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Vertus et forces de caractère

La recherche s'est attachée à mettre en lumière l'importance que revêt le fait de cultiver l'art d'être une bonne personne sur le plan de la morale, compte tenu du fait que les traits positifs du caractère peuvent être considérés comme associés aux expériences positives ainsi qu'aux institutions positives (Park & Peterson, 2003). Ainsi, les traits de caractère positifs qui engendrent des expériences positives représentent un intérêt considérable car ils ont des effets positifs sur les différentes sphères de la vie sociale comme la famille, l'école, le travail et la communauté (Peterson & Park, 2011). Pour Yearley (1993), la vertu est « une disposition à

agir, désirer, ressentir qui implique d'exercer son jugement et mène à excellence humaine reconnaissable ou à un exemple d’épanouissement humain. De plus l'activité vertueuse implique de choisir la vertu pour elle-même à la lumière d'un plan de vie qui puisse se justifier »

(p.13). Selon Peterson et Park (2011), « les forces de caractère sont les ingrédients

psychologiques, processus ou mécanisme qui définissent les vertus ». De plus, « les forces de caractère constitueraient un sous-ensemble de traits de personnalité auquel nous attribuons une valeur morale » (p. 236). Ces auteurs suggèrent que le bon caractère renvoie à « un ensemble de différences individuelles : en principe, des forces distinctes que les individus possèdent à divers degrés, manifestés à travers les pensées, les sentiments et les actions, malléables, mesurables, objet de nombreuses influences, proches et distantes » (p. 236).

En opposition au Manuel de diagnostic des Troubles mentaux (DSM) utilisé pour classer et répertorier les faiblesses et pathologies, la recherche en psychologie positive a développé un manuel de classification Values In Action (Valeurs en Action) qui a pour but d’inventorier les forces (Peterson & Seligman, 2004). Ces auteurs ont déterminé plusieurs critères ce qui les a conduits à identifier 24 forces de caractère.

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Tableau 7.2. Critères pour accepter une force de caractère (Peterson et Seligman, 2004)

Peterson et Seligman (2004) ont déterminé un ensemble de vertus présentes et reconnues comme importantes dans les traditions religieuses et philosophiques du monde (Chine, Asie du Sud et l’Occident) : la sagesse et la connaissance, le courage, l’humanité, la justice, la tempérance et la transcendance.

1. Ubiquité : elle est largement reconnue à travers les cultures

2. Complétude : elle contribue à l'épanouissement individuel, à la satisfaction et au bonheur

3. Moralement valorisée : elle est moralement valorisée de manière à part entière, même en l'absence de résultats bénéfiques évidents 4. Ne diminue pas les autres : elle élève les autres qui en sont témoins, produit de l'admiration et non de la jalousie

5. N’a pas d’opposé positif : les antonymes évidents sont « négatifs »

6. Trait de caractère : elle est différenciable entre les individus, est générale dans les situations et stable dans le temps 7. Mesurable : elle a été mesurée avec succès par les chercheurs comme une différence interindividuelle

8. Le caractère est distinctif : elle n’est pas redondante (conceptuellement ou empiriquement) avec d'autres forces de caractères 9. Modèle : elle est incarnée de manière impressionnante chez certains individus

10. Prodigieux : elle est précocement présente chez des enfants ou des jeunes

11. N’est pas présente chez tout le monde : elle est complètemente absente chez certaines personnes 12. Instituée socialement : elle est le but délibéré de pratiques sociétales et de rituels qui tentent de la cultiver

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Tableau 7.3. Classification des 6 grandes vertus et des 24 forces de caractère (Peterson & Seligman, 2004) adaptée par Regourd-Laizeau (2013)

Vertu I. Sagesse et connaissance : les forces cognitives qui entraînent l'acquisition et l'utilisation de la connaissance

(1) Créativité : penser à des façons nouvelles et productives pour faire les choses (2) Curiosité : s'intéresser à toute expérience qui se passe

(3) Ouverture d'esprit : réfléchir et examiner les choses sous tous les aspects

(4) Amour de l'apprentissage : acquisition de nouvelles compétences, sujets et domaines de connaissance (5) Perspective : être en mesure de donner des conseils sages aux autres

Vertu II. Courage : les forces émotionnelles qui impliquent l'exercice de la volonté d’accomplir des buts face à l'opposition, externe ou interne

(6) Bravoure : pas d’évitement face à la menace, le défi, la difficulté ou la douleur (7) Persistance : à la fin on recommence

(8) Intégrité : dire la vérité et se présenter de manière authentique (9) Vitalité : vivre avec enthousiasme et énergie

Vertu III. Humanité : les forces interpersonnelles qui impliquent de se soucier des autres et de se lier avec les autres

(10) Amour : avoir des relations proches avec les autres (11) Gentillesse : faire de bonnes actions pour les autres

(12) Intelligence sociale : être conscient de ses motivations, de ses sentiments et de ceux des autres

Vertu IV. Justice : les forces civiques qui sous-tendent une vie communautaire saine

(13) Civilité : travail bien comme membre d'un groupe ou d'une équipe

(14) Équité : traitement de toutes les personnes de la même manière selon des notions d'équité et de justice (15) Leadership: organisation des activités de groupe et accompagne leurs réalisations

Vertu V. Tempérance : les forces qui protègent contre l'excès

(16) Pardon : pardonne à ceux qui ont fait du mal 17) Modestie : les résultats parle à leur place

(18) Prudence : être prudent dans ses choix; ne pas dire au faire des choses que l'on pourrait regretter (19) Autorégulation : régulation de ce que l'on ressent et de ce que l’on fait

Vertu VI. Transcendance : forces qui établissent des liens avec l'univers et qui apportent un sens à la vie individuelle

(20) Appréciation de beauté et de l’excellence : remarquer et apprécier la beauté, l’excellence, et/ou la prestation talentueuse dans tous les domaines de vie

(21) Gratitude : être conscient et reconnaissant pour les bonnes choses qui arrivent (22) Espoir : s’attendre au mieux et au travailler pour le réaliser

(23) Humour : aimer rire et plaisanter, faire sourire les autres

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Peterson et Seligman (2004) ont développé un instrument d’évaluation des forces de caractère (Values in Action Inventory of Strengths ; VIA-IS) ; les vertus ne sont pas mesurées car considérées comme « trop abstraites » (p. 31). Pour examiner la structure interne de l'instrument, Peterson et Seligman (2004) ont réalisé une analyse factorielle exploratoire préliminaire qui a abouti à une solution de 5 facteurs : (1) forces de contrainte (équité, modestie, rémission, prudence) ; (2) forces intellectuelles (créativité, curiosité, amour de l'apprentissage, appréciation de la beauté) ; (3) forces interpersonnelles (gentillesse, amour, leadership, travail d'équipe, humeur); (4) forces émotionnelles (bravoure, espoir, autorégulation, entrain) ; et (5) forces théologiques (gratitude, spiritualité). Peterson (2006) propose une solution à deux facteurs bipolaires : d’une part en opposant les forces qui nécessitent une expression émotionnelle (humeur, espoir) et les forces de contrainte intellectuelle (autorégulation, persévérance), et d’autre part les forces orientées vers l'individu (créativité, curiosité) en opposition aux forces orientées vers la collectivité (gentillesse, direction, travail d'équipe). Il n’y a pas de preuves de la structure factorielle et de la validité transculturelle du VIA-IS (Peterson & Seligman, 2004 ; Otake & al., 2005 ; Brdar & Kashdan, 2010 ; Ruch & al., 2010 ; Shryack & al., 2010 ; Singh & Choubisa, 2010 ; Cosentino, 2011 ; Duan & al., 2012 ; McGrath, 2014 ; Ng & al., 2017). Ruch et Proyer (2015) ont conclu que l'approche la plus pertinente pour tester conceptuellement le VIA-IS devrait reposer sur le jugement d’experts plutôt que sur l’analyse factorielle comme pour beaucoup d’autres construits psychologiques (De la Iglesia & Castro Solano, 2018b). Plusieurs recherches empiriques démontrent que les vertus et forces de caractère prédisent l’augmentation du bonheur et la diminution de symptômes dépressifs (Proyer & al., 2015), le bien-être (Martínez Martí & Ruch, 2014), l’augmentation des stratégies de coping pour mieux gérer le stress au travail (Harzer & Ruch, 2015), la productivité au travail (Lavy & Littman-Ovadia, 2017) et la réussite scolaire (Wagner & Ruch, 2015)