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Chapitre 4 : L’analyse des résultats

4.2 Les individus adoptant une position défavorable au programme de substitution à la

4.2.6 Une stigmatisation toujours présente

4.2.6.1 Divulguer sa participation, des points de vue divisés

Malgré leur aisance à discuter du programme lors de l’entrevue, aborder publiquement ce sujet est un thème qui divise ce groupe. En premier lieu, la méthadone n’est pas un sujet tabou chez la moitié des gens du groupe. Ces personnes nomment ne pas avoir peur d’en parler ouvertement avec quiconque.

Pour une participante, discuter de sa participation ne semble pas générer aucun malaise. C’est pas quelque chose qui me dérange de le dire des choses comme ça. Je suis ben ouverte de dire quand j’avais l’hépatite C, je le disais ouvertement, la méthadone c’est la même chose. (Nathalie)

Kevin montre que sa participation n’a jamais été un secret pour qui que ce soit. Tout le monde, toute ma famille, tout le monde sait tout. (Kevin)

Malgré l’aisance de Louis à dire publiquement qu’il prend de la méthadone, il importe de préciser qu’il nomme ne plus avoir de contacts avec sa famille depuis quinze ans. Cette dernière ne serait pas au courant de sa consommation d’héroïne et de divers psychotropes. Pour sa part, Karine nomme qu’elle aborderait ce sujet seulement avec quelqu’un qu’elle jugerait ouvert d’esprit de peur d’en subir les conséquences.

J’irai pas le dire à quelqu’un que je vois pertinemment qui va me juger et qui va m’engueuler, je ferai pas exprès de chercher de la marde, de me sentir petite de même.

On peut remarquer que dévoiler sa participation dans le programme de méthadone suscite des avis différents dans ce groupe. Certains individus n’ont aucun malaise à en parler alors que pour une participante, cette révélation pourrait être mal reçue.

4.2.6.2 Des relations difficiles avec les professionnels du programme

Lorsque questionné sur s’ils s’étaient déjà sentis jugés par des professionnels liés au programme de méthadone, la majorité des participants ont nommé avoir eu des expériences négatives avec ces professionnels. Ces mauvaises expériences ont été vécues avec des pharmaciens et un médecin. En ce qui a trait aux pharmaciens, certains participants vont expliquer que ces professionnels les regardaient et s’adressaient différemment à eux comparativement aux autres clients.

Karine raconte comment elle s’est sentie lors de diverses visites à sa pharmacie. Son propos montre qu’il existe deux types de traitements offerts aux clients. Il y a celui offert à ceux qui se présentent pour leur dose de méthadone et celui pour les autres clients.

Les pharmaciens étaient bêtes, y te regardaient croches, y comprenaient pas que leur boss n’ait pas fait une entrée spéciale pour le monde. Vraiment quand t’arrivais avant tout le monde y te faisait passer après tout le monde. C’était vraiment, je sais pas comment dire ça, y attendais qui ait pu personne, ou quand t’arrivais y osait même pas te dire bonjour, y te regardait même pas dans les yeux pis tout de suite après y disait « bonjour Mme X » y était super fin. Pis quand c’est toi, y te regarde pas dans les yeux, y t’adresse pas la parole, y te font passer à la fin, sont bêtes, c’était pas l’fun. (Karine)

Ben oui, regarder de haut, des pharmaciens qui me disent tu es lâche, bandit, irresponsable. (Kevin) Pour ce qui est du médecin, une participante parle d’une relation de pouvoir malsaine établie entre elle et cette professionnelle de la santé. D’une part, son discours montre les impacts qu’ont les exigences du programme sur elle et d’autre part, il montre une certaine tension entre l’application de ces exigences et l’attitude de son médecin.

Mais à la déjà dit des choses que je trouvais déplacée. Elle dit qu’elle m’aime beaucoup, je le sais pas si c’est vrai, mais avec moi est très libre de parler. A dit des choses, mettons quand je travaillais ta pas tout le temps daller la semaine faire un dépistage à l’hôpital parce que c’est long. Des fois j’y disais. Après 5 ans, que mes tests sont corrects ben si je manque un mois, elle m’enlève un privilège, mais des fois elle parle de ses amis dans les bars a va jusqu’à me parler des amis qui consomment de la drogue. Mais je trouvais que c’est un manque d’éthique de me parler de ça quand qu’a me demande à 100% des tests de dépistage. Tsé c’est comme si a me disait moi j’ai le droit d’avoir des contacts avec la drogue, mais je suis ton médecin toi pas le droit à me « tchek ». (Nathalie).

Pour terminer, les relations entre les participants du programme et les professionnels sont présentées comme étant tendues. Les participants se sentent victimes d’injustice puisqu’ils reçoivent un traitement différencié.

4.2.6.3 Leurs préjugés avant l’inscription dans le programme

En ce qui a trait à leurs préjugés envers la méthadone avant d’en prendre, la majorité de ce groupe en avait. Celui qui est nommé le plus souvent est associé à la durée du programme. Ces personnes savaient que la prise de méthadone pouvait s’échelonner sur une longue période (voir plusieurs années) et c’est pour cela qu’elles hésitaient à entreprendre le programme. Tel que mentionné précédemment dans cette analyse, devoir prendre ce produit substitutif pendant une période indéterminée les ramène à la relation de dépendance vécue avec la consommation d’opioïdes. Cette relation est aussi soulignée par les préjugés véhiculés par la société.

4.2.6.4 La permanence de l’étiquette de toxicomane

La majorité des participants rapportent que la société a des préjugés en lien avec la prise de méthadone. Elle serait associée à la consommation d’héroïne de l’individu. En ce sens, l’individu participant dans un programme de substitution à la méthadone porterait toujours

l’étiquette de toxicomane et serait victime des préjugés et des stéréotypes qui en découlent (être associé à une personne qui n’est pas fiable, un voleur, un escroc, etc.).

Comme je disais tantôt même si ça fait 5 ans que j’ai pas consommé de drogue, je suis quand même une toxicomane. Si mon employeur apprend que je suis sur la méthadone, je deviens quelqu’un de pas fiable. Y a pas longtemps je travaillais comme pendant 2 mois comme caissière (..) je suis sûre que si mon employeur avait su que je prenais la méthadone a m’aurait fait moins confiance parce que ça veut dire que c’est quelqu’un qui consomme de la drogue, c’est quelqu'un de pas fiable, ça peut être une voleuse. (Nathalie)

Cette participante montre comment elle aurait pu être stigmatisée si sa participation avait été révélée à son employeur.

Aussi, il est intéressant d’observer que Louis est le seul participant de ce groupe à n’avoir jamais vécu d’expériences négatives avec des professionnels liés à la méthadone, a ne pas avoir eu de préjugés sur le programme avant de le débuter et a ne pas savoir si la société a des préjugés sur la méthadone. Ayant été pendant plus d’une décennie sans domicile fixe, il mentionne avoir plutôt vécu de la discrimination de la part de certains professionnels travaillant dans des organismes pour personnes itinérantes.

Pour terminer, il fut présenté comment ces individus adoptent une position défavorable à la méthadone. Cette figure est composée de gens ayant pour la plupart connu l’itinérance et pour qui l’arrêt de la consommation d’opioïdes était devenu possible que par l’inscription à un programme de méthadone. Malgré qu’ils présentent de nombreux bienfaits à cette inscription en ce qui a trait à l’amélioration de leur qualité de vie en général, la prise de méthadone leur rappelle trop souvent la relation de dépendance entretenue avec l’héroïne. Dans la même perspective, il ressort de leur propos que la société perçoit aussi cette relation puisqu’elle leur appose diverses étiquettes qui les stigmatisent.

4.3 Les individus adoptant une position non déterminée sur le