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Vieillissement et vieillissement normal : à la recherche de définitions

I. REPERES THEORIQUES

1.2. Vieillissement et vieillissement normal : à la recherche de définitions

Si le vieillissement est un processus naturel, il existe différentes façons d’aborder ce phénomène. Il est difficile de définir le terme de « vieillissement » de façon satisfaisante et convaincante. En effet, le vieillissement est un processus complexe et multifactoriel.

Le vieillissement peut être appréhendé comme le résultat de l’ensemble des facteurs intrinsèques (processus physiologique et psychologique) et des facteurs extrinsèques (contextuels et environnementaux). Selon De Jaeger et al. (2011), le vieillissement peut être défini comme « l’ensemble des processus physiologiques et psychologiques qui modifient, après la phase de maturité, la structure et les fonctions de l’organisme d’un être vivant sous l’action du temps » (p. 156). D’un point de vue social, la représentation du vieillissement commence vers l’âge de 65 ans (Dupâquier, 2006), correspondant généralement à l’âge où les personnes se retirent de leur activité professionnelle. Cependant, la notion de vieillissement est subjective et relative. En effet, il est admis que l’âge chronologique ne correspond pas systématiquement à l’âge biologique et à l’âge psychologique. Ainsi, elle peut prendre des sens variés selon les facteurs contextuels et culturels (Schenk et al., 2004).

A partir de quel âge peut-on parler de « vieillissement » ?

Les contours du vieillissement demeurent flous. Toutefois, afin de mieux décrire les phénomènes associés à l’âge, les chercheurs ont tenté de catégoriser les personnes âgées en fonction de l’âge chronologique. On peut y observé également que la qualification de groupe de sujets âgés se voit évoluer selon le contexte économique, politique et idéologique afin de véhiculer une image valorisante du vieillissement :

- les « seniors » ou les « jeunes vieux » de plus de 50 ans (Guerin, 2000) ; - le « troisième âge » de moins de 75 ans (Lenoir, 1979) ;

- les « vieux vieux » ou le « quatrième âge » de plus de 75 ans (Dupâquier, 2006, Pochet, 1997) ;

- les « très vieilles personnes âgées » ou les « personnes les plus âgées » de 80 ans ou plus (Dupâquier, 2006, Lindenberger et al., 1994).

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Par ailleurs, compte tenu de l’impact des représentations sociales, les termes « vieux » et « vieillard », connotés péjorativement, sont l’objet d’euphémisations lexicales ayant pour but d’intégrer la dimension évolutive du processus de sénescence : « aïeux », « ancêtres », « anciens », « aînés », « vétérans », etc. (Brassard, 2006).

Cette tentative de définition du « vieillissement » se complexifie lorsque la notion de « normalité » s’y ajoute. La plupart des études essaient de déterminer la normalité comme « le fait d’être à l’intérieur des valeurs de références » (Geronimi, 2008, p. 37). Cependant, il est difficile de fonder une appréciation normative du vieillissement compte tenu des variations intra-individuelles et inter-individuelles. En effet, dans un même groupe d’âge donné, les individus peuvent avoir des capacités physiques et cognitives hétérogènes en raison de facteurs socio-éducatifs, de leurs expertises, de leur style de vie, etc. Ainsi, selon Geronimi (2008), « la seule vraie normalité est celle de la stabilité de l’individu par rapport à son propre état antérieur » (p. 37). D’autres termes plus neutres émergent dans la littérature afin de différencier le vieillissement « normal » du vieillissement pathologique avec morbidités : le « vieillissement harmonieux » (Schenk et al., 2004), « vieillissement gracieux » (Cabeza et

al., 2002), « vieillissement réussi » (Rowe et al., 1998), « vieillissement sain » (Amouyel, 2008), etc.

Les effets de certaines maladies, dont le risque augmente avec l’âge, sont souvent confondus avec ceux du vieillissement normal. Afin de ne pas négliger certains signes précoces du vieillissement pathologique, de cibler des problèmes de santé et de prise en charge des patients, il est primordial de clarifier la frontière entre le vieillissement normal et le vieillissement pathologique.

D’une manière générale, le vieillissement s’accompagne d’une diminution de l’acuité physique et de la réduction des fonctions cognitives (Belmin et al., 2003, Lindenberger et al., 1994). Selon Schenk et al., (2004), le vieillissement qu’on peut qualifier de normal est la préservation des « capacités normatives, adaptées à l’évolution imposée par l’âge » (p. 11). Selon ces auteurs, le vieillissement normal se caractérise par la plasticité fonctionnelle qui permet d’ajuster des capacités résiduelles afin de compenser la diminution des réserves physiques et cognitives associée à l’âge.

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Rowe et al. (1998) proposent de distinguer trois types de vieillissement :

- Vieillissement usuel (habituel) qui accompagne le déclin de fonctions organiques liées à l’âge avec diminution de la capacité d’adaptation. Cela peut conduire à la fragilité et à la dépendance des personnes.

- Vieillissement réussi qui est le degré de capacité fonctionnelle supérieur au vieillissement usuel. Les sujets s’adaptent mieux aux modifications liées à l’âge. - Vieillissement pathologique impliquant l’apparition de la maladie, comme les

maladies cardiovasculaires, la démence, ou des troubles sensoriels et de locomotion.

Afin d’identifier la capacité normative des sujets âgés, nous pouvons recourir à la notion du « vieillissement cognitif normal ». La définition du vieillissement, proposée par Van der Linden et al. (1994) et largement adoptée par la communauté des psychologues de la cognition, est la suivante : « nous exprimons le vieillissement en termes de déclin, avec l’âge, de la performance à diverses épreuves censées mesurer le fonctionnement cognitif » (p. 11). En effet, les paradigmes neuropsychologiques ont pour but d’évaluer les performances cognitives du sujet de manière objective à l’aide de tests standardisés dont la sensibilité2 et la spécificité3 sont préalablement contrôlés (Lindeboom et al., 2004). Ainsi, la définition de Van der Linden et al. invite les chercheurs à identifier l’évolution des mécanismes des fonctions cognitives au cours du vieillissement et à apporter des éléments d’explication sur ces modifications à travers des tâches qui permettent de mesurer les différents phénomènes mentaux tels que le langage, la mémoire, les fonctions exécutives, mis au point par la psychologie cognitive.

Nous verrons plus en détail dans les points qui suivent, les différentes tâches permettant de mesurer les fonctions cognitives et l’effet du vieillissement sur la performance des personnes âgées dans ces tâches. Avant cela, nous nous attarderons sur l’étude du vieillissement cérébral, le cerveau assurant les processus cognitifs.

2 La capacité à ne détecter une atteinte cognitive que chez les seuls cas signalés par ailleurs comme

pathologiques (Tzortzis et al., 1991).

3 La capacité à déclarer indemne de toute atteinte cognitive les seuls cas jugés par ailleurs non pathologiques

Vieillissement cérébral

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