• Aucun résultat trouvé

2.2 Multidimensionnel : quel candidat pour une partition ?

2.2.1 Multiplier par une matrice

Partitions de Markov pour les automorphismes hyperboliques du tore

La généralisation de la multiplication par β sur l’intervalle est la multiplication par une matrice M sur un tore Tn. On parle d’endomorphismes du tore, et d’automor-phismes lorsque le déterminant de M est égal à 1. Lorsque M n’a pas de valeurs propres de module 1, on dit que l’automorphisme est hyperbolique.

On dispose sur ces applications d’un information importante due à Bowen : tous les automorphismes hyperboliques des tores sont des systèmes markoviens [Bow75] ; autrement dit, pour chaque multiplication sur le tore Tn par une matrice unitaire et sans valeur propre de module 1, il existe une partition de Tnqui permet de coder l’action de la matrice par des mots interdits.

Construction effective ? Précisons ici ce que signifie ici une partition de Markov.

On sait qu’un codage de type fini est associé à un ensemble de mots interdits. En raffinant la partition (et en augmentant donc le nombre N de pièces dans cette partition), on montre qu’un codage markovien est en fait caractérisé par un ensemble M de paires de lettres (i, j), où, i, j ≤ N qui sont autorisées dans le codage d’une trajectoire, tandis que les paires (i, j) qui n’appartiennent pas à M ne doivent jamais apparaître dans un codage [LM95]. Notons bien que ici, les paires (i, j) sont ordonnées : la lettre i peut ou non être suivie de j dans le codage. On définit ainsi un graphe orienté sur les sommets {1, . . . N} en posant une arête de i vers j si (i, j) ∈ M.

Rechercher une partition de Markov pour un automorphisme M consiste fina-lement à trouver un domaine fondamental X du réseau Zn et une partition de ce domaine en N pièces X = ∪n

i=1Xi tels que l’image par M des points d’une pièce Xi respectent les contraintes données par l’ensemble M. Ceci revient à dire que MXi mod Zn est exactement égal à l’union des pièces Xj, pour les j tels que (i, j) ∈ M. La condition pour que la partition soit markovienne est donc

MXi= [ i→j

Xj mod Zn.

Dans le cas des automorphismes du tore de dimension 2, une partition de Markov s’obtient à l’aide de rectangles de manière explicite [Bow78]. Cependant, dès qu’on dépasse la dimension 3, on sait que la partie contractante du bord des éléments d’une partition de Markov ne peut pas être lisse [Bow78, Caw91]. Il est donc vain d’espérer construire une partition par des moyens simples.

Le cas des automorphismes avec une seule valeur propre dilatante Après

les résultats de Bowen sur l’existence de partitions de Markov, un certains nombre de travaux ont cherché à construire explicitement ces partitions. La dynamique arith-métique a été développée par différents auteurs en suivant un article fondateur de

Vershik [Ver92], qui a étudié le cas du nombre d’or puis étendu ses travaux au cas quadratique Pisot [SV98]. Suivant la définition de [Sid03], le but de cette approche est de construire des codages explicites pour des automorphismes hyperboliques de tores ou de solenoïdes, de sorte que les propriétés géométriques de l’automor-phisme sont clairement transposées dans le cadre dynamique. L’approche de Vershik [Ver92, SV98] et poursuivie dans [Sch00a, KV98, Sid01, Sid02, BK05, LS05] est de considérer des automorphismes du tore avec une seule valeur propre dilatante, et de décomposer les points du tore sous la forme de séries entières dont la base est donnée par un point homocline, c’est-à-dire un point qui se trouve à l’intersection des variétés stable et instable de la dynamique.

Avec ces constructions, on obtient un codage symbolique de l’automorphisme du tore par un système markovien. Cependant, ce codage n’est pas générateur : on dit qu’il s’agit d’une extension finie-à-un de la transformation, ce qui signifie que le nombre de points de l’espace de départ admettant le même codage est constant : on ne sait pas s’il est égal à un, ce qui est nécessaire pour obtenir une vraie partition de Markov. Plus précisément, on sait que le domaine X qui est construit contient un nombre entier de copies d’un domaine fondamental du tore, mais on ne sait pas montrer qu’il s’agit réellement d’un domaine fondamental ; il faudrait pour cela montrer qu’il est de volume 1. La question de la généricité du codage n’est donc pas résolue dans ces travaux.

2.2.2 Des multiplications par une matrice vers des additions

sur un tore

Représentation géométrique La question de la généricité du codage peut-être

abordée avec un point de vue géométrique, en proposant explicitement une cons-truction pour une partition de Markov. Les premiers travaux dans cette direction [IO93, KV98, Pra99] puis [Ber99, BK05] se sont appuyés sur un ensemble compact introduit par Rauzy [Rau82] pour étudier une addition sur un tore, et repris par Thurston [Thu89]. Il s’agit de remplacer les séries entières de [Sch00a] par des séries entières géométriques faisant intervenir les vecteurs propres dilatants à droite et à gauche de l’automorphisme du tore considéré [BBLT06].

Sections des partitions de Markov dans le cas Pisot : une intuition géomé-trique La dynamique arithmétique étudie une classe spécifique d’automorphismes

hyperboliques : il s’agit des automorphismes du tore hyperbolique admettant une seule valeur propre dilatante. La valeur propre dominante est alors un nombre de Pisot et on montre que le polynôme caractéristique est irréductible (Trans. AMS, 2001). On appelle ces automorphismes Pisot irréductibles. Géométriquement, ces automorphismes se dilatent selon une unique direction, ce qui simplifie amplement la dynamique.

On en déduit des propriétés géométriques intéressantes sur le pavage donné par une partition de Markov du tore. Ces propriétés sont bien visibles dans le cas bi-dimensionnel (voir Fig. 2.2 pour la matrice

 1 1 2 1



Fig.2.2 – Une partition de Markov pour un automorphisme du tore T2. Les sections du domaine fondamental induisent un pavage périodique de la droite x + y = 0 et un pavage stable par la contraction par −1/φ de la direction dilatante de la matrice

pour tous les automorphismes Pisot irréductibles. On a un domaine de Markov, décomposé en pièces, qui est aussi un domaine fondamental de Zn. Ce domaine remplit donc tout l’espace Rn de manière régulière. On découpe ce recouvrement de Rn par différents sous-espaces.

– Lorsqu’on découpe le recouvrement périodique de Rn selon l’espace contrac-tant de la matrice, on obtient une partition de l’hyperplan contraccontrac-tant. Puis-que M stabilise à la fois l’hyperplan contractant et Zn, l’action de M sur sa partition (une contraction par définition) permet de décomposer chaque domaine de l’hyperplan en domaines de la même forme.

– La trace du domaine fondamental sur l’espace dilatant de la matrice (qui est une droite) forme une partition de la droite stable par la multiplication par la valeur propre dominante de la matrice.

– Puisque la partition représente un domaine fondamental du réseau Zn, les sections du domaine de Markov selon n’importe quel hyperplan à coordonnées entières, (en particulier l’hyperplan orthogonal au vecteur (1, . . . , 1)), forment un pavage périodique du plan.

Facteur de translation À partir de la figure 2.2, on comprend mieux le fait que

le domaine fondamental du tore donné par la partition de Markov se sectionne à la fois en un ensemble autosimilaire et en un domaine fondamental du plan. Pour cela, on appelle X l’intersection entre le domaine de Markov et l’espace contractant de l’automorphisme. Sur la figure 2.2, il s’agit d’un intervalle, dans le cas général, on obtiendra un compact dans l’espace contractant. Puisque nous avons considéré un domaine de Markov, X est un domaine fondamental de l’espace contractant pour un réseau engendré par les projections des vecteurs canoniques sur le plan contractant. Considérons maintenant cet ensemble X dans le tore : cela revient à placer dans Rn tous les ensembles z + X , avec z ∈ Zn. L’application qui nous intéresse est l’application de premier retour sur X (plongé dans le tore Tn en suivant le flot le long de la direction dilatante. Nous l’appellerons Φ. Remonté à Rn, il s’agit donc

de partir d’un point de X , de suivre la direction dilatante et de s’arrêter lorsqu’on croise une nouvelle copie de la forme z + X (que nous appellerons feuille).

Le point important, que l’on constatera sur la figure 2.2, est que le nombre de feuilles z + X sur lesquelles on peut arriver par Φ est fini. Ce résultat est en fait général : dans un voisinage borné de X , il n’y a qu’un nombre fini de feuilles z + X , et pour des raisons de densité, il suffit d’un nombre fini de feuilles z + X pour recouvrir X , après projection dans le plan contractant.

Ceci signifie qu’on peut décomposer X en fonction de l’application Φ : on va rassembler dans un ensemble Xz les points x dont l’image par Φ arrive dans une même feuille z + X . Dans le tore, appliquer Φ revient alors à déplacer Xz par la projection du vecteur z sur le plan contractant. On définit ainsi un échange de morceaux dans X , les vecteurs de translations étant de la forme π(z), avec z ∈ Zn, et π la projection sur l’espace contractant parallèlement à la direction dilatante. Ainsi, les vecteurs de translation sont fortement liés aux directions du réseau dont X est un domaine fondamental.

De plus, les propriétés des partitions de Markov impliquent que l’application de premier retour le long de la feuille dilatante “respecte” l’action de l’automorphisme considéré, qui est décrite par l’action d’une substitution. Symboliquement, l’échange de morceaux devrait donc respecter une structure substitutive.

Tout ceci est bien entendu intuitif, mais ces intuitions ont incité à considérer géométriquement le lien entre les échanges de morceaux sur des tores, les additions sur des tores et les systèmes symboliques engendrés par une substitution.