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Les modèles intégratifs

Seligman (2002) propose le modèle du bonheur authentique qui décrit le bonheur comme un processus qui intègre 3 dimensions : le plaisir, l’engagement et le sens. Cette approche offre une synthèse des concepts de bien-être hédoniste (subjectif) et bien-être eudémoniste (psychologique). L’approche hédoniste correspond à la recherche du plaisir qui est vécu lorsque nous apprécions une expérience plaisante (Bryant & Veroff, 2007). Toutefois, cette dimension ne suffit pas à expliquer à elle seule la complexité du bonheur, car il s’agit d’une dimension affective et par conséquent fluctuante par nature (Brickman & Campbell, 1971 ; Lyubomirsky, Martin-Krumm & Nelson, 2012). Nous retrouvons ainsi deux autres dimensions que sont l’engagement et le sens (Martin-Krumm et al., 2015). En accord avec l’approche eudémonique d’Aristote, la recherche et le développement du sens dans l’existence de la vie humaine permettent le vrai bonheur. Mais pour Seligman (2002), il existe une troisième orientation vers le bonheur, différente de l’approche hédoniste et de l’approche eudémonique : la recherche de l’engagement qui prend racine dans les travaux sur le flow de Csikszentmihalyi (1990).

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Csikszentmihalyi (1975) définit le flow ou l’expérience optimale comme « un état d’activation

optimale dans lequel le sujet est complètement immergé dans l’activité » (Demontrond et al.,

2008, p.10). Il est aussi désigné comme un état modifié de conscience (Nakamura et Csikszentmihalyi, 2002). Si une personne a une vie plaisante, une vie engagée, une vie pleine de sens de manière égale et intense, on peut la qualifier de « vie pleine et entière » (Seligman, 2002). Plus tard, Seligman (2011) estime que son modèle est incomplet et propose un nouveau modèle du bien-être : PERMA. Seligman (2011) ajoute deux dimensions en plus au précédent modèle : les relations positives et l’accomplissement. Les relations positives correspondent au fait de « se sentir socialement intégré, pris en charge et soutenu par les autres et satisfait de

ses liens sociaux » (Kern et al, 2015, p.263). L'accomplissement renvoie au fait de « progresser vers les objectifs, se sentir capable de faire des activités quotidiennes et d’avoir un sentiment de réussite » (Kern et al, 2015, p.263).

5.2.2 Le modèle du continuum de santé mentale

En s’appuyant sur les critères diagnostiques du DSM (DSM, American Psychiatric Association, 1987), Keyes (2002) identifie l'opposé de chaque symptôme de trouble mental et propose que la santé mentale renvoie à la présence combinée de niveaux élevés de symptômes de bien-être émotionnel (Andrews & Withey, 1976), de bien-être psychologique (Ryff, 1989) et de bien-être social (Keyes, 1998).

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Tableau 5.4. Classification des symptômes de santé mentale positive selon Keyes (2002)

5.2.3 L’Enquête Sociale Européenne

Huppert, Marks, Clark, Siegrist, Stutzer, Vittersø et Wahrendorf (2008) ont développé le Questionnaire d’Enquête Social Européen pour mesurer les approches hédonistes (affect) et eudémoniste (faire) du bien-être et du bonheur. Le modèle de Huppert et So (2013) distingue les symptômes de la santé mentale des symptômes de la maladie mentale. Le modèle original de Huppert et ses collaborateurs (2008) est constitué de 18 éléments qui sont classés en quadrants pour différencier ce qui relève d’une part de l’affect (hédonique) et du fonctionnement (eudémonique) et d’autre part du domaine personnel ou interpersonnel.

Bien-être émotionnel

1) l’affect positif : enjoué, intéressé par la vie, de bonne humeur, heureux, calme et paisible, plein de vie 2) la satisfaction de vie : sentiment que l’on a par rapport à sa vie

Bien-être psychologique

1) l’acceptation de soi : attitude positive d'amour et d'acceptation envers la plupart des aspects de soi et de sa personnalité, au passé et au présent

2) la croissance personnelle : comprendre son potentiel et avoir pour défi d'être ou de devenir une meilleure personne

3) le sens dans la vie : avoir des croyances et des objectifs qui donnent le sentiment que sa vie a une direction et un sens

4) la maîtrise de l'environnement : sentiment d'être capable de gérer les responsabilités de la vie 5) l’autonomie : se sentir confiant pour penser et exprimer ses propres idées, opinions et valeurs 6) les relations positives avec les autres : avoir ou être capable d'avoir des relations personnelles chaleureuses et empruntes de confiance avec les autres

Bien-être social

1) la cohérence sociale : pouvoir donner un sens à ce qui se passe dans sa communauté et la société 2) l'acceptation sociale : attitude positive, confiance et vision favorable de la nature humaine tout en reconnaissant et acceptant ses qualités et ses défauts

3) l’actualisation sociale : croire au potentiel de la société tout en lui faisant confiance 4) la contribution sociale : sentiment d’être une personne utile qui contribue à la société

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Personnel Interpersonnel

Sentiment (avoir, être) Satisfaction Appartenance Affect positif Soutien social

Affect négatif Reconnaissance sociale

Optimisme Progrès sociétal

Estime de soi

Fonctionnement (faire) Autonomie Engagement social

Compétence Bienveillance

Intérêt pour l'apprentissage Altruisme Orientation sur les objectifs

Sens dans la vie Résilience

Tableau 5.5. Classification des symptômes de santé mentale positive selon Huppert, Marks, Clark, Siegrist, Stutzer, Vittersø et Wahrendorf (2008)

Huppert et So (2013) ont proposé une nouvelle liste d’éléments pour identifier les symptômes des troubles mentaux courants (dépressif majeur (DSM-IV), de l'épisode dépressif (ICD-10) et du trouble d'anxiété généralisée) en s’appuyant sur le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (American Psychiatric Association, 2013), ainsi que la Classification internationale des maladies (Organisation mondiale de la santé, 1993). L'identification d’Huppert et So (2013) a permis de déterminer une liste dix caractéristiques : la compétence, la stabilité émotionnelle, l’engagement, le sens, l’optimisme, les émotions positives, les relations positives, la résilience, l’estime de soi et la vitalité. Ces auteurs (2013) ont réalisé une étude à partir d'un échantillon de 43 000 Européens en ajoutant la satisfaction de la vie (2013) ; l'analyse factorielle exploratoire a mis en évidence la présence de trois facteurs : 1) les caractéristiques positives (la stabilité émotionnelle, la vitalité, l'optimisme, la résilience et l'estime de soi), 2) le fonctionnement positif (l'engagement, la compétence, le sens et les relations positives) et 3) l’évaluation positive (la satisfaction de la vie et l'émotion positive). Pour Hupper (2013), l'épanouissement est l’association entre le fait de « se sentir bien et de fonctionner

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Note. (a) Modèle hiérarchique de la structure du bien-être contenant un facteur de second ordre, (b) Structure hiérarchique du modèle du bien- être contenant deux facteurs de second ordre (l’hédonie et le fonctionnement positif) (c) Structure hiérarchique du modèle de bien-être contenant trois facteurs de second ordre (bien-être hédonique, bien-être social, bien-être eudémonique). AP = Affect positif ; AN = Affect négatif ; SDV = Satisfaction de vie ; CS = Cohérence sociale ; ACC = Acceptation sociale ; ATS = Actualisation sociale ; COS = Contribution sociale ; IS = Intégration sociale ; À = Autonomie ; ME = Maîtrise de l’environnement ; CP = Croissance personnelle ; RP = Relations positives ; SV = Sens dans la vie ; AS = Acceptation de soi