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I. Un vieillissement ou des vieillissements ?

I.2 Vers une nouvelle conceptualisation du vieillissement

Apparu à la fin du XXème siècle, le vocabulaire utilisé pour caractériser le vieillissement reflète une vision positive de l’avancée en âge (Fernández-Ballesteros, 2008). Parmi les qualificatifs associés au vieillissement se trouvent les termes de « réussi », « actif », « productif », « optimal », ou encore « positif », et la notion de « bien vieillir » a également émergé. Dans cette partie I.2, les notions de « vieillissement réussi », « vieillissement actif » et de « bien vieillir » seront décrites, afin de mieux comprendre ces nouveaux concepts associés au vieillissement.

I.2.1 Le « vieillissement réussi »

Parmi les pionniers dans le développement de ce nouveau paradigme du vieillissement actif, Rowe et Kahn (1987) ont différencié le vieillissement usuel (« usual aging ») du vieillissement réussi. Le vieillissement usuel fait référence aux personnes âgées ne présentant pas de pathologies particulières, mais qui ont un risque élevé d’en avoir. Le vieillissement réussi fait, quant à lui, référence aux personnes âgées ayant un faible risque de tomber malade et ayant des capacités cognitives et physiques élevées.

Plus précisément, le vieillissement réussi repose sur la combinaison de trois éléments : i) une faible probabilité de maladie, ii) des capacités fonctionnelles cognitives et physiques élevées, et iii) un engagement actif dans des activités sociales. Ces trois éléments sont étroitement liés les uns avec les autres et une structure hiérarchique existe entre eux (voir Figure 3). La faible probabilité de maladie ne fait pas seulement référence à la présence ou à l’absence de maladie, elle renvoie également aux facteurs de risque de développer une maladie. Les capacités fonctionnelles élevées comprennent à la fois les capacités cognitives et physiques et sont des prérequis à l’activité de l’individu. Elles informent sur ce qu’une personne est capable de faire et non sur ce qu’une personne fait

effectivement. Le vieillissement réussi va plus loin que ce que l’individu est capable de faire. La notion d’activité fait ici référence au regroupement de deux éléments : les relations sociales (c’est-à-dire, les contacts et les échanges avec les autres individus de la société) et les activités dites productives (c’est-à-dire, les activités qui créent une valeur aux divers aspects de la vie sociale de l’individu).

Figure 3. Modèle du vieillissement réussi, adapté de Rowe et Kahn, 1997

I.2.2 Le « vieillissement actif »

Le vieillissement actif a été défini en 2002 par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) comme étant « le processus d’optimisation des possibilités pour la santé, la participation sociale et la sécurité, dans le but d’améliorer la qualité de vie et le bien-être des personnes vieillissantes ». L’OMS énonce les déterminants du vieillissement actif, sur

VIEILLISSEMENT REUSSI Engagement

actif dans des activités sociales Capacités cognitives et physiques élevées Faible probabilité de maladie

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le plan de la population, que sont des facteurs économiques et sociaux, environnementaux, relatifs aux services sanitaires et sociaux, et au comportement de l’individu. Le vieillissement actif, concept multidimensionnel reposant sur une vision positive du vieillissement appelée « bien vieillir », renvoie à un processus d’adaptation des individus tout au long de leur vie permettant un vieillissement en bonne santé, réussi, et productif sur le plan social (Fernández-Ballesteros et al., 2013). Bien qu’il n’y ait pas de définition empirique du vieillissement actif, un consensus regroupant plusieurs notions existe cependant : une faible probabilité de maladie, une bonne aptitude physique, un fonctionnement cognitif élevé, un esprit positif, une bonne gestion du stress et une participation à la vie sociale (Fernández-Ballesteros, 2008 ; Fernández-Ballesteros et al., 2013). Afin de mieux appréhender ce concept de vieillissement actif, ses différentes dimensions et caractéristiques seront détaillées dans les parties suivantes.

I.2.3 Le « bien vieillir »

La notion de « bien vieillir » est associée à celle de « bien-être » et fait référence à différents concepts, sous-tendus par de nombreuses théories (Alaphilippe & Bailly, 2013). Le bien-être renvoie à la satisfaction de vie et à la qualité de vie (estimation par rapport à un idéal), aux affects (positifs et/ou négatifs), au moral et au bonheur (Alaphilippe & Bailly, 2013 ; Diener, 2012). Différentes théories du « bien vieillir » mettent en avant l’existence des capacités d’adaptation des seniors et soulignent leur capacité à faire face à toute sorte d’événements négatifs pouvant altérer leur bien-être (ex : détérioration de l’état de santé, décès d’un proche, etc.). La capacité à revoir les objectifs fixés à la baisse et à accepter les pertes et les changements permet de maintenir un certain niveau de bien-être (Alaphilippe & Bailly, 2013).

Le modèle quadripartite du « bien vieillir »

En 2008, un modèle du « bien vieillir » à quatre composantes a été proposé par Fernández-Ballesteros. Un résumé en est présenté Figure 4 (pour plus de détails, se référer aux publications de Caprara et al., 2013 et Fernández-Ballesteros, 2008). La première composante de ce modèle renvoie au mode de vie et au comportement. Avoir une bonne hygiène de vie (ne pas fumer ni boire trop d’alcool), pratiquer une activité physique régulière et avoir une alimentation équilibrée, sont autant d’éléments favorables à un meilleur état de santé général, à une diminution du risque de mortalité, et au bien-être. La seconde composante de ce modèle renvoie à l’activité cognitive. Cette dernière permet de limiter le déclin cognitif lié à l’âge et semble être un facteur de protection contre la démence. Un entraînement cognitif efficace peut optimiser le fonctionnement cognitif, compenser un

certain déclin cognitif et, voire même, pallier une atteinte cognitive plus grave (pathologique). La troisième composante de ce modèle renvoie aux affects positifs, au

coping et au sentiment de contrôle. Le concept de « coping », défini en 1978 par Lazarus

et Launier désigne « l’ensemble des processus qu’un individu interpose entre lui et l’événement perçu comme menaçant, pour maîtriser, tolérer ou diminuer l’impact de celui-ci sur son bien-être physique et psychologique, de sorte que la représentation du stress se modifie » (traduction issue de Piquemal-Vieu, 2001, page 88). Ce concept fait ainsi référence à la capacité à faire face à un événement de vie stressant, par le biais de stratégies d’adaptation. L’adoption d’une attitude positive face aux événements de vie permet de réduire la fragilité des seniors et a un effet protecteur contre le déclin de certaines capacités, notamment physiques. Le coping est stable tout au long de la vie et peut être entraîné (par exemple : maintien de la santé physique, augmentation des performances cognitives, développement personnel et maitrise de soi, Blazer, 2002). Le sentiment de contrôle est un puissant facteur psychosocial qui influence le bien-être des individus. C’est un bon prédicteur d’un vieillissement en bonne santé et actif et il peut également être entraîné. Les croyances d’auto-efficacité sont fortement liées au vieillissement réussi, car elles permettent, d’une part, de percevoir des situations difficiles comme des défis et non comme des menaces ; et, d’autre part, elles poussent les individus à être déterminés à atteindre leurs objectifs (Easom, 2003). L’auto-efficacité jouerait un rôle dans le maintien des fonctions cognitives des personnes âgées (Lachman & Leff, 1989 ; Lachman, Weaver, Bandura, Elliot, & Lewkowicz, 1992). Le concept d’auto-efficacité s’inscrit dans la théorie sociale-cognitive développée par Albert Bandura dans les années 80 et se définit comme étant « la croyance des individus en leurs capacités à réussir à organiser et et exécuter un cours d’actions » (Bandura, 1977, traduction libre). Enfin, la quatrième composante de ce modèle renvoie à la participation sociale. Les personnes ayant de nombreuses relations sociales se rétablissaient mieux que les autres à la suite d’une une maladie. De plus, la participation sociale améliore le fonctionnement cognitif. Ce dernier point démontre bien que la théorie du désengagement (Cumming & Henry, 1961) n’est plus valide aujourd’hui et que l’intégration des seniors dans la société et le maintien des relations avec les autres sont des éléments primordiaux au bien vieillir.

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Figure 4. Modèle quadripartite du « bien vieillir », d’après Fernández-Ballesteros, 2008 et

Caprara et al., 2013

Le rôle de la mobilité dans le « bien vieillir »

Puisqu’elle leur permet de continuer leur vie de manière dynamique et indépendante (OMS, 2007), de maintenir leur état de santé physique et psychologique (Groessl et al., 2007 ; Yeom, Fleury, & Keller, 2008) ainsi que leur participation sociale (Webber et al., 2010), la mobilité est un élément essentiel au « bien vieillir » et à la qualité de vie des seniors. En 2010, Webber et collaborateurs ont proposé un cadre théorique afin d’identifier les déterminants de la mobilité de la personne âgée et de mieux comprendre leurs interrelations. Dans cette section, la mobilité sera définie comme étant la capacité à se déplacer dans son environnement, en utilisant, ou non, des moyens de transport ou des aides au déplacement (Webber et al., 2010).

En 2002, l’OMS a montré que plusieurs facteurs influençaient la mobilité des individus, tels que le sexe, le milieu social, la culture, et les expériences de vie. Par exemple, les femmes âgées ont tendance à davantage réduire leurs déplacements que les hommes du même âge. En 2010, Webber et collaborateurs ont identifié d'autres déterminants à la mobilité, d’ordres perceptivo-cognitifs, psychosociaux, physiques, environnementaux et financiers. Les déterminants perceptivo-cognitifs regroupent l’état mental, la mémoire, la vitesse de traitement et le fonctionnement exécutif ; alors que les déterminants psychosociaux renvoient davantage à l’auto-efficacité, au coping, au comportement, aux émotions, et aux relations sociales qui influent sur l’intérêt et la motivation à être mobile. Certains de ces déterminants sont liés entre eux. Concernant les déterminants perceptivo-cognitifs, par exemple, un individu qui présente un déclin des capacités visuelles lié à l’âge ou une diminution de sa vitesse de traitement de l’information, aura des difficultés à se déplacer dans certains environnements, et ce déplacement pourra

Activité cognitive

  Limitation du déclin cognitif

  Protection contre des atteintes cognitives pathologiques

Mode de vie et comportement

 Bon état de santé général

 Diminution du risque de mortalité

 Bien-être

Participation sociale

  Rétablissement post-maladie

  Amélioration du fonctionnement cognitif

Affects positifs, coping et sentiment de contrôle

  Limitation du déclin des capacités physiques

  Bien-être

même s’avérer dangereux dans certaines circonstances. L’interrelation entre ces différents déterminants de la mobilité implique qu’un changement dans l’une de ces dimensions ait également des répercussions dans d’autres. Concernant les déterminants financiers, une étude a montré que de faibles revenus étaient associés à un plus grand risque d’incapacité à se déplacer (Shumway-Cook, Ciol, Yorkston, Hoffman, & Chan, 2005). Ces déterminants financiers peuvent être en relation avec des déterminants psychosociaux (par exemple, le maintien de relations sociales), physiques (par exemple, le fait de pouvoir aller à la salle de sport) et environnementaux (par exemple : le fait que le niveau revenu soit un facteur primordial dans le choix du type de logement et de sa localisation). Ainsi, toutes ces données montrent que le maintien de la mobilité est multifactoriel. Plusieurs études ont mis en évidence que les seniors réduisaient leur activité de marche et de conduite à cause de difficultés cognitives, psychosociales, physiques, environnementales ou financières, justifiant l’inclusion de ces déterminants dans le modèle de la mobilité (Rudman, Friedland, Chipman, & Sciortino, 2006 ; Shumway-Cook et al., 2003, 2005 ; Webber et al., 2010).