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Chapitre 4 : L’analyse des résultats

4.1 La méthadone une porte de sortie de la consommation :

4.1.1. Leur vie avant la méthadone

4.1.1.1 Une vie de polytoxicomane

Si les personnes participant à un programme de substitution à la méthadone consomment de l’héroïne, les personnes rencontrées évoquent davantage une multitude de consommations, notamment de la cocaïne. À ce titre, plus que des héroïnomanes, les personnes de cette figure faisaient face à une dépendance à de nombreux produits. Les quatre personnes ont nommé, par exemple avoir déjà consommé de la cocaïne régulièrement. Pour Rolande et Gary, ce psychotrope a souvent interféré dans leur participation à des programmes de substitution antérieurs.

Quand tu prends de la méthadone, tu prends de la coke même si t’en a jamais fait avant. Tu fais du « high and low », du « speed ball », de l’héroïne et de la cocaïne. J’ai été dans dix-sept cliniques et les gens qui prennent de la méthadone commencent à prendre de la cocaïne. (…) c’est arrivé à tout le monde que j’ai vu. Je faisais déjà des « speed ball ». Ce qui arrive, c’est qu’avec une dose élevée de méthadone, tu dois t’injecter beaucoup d’héroïne pour être gelé alors tu fais de la coke. (Gary)

(…) ben en fait y a eu comme deux phases au début je prenais de la méthadone, mais je continuais quand même à faire de la coke fa que ça m’a aidé pour les opiacés. Du côté du mode de vie ça restait assez semblable. Pis ben la quand j’ai arrêté de faire de la coke ça s’est un peu mis en place. (Rolande)

Dans le cas de Pierre, il explique que c’est sa dépendance à la coke qui l’a amené à consommer des opiacés.

Moi j’ai fait beaucoup de thérapie pour la coke. J’ai commencé jeune à en faire pis j’ai arrêté tard. J’ai essayé par tous les moyens d’arrêter la cocaïne. Pis j’y arrivais pas. En ayant les meilleures

thérapies les plus chères au Québec avec la plus grande volonté, j’y arrivais pas. C’est Robert qui me disait, je vois, ça souvent dans le milieu, la seule solution c’est de changer d’intoxicant. Je lui ai dit je comprends pas. Y a dit tu devrais prendre de la dilaudid, de l’héroïne ou du smack, t’en aller vers les opiacés. C’est sûr… y m’a dit ça, qu’il a vu souvent qu’à partir du moment où tu tombes sur les opiacés tu règles ton problème de coke. Je l’ai tellement voulu, j’y ai tellement cru, que tout de suite j’ai adhéré à ça, je l’ai acheté j’ai commencé à faire de la dilaudid. Ça été finit j’ai arrêté de faire de la cocaïne depuis ce temps-là. (Pierre)

Il fut constaté que ces différentes consommations les ont ancrés dans une trajectoire de toxicomanie qui a eu différents effets sur leur vie en général.

4.1.1.2 Les trajectoires déviantes de ces personnes

L’analyse des trajectoires des personnes de cette figure permet de saisir les nombreux impacts négatifs que leur consommation a eus dans leur vie de toxicomane. Si tous racontent leur consommation en termes de toxicomanie, ils expriment au-delà de cette dépendance, les difficultés auxquelles ils ont dû faire face. Ainsi, que ce soit des peines d’emprisonnement liées à des activités illicites (prostitution, trafic de stupéfiants, etc.), l’itinérance, contracter des infections et des maladies (par exemple : l’hépatite C et le SIDA), ces personnes ont vécu plusieurs événements troublants au cours de leur vie.

J’ai été dans la rue pas mal longtemps, à vivre dans des chambres d’hôtel ou simplement dans des parcs (…) Pis je serais pas capable d’avoir le mode de vie que j’avais, passer ma journée à chercher de l’argent tout le temps pis en plus j’ai contracté deux souches différentes d’hépatite C. Éventuellement va falloir faire un traitement, mais là le traitement est très difficile à cause de mon diagnostic de bipolarité. (Rolande)

De courailler pour ta drogue, la souffrance, mentir à ses amis, à sa famille, de tout détruire autour de soi au niveau de ses relations interpersonnelles, de perdre son logement parce que l’argent passe par la consommation, on se retrouve tout le temps itinérant. Après ça ben on s’embarque dans la vente de stupéfiants pour pouvoir pallier au manque, à la consommation qui est plus grande, le stress relié à cette surconsommation pis à la vente de drogue ça fait que c’est toujours un pattern, t’augmente ta consommation fa que tu te retrouves sans rien, t’es devenu ton meilleur client. (Pierre)

Les difficultés associées à leur trajectoire de toxicomanes s’expriment aussi dans leurs multiples tentatives de sortir de cette difficulté. Ainsi, la plupart des personnes ont connu de nombreuses interventions pour sortir de leur consommation, ces interventions s’accompagnant le plus souvent de rechutes.

4.1.1.3 Participations antérieures à des programmes de substitution et des thérapies Pour Gary, Lucie et Rolande, il ne s’agit pas d’une première participation dans le programme de substitution à la méthadone, ils en sont à leur deuxième participation. Par exemple, Gary nous mentionne qu’il a été dans dix-sept cliniques de réhabilitation pour tenter de se défaire de sa dépendance à l’héroïne et à la cocaïne. Lors de sa première participation dans le programme de substitution à la méthadone, il explique avoir rechuté pour les opiacés en lien avec un problème de santé physique.

À cause de mon addiction au dilaudid. J’ai dû attendre 4 ans pour être opéré parce que j’avais pas le cancer du côlon, j’étais sur une liste d’attente. J’ai dit au médecin que j’étais un ex-héroïnomane et il me donnait 90 pilules par mois. Tu peux demander à elle (une employée) elle travaille ici depuis plusieurs années. J’avais des comprimés de 8 mg ça c’est des gros comprimés de dilaudid. Je les écrasais et me les injectaient et je passais à travers un divorce. Si c’était pas à cause de mon problème au côlon, je ne pensais même pas à consommer de la drogue. J’ai « switché », tu sais quand les junkies « switch » pour l’alcool. J’ai « switché » pour l’alcool. J’ai été dans 17 cliniques de réhabilitation c’est beaucoup.

Pour sa part, Lucie a été onze ans dans un programme de méthadone. Elle explique que pour des raisons personnelles, elle a rechuté pendant deux ans. Elle en est donc à sa deuxième participation dans le programme de substitution à la méthadone.

Quant à Rolande, c’est en voulant arrêter complètement la méthadone qu’elle a recommencé les opiacés.

Pis j’ai fait deux traitements de méthadone. J’ai été pendant 4 ans à Québec. Je me sentais vraiment forte pis j’avais convaincu mon médecin quand j’étais rendu à 30 mg de me prescrire de la médication pis que j’allais faire un sevrage pendant une semaine à la maison. Pis ça marché j’ai passé une semaine pas mal difficile à m’endormir j’étais à Québec dans ce temps-là pis pas longtemps après j’ai recommencé à consommer de la dilaudid parce que c’est dur d’avoir de l’héroïne à Québec. Ça pas été long que je me suis retrouvée réaccro à la dilau pis tout ça. Ça pas été long j’ai consommé de l’héroïne 3 mois à Montréal. Pis après je suis toute suite réembarqué sur la méthadone. Pis depuis ce temps là, pis depuis 5 ans je suis à nouveau sur le programme. (Rolande)

Ainsi, ces personnes ont connu de multiples sevrages à l’héroïne et des rechutes. Leurs discours témoignent de la difficulté à arrêter de consommer de l’héroïne sans l’aide d’un substitut.

J’ai décidé parce que c’est… je voyais pas vraiment d’autre moyen pour arrêter. (…)Regarde j’ai arrêté souvent, mais tu recommences un petit peu, tu dis je vais en faire un peu pis j’en ferai pas pendant 2 ou 3 jours c’est un mensonge. (…)Dans les deux ans que j’ai arrêté la méthadone, j’ai été arrêtée 3 fois donc j’ai fait des « cold turkey ». Une fois on m’a arrêtée pendant 11 jours et les deux autres fois 3 jours c’était l’enfer, c’était pas évident. (Lucie)