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Obstacles politiques identifiés par les autorités municipales et surmontés par la population

Chapitre 5 : Obstacles politiques et sociaux à l’actualisation

5.1. Obstacles politiques identifiés par les autorités municipales et surmontés par la population

Les membres du personnel municipal sont au courant des défis qui existent sur le territoire d’étude relativement à la réglementation en vigueur. En effet, celle-ci est en pleine refonte et nécessitera plusieurs années avant d’aboutir à des normes et des règlements mieux adaptés aux besoins et aux exigences d’aujourd’hui en termes d’aménagement. Tel que l’indique Benoît qui travaille au service d’urbanisme : « Avoir une nouvelle réglementation, ça va nous prendre encore trois ans » (Benoît [e.m.] 1er février 2016). Il reste donc encore du temps avant que la nouvelle réglementation soit revue, mais les démarches démontrent que les autorités municipales sont conscientes des problèmes qu’occasionne la réglementation actuelle qui « date de 1970 » (Donald [e.m.] 16 février 2016). On sent d’ailleurs un réel désir d’éliminer les obstacles réglementaires, qui découragent notamment les initiatives de densification douce et de diversification modale, en favorisant une plus grande place aux alternatives d’occupation du sol et en réduisant la place de la voiture. Il importe de mentionner que la refonte réglementaire prévue ne vise pas uniquement un relâchement des règlements, mais aussi un certain resserrement pour éviter l’apparition de projets de densification forte considérés démesurés sur le territoire, comme c’est actuellement le cas. Le service d’urbanisme cherche d’ailleurs l’équilibre entre l’impossibilité de densifier le territoire et le laisser-aller complet qui

favorise les promoteurs immobiliers désireux de maximiser leurs investissements en construisant en hauteur. La règlementation est très floue par rapport aux limites de hauteur sur le territoire d’étude : « Il y a beaucoup de terrains à Laval qui n’ont pas de restrictions de hauteur » (Donald [e.m.] 16 février 2016) et les membres du personnel municipal sont conscients que les promoteurs ont encore le champ libre pour développer en hauteur :

D’ici là, il peut se passer toutes sortes de choses alors tu comprendras qu’il y a des bouffons qui peuvent déposer une tour de Dubaï à côté du métro Cartier qu’on va être obligé de l’étudier, pis on va être obligé de leur dire : « Ben, Monsieur, c’est pas acceptable » pis là il va dire : « Sur quelle base que tu me dis que c’est pas acceptable, le règlement me le permet? » (Benoît [e.m.] 1er février 2016)

Comme vu antérieurement, l’annonce de projets de tours de plus de dix étages a engendré une polémique importante. Selon certain(e)s citoyen(ne)s de Laval, l’absence de réglementation ayant pu mettre un frein à ces projets jugés démesurés apparaît comme une preuve de mauvaise gestion des outils de planification. Les détracteur(trice)s de ces projets de tours affirment que ceux-ci déstructurent leur milieu de vie et diminuent leur qualité de vie. Par ailleurs, ces personnes doivent se mobiliser contre ce type de projets jusqu’à l’adoption prévue des nouvelles réglementations ou de mesures de contrôle intérimaire plus restrictives par rapport aux limites de hauteur. Les contraintes réglementaires dont on vise le relâchement, identifiées par les membres du personnel municipal, se structurent quant à elles autour de deux éléments : les ratios de stationnements et les marges de recul. Les ratios de stationnement constituent un obstacle de taille à la densification puisqu’ils limitent la possibilité d’augmenter le nombre de logements sur un lot puisque l’aménagement de nouvelles places de stationnements est obligatoire, mais parfois techniquement impossible. Les stationnements doivent non seulement respecter certains ratios, mais doivent aussi se conformer à certains critères d’aménagement stricts :

Donc si tu as un garage, il prévoit que l’auto va aller dans le garage ou sinon, faut que tu ailles sur le côté, mais pas en avant de la propriété. C’est […] dans le règlement. Tu es obligé d’avoir du stationnement […] Faut que tu aies du stationnement à quelque part, et il faut pas qu’il soit en façade. (Donald [e.m.] 16 février 2016)

Il est donc contraignant d’ajouter un logement additionnel tout en respectant les ratios obligatoires et les critères d’aménagement. Les marges de recul mettent quant à elles un frein aux initiatives de densification puisqu’elles rendent ardu l’ajout de superficies habitables en annexe : « le problème c’est [que] la Ville continue à exiger des marges de chaque côté du terrain et souvent c’est que le lot est trop étroit pour le permettre » (Albert [e.m.] 23 janvier 2016). Cependant, les membres du personnel municipal sont plutôt favorables à la suppression des marges de recul obligatoires : « Va falloir transformer notre réglementation. Moi je pense que ça c’est une avenue, de permettre

la marge zéro dans ces territoires-là » (Benoît [e.m.] 1er février 2016). Conscients de l’obstacle à l’actualisation que peuvent représenter les marges obligatoires entre deux bâtiments, ces participants mettent de l’énergie à sensibiliser leurs collègues au potentiel que représente l’espace qu’elles occupent : « J’ai commencé il y a quelques mois à essayer de mettre ça dans la tête de mes collègues, autant du côté administratif que politique, qu’on pourrait commencer à envisager de revoir les marges qu’on exige » (Albert [e.m.] 23 janvier 2016). Pour les nouvelles constructions, les marges occasionnent aussi des pertes (Figure 47). Les promoteurs doivent respecter les marges de chaque lot même s’ils possèdent deux lots adjacents qu’ils développent en un seul projet. De ce fait, on observe des espaces laissés vacants qui auraient pu être construits et offrir davantage de

logements sur une même superficie. Le couple constitué d’Éloïse et d’Édouard s’est par ailleurs buté à cet obstacle réglementaire lorsqu’il a fait la demande d’un permis pour construire une annexe latérale qui leur sert d’atelier artisanal :

Ben, il y a une question…quand on a…quand on a construit, quand on a agrandi ici, premièrement on n’avait pas le droit de dépasser la devanture de la maison. On n’aurait pas construit quelque chose qui dépassait avant. C’était un règlement municipal. On n’a pas le droit faire ça. En tout cas ici, dans le quartier résidentiel, on n’avait pas le droit d’être plus en avant, bon. Et aussi, on n’avait pas le droit de construire une pièce habitable. Il fallait que ça soit un garage. Alors nous, on a demandé à la Ville pour construire. On a demandé

un permis de garage, et on savait qu’on voulait pas faire un garage, mais on a joué le jeu, pis un an après, on a fait un changement de garage en pièce habitable. On avait le droit de faire ça. (Éloïse [citoy.] 21 février 2016)

Cet exemple est probant puisqu’il démontre bien, d’une part, les obstacles que peuvent rencontrer les citoyen(ne)s dans leur cadre d’un projet qui s’inscrit dans l’actualisation de leur logement et, d’autre part, que la réglementation est contournée par des pratiques informelles. Dans le cas du couple, le processus reste légal, mais emprunte un parcours irrégulier pour atteindre les fins souhaitées, soit la construction d’une annexe latérale à des fins de production artisanale. Sans le parcours incluant deux demandes de permis, d’abord pour un garage et puis pour une pièce habitable, le projet du couple n’aurait pas vu le jour. L’informalité des pratiques en réponse à la réglementation désuète du territoire d’étude est fréquente. On peut notamment penser à l’informalité professionnelle dont il a été question antérieurement. Les zones R (pour zone résidentielle) et RU (pour zone résidentielle unifamiliale) du règlement L-2000 (VL 1970), qui couvrent la grande majorité du territoire d’étude et la totalité des logements où les entretiens ont eu lieu, limitent les activités à la fonction résidentielle, mais sont investies par de nombreuses pratiques professionnelles informelles. On peut aussi penser à l’informalité dans les logements additionnels, tels que les semi- sous-sols. Malgré un certain contrôle municipal de ce genre de pratiques informelles, les autorités se butent à des enjeux :

C’est pas évident parce que je veux dire quand ça fait 15 ans que quelqu’un a un deuxième logement pis que la Ville elle arrive 15 ans plus tard pis qu’elle dit : « Vous savez que votre logement est pas légal », euh ça cause des frictions. (Albert [e.m.] 23 janvier 2016)

Par ailleurs, la question de l’informalité dans le logement est très sensible puisqu’elle renvoie à un lieu de vie et génère potentiellement une source de revenu lorsqu’il est question de location. On comprend bien les tensions qui peuvent survenir lorsque la règlementation entre en conflit avec une utilisation informelle d’un bâtiment ou d’un lot, même lorsque celle-ci s’étale sur plusieurs années. Cette informalité répond à un certain besoin en logement et en espace de travail et surmonte plusieurs aspects réglementaires jugés trop restrictifs, notamment le nombre limité de logements sur un terrain, le ratio de stationnement et la monofonctionnalité. Les obstacles réglementaires sont déjà identifiés par les autorités municipales et surmontés par les citoyen(ne)s de manière informelle. Les obstacles sociaux restent quant à eux beaucoup plus difficiles à cerner pour les autorités municipales qui peinent encore à les idenfier malgré des démarches récentes allant dans le sens d’une meilleure compréhension de leurs caractéristiques.

5.2. Obstacles sociaux. Manque d’information, de concertation et d’intérêt pour