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3.4 Invariants pour des systèmes dynamiques

3.4.2 Vers des partitions de Markov pour des endomorphismes du

Cette section est plus prospective. Nous y discutons de pistes pour construire des partitions de Markov pour des endomorphismes du tore.

Partition de Markov pour l’action d’une matrice sur des corps locaux

On considère donc une substitution Pisot irréductible non unitaire sur n lettres. Comme nous venons de le rappeler, nous pouvons définir un fractal de Rauzy, qui est un sous-ensemble de l’espace complet de représentation Kβ. La matrice de la substitution M agit naturellement sur cet espace (via la multiplication par la représentation de β dans chaque composante de l’espace Kβ). Sous des conditions

naturelles (qui généralisent la condition Pisot) données dans (Erg. Th. Dyn. Sys, 2003), la matrice agit aussi naturellement sur un groupe compact obtenu comment quotient de Kβ. Comme pour le cas unitaire, l’extension naturelle introduite à la section 3.2 est alors un bon candidat pour une partition de Markov pour cette action. Il faut pour cela qu’une extension de la condition de pavage exprimée par des graphes de frontière soit vérifiée, comme illustré au théorème 3.4.3 (voir (Ann. Inst. Fourier, 2004) et (Erg. Th. Dyn. Sys, 2003)).

La différence fondamentale entre les cas unitaire et non-unitaire est que cette partition de Markov décrit l’action de la matrice sur l’espace de représentation complet Kβ, qui inclut des parties non-archimédiennes. Dans cet espace, l’action de Mest inversible et peut donc être décrite par un sous-shift de type fini inversible : il va s’agit du décalage sur l’ensemble des étiquettes de chemins bi-infinis du graphe des préfixes-suffixes (notons bien que sur un ensemble de mots bi-infinis, ce décalage est bien inversible). Rajouter les composantes non-archimédiennes nous ramène ainsi à un cas équivalent à l’action d’une matrice inversible sur un tore.

Partition de Markov pour un endomorphisme du tore ? Dans la réalité,

on recherche une partition de Markov pour l’action de la matrice M sur le tore Tn. Cette deuxième action n’est plus inversible. Un domaine de Markov doit permettre de représenter cette action par un décalage sur un sous-shift de type fini unilatéral : puisque l’action de M n’est plus inversible, sa représentation symbolique ne le sera plus, ce qui est le cas d’un décalage sur des mots infinis à droite seulement. Nous recherchons donc un système symbolique de type fini unilatéral qui est isomorphe en mesure à l’action de la matrice.

Or, l’action de la matrice M sur le tore est un facteur topologique de son action sur l’espace Kβ. Cependant, la projection de Kβsur Tn ne respecte pas la représen-tation du fractal de Rauzy complet par le graphe des préfixes-suffixes ; la question de trouver une bonne partition de Markov reste donc entière.

Géométriquement, on cherche à construire un domaine fondamental de l’espace contractant Hcde Rnqui respecte l’action de M. Et on cherche à obtenir ce domaine fondamental à partir du fractal de Rauzy complet ˜T . Comme nous l’avons déjà vu, le fractal de Rauzy dans Hcexiste bien, mais ses sous-tuiles ne sont pas disjointes : il faut les séparer par des corps locaux pour arriver à les rendre disjointes.

On peut voir cette question autrement : le fractal de Rauzy euclidien recouvre plusieurs domaines fondamentaux du réseau de Hc qui représente la section de l’action de M, et il faut parvenir à en sélectionner un sous-ensemble représente exactement un domaine fondamental. Autrement dit, la question est de sélectionner pour chaque élément x de Hc un unique point de Kβ dont la partie euclidienne coïncide avec x.

Recherche d’un candidat Un bon candidat pour ces points consiste à

repré-senter la partie non-archimédienne de l’espace de représentation comme une limite inverse d’anneaux d’entiers. Dans ce cadre, l’élément z = hx, vβi considéré au départ admet plusieurs préimages dans le quotient O(Q(β))/βO(Q(β)). On peut sélection-ner la seule préimage z1qui appartient Z[β], puis recommencer cette opération. La

suite des représentations dans l’espace complet des zn, notée φβ(zn) converge alors dans le fractal de Rauzy complet vers un point zqui admet z pour représentation euclidienne.

Intuitivement, cela revient à sélectionner dans le fractal de Rauzy représenté Fig. 3.3 la ligne horizontale d’ordonnée y = 1. Formellement, on peut définir ce nouvel ensemble en considérant une généralisation des beta-numérations.

Une généralisation des beta-numérations : shift radix systems Les SRS

(shift radix systems) sont définis comme suit dans [ABB+05]. On considère r ∈ Rdet on définit la fonction τr: z = (z0, . . . , zd−1) ∈ Zd → (z1, . . . , zd−1, −⌊hr, zi⌋) ∈ Zd. L’application τr est un SRS si pour tout z ∈ Zd il existe un entier k ∈ N tel que τk

r(z) = 0.

Ces systèmes de numération sont des généralisations des beta-numérations dans le cas unitaire [ABB+05]. En effet, si on considère un nombre β et si on développe son polynôme minimal sous la forme (X−β)(Xd+rd−1Xd−1+rd−2Xd−2+· · ·+r0), le shift radix system associé au vecteur r = (r0, . . . , rd−1) coïncide avec la dynamique de la beta-transformation dans le cas unitaire.

Les propriétés arithmétiques des SRS ont été intensivement étudiées [ABB+05, ABPT06, ABPT08]. En particulier, on leur associer une tuile centrale, qui corres-pond à rechercher les préimages dans Zn de 0 et à les renormaliser par la matrice compagnon du vecteur r. Là encore, on montre que, pour les SRS associé au vecteur rqui correspond à un β unitaire, la tuile ainsi obtenue coïncide avec un fractal de Rauzy [ABB+05].

Un cas plus spécifique : le cas non unitaire Cependant, dans le cas non

unitaire, les applications τr apparaissent comme une restriction injective de la dy-namique de la beta-transformation ; en fait, cette dydy-namique procède exactement à la sélection de points dans O(Q(β))/βO(Q(β)) : nous démontrons ceci dans un travail en cours de rédaction avec Paul Surer, Joerg Thuswaldner et Valérie Berthé (B., S., S. & T., en cours).

L’intérêt de ce processus de sélection est que, avec les SRS, on peut, y compris dans le cas non unitaire, définir un ensemble compact qui représente les entiers pour ces systèmes de numération. Par contre, contrairement au cas unitaire, l’ensemble compact ainsi obtenu ne coïncide pas avec le fractal de Rauzy euclidien : il s’agit d’un sous-ensemble de ce fractal euclidien.

Une manière de visualiser cet ensemble est la suivante. On considère le frac-tal de Rauzy complet (incluant les parties p-adique associé au nombre β. Chaque composante p-adique de ce fractal se plonge dans [0, 1[ par l’applicationPaipi ∈ ZpPaip−i∈ [0, 1[. Comme nous l’avons déjà mentionné, ce plongement respecte la mesure du fractal, ainsi que ses parties compactes. L’image du fractal complet dans le fractal est alors un sous ensemble de Rd−1 croisé avec un produits d’inter-valles [0, 1]N. Le fractal obtenu avec les SRS correspond aux éléments x de Rd−1 tels que (x, 1, . . . 1) appartient au plongement du fractal. Autrement dit, ce sont les préimages dans le fractal euclidien des éléments qui se trouvent au bout de Zp.

Fig.3.13 – Tuile centrale pour le shift radix system associée à la beta-substitution du nombre de Pisot non unitaire beta3 = 7β2 + 3β + 2.

Les propriétés de ce nouveau compact sont complexes. Nous avons montré que 0est un point intérieur de ce fractal. Par contre, il n’est plus autosimilaire mais décrit par un graphe infini. La dimension de Haussdorf de son bord n’a pas encore été calculée.

Une nouvelle propriété de pavage La propriété intéressante de cette tuile

concerne à nouveau des aspects de pavages. En effet, graphiquement, pour les exemples considérés, il semble que ce fractal induise un pavage du plan par un nombre de tuiles infinies liées au système de numération. En collaboration avec Paul Surer, Joerg Thuswaldner et Valérie Berthé, nous avons pu montrer que le fractal induit effectivement un pavage (B., S., S. & T., en cours). La méthode consiste à estimer numériquement la taille d’approximations polygonales de la frontière. Or, il s’avère que ces deux propriétés sont disjointes. Pour vérifier la propriété de pavage, nous avons introduit un nouvel algorithme basé sur le recouvrement de la tuile par des réseaux.

Théorème 3.4.4 (B., S., S. & T., en cours) Soit β défini par β3= 7β2−3β +2. Les tuiles associées au shift radix system défini à partir de β forment un pavage du plan R2.

Perspective : base d’une partition de Markov ? La tuile centrale pour les

SRS est donc un sous-ensemble compact du fractal de Rauzy euclidien qui induit des propriétés de pavages intéressantes dans le plan et est obtenu comme limite inverse de la dynamique. Selon moi, il s’agit d’un candidat naturel pour la base d’une partition de Markov. Les travaux futurs dans cette direction consistent à vérifier si ce nouveau fractal est le domaine fondamental d’un réseau. Si tel est le cas, il y a de bons espoirs pour que l’action de la matrice compagnon du vecteur r initialement considéré admette cette structure pour partition de Markov.

Perspective : étude de la topologie des nouveaux fractals Les nouveaux

-3 -2 -1 0 1 2 -3 -2 -1 0 1 2

Fig.3.14 – Pavage associé au shift radix system de la beta-substitution de beta3 = 7β2 + 3β + 2. Contrairement au cas des fractals de Rauzy, les tuiles de ce pavage ne sont pas en nombre fini : elles ont une infinité de formes.

La question maintenant est de décrire les propriétés topologiques de cet ensemble, en particulier sa frontière, sans doute à l’aide de graphes infinis.

3.4.3 Dynamique symbolique des homéomorphismes de