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Vieillissement des couches organiques greffées

Chapitre 4 : Revêtement fonctionnel sur le nitrure de silicium

4.1 Vieillissement des couches organiques greffées

Différents types de vieillissements peuvent être utilisés pour tester la stabilité de la couche dans le temps. Le premier test réalisé a été de laisser à l’air un échantillon afin de le caractériser par XPS d’évaluer son éventuelle dégradation. Le second est un test de vieillissement normalisé, en brouillard salin neutre, couramment utilisé dans l’industrie verrière.

4.1.1 Vieillissement à l’air du nitrure de silicium fonctionnalisé

Une surface greffée de Si5N4 riche en silicium est laissée à l’air à température ambiante

pendant un an. Des mesures de spectroscopie XPS sont effectuées en différents points de cette surface, chacun des points faisant environ 650 µm de diamètre (point 1, 2 et 3 de la figure 80).

Deux zones différentes ressortent de l’analyse XPS des zones Si2p, C1s et O1s. Les points 2 et 3 n’ont quasiment pas changé par rapport à une surface fraîchement fonctionnalisée, le point 1, au contraire, est très différent. De façon frappante, le point 1 présente un pic C1s bien moins intense que les points 2 et 3, ce qui suggère qu’en ce point, la concentration en molécules greffées sur la surface est sensiblement plus basse. Il semble donc que l’oxydation de la surface du nitrure de silicium soit corrélée à une faible quantité de chaînes organiques : le pic O1s est beaucoup plus intense en ce point 1 et le pic Si2p présente un épaulement à haute énergie, caractéristique de la présence de liaisons Si-O.

La présence de la couche organique greffée permet donc de protéger de l’oxydation la couche de nitrure de silicium. Toutefois, lorsque la couche organique est moins dense et les chaînes greffées moins nombreuses, cette protection est nettement diminuée.

Figure 80 : Spectres XPS dans la zone C1s (a), O1s (b) et Si2p (c) en trois points différents (points 1, 2 et 3) d'une surface de Si5N4 fonctionnalisée avec le 1-décène sous irradiation UV (24 h, 254 nm) et laissée à

4.1.2 Vieillissement normalisé de la couche de nitrure de silicium

fonctionnalisée

Pour cette étude, les couches de nitrure de silicium Si3,4N4 ou Si5N4 sont déposées sur du

verre et elles sont fonctionnalisées par les procédures de greffages étudiées en détail dans le chapitre précédent (sur des couches de nitrure de silicium déposées sur silicium) : fonctionnalisation dans le 1-décène sous UV (24 h 254 nm ou 312 nm).

Comme il a été vu dans le chapitre 1, la méthode classique de fonctionnalisation du verre par des molécules organiques repose sur une réaction de silanisation. Une surface de verre sur laquelle des chaînes décyles ont été greffées par cette méthode est utilisée comme surface de référence. La comparaison avec cette référence devrait permettre d’évaluer l’amélioration éventuelle apportée par le greffage sur le nitrure de silicium. Une surface de verre fonctionnalisée par silanisation par le n-décyltriéthoxysilane sert donc de référence et est également mise à vieillir. Le détail du protocole expérimental de ce greffage se trouve en annexe A.

Afin de tester la stabilité de la couche organique greffée sur le nitrure de silicium en milieu salin, un vieillissement normalisé, à concentration en NaCl, température, pH et taux d’humidité contrôlés, appelé test en brouillard salin neutre (BSN) est effectué (détails en annexe A). Les modifications de la surface sont suivies par des mesures d’angle de contact et sont présentées en figure 81).

De façon surprenante, l’échantillon de référence silane (figure 81-a) semble être le plus résistant au test de vieillissement, puisqu’il présente à la fois un angle de contact très élevé et qu’il semble stable tout au long du test (pendant 200 h). Ce résultat est surprenant puisque le greffage par silanisation a tendance à s’hydrolyser en milieu salin. Il est possible qu’une multicouche ait été formée, ce qui peut éventuellement retarder le vieillissement et la dégradation de la couche ; le test a peut-être été effectué sur un temps trop court pour voir cette diminution.

Sur la couche Si3,4N4 fonctionnalisée (figure 81-b), l’angle de contact chute drastiquement

dès le début du test (24 h) pour atteindre une valeur très faible (49°), proche de l’angle de contact d’une surface de nitrure de silicium avec des contaminations organiques en surface.

Sur le Si5N4 riche en silicium, fonctionnalisé à 254 nm, le résultat est peu reproductible

(figure 81-c) : les deux échantillons testés présentent des comportements différents. Un des deux échantillons semble présenter un angle de contact élevé et stable dans le temps (bleu), alors que pour le second, l’angle de contact diminue lentement et progressivement, mais ne semble pas se stabiliser, y compris pour des temps longs de vieillissement (1200 h, figure 81-d).

Sur le Si5N4 riche en silicium, fonctionnalisé à 312 nm, le comportement est similaire à celui

de la fonctionnalisation à 254 nm : l’angle de contact diminue lentement et progressivement, sans toutefois se stabiliser (figure 81-e & f).

Cependant, ces tests ont été réalisés sur un nombre très limité d’échantillons. Des temps de vieillissement plus longs ainsi qu’un plus grand nombre d’échantillons seraient nécessaires pour valider ces résultats.

Plusieurs raisons pourraient justifier cette stabilité limitée des couches greffées.

La stabilité de la couche de nitrure de silicium Si3,4N4 non modifiée est bien connue, puisqu’elle est utilisée dans différents empilements de couches minces [34]. En revanche, la stabilité de celle de Si5N4 riche en silicium n’a pas été testée et pourrait être responsable du

Figure 81 : Angles de contact de surfaces de nitrure de silicium déposées sur verre Si3,4N4 (b) et Si5N4 (c à

f) fonctionnalisées avec le 1-décène sous UV 24 h 254 nm (b, c & d) et 312 nm (e & f) et de verre silanisé avec le n-décyltriéthoxysilane (a) lors du vieillissement en brouillard salin neutre (BSN) pendant 200 h (a, b, c, e) et 1200 h (d & f). Pour la figure (c), le test a été réalisé sur deux échantillons différents à deux dates différentes.

Pour le Si5N4 riche en silicium, fonctionnalisé à 254 nm, nous avons vu dans le chapitre

précédent qu’une partie des chaînes n’était pas liée de façon covalente à la surface. La diminution de l’angle de contact pour cette surface peut s’expliquer en partie par la perte de ces chaînes.

La stabilité de la liaison Si-C a été mise en évidence plusieurs fois dans la littérature, notamment lors de l’étude de la stabilité des couches organiques greffées par hydrosilylation sur le silicium [17, 35, 80]. Concernant la liaison N-C, l’affirmation est moins claire, mais il semble qu’elle soit plus résistante à l’hydrolyse que la liaison Si-O ou O-C [210].

Que ce soit sur Si5N4 ou Si3,4N4, une partie du greffage du 1-décène se fait via les liaisons Si-O-C. Or Sano et al. [85] ont montré que des chaînes alkyles greffées sur du silicium via ces liaisons étaient très peu stables à pH élevé, particulièrement par rapport à un greffage via Si-C. Ce résultat suggère que les molécules greffées via les liaisons O-C peuvent se décrocher lors du test de vieillissement. La perte de ces molécules peut créer des défauts dans la couche et permettre éventuellement l’accès aux liaisons arrières Si-N qui peuvent s’hydrolyser en présence d’eau ou à l’air [36, 117, 118]. De même, si la couche organique greffée n’est pas assez dense, les liaisons N-C et Si-C entre la surface et les molécules organiques ne vont pas être rompues, mais les liaisons Si-N arrières peuvent être hydrolysées, conduisant à la perte du revêtement organique. Ainsi, pour pouvoir rendre la fonctionnalisation sur nitrure de silicium durable, les trois conditions suivantes doivent être remplies : le greffage doit avoir lieu de façon covalente via des liaisons N-C ou Si-C (les liaisons O-C doivent être évitées), l’oxydation de la surface doit être limitée au maximum (puisque la formation de liaisons Si-O peut affaiblir la stabilité de la couche), enfin la couche greffée doit être suffisamment dense pour rendre les liaisons arrières Si-N hydrolysables peu accessibles.

Pour le moment, les tests de vieillissement en sont à un stade préliminaire et des améliorations peuvent être envisagées. Des tests plus longs devraient être effectués pour évaluer si une stabilisation de l’angle de contact a lieu une fois que les molécules physisorbées et greffées via des liaisons Si-O-C ont été éliminées. Des tests de vieillissement devraient également être effectués sur le nitrure de silicium traité avec le plasma d’hydrogène, puisque les couches formées semblaient denses et être ancrées sur la surface (au moins en partie) via des liaisons Si-C. Les tests de vieillissement ont été suivis uniquement par des mesures d’angle de contact, un suivi par spectropscopie infrarouge ou XPS pourrait permettre de mieux caractériser le vieillissement et de mieux comprendre les éventuelles faiblesses des couches greffées.