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II. Vieillissement normal et cognition

II.2 Vieillissement cognitif normal

Le vieillissement cognitif normal se caractérise par des atteintes structurales et fonctionnelles légères et étrangères de toute pathologie. Il peut entraîner une diminution des capacités cognitives de l’individu (telles que la vitesse de traitement de l’information ou les capacités attentionnelles, par exemple) associée à une baisse de ses performances (telles qu’une augmentation de la vitesse de traitement de l’information ou une diminution des capacités d’attention soutenue, par exemple). Toutefois, les performances de l’individu restent situées dans la norme par rapport aux personnes du même âge et ayant le même niveau d’éducation, attestant du caractère « normal » et non « pathologique » de ces changements.

II.2.1 Déclin cognitif

Le déclin cognitif correspond à l’affaiblissement normal des fonctions cognitives avec l’avancée en âge. Il touche tous les individus, mais il existe une grande variabilité

interindividuelle (Schaie, 1989). En effet, certains individus connaissent un vieillissement plus important, plus précoce ou plus rapide que d’autres. Des individus du même âge peuvent présenter des capacités cognitives différentes, en fonction de leur niveau d’éducation, de leur style de vie (statut marital, environnement intellectuel après 60 ans), de leur niveau d’expertise, de la profession exercée, de leur état de santé, ou encore de leurs traits de personnalité (Lemaire & Bherer, 2005).

Le déclin cognitif commence très précocement dans la vie de l’individu puisque dès 30 ans certaines capacités tendent à décliner. Ce déclin est continu et évolutif tout au long de la vie. L’évolution des capacités intellectuelles avec l’âge, telles que l’intelligence fluide et l’intelligence cristallisée (Horn & Cattell, 1967), a été largement étudiée. L’intelligence fluide correspond aux capacités dites « non verbales » et fait référence au raisonnement logico-mathématique et à la résolution de problème. Elle permet à l’individu de répondre rapidement à une tache nouvelle indépendamment de l’acquisition de connaissances et est le reflet d’une composante biologique de l’intelligence. A l’inverse, l’intelligence cristallisée, qui correspond aux capacités dites « verbales », reflète la capacité à utiliser ses compétences, ses connaissances acquises et son expérience. Elle fait appel au langage et aux expériences de vie et se fonde sur l’accès aux informations de la mémoire à long terme. Elle est le reflet d’une composante culturelle de l’intelligence (Lecerf, Ribaupierre, Fagot, & Dirk, 2007). Toutefois, comme l’illustre la Figure 5. Représentation des changements de l'intelligence fluide et de l'intelligence cristallisée avec l'âge, d'après Anstey et al., 2004, le déclin cognitif n’est pas homogène et certaines capacités, telles que le langage, les connaissances générales et, plus globalement, l’intelligence cristallisée, semblent se maintenir, et même, continuent de s’améliorer avec le temps, grâce à l’expérience acquise par l’individu (Anstey & Low, 2004 ; Lövdén & Lindenberger, 2005 ; Park & Reuter-Lorenz, 2009).

21 Figure 5. Représentation des changements de l'intelligence fluide et de l'intelligence cristallisée avec l'âge, d'après Anstey et al., 2004

Le déclin cognitif touche de nombreuses capacités cognitives telles que la vitesse de traitement de l’information, les capacités attentionnelles, les capacités mnésiques, la mémoire de travail, ou encore les fonctions exécutives (Craik & Salthouse, 2000 ; Lemaire & Bherer, 2005).

- Une diminution de la vitesse de traitement avec l’âge apparait être à l’origine d’un ralentissement cognitif entraînant une diminution des performances cognitives, et ce, proportionnellement à la complexité de la tâche (Salthouse, 1996 ; Vance, Heaton, Fazeli, & Ackerman, 2010).

- Le déclin des capacités attentionnelles (c’est-à-dire de l’attention sélective, divisée, ou soutenue) avec l’âge peut également avoir des conséquences sur la réalisation de certaines tâches de la vie quotidienne. Par exemple, une diminution de l’attention soutenue entraîne des difficultés à rester concentré sur une longue période, une diminution de l’attention sélective est associée à une plus grande distractibilité par des informations non pertinentes, et enfin, une diminution de l’attention divisée entraîne des difficultés à traiter des informations en parallèle (McDowd & Shaw, 2000 ; Verhaeghen & Cerella, 2002).

- La diminution des performances mnésiques avec l’âge serait surtout due à des troubles de l’encodage de l’information (Giffard, Desgranges, & Eustache, 2001). De plus, il semblerait que les stratégies de récupération de l’information ne soient pas les mêmes chez les jeunes et chez les seniors (Claverie, N’Kaoua, & Sauzéon, 1999). Ces élements indiquent que le vieillissement entraîne une diminution des capacités mnésiques, toutefois, toutes les mémoires ne sont pas touchées de la même façon. En

Intelligence fluide, influencée par des facteurs biologiques,

génétiques ou par des pathologies

Intelligence cristallisée, influencée par l’expérience, la culture et l’éducation

effet, le vieillissement a un effet sur la mémoire explicite (c’est-à-dire la mémoire déclarative, épisodique, autobiographique ou sémantique), mais pas sur la mémoire implicite (c’est-à-dire la mémoire procédurale). De plus, au sein de la mémoire explicite, la mémoire épisodique semble être plus atteinte que la mémoire autobiographique (Guillaume, Guillery-Girard, Eustache, & Desgranges, 2009 ; Lemaire & Bherer, 2005). Concernant la mémoire prospective, elle est affectée par l’âge si le niveau d’éducation de l’individu est faible et lorsque le nombre de tâches complexes est important ou si les tâches sont cognitivement coûteuses (Kalpouzos, Eustache, & Desgranges, 2008 ; Lemaire & Bherer, 2005 ; McDaniel & Einstein, 2011). Enfin, l’organisation des informations en mémoire à long terme semble stable avec l’âge (Giffard, Desgranges, Kerrouche, Piolino, & Eustache, 2003 ; Howard, Heisey, & Shaw, 1986).

- La mémoire de travail se caractérise par le stockage temporaire et le traitement de l’information et est impliquée dans de nombreuses tâches de la vie quotidienne. Des études ont montré que la diminution des capacités de la mémoire de travail avec l’âge causait une surcharge de celle-ci, en condition de double tâche par exemple, provoquant une diminution des performances cognitives (Collette & Salmon, 2014 ; Lemaire & Bherer, 2005).

- Pour finir, le vieillissement touche également les fonctions exécutives, fonctions cognitives de haut niveau intervenant lors de tâches complexes ou nouvelles et sous-tendues par les lobes frontaux (Miyake et al., 2000). Parmi les fonctions exécutives se distinguent l’élaboration et l’utilisation de stratégies lors de la résolution de problèmes, la planification, la flexibilité mentale, et l’inhibition. Avec l’âge, le nombre de stratégies élaborées diminue, de même que leur efficacité (Lemaire, 2010). Plus le problème est complexe, plus les stratégies pour le résoudre sont cognitivement coûteuses, et plus elles sont difficiles à mettre en place pour les personnes âgées (Lemaire & Bherer, 2005). D’autres études ont montré un effet du vieillissement sur la flexibilité (Wasylyshyn, Verhaeghen, & Sliwinski, 2011), ou encore sur les capacités d’inhibition (Diamond, 2013). Ainsi, des déficits de ces fonctions de haut niveau ont été mis en évidence avec l’avancée en âge. Néanmoins, les tests utilisés pour évaluer les fonctions exécutives étant complexes, ils peuvent faire appel à plusieurs fonctions en même temps (Sorel & Pennequin, 2008). Par conséquent, il est difficile de dire si le déclin touche l’ensemble des fonctions exécutives ou si certaines d’entre elles sont préservées (Collette & Salmon, 2014).

Pour conclure, les effets du vieillissement touchent de nombreuses fonctions cognitives. Toutefois, le déclin de ces fonctions n’est pas irrémédiable et dans les

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prochaines parties seront présentées des contremesures qui pallient les effets négatifs du vieillissement sur la cognition.

II.2.2 Neuroplasticité et stimulation cognitive

La plasticité cérébrale est un processus multidimensionnel et multidirectionnel, propre à chaque individu, ayant lieu tout au long de sa vie, et qui reflète la capacité du système nerveux à modifier sa structure et sa fonction, dépendamment des différentes sollicitations reçues, de l’expérience et des conditions de vie (Baltes, 1987). Ce processus repose à la fois sur la plasticité synaptique, c’est-à-dire de la capacité du cerveau à modifier les connexions neuronales et à en créer de nouvelles, et également sur la neurogenèse, c’est-à-dire la différenciation de cellules souches neurales en neurones, puis la migration et la connexion de ces nouveaux neurones avec d’autres cellules dans le cerveau.

Depuis une trentaine d’années, l’idée de « plasticité cognitive » a suscité un intérêt majeur en gérontologie, afin de lutter contre le stéréotype selon lequel « les personnes âgées ne sont pas capables d’apprendre » (Cuddy, Norton, & Fiske, 2005 ; Fernández-Ballesteros et al., 2012). La plasticité cognitive reflète la capacité d’adaptation, secondaire à un changement (Lövdén, Bäckman, Lindenberger, Schaefer, & Schmiedek, 2010), et se définit comme la capacité de l’individu à améliorer ses performances cognitives à la suite d’un entraînement (Fernández-Ballesteros et al., 2012 ; Jones et al., 2006). La stimulation cognitive est un prédicteur important de l’amélioration et du maintien du fonctionnement cognitif, même à un âge avancé (Ball et al., 2002). En effet, de nombreuses études ont évalué l’efficacité de différents programmes d’entraînements et ont montré que les personnes âgées étaient capables d’améliorer leurs performances cognitives à la suite d’un entraînement cognitif, informatisé ou non (Gajewski & Falkenstein, 2012 ; Kelly et al., 2014 ; Kueider, Parisi, Gross, & Rebok, 2012 ; Lampit, Hallock, & Valenzuela, 2014 ; Lustig, Shah, Seidler, & Reuter-Lorenz, 2009 ; Martin, Clare, Altgassen, Cameron, & Zehnder, 2011 ; Smith et al., 2009 ; Vance et al., 2010). Par conséquent, du fait que le cerveau conserve une certaine plasticité avec l’âge, des interventions visant à entraîner les fonctions cognitives semblent être un bon moyen de maintenir ou renforcer les compétences cognitives des adultes âgés en bonne santé.

II.2.3 Apports de la neuro-imagerie

Le déclin cognitif observé au cours du vieillissement est lié à des modifications structurales et fonctionnelles du cerveau. Des études de neuro-imagerie fonctionnelle ont mis en évidence que les régions cérébrales sollicitées lors d’une tâche cognitive n’étaient pas les mêmes en fonction de l’âge (Eyler, Sherzai, Kaup, & Jeste, 2011 ; Spreng,

Wojtowicz, & Grady, 2010). En effet, ces études révèlent, d’une part, une diminution de l’activité dans certaines régions cérébrales par rapport aux jeunes adultes (aussi appelée sous-activation) et, d’autre part, une sur-activation d’autres régions cérébrales. La sous-activation des régions cérébrales nécessaires à la réalisation correcte de la tâche reflète un déficit dans le recrutement de ces régions. La sur-activation, quant à elle, peut avoir deux conséquences. Si elle est associée à des performances moindres des seniors par rapport aux jeunes adultes, elle reflète une diminution de la sélectivité des réponses, aussi appelée dédifférenciation. Si elle est associée à des performances équivalentes entre les seniors et les jeunes adultes, alors cette sur-activation atteste d’une compensation fonctionnelle, c’est-à-dire d’un recrutement de régions cérébrales supplémentaires afin de réaliser la tâche correctement (Grady, 2012).