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Vers un précurseur de phosphore plus contrôlable

II. Vers un milieu non oxydant

2. Vers un précurseur de phosphore plus contrôlable

Nous avons vu dans le chapitre 1 qu’il existait un nombre restreint de précurseurs de phosphore déjà employé dans la formation de NCx d’InP. Nous avons écarté le P4 de notre étude ainsi que le barbotage de PH3 pour des raisons de sécurité et de mise en place dans notre laboratoire. Afin d’étudier les alternatives à P(TMS)3, nous nous sommes concentrés sur deux précurseurs qui sont PCl3 et P(NMe2)3.

a. Synthèse avec PCl3

Nous nous sommes tout d’abord intéressés à la réaction entre un précurseur d’indium et PCl3. Ce dernier est une espèce très réactive à l’air, c’est pourquoi les réactions ont été réalisées exclusivement en boite à gants. Nous avons vu dans la partie III.1.a. de ce chapitre, que PCl3 peut réagir avec In[N(TMS)2]3 sans pour autant former des NCx d’InP. Afin d’éviter l’oxydation des NCx, nous avons écarté les carboxylates d’indium. Nous avons donc étudié la réaction entre PCl3 et InCl3. L’étude de ce précurseur, bien que très réactif, pourrait permettre d’obtenir des NCx d’InP de bonne qualité. Sa réactivité avec InCl3 n’a jamais été bien étudiée. Nous avons tout d’abord injecté goutte à goutte une solution de PCl3 dans l’ODE sur une solution d’InCl3 dans l’OLA à TA. Le mélange est exothermique à TA à cause de la formation d’HCl.136 Lorsque ce mélange est chauffé à 160 °C, une coloration orange apparait. Aucun NC n’est observé ni au MET ni en absorbance. La DRX ne présente aucun pic non plus. La réaction a été réalisée avec une quantité plus ou moins importante d’OLA (entre 0.9 et 9 mmol) mais aucune différence n’est observée.

Pour comprendre cette absence de réaction, nous pouvons avancer l’hypothèse qu’aucune réaction chimique dans le milieu ne permet la réduction de P(+III) à P(-III). En effet, à première vue, l’indium et le phosphore se trouvent au même degré d’oxydation dans les deux espèces en solution et ne peuvent donc pas réagir ensemble. Pourtant, l’amine pourrait jouer le rôle de réducteur. Certains travaux montrent qu’en présence d’amine primaire PCl3 forme des aminochlorophosphines et des aminophosphines à TA.136 Cependant, ces espèces restent au degré d’oxydation (+III) et aucune étude plus poussée n’a été menée sur la formation de NCx d’InP avec PCl3. La synthèse de NCx d’InP avec les aminophosphines nous semblant prometteuse, nous avons laissé de côté la synthèse entre InCl3 et PCl3. Dans un premier temps, nous avons souhaité explorer plus en détail la formation de NCx d’InP via la réaction d’une aminophosphine commerciale.

b. Synthèse avec les aminophosphines

En 2013, Song et al. proposent de former des NCx d’InP à base d’aminophosphine.104

La synthèse proposée consiste à faire réagir InCl3 et P(NMe2)3 dans l’OLA à 220 °C. Les NCx obtenus sont de bonne qualité et l’influence de la température et de l’ajout de cations comme Zn2+ sont explorés. Song et al. proposent un mécanisme de réaction mettant en jeu

PH3 par l’hydrolyse de P(NMe2)3, cependant aucune analyse n’est apportée. Les NCx ne sont pas totalement caractérisés et l’étude porte surtout sur les bons résultats obtenus au niveau des propriétés optiques après dépôt d’une coque de ZnS. De manière générale, les aminophosphines sont des précurseurs moins réactifs et beaucoup moins coûteux que P(TMS)3 car ils ne peuvent pas s’hydrolyser facilement en PH3. De plus, ils ne sont pas pyrophoriques et peuvent donc être manipulés plus facilement et plus sûrement.

Le réactif de phosphore étant différent de P(TMS)3, nous avons dans un premier temps vérifié sa réactivité avec des carboxylates d’indium comme In(myr)3. L’équipe de Yang propose que l’amine joue un rôle important, nous avons donc réalisé la synthèse dans l’ODE seul, l’AM jouant le rôle de ligands pour éviter toute interaction des amines.104 Lorsque l’aminophosphine (ici P(NMe2)3) est injecté à 200 °C sur un mélange d’In(myr)3 et d’ODE, la solution devient grise. Le solide collecté à la fin est composé de particule d’indium au degré d’oxydation (0) comme le montre le diffractogramme de la Figure 41A. Les NCx obtenus ne sont pas monodisperses, ni réguliers dans leur forme comme le montre la Figure 41B. Dans les conditions utilisées, il y a donc eu une réduction du sel d’indium. Nous n’avons pas étudié plus en détail cette réaction et nous nous sommes plus intéressés à la réaction entre le chlorure d’indium et les aminophosphines.

Figure 41. (A) Diffractogramme de rayons X et (B) image de MET de NCx d'In(0) synthétisés à partir d’In(myr)3 et de P(NMe2)3. Le symbole * correspond au signal du support en silicium.

La première aminophosphine que nous avons étudiée est la même que celle étudiée par Song et al., P(NMe2)3.104 La synthèse consiste à faire réagir cette espèce avec InCl3 dans l’OLA à 180 °C. La réaction entre ces deux espèces dans l’OLA permet l’obtention de NCx d’InP avec un premier pic excitonique autour de 530 nm en absorbance comme le montre la Figure 42A. Les NCx d’InP présentent une bonne cristallinité avec une structure cubique

zinc blende typique des NCx d’InP comme le montre le diffractogramme de DRX de la Figure 42B. Cependant les NCx sont peu discernables sur la Figure 42C.

Figure 42. (A) Spectre d'absorbance, (B) Diffractogramme de rayons X et (C) image de MET de NCx d’InP synthétisés avec P(NMe2)3 et InCl3 dans l’OLA. Le symbole * correspond au signal du support en

silicium.

P(NMe2)3 permet la formation de NCx d’InP mais présente un point d’ébullition de 163 °C inférieur à la température de réaction. Afin d’optimiser la formation des NCx d’InP, nous avons étudié une aminophosphine avec un point d’ébullition plus haut, la tris(1-pyrrolidinyl)phosphine ou tripyrrolidinophosphine (Teb = 334 °C). La même synthèse que dans le cas de P(NMe2)3 est employée et permet l’obtention de NCx d’InP avec un premier pic excitonique à 540 nm en absorbance (Figure 43A). Le spectre d’absorbance semble moins bien défini qu’avec P(NMe2)3. Les NCx ont aussi été observés en MET comme le montre la Figure 43B. La synthèse entre les aminophosphines et le chlorure d’indium semble bien possible et donne des NCx d’InP avec une forme difficile à discerner.

Figure 43. (A) Spectre d'absorbance et (B) image de MET de NCx d'InP synthétisés avec la tripyrrolidinophosphine et InCl3 dans l’OLA.

Les aminophosphines permettent bien de former des NCx d’InP en présence d’InCl3. Les NCx formés avec P(NMe2)3 semblent de meilleur qualité que ceux formés par la tripyrrolidinophosphine. De ce fait nous avons choisi de continuer les études avec P(NMe2)3. Si nous considérons les degrés d’oxydation des différents réactifs, nous pouvons noter que les précurseurs d’indium et de phosphore sont, tous deux, au degré d’oxydation (+III). Ainsi, pour qu’il y ait réaction entre ces deux précurseurs, il est nécessaire de se placer dans des conditions permettant la réduction d’In(+III) , de P(+III) ou bien des deux.

Afin d’améliorer la formation des NCx d’InP, divers réducteurs couramment utilisés en synthèse organique ont été employés. Le but, ici, est d’induire une réduction d’In(+III) en In(0). Le premier réducteur que nous avons testé est l’hydrure de diisobutylaluminium (DIBAL) en solution à 1M dans le THF (1 mmol). Le DIBAL, en excès par rapport à l’indium, est injecté à TA après la solubilisation d’InCl3 dans l’OLA puis P(NMe2)3 est injecté. Le mélange se colore instantanément en noir mais aucune particule n’est discernable ni en absorbance ni en MET. Le DIBAL ne réduit pas InCl3 puisqu’aucune nanoparticule d’indium n’est observée avant l’injection de l’aminophosphine. Nous avons testé un autre réducteur, le superhydrure ou le triéthylborohydrure de lithium (LiEt3BH, solution à 1,0 M dans le THF). Cette expérience est inspirée du travail de l’équipe de Kovalenko sur la synthèse de NCx d’indium.137 La synthèse met en jeu la réduction d’InCl3 par le superhydrure dans l’OLA. Lorsque nous adaptons cette synthèse à nos conditions expérimentales, le diffractogramme en Figure 44A montre bien la formation de NCx d’indium. Lorsque nous observons les clichés de MET de la Figure 44B, nous observons que les particules sont

agrégées et comme piégées dans une matrice. Malheureusement, lorsque P(NMe2)3 est injecté, aucune formation de NCx d’InP n’est observée. Pour conclure sur ces études, il semble que la formation de NCx d’InP ne passe pas par la réduction de l’indium. Nous pouvons donc avancer l’hypothèse que la formation de nanoparticules d’InP, à partir d’aminophosphine, pourrait passer par le changement du degré d’oxydation du phosphore.

Figure 44. (A) Images de MET et (B) Diffractogramme de rayons X de NCx d'In(0) synthétisés à l'aide d'InCl3 et du superhydrure. Le symbole * correspond au signal du support en silicium.