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3.2 Théorie des nombres. Développement en bases non-entières : le cas

3.2.3 Nombres dont le développement est périodique

Développements ultimement périodiques Depuis l’introduction des

β-loppements par Parry [Par60] une question aussi naturelle que la finitude des déve-loppements a été d’identifier les nombres admettant des propriétés de périodicité. Pour les bases entières, on sait depuis le lycée que les nombres dont le développement

en base b est ultimement périodique sont les nombres rationnels. Plus généralement, lorsque β est un nombre de Pisot, les nombres dont le β-développement est ultime-ment périodique sont tous les éléultime-ments de Q(β) [Ber77, Sch80].

Rationnels dont le développement est purement périodique : bases en-tières ou quadratiques Le cas des développements purement périodiques est

plus complexe. Lorsque b est un entier, on sait depuis longtemps que les nombres rationnels p/q avec un développement périodique en base b sont exactement ceux pour lesquels q est premier avec la base b.

Avec des méthodes d’approximation et de renormalisation, Schmidt a prouvé dans [Sch80] que lorsque β2 = nβ + 1 avec n ∈ N, tous les nombres rationnels inférieurs à 1 ont un β-développement purement périodique. Dans [HI97], il a été montré que dans le cas où β2= nβ − 1, n ≥ 3, aucun nombre rationnel n’admet un développement purement périodique. Pour cela, les auteurs construisent l’extension naturelle de la β-transformation à partir du fractal du Rauzy et l’utilisent pour comprendre les développements purement périodiques.

Ce résultat “négatif” sur les développements purement périodiques se généralise assez bien aux cas cubiques et autres : dès que β admet un conjugué de Galois dans [0, 1[, aucun rationnel ne peut avoir un développement purement périodique [Aki98].

Base non-entière unitaire Pour comprendre le cas non quadratique (au moins

cubique), Akiyama a montré que dès que la propriété (F) est vérifiée, il existe un intervalle non vide de la forme [0, ǫ[ dont tous les rationnels ont un β-développement purement périodique [Aki98]. Ceci est assez inattendu, dans la mesure où on attend que la répartition des développements périodiques en base β soit aléatoire, en tout cas indépendante de la position par rapport à 0.

Ce résultat est moins surprenant lorsqu’on considère le point du vue du fractal de Rauzy. En effet, Ito et Rao ont proposé d’utiliser le fractal de Rauzy et ses propriétés d’extension naturelle [IR05]. Puisque l’extension naturelle respecte la structure algébrique de Z[β] dans le cas unitaire, on en déduit qu’un élément x de Q(β) a un développement purement périodique si et seulement s’il existe une lettre a telle que

– x < T(a)(1),

– La tuile T (a) du fractal euclidien contient le point du plan contractant dont les coordonnées sont données par les conjugués de Galois de −x.

Si on suppose que la propriété (F) est vérifiée, on sait que 0 est point intérieur du fractal, en particulier d’une de ses tuiles T (a). Cette tuile T (a) contient donc un voisinage de 0. Si on considère maintenant un rationnel x suffisamment petit, tous ses conjugués de Galois sont égaux à x et sont donc petits. Tout point ayant (−x, . . . , −x) pour coordonnées dans l’espace contractant sera donc près de 0 et appartiendra ainsi à T (a), ce qui implique que le développement de x est purement périodique.

Bases non-unitaires Dans le cas non-unitaire, comme nous l’avons déjà discuté,

les propriétés d’extension naturelle de la tuile euclidienne ne sont plus vérifiées. Dans (JNT, 2007), avec Valérie Berthé, nous utilisons le fractal complet pour caractériser les points au développement purement périodique dans le cas non-unitaire. Nous généralisons le résultat de [IR05] au cas non-unitaire, en remplaçant le fractal de Rauzy euclidien par le fractal complet. Nous donnons aussi une preuve plus simple que celle de [IR05] et qui fait ressortir la structure d’extension naturelle proposée par le fractal de Rauzy.

Théorème 3.2.5 (JNT, 2007) Soit β un nombre de Pisot et T son fractal de

Rauzy complet (incluant les places locales lorsque β est non-unitaire). Soit φβ le plongement de Q(β) dans Kβ défini en (3.1). Soit x ∈ [0, 1) ∩ Q(β). Alors x a un β-développement purement périodique si et seulement si

(−φβ(x), x) ∈ [ a∈A

( eT(a)) ×0, Tβa−1(1)

. (3.4)

Plus petit rationnel qui admet un développement non périodique On

peut utiliser ce résultat pour rechercher précisément le plus grand intervalle de rationnels de la forme [0, ǫ[∩Q qui ne contient que des points périodiques. Ce nombre est appelé γ(β).

γ(β) = sup{ε, ∀pq < ε, dβ(p

q) est purement périodique}.

On obtient un encadrement de cette quantité en considérant l’intersection du fractal de Rauzy avec une droite ; il s’agit d’un résultat que j’ai montré dans (Mo-nas. Math., 2008) en collaboration avec Shigeki Akiyama, Valérie Berthé et Guy Barat. Le résultat exact que nous obtenons s’écrit comme suit dans le cas unitaire. Sa généralisation au cas non unitaire demande d’introduire un certain nombre de notations liées aux corps locaux. Nous renvoyons le lecteur à l’article pour plus de détail. La figure 3.5 résume cette situation.

Proposition 3.2.6 (Monas. Math., 2008) Soit β un nombre de Pisot unitaire.

Soient a, b ∈ A tels que Tβ(b−1)(1) ≤ Tβ(a−1)(1) et x ∈ Z[1/β]. Soit ∆ l’application diagonale : ∆ : x ∈ R → (x, . . . , x) ∈ Rr−1× Cs. On définit les ensembles suivants pour décrire l’intersection entre différentes tuiles :

– Aa,b = −T(a)∩ −T(b)∩ ∆([Tβ(b−1)(1), Tβ(a−1)(1)]) – Ba,x= −T(a)∩ −T (x) ∩ ∆((0, Tβ(a−1)(1))) – A =S

(a,b)∈A2,Tβ(b−1)(1)≤Tβ(a−1)(1)Aa,b – B =S

a∈A,x∈Z[1/β]∩(0,1)Ba,x.

Alors une borne inférieure pour γ(β) est donnée par γ(β) ≥ min( min

(a,b)∈A2

Tβ(b−1)(1)≤Tβ(a−1)(1) Aa,b6=∅

min

x∈Aa,bkxk, min a∈A x∈Z[1/β]∩(0,1)

Ba,x6=∅

inf

Une borne supérieure est donnée par :

γ(β) ≤ max {η; [0, η] ⊂ A ∪ B} .

Irrationalité de γ(β) Dans un travail en cours de rédaction avec Boris

Adamc-zewski, Christiane Frougny et Wolfgang Steiner (A., F., S. & S., en cours), nous exploitons ce résultat et la présence de spirale sur la frontière du fractal pour montrer que dans le cas cubique totalement complexe, la quantité γ(β) est un nombre irrationnel. Ceci confirme une observation de [AS05], où, lorsque β est le plus petit nombre de Pisot, les auteurs calculent une approximation de γ(β) par 0.66666666608644067488.

Théorème 3.2.7 (A., F., S. & S., en cours) Soit β un nombre de Pisot cubique

et unitaire. Soit T le fractal de Rauzy associé. Alors tous les points de ∂T ∩ R sont des nombres irrationnels. En particulier, γ(β) 6∈ Q.

En plus du résultat en lui-même, l’intérêt de ce théorème est qu’il est démontré en utilisant des propriétés topologiques de pavages, ce qui est rare dans les preuve d’irrationalité.

Le cas non unitaire Dans le cas non unitaire, un calcul assez simple montre que

tous les rationnels de la forme 1/N(β)nn’ont pas un développement périodique. On a donc γ(β) = 0.

On introduit alors la quantité suivante, qui évite les nombres dont le dénomina-teur est certain de générer un développement non périodique.

˜

γ(β) = sup{ε, ∀p/q < ε, pgcd(q, N(β)) = 1, dβ(p/q) est purement périodique}. Nous montrons dans (Monas. Math., 2008) que contrairement au cas unitaire, cette quantité n’est pas liée à la propriété (F). En effet, dans le cas quadratique non-unitaire, la proposition 3.2.6 se généralise pour montrer que ˜γ(β) est intimement lié à la description de la frontière du fractal de Rauzy complet (incluant les places locales). En décrivant cette frontière par un GIFS, on parvient à calculer cette quantité dans des cas particuliers.

Théorème 3.2.8 (Monas. Math., 2008) Les rationnels ont un comportement

inattendu vis à vis des développements purement périodiques en base β non unitaire et de la propriété de finitude.

– ˜γ(2 +√

7) = 0 alors que ce nombre vérifie la propriété (F) (il s’agit de la racine de X2− 4X − 3).

– ˜γ(5 + 2√

7) = (7 −7)/12, qui vérifie toujours la propriété (F) (il s’agit de la racine de X2− 10X − 3).

Dans (A., F., S.& S., en cours), nous montrons aussi que dans le cas quadratique non ramifié, ˜γ(β) appartient toujours à Q(β), et nous proposons un algorithme pour calculer cette valeur à partir de la notion de graphe de frontière.

Fig.3.5 – Illustration des trois cas de calcul des quantités γ(β) et ˜γ(β). L’illustra-tion est faite dans un cas unitaire, mais la démonstraL’illustra-tion reste valable dans le cas non unitaire. La quantité ˜γ(β) est donné par la partie la plus large de la diagonale qui est entièrement inclus dans l’extension naturelleSa∈A(− eT(a)) × [0, Tβ(a−1)(1)). Cette extension naturelle est représentée par les sous-tuiles − eT (a) dans la direction horizontale et par l’intervalle [0, 1) sur l’axe vertical. Ainsi, l’extension naturelle est une union de cylindres à base fractale et de hauteur verticale. La hauteur du cylindre dépend de la sous-tuile considérée.

En fonction du premier endroit où la diagonale sort de cette extension naturelle, on obtient différentes situations pour ˜γ(β), décrites dans (Monas. Math., 2008) et dans la proposition 3.2.6.

La première situation correspond au cas où la diagonale part de 0 et sort de l’exten-sion naturelle sur un plateau de hauteur T(a−1)

β (1). Alors, ˜γ(β) appartient à l’orbite de 1 sous l’action de Tβ.

La deuxième situation signifie que la diagonale sort de l’extension naturelle en tra-versant une verticale entre deux plateaux. Le point d’intersection se situe alors au dessus de l’intersection entre deux sous-tuiles (− eT (a)) ∩ (− eT (b)).

La dernière situation signifie que la diagonale traverse complètement l’extension naturelle et sort au dessus d’une nouvelle tuile du pavage autosimilaire.

À partir de cette caractérisation et d’une description par graphe des intersections entre les tuiles du pavage, on obtient un calcul exact de ˜γ(β) pour certains β et des informations sur son irrationalité.

Théorème 3.2.9 (A., F., S.& S., en cours) Supposons que β est un nombre

quadratique non unitaire, solution de β2= aβ + b. Soit d l’entier sans facteur carré tel que Q(β) = Q(

d). Si – b est sans facteur carré,

– b est premier avec le discriminant de Q(β),

– d est un résidu quadratique pour tout les diviseurs premiers impairs de b, – d ≡ 1 (mod 8) si b est pair.

Alors ˜γ(β) est un élément de Q(β). De plus, il existe un algorithme pour le calculer à partir du graphe de frontière du fractal de Rauzy associé à la β-numération.