalement autour de la distance élevée entre les différentes activités ou l’aspect « dortoir » -on y retrouve plus de lits que d’emplois- du territoire. La relative absence d’infrastructures culturelles marque cette monofonctionnalité. À ce propos, la consultation publique de 1982, qui visait à « déterminer les actions à porter par la Ville au niveau des loisirs et de la culture » (VL 2013, par.1), a eu un certain impact, notamment par la construction à Laval-des-Rapides de la Maison des Arts en 1986. Depuis, l’arrivée de pavillons universitaires a significativement bonifié l’offre culturelle sur le territoire d’étude tandis que la construction en cours du centre Bell et de la cité de la culture et du sport élargit les possibilités d’activités pour la population. Éloïse, une participante particulièrement impliquée dans la vie artistique et culturelle du quartier affirme :

Tu vois là, on va avoir le centre Bell. Au niveau des arts, ça s’améliore beaucoup, on a la salle André-Mathieu, la maison des arts. On peut voir à Laval tous les spectacles qui sont à Montréal là. Les Belles-Sœurs sont venues à Laval. La salle André-Mathieu, ça a gagné des 1Notons toutefois que ces villes, à l’instar de Laval, ont des noyaux urbains anciens.

prix. Maintenant là, on voit un spectacle qui sort, pis on regarde quand il va passer à Laval. (Éloïse [citoyenne] 21 février 2016)

Le territoire d’étude s’éloigne donc progressivement du modèle monofonctionnel. L’utilisation de la voiture (5), voire la dépendance à l’automobile, est un élément fortement lié à cette monofonctionnalité de par les distances élevées entre les différentes fonctions. Benoît souligne que « les caractéristiques de la banlieue, c’est qu’on est auto-dépendant, et l’organisation du territoire est faite en fonction qu’on est auto-dépendant » (Benoît [e.m.] 1er février 2016). La grande connectivité qu’offrent les nouvelles stations de métro ainsi que les nombreuses lignes d’autobus tiennent à distance le territoire d’étude d’une dépendance complète par rapport à l’automobile. Cependant, c’est tout de même 10 participant(e)s sur 14 qui utilisent la voiture comme moyen de transport principal tandis que seulement deux prennent le transport en commun et deux marchent. Quoique le territoire d’étude soit doté d’un réseau de transports en commun identifié par plusieurs personnes interviewées comme utile et nécessaire, la dépendance automobile sur le territoire reste forte, notamment en ce qui a trait à la connectivité avec les autres quartiers suburbains environnants. Les autres caractéristiques liées à la définition d’une banlieue sont moins souvent mentionnées : familiale (3), ennuyante (2), proche de Montréal (2), tout sauf Montréal (2), où dominent les maisons unifamiliales (2), les grands espaces (2) et la tranquillité (1). Bref, les caractéristiques sont nombreuses et diverses, mais aucune ne suscite le consensus de telle manière qu’il reste difficile d’établir une définition claire d’une banlieue typique, et encore plus du territoire d’étude selon les propos des personnes participantes.

4.2. Laval-des-Rapides et Pont-Viau, des secteurs attrayants entre essor et déclin