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2.1.1 – LA VIE DANS LE GRAIN DE L’IMAGE

LE VIVANT DANS LA MATIÈRE DE L’IMAGE

2.1.1 – LA VIE DANS LE GRAIN DE L’IMAGE

Un « instant de vie » (Proust) par « une sorte de processus chimique » (Modiano)

Le Temps retrouvé, le dernier volet d’À la recherche du temps perdu publié en 1927 cinq ans après la mort de Marcel Proust, est dédié à la part créative de la mémoire involontaire. Un long passage du livre formule la poétique de la peinture en relation avec notre activité mémorielle. Selon l’écrivain français, l’œuvre d’art condense une mémoire. « Certains esprits qui aiment le mystère veulent croire que les objets conservent quelque chose des yeux qui les regardèrent, que les monuments et les tableaux ne nous apparaissent que sous le voile sensible que leur ont tissé l'amour et la contemplation de tant d'adorateurs, pendant des siècles.164 » Dans la vision proustienne, l’exploration de l’œil sur la toile est vécue tel un dévoilement. L’image est recréée chaque fois que le regard se pose sur elle, appréciant chaque coup de pinceau comme le geste invisible du peintre, comme si l’œuvre était en train de se faire. La perception des formes dans la matière donne l’impression d’assister à la création du tableau, que Marcel Proust, perçoit comme un « instant de vie » :

« Et je ne jouissais pas que de ces couleurs, mais de tout un instant de ma vie qui les soulevait, qui avait été sans doute aspiration vers elles [...] et qui maintenant, débarrassé de ce qu'il y a d'imparfait dans la perception extérieure, pur et désincarné, me gonflait d'allégresse.165 »

En peinture comme au cinéma, l’impression d’une image vivante est liée à l’imprégnation

substantialiste de la matière. Cette qualification désigne à la fois la représentation et son support dans la relation au spectateur. Dans son roman Dora Bruder (1997), Patrick Modiano porte cette interaction dans le champ du cinéma. Il décrit l’« impression étrange » procurée par le fait de revoir Premier rendez-vous (1941) d’Henri Decoin. Le film conte l’histoire de Micheline (Danielle Darrieux), une orpheline qui s’évade de l’Assistance Publique pour rejoindre celui avec qui elle échange des correspondances secrètes. Dans son livre, l’écrivain relie la fiction avec la réalité de la jeune juive Dora Bruder qui s’est aussi échappée de son pensionnat en temps de guerre.

164 Marcel PROUST, Le Temps retrouvé (1927), À la recherche du temps perdu, édition établie, présentée et annotée par Eugène Nicole,

Paris, Le Livre de Poche, Classiques, Librairie Générale Française, 1993, édition 02, 2008, p. 241

« Ce film présentait la version rose et anodine de ce qui était arrivé à Dora dans la vraie vie. Lui avait- il donné l’idée de sa fugue ? Je concentrais mon attention sur les détails […] mais je n’y trouvais rien qui pût correspondre à la réalité […]. Pourtant, je ressentais un malaise. Il venait de la luminosité particulière du film, du grain même de la pellicule. Un voile semblait recouvrir toutes les images, accentuait les contrastes et parfois les effaçait, dans une blancheur boréale. […] J’ai compris brusquement que ce film était imprégné par les regards des spectateurs du temps de l’Occupation - spectateurs de toutes sortes dont un grand nombre n’avaient pas survécu à la guerre. […] Et tous ces regards, par une sorte de processus chimique, avaient modifié la substance même de la pellicule, la lumière, la voix des comédiens. Voilà ce que j’avais ressenti, en pensant à Dora Bruder, devant les images en apparence futiles de Premier rendez-

vous.166 »

Entre le réalisateur, la caméra, le film et l'écran s'interposent les projections mentales dont l'évanescence constitue à la fois la beauté et le risque. L'image mémorielle s'enrichit de l'histoire du film. Sa résurgence se présentifie à l'écran. En apprivoisant l'étincelle du ressouvenir, les motifs prennent corps. Les effets de cadrage et de recadrage jouent avec notre œil dans son désir d'y intégrer du hors-champ et de recombiner des variantes compositionnelles. Les bords du cadre ne constituent plus des limites mais des ouvertures où se prolonge virtuellement la lumière du film. Les lignes et les directions empruntées par cette dernière semblent indiquer dans notre réalité ce qui fait écho à leurs mouvements dans l'espace de représentation. Jouant avec notre imagination, notre regard répond à la fiction de l'image pour l'installer à chaque nouvelle vision au seuil du présent. Le film dès lors se perçoit comme une allégorie des multiples recompositions du souvenir avant l'oubli.

Comment le cinéma devient-il, à l’image de la peinture, du réel transfiguré par l’émotion du souvenir ? Comment se dote-t-il d’une profondeur mémorielle ? À l'image de l’art pictural, le cinéma réussit aussi le prodige d'« impressionner » la toile de l'écran de la luminescence du souvenir. Les films cristallisent un instant de vie telle la manifestation d’une vision. Proposant de plonger en soi pour ramener à la lumière des impressions enfouies, ils exhortent à parcourir le même chemin que la peinture afin de se redécouvrir par le prisme de la remémoration. Télescopage temporel entre visions et intuitions, l'écran enregistre la combustion des souvenirs dans la lumière projetée. Il contient la part mystérieuse de l'expression qui condense la fiction d'une vie. Au gré du film, tout se lie et se relie dans la nébuleuse de l'écran. L'intimité des gros plans se prolonge dans l’animation des fonds. Le regard glisse, frôle et étreint l'aura des figures, des objets et des paysages nimbés de lumière. Dans son voyage,

l’œil dérive sans fin dans l'image dont le grain s'anime d’une vie propre. Le regard essaie de « prélever » ce qu'il perçoit comme une présence.

« La preuve en est que je puis voir de la profondeur en regardant un tableau (et un film, de surcroît) qui, tout le monde l’accordera, n’en a pas, et qui organise pour moi l’illusion d’une illusion… Cet être à deux dimensions, qui m’en fait voir une autre, c’est un être troué, comme disaient les hommes de la Renaissance, une fenêtre… Mais la fenêtre n’ouvre en fin de compte que sur le partes extra partes, sur la hauteur et la largeur qui sont seulement vues d’un autre biais, sur l’absolue positivité de l’Être. […] C’est cette animation interne, ce rayonnement du visible que le peintre cherche sous les noms de profondeur, d’espace, de couleur.167 »

Le spectateur recherche une telle animation face au tableau, face à l’écran de cinéma ; mais qu’en est-il devant une image numérique, qui n’est ni matérielle (peinture) ni grainée par la captation de la lumière (cinéma) ? Pour comprendre de quelle manière l’image digitale serait en mesure de conserver quelque chose des yeux qui la regardent et de quelle façon elle serait imprégnée par le regard du spectateur, il est nécessaire de faire un voyage dans un choix d’œuvres très ouvert pour saisir la complexité du phénomène de perception lié au numérique. Afin de mieux apprécier « l’animation interne » de la pixellisation, les œuvres de Woody Allen, Karen Sander, Eric Rondepierre, Apichatpong Weerasethakul, Olivier Smolders, Wim Wenders-Nicholas Ray et Tim Head seront convoquées successivement. Le numérique peut-il être investi d’une profondeur similaire à la peinture ou au cinéma argentique telle que les avaient décrites Marcel Proust, Maurice Merleau-Ponty et Patrick Modiano ?

Le cinéma capable de faire croire à des souvenirs composés de toutes pièces : c’est le sujet du Zelig de Woody Allen. Le film se présente comme un faux documentaire et raconte la vie d’un « homme-caméléon » dans l’Amérique des années folles. Apprécié par le réalisateur et le public comme un des chefs-d’œuvre de Woody Allen, Zelig est d’une écriture virtuose et subtile jusque dans les effets d’incrustations dans des documents d’époque qui s’accordent au temps supposé de leurs enregistrements dans les années 1920-1930. Filmant en 35 mm, le cinéaste prend soin de leurrer le spectateur, conscient du stratagème, en travaillant sur le grain des images pour composer l’authenticité cinématographique de la vie de Leonard Zelig. À défaut d’être véritable, l’existence filmique de ce personnage chimérique imprègne l’écran d’une présence particulière dont l’évanescence est liée à la matière de la pellicule. Comme

pourrait le dire Patrick Modiano, « une sorte de processus chimique » dans Zelig en vient à modifier [la perception et] « la substance même de la pellicule ».

Leonard Zelig, incarné par le cinéaste américain en personne, change d’apparence quasi instantanément pour ressembler à ceux qui l’entourent. Son visage, sa corpulence, sa peau se métamorphosent à l’image des êtres qu’il fréquente. Entre phénomène de foire et sujet d’étude pour la communauté scientifique, son cas intéresse la presse et devient immensément populaire. Fils d’un acteur yiddish raté, enfant martyr de parents l’accusant de tout et garçon victime d’antisémitisme, ses premières métamorphoses surviennent quand il est jeune homme. Il grossit en présence d’obèses. Sa peau brunit au sein d’un orchestre de musiciens noirs. À côté d’un Indien ou d’un Asiatique, ses traits se transforment pour devenir un des leurs. Mais en plus de l’apparence, son discours s’adapte aussi à ses interlocuteurs. Comme le raconte le début du film, l’écrivain américain Scott Fitzgerald aurait été le premier à avoir remarqué ses talents d’imitateur, en le décrivant comme « un curieux petit homme » qui prononce « avec un accent distingué de Boston » une opinion républicaine parmi la haute société et qui, une heure après, défend les idées démocrates avec le commis de cuisine. Mais les imitations de Zelig ne se limitent pas au langage. Il peut aussi devenir excellent musicien dans un orchestre de jazz et s’improviser pilote d’avion pour traverser l’Atlantique, tel Charles Lindbergh, mais la tête en bas, un exploit burlesque qui l’érige en héros national. Pendant les séances avec la psychiatre Eudora Fletcher (Mia Farrow), il se vante également d’être un psychanalyste ayant travaillé avec Sigmund Freud à Vienne.

Zelig adopte la forme du faux-documentaire et joue avec le principe d’objectivité des témoignages photographiés et filmés. Comme d’autres réalisations de ce type (F for Fake, 1973, d’Orson Welles, L’Ambassade, 1973, de Chris Marker…), le film expose un montage inventif entre archives véritables et inventions de documents commentés par une voix off. Woody Allen y ajoute des interviews de personnalités censées avoir connu Leonard Zelig et qui expriment des commentaires circonstanciés sur sa vie imaginaire. Comme dans un documentaire classique, le ton des entretiens oscille entre la confidence et l’opinion. De vrais intellectuels, tels Susan Sontag, Saul Bellow et Bruno Bettelheim se prêtent au jeu et s’amusent à certifier avec aplomb la véracité des faits illustrés.

Woody ALLEN, Zelig, 1983

Zelig exhibe les trucs associés à la reconstitution de vieux films, rayures de la pellicule, poussières incrustées, sauts d’images, mouvements rapides et intonations aigües des voix des personnages. Le contraste avec les séquences des interviews en couleur parachève l’impact de leurs effets. Toutefois la qualité du film ne résulte pas seulement de leurs réussites. Le visage de Woody Allen est connu et le découvrir incrusté dans des documents d’époque et dans de fausses archives ne suffirait pas au spectateur pour jouir de l’illusion. La conscience du leurre aurait vite raison de l’intérêt du film. Zelig désigne le cinéma comme une puissance d’illusion capable de générer sa propre vérité : le cinéaste comme son public prennent plaisir à voir s’incarner le personnage de Leonard Zelig dans la matière visuelle et sonore des « vrais faux- documents ». Telle une photographie qui apparaît graduellement dans le bain de révélateur, Zelig imprègne petit à petit la matière même de la pellicule. Sa vie à l’écran lui donne progressivement corps au point qu’au terme du film, sa réalité en tant qu’image suffit à accréditer son existence aux yeux du spectateur.

Woody ALLEN, Zelig, 1983

Une séquence éclaire tout particulièrement les intentions du cinéaste. Comme nous l’avons vu, au cours de l’introduction qui présente le personnage, le récit relate la rencontre fictive entre Scott Fitzgerald et Leonard Zelig. Pour illustrer les propos de l’auteur de Gatsby le

magnifique, l’image montre un groupe de mondains autour du héros du film qui regarde l’objectif. Le cliché noir et blanc est contrasté avec une gamme réduite de gris et un grain particulièrement visible. Le traitement est typique des photographies documentaires des années 1920, ce qui incite le spectateur à fonder l’authenticité du faux-document pour continuer de croire à l’histoire qui lui est contée. Puis le réalisateur engage à y regarder de plus près en agrandissant l’image. Le grain est plus fort. Les détails se dissolvent. Le visage s’évanouit dans la matière, incitant à examiner ce qui constitue sa trace plus que sa personnalité. Le portrait de Woody Allen en Leonard Zelig se définit alors comme un fantôme du passé qui aurait pu exister. L’impression est troublante et démontre que la vie d’un individu à l’écran ne dépend pas de sa réalité supposée mais de l’imprégnation de son image dans la matière du film. Sa matérialisation dans le grain de la pellicule conditionne la croyance en son existence pour les besoins de l’intrigue.

Karen SANDER, 4 personnes 1 :5 (Famille Zeltner), 2008-2013

Dans les arts plastiques, le personnage de Zelig tel qu’en traite la séquence avec Scott Fitzgerald pourrait se réincarner dans les œuvres de Karen Sander. Depuis les années 1990, l’artiste allemande réalise des scans 3D de personnes vivantes. Les figurines, hautes de 25 cm à 30 cm environ, sont imprimées en 3D polychrome. Chaque sculpture est unique et porte le nom de l’individu scanné. Enveloppées dans le silence de l’image, les personnes ainsi pérennisées donnent l’impression d’être statufiées dans le temps photographique. Face au quatre membres de la famille Zeltner reproduits à l’échelle un-cinquième, le trouble provient non de la technique employée mais de l’impression photographique « concentrée » dans le volume des figurines. La lumière, l’ombre, les diverses intensités de gris et le grain semblent s’être agglomérés en une masse à la fois solide et fragile, consistante et poudreuse. L’étrangeté résulte aussi de la définition propre de la mise en relief de l’« image » noir et blanc. Les détails du visage, des mains, du corps et des vêtements sont comme vaporeux, en suspension près de la surface, absorbés dans la matière. Les volumes sont traités en courbes de niveaux, laissant paraître le procédé de modélisation en relief. Paradoxalement, le réalisme de la technique produit un effet curieux. Il comprime la personne photographiée en une masse de photons arrachés au flux temporel puis compactés par l’impression 3D.

Récupérer « le pouvoir de la vie » (Bergé)

Le processus d’imprégnation de la matière comme attestation d’existence se retrouve dans la série photographique Seuils d’Éric Rondepierre, le film Oncle Boonmee, celui qui se

souvient de ses vies antérieures d’Apichatpong Weerasethakul et le moyen-métrage Mort à

Vignole d’Olivier Smolders. Chacune à leur manière, ces trois œuvres relèvent d’une conception de l’art comme conjurateur des morts, telle que l’énonce le philosophe allemand Friedrich Nietzsche dans Humain, trop humain (1878).

« 147 - L’ART CONJURATEUR DES MORTS - L’art assume accessoirement la tâche de conserver l’être, même de rendre un peu de couleur, à des représentations éteintes et pâles ; il tresse, quand il s’acquitte de cette tâche, un lien autour de siècles divers et en fait revenir les esprits. À la vérité, ce n’est, comme au-dessus des tombeaux, qu’une vie apparente, qui par là prend naissance, ou bien, dans le rêve, comme le retour des morts chéris, mais, pour quelques instants, au moins le vieux sentiment s’éveille, une fois encore, et le cœur bat selon un rythme oublié.168 »

Né en 1950, l’artiste français Éric Rondepierre est l’une des figures phares de la photographie plasticienne. Son œuvre questionne les associations conceptuelles et imaginaires entre l’art photographique, le cinéma et la vidéo. Au début des années 1990, Rondepierre commence à explorer ce qu’il nomme les « angles morts » du dispositif cinématographique : les photogrammes ruinés par la lumière des projecteurs des pellicules-films des longs métrages.

168 Friedrich NIETZSCHE, « De l’âme des artistes et des écrivains », Humain, trop humain (1878), trad. A.-M. Desrousseaux et H. Albert

Éric RONDEPIERRE, Enigme de la série Seuils, 2008

Dans l’une de ses dernières séries titrée Seuils, Éric Rondepierre utilise des prises de vues réelles et les fait dialoguer avec des scènes extraites du cinéma muet, qui proviennent toujours de chutes ou de pellicules altérées ; des images qui contiennent et délivrent les mêmes obsessions du cinéma et de l’histoire de l’art en général : le corps, le désir, l’érotisme, la mort, la solitude... Comme l’explique l’artiste :

« Je vois le seuil comme une zone d’hésitation, de franchissement, une marque de discontinuité. C’est un appel vers le différent, l’inconnu. Ce basculement vers le deux – que l’on retrouve dans presque tous mes travaux - c’est aussi le lieu exaltant des rencontres et des choix. Mais c’est un point tangent, une simple lettre. Enlevez i, reste seul.169 »

Il s’ensuit une curieuse association où deux médiums et deux « temps » différents se conjuguent. La combinaison fait ainsi revivre les fantômes cinématographiques au milieu de scènes contemporaines, par l’opposition du noir et blanc et de la couleur, par la différence des modes et des coiffures, et plus subtilement par les attitudes et les postures dont l’affectation est toujours empreinte de son temps.

« La référence proustienne, implicite, s’impose à l’esprit de qui regarde ces ‘Seuils’ dans lesquels une bouffée de passé surgit dans le présent (Sortie, Compagnie), ou l’inverse (Arkadin). Divers marqueurs signalent ces dyschronies. L’opposition du noir et blanc est l’un d’eux. Les vêtements, les coiffures, les postures corporelles en sont d’autres, plus discrets. […] La magie des images de ‘Seuils’ tient notamment à la tension provoquée par l’écart entre la perception de leur cohérence plastique – à ce titre, il ne s’agit nullement de collages – et la compréhension simultanée, ou presque, de leur hétérogénéité.170 »

Dans les images de Seuils, Éric Rondepierre confond deux temps et deux images : celle du présent et celle des débuts du cinéma. Par transparence, l’une et l’autre fusionnent pour créer des apparitions où les spectres des films ressurgissent dans la réalité d’aujourd’hui. Au contraire d’une incrustation invisible, la rencontre du passé et du présent se nourrit des qualités des deux types d’images. Le noir et blanc s’échappe de la couleur. Le grain de l’ancien se confronte au nouveau. Les personnages du passé dialoguent avec ceux du présent. Ils évoluent dans un espace qui se prolonge dans les lieux actuels. « L’empreinte d’une précarité électrique confère à ces photographies la puissance d’un éblouissement », note Denys Riout. « Aussi sont-elles capables d’entrer en résonance avec un fonctionnement psychique qui ignore les frontières entre le passé et le présent, la photographie, le cinéma et la vie.171 »

Comme le montrent les œuvres d’Eric Rondepierre dans une astucieuse confusion des temps et des arts, entre photographie et photogramme de film, la photographie analogique réussit à nous toucher par l'exaltation des contrastes et des couleurs saisis dans la vibration du grain. Dans la valeur des contrastes, dans la délicatesse des nuances et des teintes, dans la