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Chapitre 3 : Laval-des-Rapides et Pont-Viau, un territoire d’étude entre ville et banlieue récente

3.1. Histoire d’une colonisation progressive et d’une urbanisation soudaine

3.1.4. Période d’urbanisation (1946 à aujourd’hui)

Les décennies d’après-guerre sont synonymes d’un développement urbain sans précédent sur l’île Jésus. Tandis que l’urbanisation avant la fin de la Deuxième Guerre mondiale se limitait à quelques noyaux villageois et aux abords de la rivière des Prairies, elle se répand dans tous les secteurs de l’île dans la seconde moitié du 20e siècle (Paquette, 1976). La fin de la guerre signifie le transfert d’une économie de guerre vers une économie de paix particulièrement axée sur la consommation. Le gouvernement fédéral canadien, par le biais de la société canadienne d’hypothèques et de logements (SCHL), s’implique fortement dans la construction de logements pour améliorer le parc immobilier canadien et « favorise la maison individuelle de banlieue pour loger les soldats de retour au pays » (Lachance 2009, 2). De plus, la « hausse des salaires et la naissance du crédit aux particuliers permettent à des dizaines de milliers de jeunes ménages de s’offrir les deux composantes essentielles du rêve banlieusard, une automobile et une hypothèque résidentielle » (Fortin, Saint-Pierre et Perron 2008, 187). Plusieurs municipalités, à l’instar de celles de l’île Jésus, sont donc le théâtre d’une explosion démographique et d’une urbanisation extrêmement soutenue avec la construction de plusieurs milliers de nouvelles maisons puisque la « demande est forte et les délais sont courts; alors le fédéral encourage l’usage des techniques issues des développements de guerre pour en produire en grande quantité et rapidement » (Lachance 2009, 2). La population de l’île Jésus passe donc de 21 631 individus en 1941 à 196 088 individus en 1966, soit un an après la création de la Ville de Laval. Cette croissance représente une augmentation fulgurante de 907 % en seulement un quart de siècle (Figure 5). L’économie de l’île est bouleversée par cette urbanisation rapide et c’est l’agriculture, activité principale de l’île depuis des centaines d’années, qui en souffre puisque l’étalement s’effectue sur les terres agricoles. Effectivement, le pourcentage de la population vivant de l’agriculture, principalement du foin, de l’avoine et de la pomme de terre, passe à seulement 16,8 % en 1951 et dégringole rapidement à 0.89 % en 1971 (Paquette 1976,

104-111). D’ailleurs, la « chute de l’activité dans le secteur primaire n’est pas compensée par celle de la transformation », car les « commerces de détail et les services de proximité monopolisent désormais une large part des investissements et de l’emploi pour une population qui accède, en quelques années, à la société de consommation et à celle des loisirs » (Fortin, Saint-Pierre et Perron 2008, 204). La décroissance de l’activité agricole sur l’île est donc accompagnée d’une croissance très forte des commerces liés à la consommation exponentielle de la nouvelle classe moyenne québécoise. Au début des années 1960, les emplois restent cependant très peu nombreux sur l’île Jésus de telle manière que « plus qu’en aucun autre temps de son histoire, l’île Jésus peut être qualifiée de banlieue-dortoir de Montréal au début des années 1960. En effet, à peine 4 % des résidants de l’île y travailleraient contre 83 % à Montréal et 13 % ailleurs » (Fortin, Saint-Pierre et Perron 2008, 199). C’est dans les décennies suivantes que d’importantes zones d’emplois seront développées à Laval, notamment dans les milieux de la production manufacturière, mais aussi du tertiaire. On voit également apparaître sur l’île de nombreux services municipaux pour répondre à l’arrivée massive des nouvelles populations plus jeunes et hétérogènes, notamment sur le plan ethnoculturel (Fortin, Saint-Pierre et Perron 2008).

Pour répondre à l’importante croissance démographique, les municipalités se dotent de structures plus imposantes. Cependant, l’île Jésus va « souffrir du nombre de ces lieux de pouvoir limités à d’étroites frontières » puisqu’il n’existe pas avant 1965 « [d’]autorité supramunicipale, une initiative d’autant plus nécessaire que les prévisionnistes attendent un million de résidants avant la fin du XXe siècle » (Fortin, Saint-Pierre et Perron 2008, 185). Effectivement, les différentes municipalités sont le théâtre d’un développement important sur leur territoire sans qu’il n’existe d’autorité supramunicipale en moyen de canaliser la croissance de manière structurante et adéquate. La population de Laval-des-Rapides et Pont-Viau, à l’instar du territoire de l’île Jésus, est en forte croissance dès la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec un impressionnant boom au début des années 1950 (Figure 6). Cette croissance est toujours intense lors de la fusion des municipalités de l’île en 1965, soulignant la volonté des différentes administrations de contenir une croissance qui ne montre pas de signe de ralentissement. La création de la Ville de Laval en 1965 est donc un évènement important puisqu’elle fédère plusieurs municipalités en une entité d’une superficie importante et aux prises avec de nombreux défis. Effectivement, la croissance démographique de la ville de Laval est relativement soutenue depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale avec un léger ralentissement depuis les années 1970. Cependant, cette croissance démographique est aussi

0 5000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000 Popula�on 1911 1921 1931 1941 1951 1961 1966 Laval-des-Rapides Pont-Viau

*Les données de 1966 sont postérieures à la création de la Ville de Laval. Elles reflètent donc les secteurs de recensement s’inscrivant à l’intérieur des anciennces délimitations des villes de Laval-des-Rapides et Pont-Viau.

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Réalisation: Samuel Descôteaux Fréchette 2015 Source: Statistique Canada citée dans Paquette 2006

caractérisée par des changements du point de vue démographique avec la réduction de la taille des ménages, un certain vieillissement de la population, l’apparition d’écarts de richesse de plus en plus marqués et le déclin de certains quartiers tandis que d’autres voient le jour sur des terres agricoles déstructurées.

Bref, les années suivant la Deuxième Guerre mondiale jusqu’à aujourd’hui ont été synonymes d’un impressionnant développement suburbain, d’une explosion démographique, d’une diversification des secteurs d’activités économiques et d’une complexification du profil démographique.