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I. REPERES THEORIQUES

2.6. Démence de type Alzheimer

En 1901, une patiente nommée Auguste D. est hospitalisée, à l’âge de 51 ans, à l’asile de Francfort pour « jalousie maladive » envers son mari. Elle a développé une paranoïa depuis quelques mois. Elle présente également des troubles du comportement (agitation, cris), anxiété, idées délirantes (elle pense qu’on veut la tuer), hallucinations auditives. Outre ces troubles psychiatriques et comportementaux, Auguste D. montre un déficit de la mémoire et de l’orientation spatio-temporelle. C’est le neuropsychiatre Allemand, Aloïs Alzheimer qui suit cette patiente. Fasciné par ce cas, Alzheimer décide de l’examiner plus en détail.

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Après avoir fait une étude approfondie des entretiens systématiques, Alzheimer remarque qu’en situation de communication spontanée, madame D. a tendance à éviter de répondre aux questions posées, elle emploie des paraphasies sémantiques (e.g. « verseur à lait » au lieu de « tasse ») et utilise des mots dans des formulations insensées. Cependant, elle n’affiche pas de déficit articulatoire, et la dénomination d’objets est généralement réussie. En lecture, elle a tendance à lire des mots lettre par lettre, les prononce d’une manière déliée et s’arrête souvent au milieu d’une phrase ou d’un mot. Lors de l’écriture, elle a tendance à écrire les syllabes plusieurs fois, à omettre des lettres ou des syllabes. Elle met également brutalement fin à son écriture, un symptôme que le praticien qualifie de « trouble d’écrit amnésique » (Jucker et al.

2006).

Auguste D. décède en 1906, l’examen post mortem de son cerveau révèle la présence de plaques séniles, associée à des lésions jusque-là inconnues : les dégénérescences neurofibilaires. L’originalité du travail d’Alzheimer est de faire abstraction de l’histoire psychiatrique de sa patiente pour insister sur les liens entre modifications cérébrales et pathologie mentale, et la découverte des lésions caractéristiques de la maladie confirme ses intuitions.

Dès 1907, Alzheimer publie ses observations sous le titre : « Une maladie particulière du cortex cérébral » (Alzheimer, 1907). C’est Krapelin, en 1910, qui individualise cette maladie comme une démence rare et dégénérative du sujet jeune. Pour rendre hommage à Alzheimer, Krapelin baptise cette pathologie « la maladie d’Alzheimer ». Par la suite, Alzheimer publie lui-même un compte rendu détaillé du cas Auguste D. (Derouesné, 1994, Expertise collective, 2007).

« La maladie d’Alzheimer constitue probablement, dans l’imaginaire collectif et individuel, une des faces les plus effrayantes du vieillissement. Elle focalise sur elle toutes les craintes de perdre notre mémoire et notre vécu, notre rapport à ceux qui nous sont chers, notre lien au monde environnant, bref notre identité profonde. Elle suggère la perte de ce qui fait notre humanité » (Schenk et al., 2004, p. 12).

Démence de type Alzheimer

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En effet, l’étiologie de la maladie d’Alzheimer est encore inconnue, de nombreuses données épidémiologiques indiquent que c’est la cause la plus fréquente des syndromes démentiels (70 % selon Ankri, 2009), elle évolue sur une durée comprise entre 8 et 12 ans, des extrêmes allant de 2 à 20 ans, avec la dégradation progressive du cerveau qui conduit le patient vers l’état démentiel en passant par de nombreux troubles cognitifs. On ne sait aujourd’hui ni prévenir son apparition, ni arrêter son évolution.

« La maladie d’Alzheimer est probablement une des pathologies de la cognition, qui est la plus sensible à l’empathie. Cela conduit à s’interroger sur les facteurs psychologiques qui pourraient participer à l’évolution, mais aussi à l’expression clinique. Cela conduit aussi à poser la question (en termes de modélisation) de l’articulation des phénomènes neurologiques et psychologiques, que ce soit du point de vue cognitif, subjectif ou émotionnel. Et, quoi qu’il en soit, une réflexion complémentaire s’impose sur la question de la prise en charge des malades, dans ses aspects non médicamenteux et sur l’accompagnement psychologique des aidants, qu’il s’agisse des professionnels ou de la famille du malade ». (Ploton, 2009, p. 89).

Depuis la découverte de la maladie d’Alzheimer, de nombreuses recherches épidémiologiques, anatomo-pathologiques, neuropsychologiques et des démarches pluridisciplinaires ont émergé, enrichissant la caractérisation de la maladie d’Alzheimer. Les avancées de recherches actives permettent d’espérer une prise en charge efficace, et au-delà, la prévention de la maladie d’Alzheimer. Nous rapporterons dans les points suivants ces avancées de la recherche scientifique sur la maladie d’Alzheimer.

2.6.1. Etude épidémiologique de la maladie d’Alzheimer

Les études épidémiologiques ont permis de faire des progrès considérables sur la connaissance des pathologies démentielles. Elles ont fourni des données non seulement sur la prévalence et l’incidence de la maladie mais ont également identifié certains facteurs de risque et facteurs protecteurs de la maladie d’Alzheimer, en ouvrant la voie à des perspectives de prévention.

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2.6.1.1. Prévalence et Incidence

Les sources des données épidémiologiques françaises sur la maladie d’Alzheimer proviennent essentiellement de l’étude PAQUID (Personnes âgées Aquitaine ou QUID des personnes âgées). C’est une étude de cohorte en population générale menée en Gironde et en Dordogne chez des sujets de plus de 75 ans et dont l’objectif est d’étudier le vieillissement normal et pathologique, et d’en dégager des facteurs de risques et des indicateurs de prévention (Commenges et al., 2004, Ramaroson et al., 2003).

L’extrapolation des données recueillies dans l’étude PAQUID au recensement de la population d’INSEE (2004) indique qu’en France, environ 860 000 personnes seraient touchées par la maladie d’Alzheimer et des syndromes apparentés, dont la maladie d’Alzheimer représente globalement 70 %. On estime le nombre de nouveaux cas annuels à plus de 225 000. La prévalence des démences augmente de façon linéaire avec l’âge. 8,7 % de la population de plus de 65 ans en souffre ; 17,8 % pour celle de 75 ans et plus ; environ 45 % pour celles de 85 ans. 330 000 personnes seraient au stade modérément sévère, c’est-à-dire, à un stade où l’autonomie des personnes est fortement réduite (Observation nationale de la recherche sur la maladie d’Alzheimer, ONRA, 2007).

Tableau 2 Prévalence des démences et estimation du nombre de cas en France métropolitaine (ONRA, 2007, p. 108)

Cependant, il n’existe pas d’indicateur précis. En effet, les études ne comptent que les cas diagnostiqués et pris en charge par le système de soins (Expertise collective, 2007). Selon Ménard (2007), le diagnostic des syndromes démentiels n’est posé que dans un cas sur deux, y compris pour les formes sévères de la maladie, principalement en raison de la difficulté du diagnostic.

Etude épidémiologique de la maladie d’Alzheimer

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Deux modèles ont été proposés pour estimer l’évolution de la prévalence des démences (Amouyel, 2008) :

- Le modèle pandémique selon lequel, sans intervention efficace, et sans changement de l’incidence et de la durée de la maladie, le vieillissement massif de la population sera accompagné d’un accroissement parallèle des syndromes démentiels. Selon l’ONRA (2007), il y aura 1,3 million de personnes atteintes de démences en 2020 ; 2,1 millions en 2040 en France.

- Le modèle de la compression de la morbidité propose une vision plus optimise, selon laquelle, avec les progrès des recherches scientifiques, l’espérance de vie sans incapacité dépassera l’espérance de vie totale. Selon Jorm et al. (2006, cité par ONRA, 2007), la prévention des syndromes démentiels diminuerait la prévalence à 5,6 % d’ici 50 ans.

A travers ces études épidémiologiques, force est de constater que la maladie d’Alzheimer et les syndromes apparentés constituent un enjeu majeur de santé publique de nos jours compte tenu du vieillissement de notre société. Face à cette constatation, les progrès médicaux sont fortement espérés, et en attendant l’apparition de traitements curatifs, le développement des aspects de prise en charge et de soins non-médicamenteux des maladies neurodégénératives sont fortement recommandés afin d’accompagner au mieux les patients et leur entourage.

2.6.1.2. Facteurs de risque

La prévention des syndromes démentiels se base sur des facteurs de risques et des facteurs de protection identifiés. Un certain nombre de ces facteurs ont émergé à travers des études épidémiologiques. Selon Ankri (2009), « La maladie d’Alzheimer est en fait une pathologie multifactorielle faisant intervenir de multiples facteurs combinés entre eux » (p. 136).

Age

Compte tenu de l’hétérogénéité de la cohorte et des méthodes utilisées, il est difficile d’établir une estimation précise du nombre de sujets atteints de syndromes démentiels et de la maladie d’Alzheimer. Cependant, les études épidémiologiques s’accordent à dire que, parallèlement à l’augmentation de la population âgée, le nombre de personnes touchées par ces pathologies s’accroît de façon exponentielle.

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Ainsi, l’âge est un facteur de risque déterminant, incontestablement lié au développement de syndromes démentiels (Amouyel, 2008, Ankri, 2009, Barboul et al., 2011, Expertise collective, 2007).

Sexe

Le sexe est aussi à prendre en compte. La prévalence de la MA est plus élevée chez la femme, même en tenant compte de la moindre longévité masculine. Pour les femmes, le risque relatif de développer la maladie serait de 1,5 à 2 fois plus important que pour les hommes (Expertise collective, 2007).

Figure 6 Prévalence des démences selon l’âge et le sexe (Expertise collective, 2007, p. 54)27

Niveau d’étude

Selon l’étude PAQUID, le risque de développer une maladie d’Alzheimer est accru avec un bas niveau d’étude (Amieva et al., 2008). Selon ces chercheurs, un haut niveau socioculturel favoriserait l’entretien de la capacité de réserve cognitive, et par conséquent retarderait l’expression des symptômes.

Cependant, cette association entre le niveau d’étude et le risque de développer une MA n’est pas observé dans d’autres études épidémiologiques. Ankri (2009) souligne que les outils de dépistages cognitifs actuels reposent fortement sur le niveau d’étude, ainsi cela peut biaiser les résultats.

27 Données de méta-analyse Eurodem sur des études des années 1990 (Lobo et coll., 2000) ; Données initiales de l’étude Paquid (1988-1989) (Letenneur et coll., 1993) ; Données lors du suivi à 10 ans de l’étude Paquid (1998-1999) (Ramaroson et coll., 2003).

Etude épidémiologique de la maladie d’Alzheimer

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D’autres facteurs

Les facteurs de risque des pathologies vasculaires seraient associés au risque de démences. Ce sont notamment les antécédents d’accidents vasculaires cérébraux, l’hypertension artérielle, le diabète, et les cardiopathies, mais tous les travaux ne sont pas concordants (Expertise collective, 2007, Voyer et al., 2006).

Enfin les différents facteurs de risques environnementaux et d’exposition aux produits toxiques et autres phénomènes nocifs pour la santé ont été étudiés. Le lien entre l’effet des expositions aux champs magnétiques et l’effet des métaux lourds avec le risque de démence n’a pas été prouvé. En revanche, les effets de l’aluminium contenu dans l’eau et les boissons s’avère être un risque potentiel, mais ils doivent être étayés par des études approfondies (Ankri, 2009).

2.6.1.3. Facteurs de production

L’identification des facteurs qui peuvent retarder le début de la maladie d’Alzheimer sont d’une grande importance compte tenu des enjeux socio-économiques liés à cette maladie.

Certains cas de sujets diagnostiqués comme atteints de la maladie d’Alzheimer après examen post mortem ne montraient pas de manifestation de déficits cognitifs de leur vivant (Valenzuela et al., 2006). Les chercheurs supposent qu’un sujet ayant une importante ressource physique et psychologique compenserait mieux le déclin cognitif lié à la maladie d’Alzheimer et de ce fait serait plus longtemps protégé de l’apparition des signes de la démence (Ploton, 2009, Snowdon, 2001).

Expertise collective (2007) note qu’une activité physique intense et soutenue a des effets protecteurs contre le déclin des fonctions cognitives et l’apparition des démences. De plus, la richesse des interactions sociales et la pratique d’activités de loisir (e.g. la lecture, le jeu, le bricolage, le voyage et la danse) jouent un rôle de facteurs potentiellement protecteurs.

La revue de littérature de Valenzuela et al. (2006) montre que le haut niveau d’éducation, l’occupation d’un statut social important, l’intelligence pré-morbide élevée ont des effets de protection significatifs contre la maladie d’Alzheimer. Ces auteurs soulignent également que l’activité de loisir mentalement stimulante est le facteur de protection le plus robuste.

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En ce sens, l’étude de Bialystok et al. (2007) est intéressante à rapporter. Dans cette étude, les chercheurs ont comparé les premiers symptômes de pathologie démentielle de deux groupes de sujets. Un groupe constitué de 91 patients monolingues et l’autre constitué de 93 patients bilingues. Le résultat montre que le bilinguisme permet de retarder de 4,1 ans l’apparition de la démence. Selon ces auteurs, l’utilisation de deux langues renforce la capacité attentionnelle et du contrôle exécutif. De ce fait, la réserve cognitive plus disponible chez les patients bilingues permet de mieux tolérer l’accumulation de facteurs pathologiques associée à la démence.

Malgré l’intérêt préventif de ces facteurs, leur effet demeure incertain. Le nombre d’études randomisées insuffisant ne permet pas de préconiser des recommandations convaincantes pour la prévention des syndromes démentiels. Il serait ainsi souhaitable d’initier une recherche multidisciplinaire portant sur l’étude épidémiologique et longitudinale, en prenant en compte l’ensemble des facteurs de risque et des facteurs protecteurs (Expertise collective, 2007).

2.6.2. Anatomopathologie

La maladie d’Alzheimer est une pathologie neurodégénérative qui affecte le cortex cérébral. Elle est la conséquence de différents phénomènes physiopathologiques (Sellal et al., 2007). Les deux lésions caractéristiques de la maladie d’Alzheimer, observées lors de l’examen neuropathologique microscopique post mortem, sont :

- les plaques séniles, qui correspondent au dépôt extracellulaire de la peptide Aß (Bétat-amyloïde)

- les dégénérescences neurofibrillaires, qui correspondent au dépôt intracellulaire de la protéine Tau anormalement hyperphosphorylée (Backchine et al., 2007).

Ces deux lésions cérébrales sont également présentes dans le vieillissement normal. Mais, elles s’avèrent spécifiques à la maladie d’Alzheimer par leur association, leur distribution topographique et leur nombre croissant. Ces lésions entraînent une mort neuronale et synaptique, d’où la présence d’une atrophie cérébrale (Schenk et al., 2004).

Anatomopathologie de la maladie d’Alzheimer

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La maladie d’Alzheimer est une pathologie évolutive. Aussi, il est intéressant de noter qu’il existe une corrélation entre la progression des lésions et celle des symptômes.

Selon Thal et al. (2002) les dépôts de Béta-amyloïde surviennent de façon successive et additive dans le néocortex, dans l’aire entorhinale et l’hippocampe, dans les noyaux sous-corticaux, dans le tronc cérébral et dans le cervelet. L’hypothèse de la progression du déclin cognitif dans la maladie d’Alzheimer (Jack et al., 2009, 2010, Petersen et al., 2009, cité par Clark et al., sous presse) est qu’elle suit l’ordre suivant :

1) Le dépôt de Béta-amyloïde forme les plaques séniles, qui entraînent le dysfonctionnement neuronal et la mort neuronale

2) Le fonctionnement cérébral décline

3) L’apparition de l’atrophie entraînant une modification structurale du cerveau

4) La capacité cognitive décline, en particulier la mémoire et la fonction exécutive

5) Le déficit des fonctions cognitives s’étend dans d’autres domaines cognitifs, tels que le langage.

Concernant les lésions neurofibrillaires, Expertise collective (2007) retrace son évolution temporelle et spatiale. Ces lésions surviennent de manière successive et additive dans les régions entorhinale, hippocampique et néocorticale.

Figure 7 Carte de densité des lésions neurofibrillaires de la MA en fonction de la topographie (Expertise collective, 2007, p. 3)28

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Cette étude précise que le lien entre la progression de lésions neurofibrillaires et les manifestations des symptômes cliniques est généralement bien compris. L’atteinte en premier lieu du cortex entorhinal et de l’hippocampe se traduit par la primauté des déficits mnésiques ; puis les régions frontales et cingulaires sont touchées, reflétées par les troubles du langage, de l’analyse des formes visuelles et auditives, et du mouvement volontaire ; enfin, les aires primaires sont à leur tour affectées. Cette progression chronologique et spatiale stéréotypée peut être un indicateur de l’évolution de la maladie (Backchine et al., 2007, Fouquet et al., 2007).

Selon Desgranges et al. (2008), le profil des modifications cérébrales entre le vieillissement normal et la MA se distingue nettement. La maladie d’Alzheimer se caractérise par l’atrophie de l’hippocampe antérieur et un hypométabolisme du cortex cingulaire postérieur, deux régions généralement préservées, hormis la partie caudale de l’hippocampe, dans le vieillissement normal. De plus, alors que le cortex frontal est affecté en premier lieu par le vieillissement normal, cette région n’est touchée qu’au stade modéré de la maladie.

2.6.3. Diagnostic de la maladie d’Alzheimer

Afin d’accompagner de manière adaptée les patients atteints de la maladie d’Alzheimer dans leur évolution, la nécessité d’un diagnostic précoce et précis s’impose.

La maladie d’Alzheimer est à début insidieux et à évolution progressive. A l’heure actuelle, les critères de diagnostic proposés ne permettent que d’établir un diagnostic possible ou probable. Le diagnostic avéré de la MA ne peut être effectué que post mortem, basé sur la démonstration des lésions caractéristiques (plaques séniles et dégénérescences neurofibrillaires) lors d’une biopsie ou d’une autopsie. Notons toutefois que ce type d’examen post mortem est encore relativement rare en France.

Le diagnostic de la maladie d’Alzheimer sollicite des compétences pluridisciplinaires. De nombreux critères issus d’un consensus scientifique international sont mis à disposition pour le diagnostic de la MA. Les critères les plus utilisés sont la quatrième édition de Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders (DSM-IV, American psychiatric association, 1994, Annexe 1) et National Institute of Neurological Disorders and Stroke - Alzheimer Disease and Related Disorders (NINCDS-ADRDA, Mckhann, 1984, Annexe 1).

Diagnostic de la maladie d’Alzheimer

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Les critères majeurs du diagnostic probable de la maladie d’Alzheimer concernent les déficits cognitifs progressifs, incluant les troubles de la mémoire en premier lieu, et les perturbations du langage (i.e. aphasie), l’altération de la capacité à réaliser une activité motrice malgré des fonctions motrices intactes (i.e. apraxie), le déficit de reconnaissance d’objet malgré des fonctions sensorielles intactes (i.e. agnosie), les troubles des fonctions exécutives.

Le diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer nécessite des examens plus sophistiqués et complémentaires. Les avancées en imagerie cérébrale ont largement contribué au diagnostic de la maladie d’Alzheimer. En effet, les lésions macroscopiques, induites par les lésions microscopiques, peuvent être étudiées in vivo par les imageries structurales et par les imageries fonctionnelles, qui, couplées à un examen de la présence de biomarqueurs dans le liquide céphalorachidien, permet de renforcer le diagnostic fiable (Krolack-Salmon et al., 2008).

Ces progrès ont conduit à l’émergence de propositions de nouveaux critères afin d’affiner le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Par exemple, les propositions de Dubois et al. (2007, Annexe 1), ainsi que les recommandations de diagnostic fournies par la Haute Autorité de Santé (2011), stipulent que les déficits cognitifs documentés, la mise en évidence de l’atrophie des structures temporales internes, la modification du taux de biomarqueurs et le profil spécifique observé à l’aide des techniques d’imagerie cérébrale, jouent un rôle crucial pour le diagnostic de la maladie d’Alzheimer.

En l’absence de traitement efficace à long terme, l’intérêt du diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer est discuté. En effet, cela peut induire un stress pour les proches-aidants et le patient ; et conduire à médicaliser le vieillissement. Cependant, les stratégies de préventions, les traitements symptomatiques et la prise en charge cognitive sont plus efficaces au stade précoce qu’au stade modéré (Clark et al., sous presse, Dubois et al., 2007). Un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer permettrait d’inscrire plus rapidement le patient dans une filière de soin adaptée ce qui, d’une part, retarderait la progression de la maladie et d’autre part, contribuerait à améliorer la qualité de vie des malades et des accompagnants. C’est pourquoi la recherche de nouveaux critères d’évaluation de la maladie d’Alzheimer correspond à une commande médico-sociale très actuelle.

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2.6.4. Troubles cognitifs dans la maladie d’Alzheimer

La maladie d’Alzheimer se caractérise par des déficits cognitifs et elle évolue irrémédiablement vers un syndrome démentiel avec perte d’autonomie du sujet. Par conséquent, l’identification et la compréhension de ces déficits sont primordiales pour la détection précoce de la maladie. Les travaux menés dans ce domaine ont mis en évidence que, si la maladie touche l’ensemble des domaines du fonctionnement cognitif, tous les processus au sein de ces domaines ne sont pas systématiquement altérés. Aussi, le degré de sévérité de ces troubles varie selon l’évolution de la maladie (Figure 8). L’évaluation de ces troubles constitue l’étape indispensable pour le dépistage et la prise en charge de la maladie d’Alzheimer. Une meilleure connaissance des troubles cognitifs, de leur mise en évidence, de leur caractérisation et de leur différentiation des autres syndromes démentiels et du vieillissement cognitif normal semble ainsi essentielle pour une approche thérapeutique précoce et adaptée (Dujardin et Lemaire, 2008, Expertise collective, 2007, Hodges, 2006,